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Pourquoi l’industrie est infoutue de recycler vos vieilles sapes

Nous donnons et jetons des quantités astronomiques de fringues, et ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour la planète. Or, le recyclage de fibres textiles n'est pas du tout au point.

Voici la biographie d'un petit haut à paillettes de chez Forever 21.

Ce petit haut, fraichement cousu du côté de Taiwan, du Cambodge ou du Bangladesh, a traversé les terres et les océans avant d'atterrir sur les cintres d'un magasin des Halles, où il prendra la poussière pendant environ une semaine. Parce qu'il n'est pas de très bon goût et qu'il ne trouve pas acheteur, son prix diminuera progressivement jusqu'à ce qu'il soit meilleur marché qu'un sandwich Sodebo, mais plus cher que le salaire journalier de l'ouvrier qui s'est esquinté les yeux en attachant ses bretelles. À ce moment-là, un nouveau petit haut quasi semblable, mais avec un motif rétro années 90, s'apprête à prendre sa place. Le temps presse. Fort heureusement, ne malheureuse cliente cèdera alors à l'appel tonitruant des sequins, puis le mettra trois ou quatre fois pour sortir au Corcoran's. Au bout d'un an, après s'en être lassée et avoir renversé quinze bière dessus, elle le revendra sur videdressing.com, le donnera au Relais ou le jettera à la poubelle. Dans tous les cas, il a de grandes chances de se retrouver dans une décharge ou un incinérateur. C'est alors que la longévité légendaire du petit haut à paillettes apparait dans toute sa gloire. Il ne disparaitra pas de la surface de la planète. Non, certainement pas. En effet, il faut des centaines d'années pour que le plastique, et des matériaux synthétiques comme le nylon, l'acrylique le ou polyester (dont il est probablement fait) se décomposent dans la nature. En bref, le petit haut à paillettes que vous avez acheté 4 euros pendant un moment d'égarement vous survivra très, très longtemps.

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Le problème du prêt-à-porter moderne, un système où les fabricants tels que Zara et H&M imposent leur loi en renouvelant constamment les produits proposés, c'est que la cadence de recyclage des produits textiles est ridiculement faible face à la cadence de production desdits produits. Même lorsqu'ils sont faits de fibres naturelles, les vêtements ne se dégradent que très difficilement, surtout s'ils ont été teints, imprimés ou mis en contact avec des produits chimiques nocifs ; or, les toxines résiduelles s'infiltrent dans les sols ou se libèrent dans l'atmosphère si elles sont brûlées.

Cet énorme volume de production de vêtements de piètre qualité pose problème aux pays en développement. Aux États-Unis, une grande partie des vêtements de seconde main est envoyée à l'étranger avec un bénéfice annuel d'exportation de 687 millions de dollars, selon la BBC. Des pays comme l'Ouganda, où 80% des vêtements achetés sont des vêtements d'occasion, dépendent largement de ces importations. Cependant, dans le but de stimuler la production textile locale, la Communauté de l'Afrique de l'Est, une organisation intergouvernementale composée de six pays, espère arrêter totalement l'import de sapes des pays riches d'ici 2019.

Le plus incroyable est que le système d'import-export, qui brasse des millions et des millions de dollars chaque année, ne concerne que 16% du total des textiles dits « indésirables ». Selon un rapport de l'Agence de protection de l'environnement (EPA) de 2012, 84% des vêtements usés vont directement dans les décharges ou les incinérateurs. Une enquête de Newsweek datant de septembre 2016 ajoute que le volume de vêtements américains jetés chaque année a doublé au cours des 20 dernières années, passant de 7 millions à 14 millions de tonnes. Or, la montée de la fast fashion (les détaillants suivent de plus en plus volontiers le modèle de Zara où les vêtements changent une à deux fois par semaine) n'est pas étrangère à ce phénomène.

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Nous savons tous que le modèle de la fast fashion est intenable mais il semble pourtant là pour durer. Dans ces conditions, peut-on espérer que la technologie nous aide à nous débarrasser des millions de tonnes de fringues dont les humains ne veulent plus ?

Ce n'est pas impossible dans l'absolu, mais ça très improbable dans un futur proche. Des techniques telles que la torche à plasma à cathode froide, qui permettent de transformer des produits textiles en gaz de synthèse (un mélange d'hydrogène et de monoxyde de carbone) pouvant être utilisé comme combustible, y contribueront sans doute. Contrairement à l'incinération, ce procédé ne libère pas de dioxines nocives dans l'air. Une entreprise appelée Integrated Environmental Technologies (InEnTec) possède une usine de ce genre dans une décharge à Arlington, en Oregon, qui contribue à traiter 35 000 tonnes de déchets domestiques chaque semaine. Mais avant que cette technique ne soit parfaitement au point, il faudra investir davantage de temps et d'argent dans la recherche.

Emily Cohen, directrice des communications chez RoadRunner Recycling, une entreprise privée de gestion des déchets, affirme qu'il est crucial de donner une seconde, voire une troisième vie aux vêtements. Même si les pays pauvres réduisent activement leur dépendance aux vêtements d'occasion en provenance des pays riches, notre marge de progrès est énorme en matière de réutilisation des fibres textiles pour la fabrication de chiffons, tapis pour voitures et matériaux isolants pour bâtiments. « Nous n'utilisons que du textile de très basse qualité pour ces applications, mais les fibres synthétiques comme le polyester à base de pétrole peuvent être réutilisées de nombreuses façons. »

« Derrière le faible nombre de vêtements recyclés, il y a aussi une attitude psychologique que nous pouvons corriger. De plus en plus de programmes de recyclage locaux acceptent les vêtements », explique Cohen. « La ville d'Austin, par exemple, est sur le point de lancer un programme de recyclage textile de quartier, qui pourrait servir de base à un modèle intéressant. »

Plusieurs marques de vêtements ont fait des efforts remarquables récemment. Patagonia, par exemple, investit dans la création d'un système en boucle fermée au sein duquel les clients peuvent faire don de leurs articles Patagonia dont ils ne veulent plus afin que la marque réutilise leurs fibres pour faire de nouveaux vêtements. Ce mois-ci, Adidas sort une chaussure en édition limitée composée presque entièrement de déchets récoltés dans l'océan, et Volcom a créé une ligne de bikinis à partir de filets de pêche abandonnés. H&M fait de plus en plus d'efforts pour recycler les fibres textiles, mais le fait que la plupart de leurs vêtements soient, comme le décrit The Telegraph, constitués d'un mélange « coton-poly-élasthanne-laine-acrylique-et-autres » ruine leur initiative.

Prenons garde de ne pas céder aux sirènes du greenwashing, cependant. Les jeans bon marché délavés à l'acide et les tee-shirts ironiques 2Pac ont une durée de vie limitée sur le marché de la mode. Les pays pauvres n'en veulent pas. Les sites d'enfouissement n'ont pas la place de les stocker. Cohen conseille à tous les consommateurs consciencieux de se renseigner sur la durée de vie de leurs vêtements et sur les moyens de les réutiliser de manière utile. Elle conseille également d'acheter moins de vêtements et d'éviter les enseignes de fast fashion. Nous pouvons peut-être nous permettre de nous offrir une grande quantité de pulls H&M bon marché, mais pour la planète, leur prix demeure exhorbitant.