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Comment le « girl power » a été pris en main par les groupes R&B dans les années 90

Pendant que les Spice Girls chantaient « Wannabe », TLC et Salt-N-Pepa parlaient de sida, de violence domestique et de réussite au féminin.

Si le « Wannabe » des Spice Girls est venu rappeler - de manière très criarde et enfantine - à une génération d'adolescentes britanniques ce qu'elles devaient attendre de la part de la gent masculine, c'est en réalité plutôt du côté du R&B que le girl power s'exprimait au milieu des années 90, avec des morceaux qui abordaient des sujets bien plus adultes.

TLC était un des groupes les plus prolifiques et véhéments en la matière. Quand le second album du trio, Crazy Sexy Cool, est sorti en 1994, son premier single « Waterfalls » a été une vraie révélation. Le titre abordait la violence domestique et le sida, des problèmes qui, à l'époque, étaient rarement traités dans la pop ou le R&B. « Believe in yourself, the rest is up to me and you » rappait l'incroyablement dure-mais-vulnérable Lisa 'Left Eye' Lopes - des mots qui seront plus tard gravés sur sa tombe, lorsqu'elle décèdera suite à un accident de la route en 2002.

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Un peu plus loin sur le disque, « No Scrubs » taclait directement les hommes, balançant un « I'm lookin' like class and he's lookin' like trash », attaquant leur manque d'indépendance et leur difficulté à montrer leurs sentiments : « If you have a shorty but you don't show love, oh yes, son, I'm talking to you. » Du haut de mes 14 ans, je considérais « Unpretty » comme un véritable hymne, abordant de front des sujets tels que les troubles alimentaires, l'estime de soi, l'apparence physique - et même la chirurgie esthétique.

Le morceau n'a pas perdu de son pouvoir évocateur aujourd'hui mais c'est surtout le single de 1992 « Baby-Baby-Baby » (tiré de l'album Oooooohhh… On The TLC Tip) qui s'est imposé comme LE manifeste girl power. « I can do anything I want to, time and place I choose to » affirment les trois meufs, déjà très avisés pour leur âge. Left Eye, T-Boz et Chili étaient dans le contrôle total et savaient pertinemment ce qu'elles voulaient : « I require plenty of conversation with my sex. »

Les rappeuses maintes fois primées de Salt-N-Pepa ont également porté bien haut l'étendard féministe. Dans « Ain't Nuthin But A She Thing » (vous captez la référence ?), elles n'interpellent ni les gangstaz ni les bitchez mais les femmes au foyer : « It's a she thing and it's all in me. I can be anything that I want to be » et célèbrent le fait qu'elles aussi peuvent désormais « ramener l'argent à la maison » et n'ont aucune envie de finir desperate housewives. Dans le clip super-jovial du morceau, on voit des femmes mécaniciennes, astronautes et policières, rappelant un unique mot d'ordre à leurs fans : « you can do anything ».

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Cheryl James et Sandra Denton en profitent même pour s'attaquer au concept de « sexe faible » dans un format incontestablement dominé par les mâles : le rap.

« Got to break my neck just to get my respect / Go to work and get paid less than a man / When I'm doin' the same damn thing that he can / When I'm aggressive then I'm a bitch / When I got attitude you call me a witch / Treat me like a sex-object (That ain't smooth) / Underestimate the mind, oh yeah, you're a fool / Weaker sex, yeah, right, that's the joke (ha !) / Have you ever been in labor ? / I don't think so, nope. »

Salt-N-Pepa ont été révolutionnaires dès 1990 avec «

Let's Talk About Sex

» - un morceau qui vous encourageait à (oui, vous l'avez deviné) parler de sexe : c'est à dire, se protéger, faire les choses à votre manière. Le parfait négatif de «

A Bitch Iz A Bitch

», en somme.

Elles ont ensuite sorti « Whatta Man » en 1994 avec En Vogue, glorifiant les hommes bons mais « durs à trouver », renvoyant la vision masculine face à ses contradictions en déshumanisant l'objet de leurs fantasmes : « My man is smooth like Barry, and his voice got bass / A body like Arnold with a Denzel face. » Un cerveau, des biceps, quelqu'un qui peut « me toucher au bon endroit »… des femmes qui ne demandaient pas seulement le beurre et l'argent du beurre, mais l'exigeaient !

En Vogue remettaient, elles, les standards de beauté occidentaux en question sur « Free your Mind ». Aaliyah se faisait passer pour l'outsider dans « If Your Girl Only Knew », tandis que Lauryn Hill, comme d'hab, sommait les meufs de se respecter dans le morceau « Doo Wop (That Thing) » : « Babygirl, respect is just a minimum. »

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Comme En Vogue, Hill examinait sans pincettes le problème des idéaux de beauté eurocentrés : « It's silly when girls sell their soul because it's in, look at where you be in hair weaves like Europeans, fake nails done by Koreans. »

Et elle ne laissait pas les mecs s'en tirer facilement non plus : « Money taking, heart breaking now you wonder why women hate men, the sneaky silent men, the punk domestic violence men. »

Missy Elliott, qui écrivait, rappait et produisait bien avant de devenir célèbre était la personnification de l'indépendance féminine et de l'artiste autonome - «

Girls girls get that cash if it's 9-5 or shaking ya ass, ain't no shame ladies do ya thang, just make sure you ahead of the game

». Strip-teaseuse ou secrétaire, aucun souci tant que tu restes toi-même.

Elle récupérait également les insultes sexuées avec « She's A Bitch », dans le clip de la chanson, accessoirement une des vidéos les plus chères de l'histoire - des femmes sapées en combi cuir noire avec le crâne rasé dansaient derrière Missy, qui faisait face caméra dans un look absolument pas féminin, sommant le spectateur de contester son pouvoir. Tu vas faire quoi ?

Avant leur conquête du monde, les Destiny's Child refusaient déjà qu'on se serve d'elles sur leur morceau « Bills, Bills, Bills », et Kelis faisait l'éloge de la rage féminine dans « Caught Out There » : elle ne pleure pas parce que son mec l'a largué, non, elle pousse juste un cri primal de rage et de frustration. Dans le clip, une meute de femmes en furie rejoint notre héroîne aux cheveux-de-feu, défilant au pas sur le beat du morceau. « Hate » est un mot fort et Kelis n'a jamais eu peur de l'utiliser - et tant pis si ce n'est pas vendeur.

Les thèmes abordés par toutes ces artistes - l'indépendance financière, la fidélité, le contexte socio-économique, la célébration de leur beauté mais (encore plus important) de leur talent et de leur réussite - étaient bien plus vrais et stimulants que n'importe quel disque des Spice Girls. Et quel a été l'aboutissement de tout ça à la fin des années 90 ? « Independent Women » de Destiny's Child. On en pouvait rêver meilleur exemple pour couronner cette décennie marquée par l'accession au pouvoir des vraies femmes (et non des filles) dans la musique.