FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Pig Destroyer est le seul groupe de la scène grindcore influencé à la fois par Céline, Sartre et Fugazi

« Je n’ai jamais foutu un pied en HP de ma vie, et c’est en grande partie grâce à mon groupe. »

Photo - Josh Sisk

Peu importe l’album de Pig Destroyer que vous écouterez, vous sentirez chaque once de rage et d’insanité contenue dans vos tripes rejaillir dans des morceaux qui n’excèdent que rarement les deux minutes. Au fil des 18 dernières années, le groupe originaire de Virginie est devenu la référence américaine du grindcore. Trois ans après ses débuts, le groupe signait chez Relapse Records et depuis, ils n’ont jamais quitté le navire. Pig Destroyer a reçu différents hommages bien mérités pour sa musique mais s’il y a bien un élément qui le distingue des autres, c’est J.R. Hayes, son chanteur-prêcheur.

Publicité

Lire les paroles de Hayes est crucial pour comprendre le groupe ; chaque texte est une véritable leçon d’histoire, une mise en garde, ou un fantasme meurtrier — parfois les trois en même temps. Hayes imprègne chaque ligne de son surréalisme démesuré pour nous faire réfléchir sur la condition humaine, et oui madame. À l’occasion du 25 ème anniversaire de Relapse, nous avons contacté Hayes — qui a longtemps été le cerveau d’un des plus gros succès du label, pour parler de ses lectures et de l’importance de se concentrer sur l’essentiel. Noisey : On te connaît pour tes lyrics mais aussi parce que tu es le dernier membre originel du groupe, avec Scott Hul à la guitare. Tes sources d’inspiration ont évolué au fil du temps ou est-ce qu’elles sont restées les mêmes ?
J.R. Hayes : En prenant de l’âge, il n’y a pas que tes influences qui changent, tes attitudes par rapport à ce que tu aimais plus jeune changent également. Aujourd’hui, je n’écoute pas de la même manière les albums que j’écoutais avant. En grandissant, tu gagnes en expérience et tu apprends beaucoup de choses. Tout change avec le temps, même si parfois ces changements sont tellement lents qu’on ne les perçoit pas. Tout est en constante évolution — ton esprit, ton corps, ton groupe. En création, le but est de capturer un instant, peu importe lequel, peu importe quand.

Quand on a fait Book Burner par exemple, je ne lisais pas autant de fiction qu’à mon habitude. Je lisais des bouquins philosophiques ou théologiques, sur YouTube je regardais beaucoup de débats religieux, et je pense que c’est pour ça que les textes de cet album ne sont pas si imagés que les autres. Les lyrics sont plus directs. Que ça me plaise ou non, c’est la manière dont mon esprit fonctionnait à l’époque. Il sera intéressant de voir l’effet qu’auront mes influences sur mes textes quand on sortira un autre album. J’ai déjà beaucoup de textes sous le coude, mais parfois il faut faire un album avant que ce que tu as écrit n’ai vraiment de sens.

Publicité

En vieillissant, est-ce que la mort t'obsède de plus en plus ?
Quand j’avais 13 ans, j’ai rencontré le spectre de la mort. Je ne sais pas si c’était dû au fait que j’étais suicidaire, ou à cause de mes lectures de l’époque, mais j’ai toujours été fasciné et hanté par la mort, et tout ce qui touchait au morbide. Tout ça se retranscrivait dans ce que j’écrivais, et se trouvait dans les choses qui m’influençaient. Aujourd’hui finalement, je suis peut-être un peu moins fataliste qu'avant — ce qui ne veut pas dire que je crois en Dieu ou en une vie après la mort. Je considère juste la mort comme quelque chose d’inévitable, et je me dis juste qu'il n'ya pas à s’en faire. Je ne dois pas m’obséder par rapport à un truc contre lequel je ne peux rien faire. Je pense que si la mort est la plus grande source d’inspiration c’est parce que ça reste le plus grand mystère de l’humanité. C’est ça l’art, c’est essayer de découvrir quelque chose qui est impossible à découvrir, en transposant des sentiments complexes en mots. C’est aussi s’approcher d’un but sans jamais pouvoir l’atteindre.

Tu considères ton investissement dans la musique, surtout dans la musique extrême, comme un moyen de te confronter à ces idées noires que tu as depuis tout petit ?
Absolument. Je ne sais pas si je me suis investi dans le milieu pour ces raisons mais ce dont j'étais sûr c'est que je voulais faire partie d’un groupe et je savais que je voulais faire de la musique extrême. Quand j’ai commencé à écrire et à lire de la poésie, je me suis rendu compte que ça pouvait être une sorte de thérapie. Je n’ai jamais foutu un pied en HP de ma vie, et c’est en grande partie grâce à mon groupe. J’ai vu beaucoup de gens que je connaissais devoir se battre avec ce genre de problèmes mais moi, j’avais la chance de pouvoir aller sur scène et de me déconnecter de tout ça. Je ne dis pas que tu dois forcément faire partie d’un groupe, mais avoir un exutoire est super important. Si autant de gens suivent des thérapies aujourd’hui c’est parce qu’elles n’ont rien pour s’évader et extérioriser— que ce soit par le sport, ou en faisant des choses créatives pour s’occuper l’esprit. Une grande partie de la vie consiste à se distraire d’une chose, peu importe ce que c’est.

Publicité

En lisant tes textes, on comprend immédiatement que tu es un gros lecteur. Cette fascination pour la littérature est quelque chose qui, dès le départ, collait avec le statut de musicien ?
Oui, enfin c’est ce que je pensais. Je lisais à l’école mais après avoir lu Burroughs pour la première fois, je me suis rendu compte que je n’avais jamais rien lu de tel. J’étais là « hey, mais il y a plein de trucs intéressants à découvrir. » Puis j’ai commencé à me tourner vers des auteurs comme Céline ou Sartre. Il y a tellement d’auteurs incroyables. Il faut juste trouver les bons, ceux qui vous parlent le plus. Je pense que les gens s’ennuient car ils ne trouvent pas l’auteur qui leur parle. Ils pensent que la lecture c’est merdique et préfèrent allumer la télé. Je ne comprends vraiment pas. J’ai eu la chance de trouver les auteurs qui me correspondaient, c’était quelque chose de très important pour moi. J’ai grandi en écoutant du punk de Washington DC. Les groupes de D.C. ne chantaient pas les mêmes trucs que les autres groupes punk. Écouter un groupe comme Fugazi m’a permis d’aborder certaines choses sous des angles différents que ceux que j’aurais abordés si j’avais simplement écouté les Cro-Mags. Je ne dis pas que les textes de Cro-Mags étaient merdiques hein ! J’ai toujours été très sensible aux textes. Les lyrics sont importants mais ne doivent pas forcément effacer le reste. La plupart des gens se foutent totalement des textes. Certaines personnes peuvent écouter un morceau pendant 20 ans sans faire gaffe à ce que dit le chanteur. Tant que le morceau sonne bien, les gens s’en foutent. Personnellement, je trouve ça mieux si on peut apporter de la qualité dans tout.

Ca me ferait chier de monter sur scène et de chanter des trucs qui ne veulent rien dire. Quand je chante quelque chose, il faut que ça ait un sens. Quand on fait un album, chaque morceau et chaque ligne comptent. J’écris une histoire seulement si je peux m’identifier à elle. Voilà ce qui est cool dans le processus. Il faut combiner l’aspect visuel et sonore en un tout. Quand tu réussis à combiner tous ces différents éléments, tu peux produire différents effets. Les gens peuvent se reconnaitre dans certaines histoires. Pour moi, ce qui rend la musique unique, c’est la façon dont tu l’interprètes. Tout le monde cherche à savoir ce que l’artiste a voulu dire à travers un morceau, mais ce n’est pas ce qui compte, ce qui est important c’est ce que le titre t’évoque personnellement, savoir si le morceau te parle. Si ce n’est pas le cas, alors mieux vaut le laisser de côté.

Avec le recul, quelle a été pour toi la plus grosse leçon, ou la plus nette évolution que tu aies connue depuis l'écriture de ton premier texte ?
Je n’aurais jamais pensé que nous serions encore ensemble 16 ans plus tard. C’est quelque chose qui ne m’avait même pas effleuré l’esprit. J’ai toujours vécu sur le moment car l’instant est la seule chose qui nous appartienne vraiment. Le passé, c’est le passé. Le plus important c’est ce que tu fais au présent et les expériences par lesquelles tu passes tout au long de ta vie, et les plus importantes de ma vie je les ai vécus avec mes fans. Notre groupe est essentiel pour un tas de gens incroyables. Un autre point important à mes yeux, c’est d’être capable de me lier aux personnes qui m’ont inspirées, comme par exemple quand j'ai joué sur scène avec Napalm Death ou EyeHateGod. EyeHateGod est mon groupe favori, et j’ai eu la chance de jouer avec eux, dans leur ville natale. Et ça n'a rien arrangé, je suis encore plus fan aujourd'hui ! On a passé toute la journée ensemble avec le groupe et les potes, Scott, Blake et tous ces gars. Je n’échangerai tout ça pour rien au monde. Quand t'es dans un groupe, ce qu'il y a de plus beau, ce sont les gens. C'est tout ce qu'on a.

Ca revient à ce que je disais sur la mort : il faut garder en tête que tout peut s’arrêter du jour au lendemain. Je ne parle pas seulement de la vie, mais aussi du groupe. Quelqu’un peut appeler demain et t’annoncer que les autres membres jettent l’éponge. Il faut vivre chaque jour comme si c’était le dernier. J’ai des soucis comme tout le monde, mais dans l’idéal, j’essaye de les mettre de côté pour me concentrer sur les vraies choses : les amis, la famille et la musique. Jonathan Dick est influencé par la Mort et Twitter.