Dr. MaD est derrière la montée en flèche du funk montréalais
Crédit photo: Smitty Bacalley

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Culture

Dr. MaD est derrière la montée en flèche du funk montréalais

Le beatmaker qui a transformé sa passion pour le funk en un mouvement global nous raconte comment tout a commencé sur les pistes de danse.

Mahdi Saoula, alias Dr. MaD, est une des figures montantes de la scène funk mondiale. Le producteur issu du collectif Alaiz (Kaytranada, High Klassified, Da-P, etc.) gère avec son comparse Walla P le label Voyage Funktastique (VF), qui est depuis quelques années devenu une vraie référence du genre. C’est en grande partie grâce à la soirée mensuelle du même nom, qui a fait les beaux jours du Bleury Bar à Vinyle avant de déménager au Artgang l’année dernière, que VF a su s’imposer. La sortie récente du dernier maxi du label, où MaD signe Maybe It’s Time, une production lustrée accompagnée de la voix d’Illa J, le frère du légendaire J Dilla, devrait confirmer le statut d’étoile montante de Saoula.

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Le succès de Voyage Funktastique est loin d’être un hasard, les deux partenaires ayant tout calculé. « Avec Walla, la stratégie de VF était prévue en trois étapes depuis le début », me confie le DJ longiligne devant un double allongé dans un café du Plateau. « On a commencé avec la radio, Walla avait une émission à CHOQ où on pouvait donner de l’ exposure aux artistes qu’on aimait. Ensuite, on en invitait certains à la soirée Voyage Funktastique pour les présenter à notre public. On entame maintenant la troisième étape, celle du label qui redonne aux artistes qui nous ont fait confiance en les aidant à sortir leurs projets. »

C’est surtout sur les pistes de danse que le succès de VF s’est construit, grâce à une ouverture d’esprit qui dépassait à ce moment les standards traditionnels du funk. « On s’est positionnés à la croisée des chemins entre le funk, le R’nB et le hip-hop, m’explique MaD. Je pense que le funk était un peu coincé dans un genre de puritanisme analogue, et nous, on arrivait de la génération rap. On a découvert le funk à travers des artistes hip-hop comme Dr. Dre, Snoop Dogg ou King Tee, et on voulait ouvrir un peu les horizons du genre pour les non-initiés. »

Mariel Rosenblüth

La meilleure façon d’attirer l’attention du public était d’assurer une ambiance chaleureuse, en phase avec l’énergie véhiculée par le funk, où tous se sentaient libres de laisser leur corps bouger au rythme des basslines lourdes typiques du genre. « On s’est dit que, si les danseurs venaient, le reste des gens suivraient. J’avais un homie du secondaire, le danseur Greentech, à qui j’ai tout de suite pensé. Il a ramené son crew, et tout est parti de là! »

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En parallèle, il a également fondé avec Walla P la soirée Fly Ladies, une version de Voyage Funktastique destinée aux fans de R’nB, en plus des Loop Sessions, des ateliers consacrés à rassembler les beatmakers locaux pour leur permettre d’échanger beats et savoir. Facile, à ce moment, d’assumer que la musique occupe toute la vie de Saoula.

Pourtant, à 27 ans, le montréalais d’origine algérienne se démarque en combinant sa passion musicale et ses études, tout en réussissant à dormir. La clé? « Je suis couché tous les soirs à 22 heures, levé à 6 heures… sauf quand je mixe! » Pas très glamour comme routine pour une figure importante de la scène musicale montréalaise, mais certainement pratique.

Étudiant au baccalauréat en droit à l’Université de Montréal depuis septembre dernier après y avoir obtenu un premier bac en science politique il y a quelques années, il nourrit ses ambitions de devenir juriste, pour aider les gens. « C’est sur que je travaillerais dans le domaine social, avance-t-il sans hésiter. J’ai aucune ambition de travailler dans une compagnie, même si au final c’est un peu utopique, parce que c’est aussi possible de faire le bien en passant par des entreprises, mais voilà, ça ne rejoint pas mes valeurs. »

Crédit photo: Galerie Artgang

Ce désir d’aider n’est pas nouveau pour Dr. MaD. Employé de la Maison des jeunes de Côte-des-Neiges et du studio No Bad Sound pendant sept ans, il a su partager sa passion pour la musique avec les jeunes du quartier tout en leur inculquant les valeurs qui lui sont propres : le respect, l’appréciation et « faire kiffer les frères ».

Sa présence sociale et son parcours musical ont croisé le chemin de ses études cette année lorsqu’il a reçu la bourse du fonds Wilrose Desrosiers et Pauline Dunn de l’Université de Montréal pour son implication sociocommunautaire. Pour Saoula, c’est la validation d’une suite de choix de vie qui n’ont pas toujours été bien vus par sa famille. « Quand j’ai remporté la bourse, j’ai expliqué à ma mère que c’était la musique qui m’a donné la bourse, pas mes études. Maintenant, elle vient aux soirées Voyage Funktastique! »

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Fort occupé par ses multiples projets, Saoula poursuit son parcours sans trop regarder derrière, ni devant. « Peut-être que je finirai prof, peut-être juriste, peut-être juste DJ, qui sait », se questionne-t-il. Parce qu’au final, selon lui, « souvent, les trucs après lesquels j’ai couru dans la vie, c’est les trucs que j’ai pas eus, alors que beaucoup des plus belles récompenses que j’ai eues sont arrivées par hasard. »

En partant du café, il me laisse sur une phrase de Gramsci qui résume bien l’humain qu’est Dr. MaD, toujours dans la réflexion: « L’optimisme de la volonté, le pessimisme de la raison. » Ça représente bien le DJ, qui travaille à allier toutes ses passions sans se perdre. Pour l’instant, il semble que la volonté l’emporte sur la raison, et c’est une bonne nouvelle pour toutes les sphères touchées par Saoula, de la piste de danse jusqu’au palais de justice.