FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Oubliez les chemises en flanelle, Seattle vit désormais à l'heure du punk féministe

De Mombutt à La Luz en passant par Chastity Belt, Tacocat et NighTraiN.

Photo - Mommy Long Legs

Vendredi soir, quartier de Capitol Hill, Seattle. Au milieu d'une apocalypse bro parfumée à la vodka, une lueur d'espoir : au coin de la rue se dresse le Cockpit, une échoppe DIY et queer dédiée à l'art et à la musique. Un lieu magique, baigné de spots en technicolor dont l'entrée est signalée par un mannequin en tenue bondage. Et accesoirement l'un des derniers spot pour s'exprimer dans la zone.

Publicité

Le quartier a radicalement changé depuis ces dernières années. Longtemps le centre névralgique de la communauté queer de Seattle et de la scène artistique, Capitol Hill est aujourd'hui le repère des bros et des bars à smoothies. Mais malgré cette gentrification galopante, la scène musicale de la ville continue d'évoluer, et surtout son pendant féministe. Pendant que les tombeurs indie comme Death Cab For Cutie ou les barbus de Fleet Foxes rendaient doucement l'âme, la scène de Seattle traditionnellement connue pour ses mecs-tristes-et-bruyants-en-chemise-de-flanelle est devenue un vivier de groupes féministes bien dessalés. En 2015, des vétérans comme Tacocat et Chastity Belt have ont attiré l'attention de tout le reste du pays alors que des nouvelles venues comme Mombutt, La Luz et Mommy Long Legs sont définitivement sorties du bois.

Ces groupes et leur démarche implictement féministe bousculent les standards de la musique alternative en évoquant des problèmes actuels tels que la gentrification, le harcèlement de rue ou le mouvement pro-sexe. Bree McKenna, bassiste de Tacocat et Childbirth, « ne s'est jamais sentie aussi fière et heureuse qu'au sein de la scène artistique actuelle de Seattle. » Pour elle, « le féminisme est un thème principal de ma musique tout simplement parce que c'est une part importante de sa vie. À force de cotoyer le sexisme, l'homophobie et les discriminations en tous genres, j'ai commencé à me poser des questions et ça transparait forcément dans ma musique. Le fait d'avoir souffert de tout ça pendant mes jeunes années me rend d'autant plus heureuse de voir les voix sous-représentées crier aussi fort qu'elles le peuvent ! »

Publicité

Leader de Mombutt, Elena Kuran, fait écho à ces déclarations et n'est pas avare en conseils pour les jeunes marginaux qui souhaiteraient rejoindre la scène musicale et artistique de la ville : « Je suis entourée de privilèges, quotidiennement, et je suis supposée appartenir à une scène qui s'en affranchit, mais en réalité, elle ne fait que les perpétrer. C'est une vérité injuste et ça ne changera pas si on n'aborde pas activement le problème. En tant que métisse japonaise, et membre intégrante de cette culture indie, c'est un truc que je me m'efforce sans cesse de faire. » Elle somme à toute cette jeunesse de « former des groupes avec des potes qui font face aux même situations, de rédiger des fanzines en abordant ces problèmes et de soutneir les artistes locaux en allant aux concerts et en achetant leurs disques ou leurs T-shirts. » Mais le plus important : « N'édulcorez jamais votre propos. »

Mombutt

Bien que ses membres aient tout juste la vingtaine, la musique de Mombutt est d'une sophistication déconcertante. À l'image de « Need Me », tube instantané qui mêle choeurs angéliques et cris hargneux : « You tell me you need me / You don’t need me ! » Le résultat est simple, direct et accessible, et réussit la prouesse d'être à la fois espiègle et complètement intrigant.

Mommy Long Legs

Mommy Long Legs se la jouent à la fois macabres et lumineuses ; en live, elles recouvrent leurs visages de paillettes et se barbouillent de rouge à lèvres noir. Sur leur titre phare, « Weird Girls » tiré de leur EP Assholes, Mommy Long Legs grognent « Don’t wanna be another Ashley / Don’t wanna count my fucking calories / Don’t wanna worry about my body ‘cause dickheads will like me ». Compris, les têtes de bite ? Leur musique est à la fois sauvage, exubérante et ultra-énergique, bref, tout ce qu'on attend d'un groupe punk féministe.

Publicité

Tacocat

Tacocat ont bénéficié d'une reconnaissance nationale grâce à leur album NVM, sorti sur Hardly Art. Bourré de mélodies pop punk, NVW enchainait les pistes catchy les unes après les autres sur des sujets aussi divers que les colocs anarchistes relous, la ligne 8 bondée du metro de Seattle et le surf-rock bloqué dans les 60's. En 2010, sur Shame Spiral Tacocat balançaient le mega-pop-punk « UTI » , dont il fallait retenir au moins une ligne : « bathwater sex, contraception, I think I got a urinary tract infection ! » Un groupe tout spécialement recommandé en cas de crise d'hypoglicémie.

Chastity Belt

Chastity Belt—composé de Julia Shapiro, Lydia Lund, Annie Truscott et Gretchen Grimm—s'est formé à la fac de Whitman, à Walla Walla, dans l'état du Washington. Ouais, ça fait beaucoup de W. C'est d'ailleurs grace aux critiques du WWW pour leur albumTime To Go Home qu'elles se sont faites remarquer par le New Yorker et que leur nom a commencé à circuler hors de Seattle. Une des chansons marquantes de ce disque s'intitule « Cool Slut », un hymne aux souillons de tous bords - les autres titres alternant entre mélancolie et humour décapant. Perso, je m'écoute « Giant (Vagina) » et « Pussy Weed Beer » en boucle.

THEEsatisfaction

Le duo rap cosmique THEEsatisfaction a largement dépassé la stade de révélation. Composé de Stas Irons et Cat Harris-White et largement reconnu en Europe, il est devenu un des plus belles signatures sonores de Seattle. Les thèmes de leurs morceaux tournent autour du colonialisme et de l'identité queer. Elles ont lancé toutes les deux les soirées Black Weirdo avec pour objectif de créer des ponts avec la communauté noire et de l'honorer comme il se doit. Leur EP EarTHEE, sorti chez Sub Pop contient accessoirement les plus belles nappes de synthé mutantes entendues ces dernières années.

Publicité

Childbirth

Childbirth est la quintessence du supergroupe punk féministe de Seattle. Formé par Julia Shapiro (de Chastity Belt), Stacy Peck (de Pony Time) et Bree McKenna (de Tacocat), leurs morceaux sont un condensé de toutes les influences de leurs groupes respectifs. Leur dernier disque en date, Women’s Rights (dispo sur le label Suicide Squeeze), contient quelques-uns des morceaux pop-punk les plus addictifs disponibles sur le marché et de loin les plus mémorables catégorie anti-gentrification et anti-patriarcat.

Gifted Gab

Partie intégrante du Moor Gang, Gifted Gab a été une figure importante de la scène rap de Seattle depuis sa sortie du lycée, ne laissant aucune chance aux MC's mâles. Son disque Girl Rap sorti en 2014, est une leçon de hip-hop upbeat sur lequel s'illustre la légende locale Nacho Picasso.

Lisa Prank

Lisa Prank s'adonne au punk de chambre d'ado, tendance bubble-gum. Sa musique sent bon le journal intime, les pots de gel à bas prix et les barettes de cheveu en plastique. À chacun de ses concerts, elle reprend sa chanson préférée de tous les temps : « Dammit » de Blink-182. Si vous voulez vous revivre ces moments de votre vie à la fois tendres et atroces, on ne saurait que trop vous conseiller son album Crush on the World.

NighTraiN

Sur Mating Call sorti en 2014, le premier morceaude NighTraiN s'intitulait « Girl Band » et démarrait par : « We are a girl band / Don’t get it twisted / We’re gonna wear you out. » Basse pachydermique, riffs anguleux et claque immédiate. De quoi faire remonter la température d'un hiver qui s'annonce déjà ausis froid que lugubre.

La Luz

Vous connaissez sûrement déjà La Luz, leur surf-rock hypnotique de qualité leur a déjà valu plusieurs tournées, et on les avait d'ailleurs interviewé l'an dernier . Leur EP Weirdo Shrine tire son inspiration du boulot d'un natif de Seattle aujourd'hui célèbre : Charles Burns - et plus précisément sur son roman graphique Black Hole. Grosse réverb', harmonies fantômatiques, La Luz est votre aller simple pour cette plage du Pacific Northwest, peuplée de rates sensibles en veste en jean, qui attendent patiemment de rencontrer l'amour avec un grand E comme extase.

Emma May est sur Twitter.