Biquette, la chèvre fan de grindcore, vivra pour l'éternité dans nos coeurs meurtris

A l’ère d’Internet, nous sommes tous des êtres infinis. Mais nous ne serons jamais aussi infinis que Biquette, la chèvre du grindcore. Qui était Biquette ? Vous avez sans doute vu les photos de ses pérégrinations sur la Toile : BuzzFeed en avait posté quelques unes sous le titre « Punk Rock Goat ». Mais pour faire simple, Biquette était une chèvre fan de grindcore. Elle a vécu dans une ferme DIY du Cantal, à Mauriac, où elle est devenue pote avec tous les groupes qui sont venus y jouer. Ces photos ont été prises à un concert de Wormrot et sont devenues instantanément virales pour la simple et bonne raison que c’est hyper drôle de partager le pit avec une chèvre à un concert punk, à fortiori dans la scène DIY, où le sérieux et le militantisme ont parfois tendance à totalement occulter le simple plaisir qu'il peut y avoir à se retrouver avec des gens et des animaux plutôt cools. Il existe aussi une vidéo de Wormrot en train de jouer devant Biquette, et comme vous pouvez le voir ci-dessous, c’est assez mortel. Le groupe envoie pépère et Biquette est là, tranquille, stoïque, plus nihiliste que n’importe quel punk présent dans l'assemblée.

Une page Facebook

a annoncé en décembre dernier la mort de Biquette. Intrigué, j’ai contacté Flo, une fille qui organisait des concerts à Mauriac, pour lui poser quelques questions sur Biquette. Parce qu'à l’heure où tout le monde raconte sa propre histoire, personne ne mérite autant d’attention qu’une chèvre qui aimait passionnément le grindcore.

Noisey : Tu peux expliquer le concept de la ferme de Mauriac aux lecteurs ?
Flo : C'est une petite ferme qui existe depuis une dizaine d’années et qui a vu beaucoup de gens passer ! Certains sont venus y passer quelques jours, d’autres font quasiment partie du décor, et il y a aussi ceux qui sont venus ici uniquement pour assister/jouer aux concerts et aux festivals. Maintenant, on a une équipe complètement nouvelle qui vit ici et s’occupe d’entretenir la ferme, mais c’est un endroit qui a marqué pas mal de gens, je pense. Vous y faites quoi exactement ?
J’y vis réellement depuis quelques mois, j’essaie de réparer des voitures et j’organise des concerts de temps en temps. Je me suis arrêtée à Mauriac la première fois il y a dix ans, à cause d’une panne sèche… et j’y suis toujours ! Quand as-tu rencontré Biquette pour la première fois ?
Biquette est arrivée à Mauriac après avoir « travaillé » dans une usine de lait, et vu que pour ses anciens propriétaires, la laisser partir leur revenait moins cher que de l’envoyer à l’abattoir, elle nous a rejoint. Elle avait quel âge ?
Biquette avait dix ans. Elle a passé cinq ans à l’usine et cinq ans dans la scène ! Quand as-tu remarqué qu’elle aimait assister aux concerts ?
Tout le temps qu’elle a passé chez nous, elle a toujours aimé les concerts, la foule. Quand on faisait jouer des groupes qu’elle n’avait jamais vus, elle leur collait aux basques pendant des heures ! Et quand il y avait beaucoup de monde, elle en profitait pour aller chiper du tabac à droite et à gauche ! Il y a des groupes qu’elle aimait particulièrement ?
Je me souviens que durant un concert de Panzer Cardinal (un groupe de Toulouse), elle a passé toute la soirée aux pieds du bassiste (qui d’ailleurs hallucinait un peu). Elle était surtout branchée par le grind (c’est un peu bizarre de parler comme ça d’une chèvre mais c’est pourtant vrai !). Vu que le barnum à l’intérieur duquel on organise nos concerts est en bois, je pense qu’elle ressentait les vibrations sous ses sabots. La majorité du temps elle s’allongeait même devant les enceintes. Comment réagissaient les groupes ?
On a eu tous types de réactions ! La plupart des gens étaient amusés, curieux, mais on a aussi eu droit à des « c’est dégueulasse de faire ça à ce pauvre animal qui n’a pas choisi d’être ici, pourquoi vous ne l’enfermez pas durant les concerts ? » Eh bien, écoute, si elle voulait se barrer du concert, elle l’aurait fait d’elle-même depuis longtemps ! Pas mal de groupes lui ont dédicacé des chansons, Wormrot par exemple. C’était quoi sa nourriture favorite ?
Le tabac !!! Sous n’importe quelle forme (tabac à rouler, cigarettes…) Et en gros, tout ce qui traînait à sa portée. Elle a avalé une bonne quantité de fonds de pots de peinture et de bidons de vidange aussi… Tout dépendait de la saison. Elle buvait pas mal d’alcool, les fonds de verre que les gens laissaient traîner, Biquette les récupérait. Comment est-elle morte ?
Sa mort reste un grand mystère. Certains avancent la thèse d’un changement de rythme trop brutal entre le nettoyage complet du site et l’arrivée de nouvelles personnes. Peut-être que le crust metal lui manquait ! Non, franchement, on n’en sait rien. Ce qui est sûr c’est qu’elle a brûlé la vie par les deux bouts. Ce type de chèvre vit dix ans de plus en temps normal. Mais Biquette ne faisait rien comme les autres chèvres. Elle n’avait qu’un seul mot d’ordre : « Live fast die young !!! » Il y a d’autres animaux à Mauriac qui aiment la musique ?
Il n’y a qu’une seule Biquette ! Il y a énormément de chiens (peut-être un peu moins maintenant). C’est la campagne ici, donc on a vu un paquet d’animaux différents se pointer. On a même récupéré un pigeon un jour, il était tombé de son nid et avait élu domicile sur le manche de ma guitare alors même que je jouais. On a du le transférer ailleurs pour lui sauver la vie parce que les chiens voulaient faire copain-copain avec lui. Biquette était-elle réellement une chèvre ? J’ai vu que certains la considéraient comme une brebis.
Biquette était une chèvre, une chèvre très spéciale, mais une chèvre. Jeremy est sur Twitter - @jeremypgordon