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Music

L'histoire du hip-hop vue du dessous de la ceinture

Du jogging adidas au jean slim en passant par les baggys et les treillis, chaque courant du rap a eu son pantalon étendard.

Le festival Sundance a mis en avant le film Fresh Dresses sur l'importance de la mode dans le hip hop. On ne vous parlera ici que des pantalons. Un simple fute peut représenter tout un mouvement et ça a d'ailleurs souvent été le cas. Du baggy au jean coupe droite, le tissu entourant les jambes des rappeurs a marqué l'histoire du hip-hop, autant que leur musique. Il y a toujours des exceptions mais dans l'ensemble, chaque courant peut être rattaché à un modèle précis.

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Avant toute chose, rendons hommage au denim. Le jean a traversé toutes les époques— au début des années 80 il se portait déchiré, puis à la fin des années 80, il était coutume de l'associer avec du Polo (big up aux Lo-Lifes). Dans les années 90, FUBU et Tommy Hilfiger l'ont remis au goût du jour et fait tripler de volume. Aujourd'hui, il est toujours là, sous des tas de formes différentes. Mais il n'est plus le seul.

LES PATTES D'ELEPHANT

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ériode : fin des ann

ées 70

Issu du disco, le pantalon patte d'éléphant ou patte d'eph était toujours pertinent quand le rap a vu le jour. Sugarhill Gang en portaient, et à l'époque, pour être au top du swag, il fallait impérativement l'associer à un cuir à motif monochromatique. Quand DJ Premier a sorti le morceau

Outta Here

, KRS-One chantait «

Rappers wore bell-bottom Lee suite / Me and Kenny couldn

't afford that.

» Un témoignage qui prouve qu' à ses débuts, le hip hop ne s'est pas seulement inspiré du disco et du funk d'un point de vue musical, mais également d'un point de vue vestimentaire. Et ça prouve aussi que KRS-1 ne volait pas, prenez bien note. Aujourd'hui, quand vous portez un pantalon pattes d'eph, c'est que vous êtes au beau milieu d'une soirée déguisée qui sent le malaise, ou alors que vous tablez en toute confiance sur un revival 70's imminent.

LE FUTAL EN CUIR

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ébut des ann

ées 80 et

Le punk et le hip hop ont toujours partagés des sensibilités. Leur développement s'est accompagné d'une esthétique atypique. Pendant que les punks portaient des clous sur leurs cuirs et érigeaient des crêtes à tout va, les rappeurs se sont eux aussi mis à porter des pantalons en cuir, des T-shirts déchirés, souvent associés à un bandana de la même couleur. Comme les loubards des clips de Michael Jackson ? Tout à fait. Kanye West a remis les futes en cuir à la mode, mais le problème est qu'ils coutent aujourd'hui deux fois plus cher, voire trois fois quand ils sont troués au niveau des genoux.

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LE SURVET

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ériode : milieu des ann

ées 80 et

À l'époque, on les appelait « coupe-vent ». C'est un nom qui leur allait bien vu le nombre de b-boys qui en portaient au cours de leurs coupoles et autres mouvs aériens. D'un point de vue design, Adidas était numéro un. Et il ne valait mieux pas sortir avec un jogging du mêmetype pourvu de seulement deux bandes. Risée assurée. Le groupe qui a mis en avant les produits Adidas est bien évidemment Run-DMC (sûrement le premier exemple massif de brand-content). Ils portaient le survêtement entier et une paire de pompes toujours raccord avec le reste. Ce style était inséparable des gros breakbeats utilisés dans les morceaux qui ont fait entrer le hip-hop dans une autre dimension. Ces survêts « matchy matchy » ont évolué en jogging molleton, puis en jogging peau de pèche qui ont fait les lettres de noblesse de mecs comme Biggie ou Cam'Ron la décennie suivante.

LE SPANDEX

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ériode : fin des ann

ées 80

Dire que seules les femmes portaient ce type de pantalon serait faux, mais comme on manque d'exemples masculins en la matière, on va se contenter de l'attribuer uniquement à elles. De JJ Fad à Salt-N-Pepa, tout se passait au niveau du cul. Bon ok, pas

tout,

mais plus les femmes ont pris du galon dans le rap, plus il est devenu nécessaire de rappeler aux hommes que malgré leur statut de femme, elles avaient suffisammenr de couilles pour franchir les obstacles difficiles. Les leggings et les vestes en cuir « 8ball » étaient un passage obligé à l'époque. Le haut de la tenue représentait le côté tough, tandis que le bas laissait apparente la part de féminité.

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LE DICKIES

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ébut des ann

ées 90

Des villes comme Compton ou Long Beach ont donné naissance au gangsta rap. Et comment on se sappait sur le Crenshaw Boulevard ? Le plus souvent avec un chino Dickies associé à des Converse Chuck Taylors, un T-shirt blanc immaculé et une chemise en flanelle à carreaux. Avant d'être le style adopté par le rap, c'était tout simplement le style des gangs, chicanos et autres, et surtout celui des Crips et des ses alliés. La couleur kaki n'était adoptée par aucun groupe, alors d'autres membres se sont appropriés cette couleur (surtout les latinos). Aujourd'hui, la plupart des gens qui portent du Dickies sont les employés d'hôpital. C'est assez ironique d'ailleurs quand on voit le nombre de jeunes du ghetto tombés pour des règlements de compte ou à la suite de bavures policières.

LE DENIM DE COULEUR

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ébut des ann

ées 90

Pendant « l'âge d'or du rap », un mouvement est venu rompre avec la violence scandée par le gangsta rap, le Flower Child (vulgairement appelé « hip hop alternatif » principalement à l'initative du crew des Native Tongues). À cette période, les marques comme Karl Kani ou Cross Colours sont devenues des piliers de la mode en mettant de la couleur partout, et notamment sur les frocs. Pas n'importe quelles couleurs, mais bien celles du drapeau pan-africain (rouge, noir, vert) et du drapeau rastafari (vert, jaune, rouge). À ces couleurs ont été ajoutés le bordeaux, l'orange et l'indigo. Ce qu'il fallait, c'était se démarquer. Prenez l'exemple des TLC ou encore A Tribe Called Quest. Ces artistes ont proposé du neuf à une époque où le hip-hop était toujours considéré comme criminel (à tel point que le rap trop positif était jugé alternatif). Même s'ils ressemblent de loin à des clowns ou des hippies, leurs vêtements traduisaient exactement le message qu'ils voulaient faire passer.

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LE SAROUEL DE MC HAMMER

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ébut des ann

ées 90 et

On peut considérer les pantalons de Mc Hammer comme une erreur historique, mais en réalité, ils représentaient bien quelque chose, une alternative aux chaines en or, aux grosses montres, aux grillz et aux grosses voitures. MC Hammer a rendu le hip hop accessible à tous avec son coté pop et son excentricité. Chacun de ses baggys était un choix bien réfléchi. Au moindre moonwalk ou autres mouvements, l'air s'engouffrait dans son pantalon. Les gens ont immédiatement arrêté de porter ces futes quand il est devenu has-been (au même titre que plus personne n'a jamais porté son jean à l'envers après le premier album de Kriss Kross). Mais il y a encore quelques années, ce type de baggy a refait surface avec une taille de hanche moins large et des coupes plus « slim ». Quoi qu'il en soit, saluons MC Hammer pour le concept.

LE TREILLIS

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ériode : milieu des ann

ées 90

Plus le rap s'est tourné vers la « conscience », plus les labels indépendants se sont multipliés. Les majors ne voulaient pas investir dans des morceaux qui n'allaient pas devenir des hits instantanés, alors les artistes se sont produits eux-mêmes. Duck Down, Rawkus, et bien d'autres ont apporté ce vent d'indépendance, qu'on a tendance à appeler « underground hip-hop » aujourd'hui. Certains labels étaient distribués par les majors, oui, mais sur un plan marketing ou même musical, tout était très

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indé

. Y compris les sapes. Et comme le savoir est un champs de bataille, des marques comme Triple 5 Soul, Ecko ou plus tard LRG ont explosées avec leurs treillis méga-amples appelés « cargo pants ». On pouvait tout y ranger, walkman, weed, livre ? Et même un flingue, j'imagine.

LE FUTE DE DETENU P

ériode : milieu des ann

ées 90

On peut remercier Busta Rhymes pour cette tenue. Le hip-hop prenait de l'importance sur le plan commercial, et l'idée d'arriver sur un plateau télé habillé en prisonnier était un pied de nez à tous ceux qui crachaient sur ces jeunes noirs fraîchement débarqués dans leurs émissions de télé. Mais la tenue de prisonnier a très vite évoluée. Les Beastie Boys l'ont transformé en tenue de protection anticontamination pour la promo de

Hello Nasty

. Puff Daddy a opté pour une combi en faux cuir rouge pour Ma$e et lui. Et on ne parlera pas de son utilisation dans le nü-metal. Si vous l'associez avec des lunettes de ski ou un masque, c'était bingo.

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ériode : fin des ann

ées 90

Après la mort de Tupac et Biggie, le hip-hop est entré dans une phase que tout le monde veut oublier :

l'ère des costumes brillants

. Beaucoup tablaient sur la fin de la culture à proprement parler à cette époque, alors que le mouvement générait de plus en plus d'argent. Biggie avait un style un peu mafieux avec ses costumes sur mesure et ses fedoras ( que

Roc-A-Fella Records

at ensuite adopté). Puis les costumes sont devenus de plus en plus flashy. C'était encore synonyme de renouveau dans un milieu où l'argent coulait à flot, un monde sans limites. C'est amusant car tout ça a eu lieu avant l'apparition de Napster en 1999. Les majors commençaient à flipper car elles risquaient la faillite, mais les rappeurs, confiants et vêtus de leurs plus costumes les plus reluisants, continuaient de parader en toute quiétude.

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LE JEAN CUL BAS

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ébut des ann

ées 2000

Oui, il y a différentes tailles de jeans. Avant, voir un petit bout de caleçon dépasser était suffisant pour qu'on se reculotte aussi vite. Mais au début de ce nouveau millénaire, la mode des T-shirts blancs chemise de nuit avait trop durée. Le but était alors d'avoir toujours une ceinture apparente, et les pantalons sont donc descendus de plus en plus bas. Si bas que parfois, en cas de mouvement brusque, votre raie apparaissait aux yeux de tous. La seule limite était la Air Force 1 qu'il ne fallait jamais cacher.

LE SKINNY JEAN
Période : milieu des années 2000
Bizarrement, il n'y a pas eu de juste milieu en terme de taille de jean dans les années 2000. On est passé des baggys super larges aux slims super fins. Les « hipsters » (comme on les appelait en 2004) ont infiltré le hip hop et la mode des skinny jeans a fait son entrée avec fracas. Cette tendance a mis un peu de temps à être acceptée mais une fois que le slim est devenu un lieu commun dans le hip-hop, c'en était fini… Des mecs comme Kid Cuddi ont même inventé une nouvelle taille, le smedium (entre le small et le médium). C'est marrant parce qu'il n'y a pas si longtemps, les rappeurs nageaient encore dans leurs vêtements. À noter que Jay-Z a déclaré qu'il « ne pouvait pas porter de slim car il avait de trop grosses couilles. »

LE COSTUME SUR MESURES

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ériode : fin des ann

ées 2000

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Beaucoup de rappeurs qui ont suivi les tendances sont aujourd'hui devenus des entrepreneurs. Jay-Z a lancé le mouvement en s'habillant comme un quadra en costard. Grâce à son style de daron, il a cassé cette image du hip-hop comme mouvement d'éternels adolescents attardés. Même s'il n'a jamais su se saper convenablement, convenons-en. D'autres artistes ont suivi le mouvement et c'est devenu la norme de s'habiller comme un homme d'affaire. Tout ça a commencé à la fin des années 90, mais la signification n'était pas la même. Fini la phase mafia, on est désormais dans la phase Illuminati. Quoique vous pensez, c'est totalement différent.

LA JUPE

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ébut des ann

ées 2010

En 2010, le hip-hop a perdu sa culotte, au sens propre comme figuré. Des meufs comme Nicki Minaj sont arrivées et ont pris le dessus pour devenir les nouvelles stars du game. Dans les années 90, le hip-hop était un tout autre univers : Lil' Kim et Foxy Brown portaient des bikinis sous des fourrures, Lauryn Hill portait des pantalons cargo et Missy Elliot, une combinaison d'astronaute. C'était le hip-pop. Aucune règle. Malgré tout, au fil du temps, les hommes se sont de plus en plus investis dans la haute couture. Des styles encore jamais vus ont vu le jour. Je vous parle bel et bien des jupes en cuir de Kanye West, A$ap Rocky et de tous leurs potes qui ont lancé ce rap de couturiers. Le port de la jupe, quelque soit le genre, a toujours semé la controverse au sein du hip-hop, mais force est de constater qu'il est toujours d'actualité.

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ériode : milieu des ann

ées 2010

Et nous voilà en 2015, une ère où les marques streetwear haut de gamme et les grandes maisons de la mode sont maintenant logées à la même enseigne. Tant qu'ils restent hors de prix, les jeans, treillis ou autres sarouels sont les bienvenus. Pour les puristes, le style de pantalon n'est qu'un amalgame des phases historiques du rap, comme la musique. Slim un jour, combinaison le lendemain. Les rappeurs vont où le vent les porte, tout comme leurs jambes. Et vous ne pourrez jamais rien contre.

Kathy Iandoli est sur Twitter @kathy3000