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Music

Il devient quoi Shaggy, au juste ?

L'auteur de « Boombastic » nous parle de femmes, de son passage dans les Marines, de la Jamaïque, et encore de femmes.

Même à l'époque où l'on entendait ses tubes partout, Shaggy était un mec hors du temps. « Rien à la radio ne sonnait comme mes morceaux » affirme t-il en évoquant son premier vrai hit « Oh Carolina » sorti en 1993 et basé sur un sample du « Peter Gunn » de Duane Eddy. Ce titre, puis « Boombastic » en 1995, ont littéralement saccagé les charts partout dans le monde—mais ce n'est qu'en 2000 avec « It Wasn't Me » que Shaggy s'est imposé aux États-Unis.

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« On était dans un monde dominé par Britney Spears et *NSYNC » rumine t-il en se souvenant du climat qui régnait dans la pop au moment de la sortie de Hot Shot, son album six fois disque de platine d'où sont extraits « It Wasn't Me » et « Angel ». « J'avais juste décidé de faire du Shaggy. Je suis toujours allé à contre-courant des choses. »

Et pour cause, depuis Hot Shot, Shaggy a passé les 16 dernières années à tracer sa route. Comme il le dit lui-même, « je suis le seul mec du dancehall qui soit capable de passer du dancehall à la pop, puis de revenir au dancehall, et ensuite de faire du reggae—tout en réussissant dans chaque style. » Et il continue d'aller voir ailleurs : les deux premiers singles de son prochain disque, « I Got You » avec son sample de James Brown, et « That Love », qui donne davantage dans la feelgood-song façon « Uptown Funk » ou « Happy » que dans le dancehall.

« Le dancehall est très popuplaire actuellement, mais quand j'ai commencé à en faire, on m'a traité de vendu » explique Shaggy. « Ils font ce que j'ai toujours fait, donc je dois trouver de nouveaux challenges. Voilà pourquoi j'ai pris James Brown pour le mettre sur un morceau dancehall—qui fait ça, putain ? »

Du haut de ses 47 ans, Shaggy affirme que son nouvel album, qui sortira à la fin de l'année, se concentrera essentiellement sur « les chansons d'amour », le reliant à Hot Shot—mais Shaggy reste Shaggy, il fait attention à ne jamais se répéter, même en terme de style. « J'ai longtemps donné dans le storytelling, mais je ne le fais plus autant qu'avant » annonce t-il. « Ce qui m'importe maintenant, c'est de balancer des trucs drôles, de manières drôles. »

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Par dessus tout, Shaggy garde en tête ce qu'il perçoit comme son coeur de cible—les femmes. « Les mecs ne m'aiment pas autant que les meufs » rigole t-il. « Les mecs m'écoutent parce que les meufs me kiffent. Un sondage montrait qu'une majorité de femmes avait acheté mon single 'It Wasn't Me' parce que les femmes sont meilleurs que les hommes en tout—même dans l'infidélité. »

Noisey : Tu te souviens de la première fois où tu as dit « je t'aime » à quelqu'un ?
Shaggy : Je ne me souviens même pas de ma première copine. D'ailleurs, je ne pense pas que ma première copine savait qu'elle était ma petite amie—je lui avais probablement dit que je l'aimais 50 fois dans ma tête. Ahlala, les garçons et leurs amourettes— toutes les filles qui étaient dans mon écoles étaient mes meufs. Tu as déjà vécu des situations extrêmes avec des fans féminines, genre des femmes qui t'attendent à ta porte ou des choses du genre ?
Qui veut devenir une superstar de la musique et ne pas en profiter ? Si tu choisis cette voie, c'est clairement pour niquer. Je pourrais être assis là et te dire que j'étais là-dedans uniquement pour la musique —mais nan. Je rentrais gratos en club, j'avais des verres gratos, j'avais des meufs, et ils me payaient. Quel putain de job—le meilleur du monde. Tu te souviens de ton premier concert ?
C'était au Bayfront Park de Miami, c'est un africain qui l'avait organisé. Tu stressais ?
Nan. J'avais fait des sound systems avant ça, donc j'étais déjà habitué à être devant des gens. J'étais populaire à l'école parce que je balançais des rimes tous les midis à la cantine—les gens se mettaient autour de moi, c'est comme ça que je me suis fais un nom, et des meufs. T'as jamais été du genre timide quoi.
J'étais du type timide avant que les gens commencent à remarquer ce que je faisais. La timidité s'envole quand tout le monde te connaît.

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Parle-moi de ton passage dans les Marines.
À l'époque, je vendais de la weed sur Clarkson et Nostrand à Brooklyn, je traînais avec les mauvaises personnes, et je faisais les mauvaises choses. J'ai vu un de mes potes se faire coffrer et je savais que je ne voulais pas finir comme lui, donc en 1989, je me suis rendu dans un bureau de recrutement et j'ai maté les uniformes. La Marine portait des espèces de blouses et d'immondes pantalons qui ressemblaient à des pattes d'eph, mais je me disais que je pourrais baiser facile avec ce type d'unifrome, donc j'ai opté pour les Marines.

Je ne savais pas encore que les Marines étaient si durs. Je me disais que ça allait être comme les scouts, mais je me suis retrouvé face à un mec qui me hurlait dessus en mâchant du tabac. Je lui ai mis un pain et six des siens me sont tombés dessus, donc j'ai appris très vite ce qu'il fallait faire et ne pas faire cette nuit-là. Avoir du talent est une chose, mais je n'aurais pas pu aller aussi loin dans la musique si je n'avais pas appris la discipline à l'armée. T'imagines même pas à quel point ces enfoirés me réveillaient tôt pour m'envoyer à la tâche. Tout ça n'arrive que dans l'armée. Ils nous font repasser nos vêtements , et on doit utiliser des brosses à dents juste pour laver les joints des chiottes. Tout ça finit par t'inculquer les choses.

J'ai été envoyé en Caroline du Nord, et je conduisais jusqu'à NYC tous les week-ends pour faire de la musique—18 heures de bagnole. Mon producteur et moi allions au studio, j'enregistrais des trucs et ensuite je faisais la route inverse. Je désertais régulièrement.

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Tu as eu des problèmes avec toutes ces sorties sans permission ?

Absolument, mais le colonel de mon régiment était un gros fan de reggae, donc il fermait les yeux à l'époque.

Quels souvenirs tu gardes de la Guerre du Golf ?

C'était rude. J'ai piloté à travers les cachettes des Irakiens, j'ai vu les photos de leurs proches, alors qu'on était juste en train de les bombarder. Tu vois leurs familles et tu te rends compte que ces gens sont des gens comme toi et moi.

Tu as des enfants, c'est ça ?

J'ai 5 enfants—je suis Jamaïcain mec, de quoi tu me parles ?

[Rires]

Si un de tes enfants voulait s'engager dans l'armée, tu le laisserais faire ?

Non, pas à notre époque. Quand je l'ai fait, les mecs pouvaient faire 20 ans sans qu'il n'y ait une seule guerre. Aujourd'hui, tu ne peux pas t'enrôler sans être envoyé au front. Les Etats-Unis sont au beau milieu de toute cette merde de Daech et tout le monde rentre complètement niqué. Regarde les mecs qui sont rentrés d'Afghanistan. J'ai pas mal bossé pour l'USO, en tant qu'ancien militaire, j'essaie de faire tout ce que je peux chaque fois qu'ils m'appellent. On a beaucoup travaillé avec eux, pour les aider. Quelqu'un m'a dit que sur la base-mère de Parris Island, il y a un énorme portrait de moi dans une galerie.

Kingston a beaucoup changé ces dernières décennies ?
C'est une ville énorme—un pot pourri de coolitude. Beaucoup de gens visitent la côte parce que c'est touristique et tout, mais tous les amis que j'ai amené à Kingston m'ont dit qu'ils voulaient revenir parce qu'ils se sont trop marrés. Quelle est la plus grosse idée fausse que les Américains se font à propos de la Jamaïque ?
Que c'est l'endroit le plus violent au monde. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de crime, mais tu pourrais très bien me montrer des endroits de New York City où il ne fait pas bon traîner après 10 heures du soir. Aucune métropole n'est épargnée par ça. Les gens ont peur de la Jamaïque mais dès la minute où ils arrivent et voient par eux-mêmes, ils sont là « oh mec, ça tue. » Depuis quelques années, la musique qu'on entend dans les charts ne sonne plus essentiellement comme le la pop musique américaine.
Beaucoup de choses ont changé. Les radios avaient pour habitude de ne diffuser que de la pop music blanche. Aujourd'hui, avec Internet, les kids blancs voient une toute nouvelle culture à laquelle ils n'auraient pas eu accès avant, donc quand tu l'entends à la radio, il n'y a plus cette ségrégation. Plus ça arrive, plus la musique change. À une époque, si tu disais que t'étais pop, ta carrière était finie. Maintenant, les mecs les plus durs de Kingston écoutent Justin Bieber à 7 heures du mat, en fumant un spliff. Tout est cool de nos jours—voilà comment le monde a évolué.

J'ai adoré ton album avec Sly & Robbie, Out of Love One Music. C'était comment de bosser avec deux légendes du reggae comme eux ?
Figure-toi que j'avais remarqué qu'on ne me bookait dans auncun festival de reggae. Les gens disaient à mon agent que je n'étais pas reggae. Alors j'ai décidé de faire un album entier de reggae—et quand je fais un truc, je le fais de la meilleure façon possible, alors j'ai appelé Sly & Robbie parce ce sont les meilleurs là-dedans et je les connaissais depuis des années. Ils ont pris un avion pour New York, on a trainé chez moi et on a cuisiné en même temps qu'on enregistrait, tous les jours pendant deux semaines.

On a ensuite été nominés aux Grammys, et on aurait dû gagner, mais le disque qui a gagné cette année-là a été l'album de Steve Marley, que personne ne connaissait. Je n'ai pas peur de balancer, parce que les Marleys raflent les Grammys la plupart du temps—et ce n'est pas vraiment de leur faute. La moitié des autres artistes de reggae ne savent même pas comment voter, s'inscrire et tout ça. Les Marleys le savent eux—ils votent, ils s'inscrivent, ils gagnent, et ça nous rend tous dingues. Après, personnellement je bosse pour le blé—pas pour les prix. Les récompenses sont juste bonnes à prendre la poussière.

Larry Fitzmaurice adore l'année 2000. Suivez-le sur Twitter.