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Music

B L A C K I E a encore tout niqué à SXSW

« DJ Screw a mis le feu à Houston. Je veux finir le boulot. »

Les choses ne se sont pas passées comme prévues cette année à SXSW : déjà, j'ai raté le concert de Lil B. Ensuite, j'ai poireauté pendant huit heures pour un showcase de Young Thug qui n'a jamais eu lieu. Mais j'ai pu voir B L A C K I E, alors quelque part, j'en ai un peu rien à foutre. Depuis 2005, ce rappeur de Houston balance un concentré de rage et d'énergie qui semble avoir clairement influencé, ou tout du moins inspiré, la démarche des ultra-surestimés Death Grips. Son dernier album, FUCK THE FALSE, est un gigantesque défouraillage post-industriel porté par des paroles-slogans ultra-paranoïaques, qu'il dit avoir enregistré en une prise, explosé au whisky, à la weed et au Red Bull, après s'être enfilé la discographie des Last Poets.

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Son show à SXSW était incroyable. Vêtu d'un simple slip, B L A C K I E a envoyé la quasi-totalité des titres de FUCK THE FALSE sur des instrus totalement différents de ceux du disque. J'ai vu deux types retenir leurs larmes derrière les amplis et un autre serrer le rappeur dans ses bras à trois reprises, pendant qu'il jouait. Un truc dont B L A C K I E a l'habitude, et qu'il gère comme si rien ne se passait, continuant à hurler ses tripes alors qu'il a un mec de 100kgs sur le dos. J'ai pu discuter avec B L A C K I E après le concert, et je lui ai posé quelques questions sur ses méthodes d'enregistrement, son album à venir, et son dégoût total pour Internet et le mainstream.

Noisey : Généralement, tu joues à un volume très élevé. Mais quand ce n'est pas possible, comment est-ce que tu gères ?
B L A C K I E : Quand je ne peux pas jouer sur mes amplis, je joue mes morceaux les plus électroniques, les trucs que tu peux entendre sur mon album GEN. Ce sont des titres qui demandent moins de volume et qui reposent davantage sur ma voix.

Ce soir, tu as joué pas mal de morceaux de ton dernier album, FUCK THE FALSE, mais avec des instrus totalement différents de ceux qu'on entend sur le disque.
Oui, ce sont les instrus que j'avais utilisé à la base pour composer les morceaux FUCK THE FALSE. Ce sont des titres de Muslimgauze, un producteur anglais mort il y a quelques années. J'aime beaucoup jouer sur ses morceaux, parce qu'ils donnent un petit côté Last Poets à ma musique. Ils m'inspirent tellement que parfois, je me mets à improviser alors que j'avais prévu un texte. J'ai l'impression que tout peut arriver. C'est une musique très libératrice.

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FUCK THE FALSE est un disque très dur, très frontal, c'est ce que tu voulais dès le départ ou bien c'est arrivé comme ça ?
C'est dans doute parce que je l'ai enregistré très vite. Debout toute une nuit, à fumer de la weed et à m'envoyer des whisky-Red Bull. C'est comme ça que c'est sorti. Je ne pensais pas aller aussi loin. Mais je voulais que ce soit brutal, c'est certain.

Tout enregistrer en une nuit, quasiment en une seule prise, c'est quelque chose que tu avais déjà fait ?
Plus ou moins. Parfois les choses prennent plus de temps à se mettre en place. Je peux passer des semaines à faire un instru, à ajouter des détails ici et là, et puis un jour, je vas péter les plombs et je vais tout enregistrer en une heure. Tout peut arriver.

Tu sembles conscient du fait que ta musique a influencé pas mal de monde ces dernières années, mais ça n'a pas l'air de te gêner plus que ça. T'en penses quoi ? Tu n'as pas envie d'être reconnu pour ça ?
J'essaie de garder la tête froide, de prendre du recul, et de me poser la question de savoir ce qui est vraiment réel, ce qui a vraiment du sens. Chez moi, à Houston, il y a des tas de groupes de rap electro-expérimentaux, et si j'étais un de ces types bidon et prétentieux, je pourrais me dire : « Que ces gamins aillent se faire foutre, ils ne font que me copier ! » Mais ça n'a pas de sens. J'essaie d'être au-dessus de ça. Si quelqu'un me vole un truc et qu'il le fait briller plus fort, tant mieux. Ça ne me tuera pas. Ça ne me rendra pas moins fort. Tu sais, c'est très facile d'être jaloux. Ça, c'est un truc que j'ai appris avec les années.

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Tu travailles sur un nouvel album en ce moment. Il sonne comment ?
Un peu à la Stanley Clarke, avec des trucs plutôt jazz. Ça reste super dur et brutal, mais avec pas mal d'instruments. C'est moi qui joue de tout. Il y a du saxophone et énormément de basse. Mes derniers trucs étaient plutôt basés sur le piano et la guitare acoustique, mais là c'est vraiment la basse qui est mise en avant. C'est presque un album funk. En ce moment, je suis à fond sur ce vieux groupe, War.

Aucun de tes disques ne sonne comme le précédent. C'est un défi que tu t'es lancé à toi même de changer d'orientation musicale comme ça, à chaque sortie ?
Oui, depuis le début j'ai dit que je voulais faire un album thrash, un album shoegaze, un album acoustique… Et maintenant je fais un album jazz. Quand j'avais 18 ans, mon but était de changer de style à chaque disque, tout en restant cohérent, au niveau du son et de l'approche globale. En gros ce que je me suis dit, c'est : ok, j'ai sorti un disque hip-hop, maintenant, voyons si je suis capable d'exister aux limites de ce cercle bien défini.

Les gens attendent de toi une musique extrême et non-conventionnelle. Te sentirais-tu capable d'enregistrer un disque de rap classique ?
Complètement, et il se peut même que j'y vienne sur l'album d'après. J'ai envie de refaire de la musique avec mes vieux potes. Tu n'es pas très présent sur le net. Tu préfères les échanges en face à face ?
Oui, le face à face me suffit. Si tu déchires tout dans la vraie vie, d'autres le relayeront sur Facebook ou Twitter, ça fera son chemin quand même. Internet, c'est une façade. Je n'ai pas envie de gaspiller mon énergie avec ça. On voit des tas de gens devenir célèbres de jour au lendemain, et disparaître aussi vite. Si je te crache dessus pendant un de mes concerts, tu t'en souviendras, parce que c'est une confrontation physique, réelle. Et c'est un truc que tu iras raconter autour de toi.

Quel est ton plus grand bonheur, en tant qu'artiste ?
Le fait de rencontrer des gens, tout simplement. Je suis plutôt introverti, je n'ai pas énormément d'amis, juste une dizaine de potes avec qui je faisais du skate quand j'étais ado. Donc oui, rencontrer des gens, c'est vraiment tout ce qui compte.

Dans un de mes morceaux préférés, « B L A C K I E…Is A Wasteland », tu parles des majors. T'infiltrer dans le mainstream, ça ne t'a jamais tenté ?
Je ne sais pas, mec. Parfois, comme ce soir à SXSW, quand je vois tous ces panneaux publicitaires pour Taco Bell, Samsung… Je ne sais pas, mec. Tout ça n'a rien à voir avec moi. Ce dont je parle dans ce morceau, c'est que j'ai appris tout ce que j'avais à apprendre sur l'industrie musicale en quelques semaines seulement. Quand j'étais plus jeune, je me disais que je pourrais être programmé sur le Vans Warped Tour, des trucs comme ça. Mais j'étais juste un ado débile, ignorant, qui pensait « percer ». Aujourd'hui, le sens du mot « percer » a tellement changé. Tout simplement parce que ce n'est plus si important de « percer ». Le seul truc qui compte c'est l'endurance, le long terme. Il faut voir ça comme un putain de marathon. Combien de temps je vais pouvoir tenir ? Je veux être ce vieux négro qui continue à hurler sur les gens à 70 ans passés. Je veux vous la coller pour un bout de temps, façon B.B. King.

Quel genre d'héritage voudrais-tu laisser aux plus jeunes ?
Je voudrais qu'on se souvienne de moi, comme je me souviens des gens qui m'ont inspiré. Des gens comme Bun B et DJ Screw. Screw a mis le feu à Houston. Je veux finir le boulot.

Lawrence Burney est sur Twitter - @TrueLaurels