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Little Simz peut faire croire ce qu'elle veut aux gens rien qu'en les touchant

On a rencontré la rappeuse londonienne pour discuter de son nouvel album, de son super-pouvoir, de l'élan féministe qui déferle sur le rap et du soutien de grand-frère Kendrick Lamar.

Little Simz n’a que 21 ans et fait déjà de la musique depuis 10 ans. Soutenue par Jay-Z, Stormzy ou Kendrick, la jeune londonienne bosse plus que jamais et ses efforts ont payé le mois dernier avec la sortie de son premier album A Curious Tale of Trials + Persons, sur son propre label, AGE: 101 Music. Malgré les appels du pied de plusieurs majors, celle qui jouait le rôle de Vicky dans la série KD2A Spirit Warriors, n’a signé chez personne et ne semble toujours pas prête à le faire.

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Quelques heures avant qu’elle ne retourne la scène du Cabaret Sauvage devant 1500 personnes, on a rencontré une candide Little Simz autour d’un thé à la menthe, pour évoquer son expérience d’actrice, son dernier album, le label qu’elle vient de monter et l’élan féministe qui déferle sur le rap actuel.

Noisey : Il y a 2 ans lorsque tu disais dans une interview conjuguer la musique et les études. C’est toujours le cas ?
Little Simz : Ah ouais deux ans déjà ?! Pour répondre à ta question, non, depuis quelques temps j’ai arrêté les cours. Avec la sortie de mon album, je suis super occupée. En plus, en Angleterre, l’université est payante donc je ne veux pas me permettre de gaspiller de l’argent en séchant les cours.

Logique. Tu étudiais quoi ?
J’étais en cursus musique et technologie. En gros, la science de la musique.

Ok. Quels sont les retours sur A Curious Tale of Trials + Persons pour l’instant ?
Pour le moment, tous les retours ont été vraiment très positifs. Je suis très contente. En fait, ce dont je suis la plus heureuse, c’est simplement que l’album soit enfin sorti. Les gens peuvent écouter mes nouveaux trucs.

Parle-nous un peu du titre et de la cover de cet album qui sont relativement intiguants.
Cet album est une sorte de livre, en fait. Je voulais présenter le projet comme un conte, qu’il narre une histoire avec différents personnages, différents sujets, etc. D’où le titre. Pour ce qui est de la pochette, elle est sujette à plein d’interprétations différentes. On peut par exemple y voir un squelette avec un collier « sold-out », un dessin de moi avec une casquette sur laquelle il y a écrit « space » et à gauche, encore moi avec une couronne. C’est un peu pour explorer la manière dont les gens me perçoivent en tant que célébrité, etc. Cette pochette raconte elle aussi une histoire. D’un côté tu as ceux qui me verront comme une reine, pendant que d’autres penseront que j’ai vendu mon âme au diable en donnant des concerts à guichet fermé, que je ne suis plus une « vraie » artiste.

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Tu t’es entouré de qui pour les prods ?
J’ai travaillé avec OTG, le seul artiste signé sur mon label, et aussi Prezident Jeff, IAM NOBODY, Tiffany Gouché, Deezy Hustle, et … Attends, je réfléchis voir si je n’ai oublié personne… Non c’est bon, personne ne peut m’en vouloir !

En plus de l’album tu as mis en ligne une sorte de mini-documentaire. J’ai l’impression que ce phénomène se multiplie. C’est juste promotionnel ?
Non pas du tout, je voulais donner un bonus aux gens qui m’écoutent. Je voulais qu’en plus d’avoir un album à écouter, ils aient un truc à voir. Donc dans cette vidéo, je permets aux gens de voir comment le projet s’est construit. On me suit en voyage, on me voit avoir peur, me poser des questions sur des choses de la vie… Je voulais être plus proche des gens qui m’écoutent en essayant de briser cette fausse image fictive que certains ont sur la vie des artistes.

Dans une autre interview, tu disais vouloir changer le regard des gens sur les « filles qui rappent ». Tu penses avoir réussi ?
J’espère en tout cas. En réalité, j’essaie de m’extirper de cette case de « meuf qui rappe ». Je ne suis pas juste une meuf ou une rappeuse. Je suis une personne et une artiste avant tout. J’essaie vraiment de casser ce stéréotype auquel certains essayent de me réduire et de réduire les autres filles du milieu. Je ne veux pas qu’on soit simplement perçus comme des femmes-rappeuses, mais comme des artistes à part entière, tu vois ?

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Ouais. Tu penses quoi des autres « meufs qui rappent » comme Junglepussy, Azealia Banks, Kari Faux, Angel Haze, etc ?
Pour être honnête, je n’ai pas vraiment écouté ce que fait chacune d’elle. Après, je sais qu’elles font les choses bien dans leur délire. Ce n’est pas forcément mon truc, mais je respecte carrément leur boulot et leur démarche. Elles font leur truc et moi le mien, mais encore une fois, j’aimerais qu’on arrête de simplement nous considérer comme des femmes qui rappent mais juste comme des artistes, tout simplement.

J’ai l’impression que, même si c’est involontaire, un certain féminisme vous rallie toutes, même si vous êtes éloignées musicalement.
Je vois ce que tu veux dire et je suis assez d’accord. Mais moi je ne suis pas une féministe hein [Rires]. Tu sais, moi je crois en l’humanité, en l’équité et l’égalité. Je ne me préoccupe pas des genres, des races, des classes sociales et tout ce qui s’en suit. Je ne suis pas dans ces délires fermés, je passe au-dessus.

C’est rare d’entendre ça dans le rap. D’ailleurs en France, le rap est un milieu assez misogyne. C’est aussi le cas en Angleterre ? Tu as l’air d’entretenir de bonnes relations avec Stormzy.
Je pense que c’est partout pareil tu sais, le monde est comme ça. Concernant Stormzy, c’est vraiment un artiste que j’adore. Il vient du grime et j’admire la manière qu’il a d’amener sa musique dans des univers où on ne l’attend pas. Il exploite une musique britannique avec une vision internationale et brise les barrières. C’est ce que je veux faire aussi. J’essaye de penser à l’échelle internationale.

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Tu as aussi une carrière d’actrice en parallèle, tu as notamment joué Vicky dans la série Spirit Warriors, pleine de rebondissements et d’effets spéciaux incroyables…
[Rires] Oh oui.

Tu peux nous rappeler ton pouvoir dans cette série ?
[Rires] Alors, je pouvais faire croire ce que je voulais aux gens rien qu’en les touchant. C’était assez bizarre comme pouvoir.

Et est-ce que ton passé d’actrice t’a aidé dans ta carrière musicale ?
Bien sûr. J’ai commencé la comédie avant la musique. Ça m’a permis de prendre confiance en moi, de mieux m’exprimer, et même pour la scène, ça m’a aidé. Pour le moment je me concentre sur la musique, mais, après je pense retourner à la comédie.

Ah ouais?
Oui, j’aimerais vraiment rejouer.

Il y a deux ans, lors de la sortie de Black Canvas, Jay-Z a relayé ton projet sur son site. Tu l’as rencontré depuis ?
Hélas, non, toujours pas. Il a juste partagé mon EP sur son site quoi. Je ne suis même pas sûr que ce soit lui qui l’ait fait, mais c’était un honneur, ça a été une très belle vitrine et ça m’a ouvert des portes.

Il y aussi Kendrick Lamar qui t’a soutenu en disant, je cite, que tu étais « l’une des artistes les plus incroyables du moment ».
Je ne peux que lui dire merci. Merci d’avoir parlé de moi publiquement. Surtout que je suis une grande fan de lui donc c’est d’autant plus fou pour moi. Je respecte énormément ce qu’il fait. Tout ça est super encourageant, je me dis que je suis sur la bonne voie.

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Apparemment, beaucoup de gros labels auraient cherché à te signer pour cet album, mais tu as décidé de le sortir toi-même sur ton propre label. Pourquoi ?
C’est pour pouvoir écrire moi-même ma propre histoire, dictée par personne d’autre. Ça m’a aussi permis de m’affirmer en tant qu’artiste. Je ne me sentais en pas en position de signer. Je fais de la musique depuis plus de dix ans aujourd’hui, et les labels m’ont proposé des choses qui ne me convenaient pas artistiquement donc voilà pourquoi je n’ai pas encore signé, tout simplement.

Finir sur une major n'est pas ton rêve j’ai l’impression.
Non, ce n’est même pas ça. Je n’ai rien contre les gros labels. Les majors font ce qu’elles ont à faire, c’est comme ça. C’est simplement que je n’avais pas forcément envie de signer à ce moment de ma carrière. Certains de mes potes sont signés, je connais des gens qui travaillent pour ce genre de labels et je m’entends super bien avec eux. Mais tout le monde accorde beaucoup trop d’importance aux majors, moi je m’en fous pas mal. Peut-être que certaines personnes pensent que je suis aidée ou autre, et que c’est grâce à ça que je grimpe, mais c’est faux, je travaille dur, tout simplement. J’essaye d’établir de bons contacts, et de sentir les bons feelings pour tuer le game.

Pour l’instant ça marche plutôt bien. Tu penses signer d’autres artistes sur ton label?
Oui, évidemment, mais pour le moment ce n’est pas l’objectif, je préfère ne pas me presser. Je n’aime pas me lancer dans une entreprise si je ne m’y mets pas à 100 % donc pour le moment, on bosse sur l’album et pour le reste, on verra par ensuite.
Après je marche beaucoup au feeling, donc si je sens que je peux aider quelqu’un musicalement, je vais le faire même s’il n’est pas sur mon label. Pour ce qui est d’OTG, il y a eu un truc particulier, car j’ai senti son génie. En plus c’est un mec incroyable sur le plan humain. On s’est rencontré sur le net, on s’écrivait des mails, il m’envoyait plein de beats, et un jour je lui ai demandé s’il voulait faire partie de l’aventure, et je l’ai signé.

Dernière question, tu portes toujours toutes sortes de trucs sur la tête. Si tu ne devais garder qu’un seul couvre-chef, tu prendrais quoi ?
[Rires enchainés d’une réflexion de 15 secondes]. Hum… je dirais les bérets, j’adore les bérets. Salim Jawad se découvre rarement. Il est sur Twitter.