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Perturbator continue de faire gronder son tonnerre électronique

James Kent nous a parlé de son nouvel album, « The Uncanny Valley », et du fait que sa musique plaisait autant aux fans de metal.

Photo - David Fitt

Synthwave, darksynth, neon metal – appelez-la comme vous voulez, mais cette branche rétroactive de la musique électronique défonce sérieusement, et James Kent en fait la synthèse comme personne. Depuis 2012, il a publié une série d'EPs et d'albums avant-gardistes sous le pseudonyme de Perturbator qui, non-contents d'avoir donné naissance à un genre nouveau (une fusion cyber-organique de krautrock, de B.O électroniques et de metal industriel), ont également contribué à y attirer des fans improbables. Quel est le dernier projet de musique électronique a avoir vraiment séduit les metalheads ? The Prodigy ? Eux n'ont jamais été invités à jouer dans des festivals de black metal comme c'est le cas pour Kent.

Son style a beau être enraciné dans le passé, la popularité de Pertubator s'est faite de manière tout ce qu'il y a de plus moderne : sur Internet, par le biais de Bandcamp ou Soundcloud, sur lesquels il publie sa musique en mode prix libre. Alors qu'il était proposé quasi-gratuitement, son dernier album Dangerous Days (épuisé en format physique) demeure toujours, presque deux ans après sa sortie, dans le top-80 des ventes digitales sur Bandcamp.

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Ayant depuis signé avec Blood Music, qui ont publié des versions remasterisées de ses premiers trucs, son quatrième album semble en bonne voie pour propulser Kent, basé à Paris, dans la stratosphère. Sa pochette est déjà à l'origine d'une controverse (oh non, pas un dessin de nichons !), et on peut s'attendre sans grand risque à ce qu'il batte encore des records sur Bandcamp dès sa sortie, c'est à dire aujourd'hui.

On a rencontré le « Night Driving Avenger » en personne pour parler de sa descente dans la « Vallée Mystérieuse » et de l'amour que lui témoignent les metalheads.

Noisey : Le truc qui m'intéresse dans la synthwave, c'est qu'il y existe un crossover évident avec la scene metal.
James Kent : Je crois que c'est surtout le cas pour une poignée de gens de la synthwave, dont moi, et aussi Gost, et Carpenter Brut. Il y a beaucoup de musiciens dans la scène synthwave, mais il n'y en a que quelques-uns qui sortent vraiment du lot pour les metalheads.

Comment tu expliques que ta musique peut plaire à des des fans de metal ?
C'est difficile à dire. Je suis moi-même fan de metal et j'en écoute tous les jours. La plupart du temps je n'écoute que du metal, en fait. Je fais de la musique électronique de la même manière que je composerais un morceau de metal, donc c'est peut-être ça, le facteur attractif de ma musique pour cette scène. C'est assez étrange pour moi aussi – à tous mes concerts je vois des gens avec des vestes pleines de patchs et des t-shirts Slayer, des trucs comme ça. Ça me fait bizarre parce qu'ils sont là pour voir un concert de musique électronique. J'ai quelques petites idées, mais je suis incapable d'être vraiment catégorique sur ce qui les attire autant.

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Puisque le metal est ce que tu écoutes le plus, qu'est-ce qui t'a poussé à faire de la musique électronique ?
Je jouais de la guitare dans des groupes de metal du coin, mais ce qui m'a attiré dans la musique électronique c'est en premier lieu qu'on puisse en faire – et qu'on puisse la faire sonner de manière aboutie – tout seul. Pas besoin de batteur, pas besoin de bassiste, pas besoin d'autres musiciens avec des égos pas possibles. Je voulais juste faire de la musique tout seul, vraiment, et je me suis dis que le plus facile, c'était de le faire avec des synthétiseurs et des boites à rythmes. Ca fait cinq ans maintenant, et avec le recul, c'était finalement un choix étrange J'aurais pu faire un projet solo, juste moi et ma guitare ou un truc dans le genre. Parce que la musique électronique a des règles, et qu'elles sont très différentes de celles du metal en termes de composition. Donc ça a été vraiment dur de passer de l'un à l'autre pour moi, mais c'était marrant. Aujourd'hui, je suis capable de faire les deux.

Quand tu t'es mis à faire ce type de son, tu t'es juste dit « je kiffe John Carpenter, et aussi Tangerine Dream, c'est parti », et t'as commencé à bidouiller avec en arrière-plan ton passif dans le metal ?
Ouais, c'est exactement comme ça que ça s'est passé. Comme je l'ai dit, quand j'ai décidé de faire de la musique électronique, j'y connaissais que dalle. Je n'écoute pas beaucoup de musique électronique. Ma seule référence, c'était les B.O de The Thing, de Blade Runner, Tangerine Dream, Goblin – tout le délire des B.O rétros faites avec des synthés. C'était mes seules bases. J'utilisais ces références comme point de départ pour construire mon propre son. Et, plus tard, j'ai évidemment découvert des projets électroniques plus contemporains que j'aime, ce qui fait qu'à chaque fois que je fais un morceau ou un album, j'y ajoute un peu de ce que j'ai découvert ou des influences que j'ai eue à cette période.

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Tu peux citer quelques-unes des nouvelles influences qu'on retrouve dans ton nouvel album Uncanny Valley ?
Après Dangerous Days, j'ai commencé à écouter beaucoup de … – ça va paraître étrange, mais j'ai commencé à écouter beaucoup de jazz. Il y a un morceau sur l'album [« Femme Fatale »], sur lequel je voulais faire un truc électronique semi-jazz. C'est du Pertubator qui essaie d'être jazz, ce qui est un peu marrant et un peu con, mais je trouve que ça rend plutôt bien. J'ai aussi commencé à m'intéresser beaucoup plus aux seventies, avec les B.O de films d'horreur chelous, faites au Moog – les vieux films d'exploitation des années 70, surtout des films italiens. Comme je l'ai dit, Goblin, qui sont les maîtres dans le genre. De tous les pionniers – les Tangerine Dream, les John Carpenter – Goblin sont ceux qui sonnent le plus occulte. Je me suis vraiment plongé là-dedans. J'en avais déjà conscience avant, mais je m'y suis vraiment plongé après Dangerous Days, et ça a vraiment influencé la manière dont j'ai fait ce nouvel album. C'est probablement celui qui sonne le plus occulte de tout ce que j'ai fait jusque-là. Il y a clairement plus de sons vintage des seventies.

Est-ce que tu vois The Uncanny Valley comme une continuation de Dangerous Days ? Les deux semblent avoir beaucoup de thèmes en commun, autant dans la musique que dans les thèmes.
À chaque nouvel album, j'essaie soit de faire vraiment, vraiment différent, ou juste mieux en terme de production, de tempos, de son. Uncanny Valley, c'est en gros ce que je voulais faire quand j'ai fait Dangerous Days. Quand j'ai fait Dangerous Days, je n'avais pas encore les connaissances et la technique pour faire The Uncanny Valley. C'est cool, parce que c'est l'étape logique dans ma progression. C'était soit ça, soit faire un truc complètement différent, ce que j'ai fait quand j'ai sorti le EP Sexualizer par exemple, qui n'était quasiment que de la disco. Je voulais que mon quatrième album soit un amalgame, un melting-pot de tout ce qui constitue Perturbator. Certains titres sont violents, avec un tempo très rapide – c'est clairement le plus violent que j'aie fait. Les batteries tabassent, le son tabasse. Mais on retrouve aussi tout ce qu'on peut attendre de n'importe lequel de mes albums – des morceaux avec du chant, des interludes d'ambient bizarre, des trucs comme ça.

Y a t-il une histoire qui se développe d'album en album ? D'un point de vue extérieur, on dirait qu'elle se construit depuis I Am the Night jusqu'à celui-ci.
Il y en a une, oui. Dans un sens, j'aurais bien aimé avoir commencé directement – ma première sortie ça a été le EP The Night Driving Avenger. J'aimerais bien qu'il y ait eu une histoire qui s'y rattache, avec mon premier album aussi. À l'époque j'avais 18 ans, et je n'avais même pas idée que des gens l'écouteraient, alors j'ai un peu précipité les choses. À partir de I Am The Night – même avant, avec Nocturne City – on retrouve plein de thèmes récurrents, et j'essaie, à chaque nouvelle sortie, que ça soit un EP ou un album, j'essaie de lier les choses avec le reste de mes autres sorties, mais toujours en essayant d'apporter de la nouveauté. Je crois que c'est la partie la plus difficile du processus. Il faut que ça sonne familier – genre, que les gens mettent The Uncanny Valley et se disent « OK, c'est du pur Pertubator », mais qu'ils aient quand même des surprises. Toutes les histoires sont liées. L'histoire de Uncanny Valley se déroule 20 ans après Dangerous Days, et elle aborde les même genres de thèmes, le fanatisme et la science-fiction, la technologie, les androïdes qui ressemblent exactement à des humains. Je développe le même genre de choses, mais j'essaie de le faire différemment à chaque fois.

Et il y a même une bande-dessinée d'Ariel ZB qui accompagne l'édition deluxe de cet album.
La BD a été difficile à réaliser, parce que c'est une BD sans bulles, donc elle doit présenter l'histoire, les personnages, l'album, sans aucun mot. Je trouve qu'elle le fait plutôt bien, mais sans divulguer toute l'histoire – la bande-dessinée ne correspond pas à toute l'histoire de l'album. L'histoire de l'album – en gros, le dénouement –, l'auditeur la retrouve sous forme d'indices dans le nom des chansons, les samples, les trucs comme ça, et même dans les textes des morceaux avec du chant.

Est-ce que c'est un truc qui vient de ton background metal – des groupes comme Iron Maiden ou Immortal, qui ont un fil rouge dans leurs visuels et leurs albums ?
Oui, mais pas seulement du metal. Pour une raison ou une autre, tous mes albums préférés se développent autour d'une histoire. Même dans le rap – Tyler the Creator a fait un album qui s'appelle Goblin, avec une histoire en filigrane, et je trouve ça mortel. Je pense que chaque album devrait être un voyage. Il y a un début et il y a une fin. Il y a des scènes et des interludes. Ça prend tout son sens si tu écoutes l'album du début jusqu'à la fin, mais tu peux quand même écouter les chansons séparément si tu veux. C'est comme ça que j'aime les albums en général. Quand j'écoute un album, je l'écoute en entier. J'espère juste que les gens qui écoutent Perturbator font pareil. On verra bien. Jeff Treppel est dans un rétro futur très proche. Il est sur Twitter.