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Music

J'ai gâché 135 minutes de ma vie devant un concert de Cure

Et Weezer a fini par m'achever.

La seule chose que je comprends encore moins que la musique de Cure, ce sont les fans de Cure.

Il y a toujours eu un aspect intrinsèquement pérave au fait d'être fan de Cure ou de se raccrocher à la culture qui va avec - tous ces chouinements mélodramatiques, cette misère introspective, cette douleur feutrée. Mais ça doit certainement avoir ses avantages, parce qu'on a tous un pote dingue de Robert Smith. Peut-être que c'est moi le problème - peut-être que j'ai loupé un truc ou que j'ai rien pigé. Du coup, le week-end dernier, au Riot Fest de Chicago, j'ai décidé de me jeter dans la fosse aux serpents : assister à un concert de The Cure dans son intégralité, soit un set de 2 heures et 15 minutes, de 19h45 à 22h.

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Sur les autres scènes, en même temps que The Cure, il y avait 1/ Primus - que je ne suis pas allé voir vu qu'on n'est plus en 1996 et que je ne suis ni Trey Parker ni Matt Stone, et 2/ Bring Me The Horizon, que je ne suis pas allé voir étant donné que MySpace n'existe plus. Le seul truc dur à avaler, c'est que Weezer jouait à 20h40, en plein milieu du set de Cure. Normalement, je m'en contrefous de les voir jouer des morceaux de Raditude, ou de je ne sais quel autre connerie qu'ils ont sorti ces 15 dernières années, mais ce soir-là, ils avaient prévu de jouer l'intégralité du Blue Album. Plutôt rude. Vous pouvez dire ce que vous voulez du chemin tortueux qu'a pris Weezer ces dernières années, mais les voir jouer leur premier album en live est une option qu'on peut difficilement refuser. Mais je l'ai refusée. J'étais obligé. J'avais pour mission de comprendre The Cure.

Un peu avant 19h45, je me pointe devant la scène et me fraye un chemin jusque dans un coin, sur le côté, un spot tranquille et bien situé en temps normal, mais qui, cette fois-ci, s'est très vite avéré aussi dangereux que surpeuplé. Depuis ce spot, j'avais pu voir Wu-Tang, Die Antwoord, ou les Flaming Lips -mais le concert de The Cure était une toute autre affaire. La masse de gens agglutinés devant la scène et la longueur du set ont complètement éclipsé le reste de l'affiche.

Dieu merci, j'ai réussi à me glisser entre une nuée de fans surexcités et une clôture. Ce que je me suis dit à ce moment précis, c'est : pitié, Dieu, ne me laisse pas crever devant un concert de Cure. Et j'ai commencé à envisager la possibilité de finir ma vie ici, à Humboldt Park.

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8h moins le quart, The Cure monte sur scène. C'est parti. Les 135 prochaines minutes de ma vie vont être uniquement consacrées à The Cure. Que Dieu me vienne en aide.

L'auteur de l'article, prêt à prendre du bon temps.

Après avoir attendu grosso modo 3 minutes qu'ils commencent à jouer, je pige un truc : en fait, ils ont déjà commencé. Ça fait 3 minutes entières qu'ils jouent et je ne m'en suis même pas rendu compte, vu qu'ils n'ont pas fait grand-chose à part gratouiller leurs instruments plus ou moins au hasard. En fait, les espèces de sons atmosphériques qu'ils diffusaient au milieu d'un giga-nuage de fumée entouré de guirlandes, c'était déjà un de leurs morceaux. Sans déconner, je croyais qu'ils faisaient juste un dernier linecheck.

Ils démarrent le second morceau et font un pain phénoménal : ils rejouent le premier morceau par accident ! Enfin, je crois, vu qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau au précédent. Mais apparemment, je me goure. Tout le monde applaudit. Ouais, c'est un autre morceau, complètement différent.

D'ailleurs, le public réagit avec la joie extatique de quelqu'un qui est assis au milieu d'une fuite de gaz. On a l'impression que quelqu'un les a balancé là, comme deux peaux de banane sur un tas de compost. Mais malgré leurs tronches de dix pieds de long et leur comportement erratique, trahissant des sentiments divers, tels que l'ennui ou l'envie de décéder, ces gens ont l'air de KIFFER The Cure. Vraiment. Le gusse devant moi parle comme si Jésus venait de réaliser un miracle. « Waouh. Comment tu peux avoir une voix pareille ? Comment ce genre de truc peut arriver ? », s'interroge t-il dans le vide le plus total. Je manque de répliquer : « Ouais, comment un type peut-il réussir à chanter comme si il était perpétuellement sur le point de fondre en larmes sur son putain d'oreiller ? » Mais je m'abstiens.

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Toutes les paroles de Robert Smith se ressemblent. Il sonne comme un chiard qui débarque dans la chambre de ses vieux pour se plaindre que son frère l'a bousculé. Par je ne sais quel prodige, j'arrive à distinguer la phrase « Je dormirai quand je serais mort », ce qui me rappelle à quel point le sommeil et la mort semblent être les seules alternatives à ce que je suis en train de vivre.

J'essaie de penser à des films que j'ai aimé et qui durent moins de 2 heures et 15 minutes. Je décide d'en rejouer un dans ma tête, pour penser à autre chose. Je choisis Une Équipe hors du commun. Ah ! « On ne chiale pas dans le baseball ! ». Du Tom Hanks classique.

Un point de vue unique !

Au bout de 3 morceaux, j'arrive enfin à voir un bout de Robert Smith -mais je ne suis pas sûr à 100 % que c'est lui, c'était peut-être Liza Minnelli. J'ouvre Google et lance la recherche « Liza Minnelli + vivante ». Elle l'est. C'était peut-être vraiment elle. Mais je ne pense pas. Qu'est ce qu'elle foutrait là ? On dirait que Smith a été séquestré dans un placard pendant plusieurs mois et que quelqu'un vient tout juste de le laisser sortir. Je commence à piger pourquoi ils n'ont pas autorisé les photographes à accéder à la fosse et pourquoi ils font surchauffer les projos et les machines à fumée. Entre ça, le million de gens présents et l'énorme échaffaudage qui me masque la vue, j'ai un peu de mal à apercevoir la scène. En fait, leur performance peut ressembler à une châine porno cryptée - exception faite qu'il est à peu près certain qu'on n'y verra rien d'à peu près bandant.

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The Cure a interdit les photographes donc voilà un dessin que l'auteur a fait de mémoire, de retour à l'hôtel.

20h12. Le concert a commencé depuis presque une demi-heure et je reconnais enfin une chanson. C'est « In Between Days ». Je n'en connais que trois autres - « Boys Don't Cry », « Close To Me » et « Friday I'm In Love » - et à ce rythme-là, j'ai confiance. Je les entendrai toutes. Au moins avant le Riot Fest de l'année prochaine.

Après 10 minutes de plus, passées à vérifier l'heure sur mon portable, je reçois une notification de l'application Riot Fest :

La tentation de fuir est très forte, mais il y a un souci. Pour atteindre la scène sur laquelle joue Weezer, je serais obligé de me taper une randonnée à travers une montagne de fans de Cure avant d'enchaîner avec un enclos de fans de Weezer, et ce uniquement pour trouver une place vaguement décente. Jetez un oeil à cette carte, vous comprendrez :

J'aurais aimé pouvoir vous dire que j'ai royalement ignoré la notification, que je suis resté planté là pour regarder The Cure une heure de plus, que ça a déclenché une épiphanie en moi et que je me suis découvert un amour sans limite pour le groupe. Que j'ai également démarré une nouvelle vie, sapé en noir de la tête aux pieds et coiffé comme un personnage dégueulasse de Tim Burton. J'aurais sincèrement aimé pouvoir vous dire ça, mais c'est impossible. Opter pour Weezer plutôt que Cure m'emplit du même sentiment que lorsque je me pointe dans un nouveau restaurant et, qu'au lieu d'essayer un plat exotique, je commande un burger parce que j'ai peur d'être déçu.

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J'ai commencé à patauger parmi la horde de boutonneux dépressifs afin d'atteindre la scène où jouait Weezer. Pour vous donner une idée de la difficulté du projet, regardez cette photo du public que mon pote Mark a pris à ses risques et périls depuis le haut de la grande roue :

Photo de Mark Beemer de Shirts for a Cure

Je réussis à choper un bon spot - derrière un arbre, à environ 300 km de la scène - juste avant que Weezer ne commence. Putain putain. J'aime la musique à nouveau. Je le sens en moi. Nique The Cure et leur chansons dissonantes pour losers. J'ai fait le bon choix.

Dès que Weezer sont montés sur scène, la foule est devenue dingue. Accrochez-vous, ils vont jouer l'intro de « My Name Is Jonas »… Da na na da na na da na na naaaa…. Allez les mecs !

Non. À la place, ils jouent « Back To The Shack », une chanson de leur prochain album. Je pensais avoir le Blue Album, et ils m'ont juste mis le Seum.

Mais OK, tout roule. Ils ont un nouvel album à promouvoir. Pigé. La chanson se termine. C'est sûr, maintenant ils vont jouer l'intro de « My Name Is Jonas »… Da na na da na na da na na naaaa…. C'est bon !

Ben non. Ils jouent une chanson que je ne reconnais pas. Je pensais avoir le Blue Album, mais en fait, je suis en train de me faire blue-ser.

La troisième sera la bonne. Allez, balancez cette putain d'intro de « My Name is Jonas ». PAR PITIÉ.

Nope. Encore une chanson que je connais pas. Là, je commence à avoir de plus en plus de mal à voir le groupe - pas seulement à cause de l'arbre et de la distance énorme qui me sépare de la scène, mais aussi à cause des grappes de gens qui s'enfuient.

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La félicité se lit sur les visages.

Weezer finit par jouer « Hash Pipe » suivi de « Island In The Sun » - c'est le moment que choisit le type à côté de moi pour demander à un pote à lui : « Pourquoi ils jouent des morceaux de Sugar Ray ? ». J'en sais rien, mec.

À 21h10, au bout de 30 minutes, Rivers Cuomo annonce « Avant qu'on ne retourne en 1994, on serait bêtes de ne pas faire une pause en 1996 » et il entame « El Scorcho ». Toujours pas de Blue Album, mais au moins c'est une bonne excuse pour ne pas avoir à se fader un truc tiré de l'album avec le gros de LOST sur la couverture.

L'auteur déprime à l'idée de ne jamais entendre « My Name Is Jonas » et son pote Brendan tente en vain de le consoler.

Après « El Scorcho », Weezer font une pause et se barrent de scène. Je crois. Je vois à peine la scène, encore moins ce qu'il se passe dessus, mais s'ensuit un silence terriblement long et embarrassant. Tout ce que je sais, c'est qu'il est 21h15 et qu'il leur reste 40 minutes pour jouer un album qui dure 41 minutes.

Peu après, Weezer revient et finalement, FINALEMENT, jouent l'intro de « My Name Is Jonas » et c'est tout ce que j'espérais. C'est-à-dire, une version vachement moins bien du morceau que j'aime, accompagnée de gens que je ne connais pas qui passent sans arrêt devant moi.

Apparemment, Weezer ressemblaient à ça.

À peu près au même moment où ils entament « The Sweater Song », mon anxiété prend le dessus et je réalise que ce n'est probablement pas le meilleur moyen d'écouter un album qui me plaît. C'est pas la faute à Weezer. Je suis sûr que si il n'y avait pas 50 hectares de gens entre eux et moi, j'aurais été surexcité. J'abandonne finalement Weezer et je m'en vais, blasé.

Je repasse à côté du concert de The Cure, ils jouent toujours. Quelque soit le morceau mélancolique enregistré il y a 20 ans qu'ils sont en train de jouer, c'est la B.O. parfaite pour l'humeur merdique dans laquelle je suis. Je sors du festival et rentre à l'hôtel. J'avais placé beaucoup d'espoirs dans Weezer et tous ont été déçus. On m'a retiré quelque chose que j'aimais, et on l'a remplacé par une incurable déception et… OH PUTAIN. Attends attends. C'est bon… Je crois que j'ai enfin fini par comprendre les mecs de The Cure.

Dan Ozzi était tellement blasé qu'il a fondu en larmes sur son oreiller. Insultez-le sur Twitter - @danozzi