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Music

Deux facettes d'une même décennie : Nico et Karen Dalton

Qu'est-ce qui réunissait ces deux icônes des années 60 ? Réponse avec Pierre Lemarchand et Serge Féray, qui leur ont consacré un livre chacun en début d'année.

D’un côté, il y a Karen Dalton. Une chanteuse folk ayant façonné la légende du Greenwich Village au début des années 1960 et dont Bob Dylan a dit le plus grand bien dans le premier volume de ses Chronicles. De l’autre, il y a Nico. Muse sexy du grand méchant Lou et icône fantomatique du Chelsea Hotel. À elles seules, et selon deux périodes bien distinctes, ces deux artistes, vont proposer deux visages relativement différents des années 1960. Alors que sort Karen Dalton, le souvenir des montagnes chez Camion Blanc et Nico, femme fatale aux éditions Le Mot et le Reste, on est allé demander aux auteurs, Pierre Lemarchand et Serge Féray, ce qui pouvait bien réunir ces deux femmes, intransigeantes et singulières. Noisey : Pourquoi avez-vous choisi de réaliser un livre spécialement sur Karen Dalton et Nico ?
Serge Féray : Il y a trente ans que j'écris sur Nico. J'ai toujours été frappé par l'injustice du traitement qui lui est réservé dans la presse rock, où elle n'est présentée la plupart du temps que comme la « chanteuse » du Velvet, alors qu'elle n'a enregistré que trois chansons avec le groupe de Lou Reed, et que sa discographie solo est bien plus originale, bien plus riche que ces trois titres. J'avais déjà publié, de manière relativement confidentielle, un premier essai sur elle il y a vingt ans, et j'avais de nouvelles choses à dire sur son œuvre et sur sa vie.

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Pierre Lemarchand : Pour ma part, c’est mon premier livre et celui-ci découle directement de ma découverte de la musique de Karen Dalton dans un article de Stéphane Deschamps dans les Inrocks. C’était au moment de la réédition de son premier album et je suis tombé à la renverse en entendant sa musique. Ce qui m’a très vite fasciné, c’était que Karen était une artiste méconnue, voire inconnue, et la majorité des infos la concernant étaient fausses. Ce côté mythique m’intriguait. Du coup, j’ai commencé à accumuler beaucoup de documentation, comme ça, sans m’en rendre compte. Je suis entré en contact avec des personnes qui lui avaient survécu et j’ai fini par comprendre que j’avais assez de matière pour en faire un livre. Selon vous, qu’est-ce qui caractérise ces deux artistes ?
Pierre : Karen ne faisait pas du folk parce que c’était la mode au début des années 60. Elle faisait cela parce que c’était son langage premier, ce qu’elle a toujours connu. C’est aussi pour ça qu’elle quelques crises d’angoisse lorsqu’elle devait donner des concerts. Selon elle, ça gommer la spontanéité et la sincérité d’une musique jouée dans une même pièce par une petite communauté de musiciens.

Serge : Ce qui caractérise Nico ? Artistiquement, une sensibilité unique, une vision qu'elle s'est donnée les moyens de transcrire en rejetant tout cliché, se choisissant un instrument pratiquement inédit dans le rock, en inventant des mélodies conjuguant folklore et atonalité, pour chanter des poèmes cryptiques puisant leurs sources dans les romantismes allemand et anglais. Psychologiquement, une grande détresse sublimée dans une attirance morbide pour l'abîme, pour ce que Michaux appelait la connaissance par les gouffres, une Todessehnsucht d'une intensité rare, qui l'a menée à sa perte mais lui a permis de construire une œuvre incomparable, dont nous n'avons pas fini d'explorer toute la richesse. Peut-on les considérer comme des figures essentielles de la scène rock/folk américaine des années 60 ?
Pierre : Avec le recul, oui. Son art est strictement musical. C’était une très grande interprète et sa façon de transfigurer les chansons des autres pour les faire siennes en faisant le choix de l’intime ne peut que saisir. Au sujet de Karen, Fred Niel me disait d’ailleurs que la première fois qu’il l’a entendu, elle chantait une de ses chansons et il ne l’avait pas reconnu. Si elle lui avait dit que c’était une de ses compositions, elle l’aurait cru.

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Serge : Dans le cas de Nico, pas du tout. Nico est le prototype d'une musique européenne influencée par le rock dans ses modes de production, mais totalement affranchie des codes traditionnels du genre : aucune influence du blues ou de la country, pas de guitare électrique (ou en tout cas, pas utilisée de manière rock), pas de batterie. Sa musique rend possible, après elle, la cold wave et surtout le folk post-apocalyptique, des mouvements d'essence européenne. Quant à sa contribution au Velvet Underground, elle est trop marginale pour que l'on parle d'elle comme d'une figure essentielle du rock américain. D'autant que le Velvet est un groupe new-yorkais, et que l'on sait bien que New York est une ville européenne. Qu’est-ce qui fait qu’une artiste comme Nico ait eu un rôle à jouer, contrairement à Karen Dalton, confinée dans un injuste anonymat ?
Serge : Il semble qu'avant de songer à devenir artiste, Nico a d'abord rêvé d'être une star, et qu'elle s'en est donné les moyens en croisant les bonnes personnes, aux bons moments. Jusqu'à sa rencontre avec Warhol, et malgré quelques ratés (son « oubli » du rendez-vous avec René Clément, qui la voulait pour tenir le rôle de Marge dans Plein Soleil), elle réussit plutôt bien dans son projet, même si son talent d'actrice est sujet à caution. C'est au contact de Warhol, puis auprès de Lou Reed, John Cale et Jim Morrison qu'elle se découvre le besoin de créer, elle aussi, de n'être plus seulement une interprète. Au milieu des années soixante-dix, alors qu'elle est en train, malgré une œuvre sans concession, de conquérir un public de plus en plus important, elle saborde plus ou moins consciemment sa carrière, comme si devait mourir la star pour que ne subsiste que l'Œuvre.

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Pierre : Karen, c’est l’inverse. Elle a très vite tourné le dos à une contre-culture qui était en train de se faire récupérer par la presse et le monde de l’art. Pour elle, l’idée de carrière était absurde, la musique devait restée une forme de dissidence. Elle savait ce qu’elle valait et elle voulait à tout prix garder le contrôle. Sa première partie de Santana en Europe a d’ailleurs été la plus grande catastrophe de sa carrière. Elle avait la sensation d’être d’allée trop loin, de s’être trahie. J’ai l’impression que ces deux artistes avaient un lien particulier avec leur ville. Berlin pour Nico. Le Colorado pour Karen Dalton. Comment expliquez-vous cet attachement ?
Serge : J'ai évoqué dans mon analyse de l'album The End… toute l'ambiguïté du rapport de Nico à sa patrie et à son histoire, qui trouve son expression la plus forte dans sa reprise très dérangeante, provocante et finalement sublime du Deutschland über alles qui conclut le disque. Le sujet de Nico dans cet album, c'est celui de tous les cinéastes allemands des années soixante-dix, de Wim Wenders à Fassbinder, de Peter Fleischmann à Helma Sanders, en passant par Herzog : comment assumer, lorsqu'on est un artiste allemand, l'héritage du nazisme ? Wenders disait qu'il appartenait à une génération qui n'avait que des grands-pères, parce que les pères avaient trahi, s'étaient comportés de manière odieuse en portant Hitler au pouvoir et en faisant la guerre sous ses ordres. Dès lors, comment faire table rase de l'ère nazie, et se réapproprier une culture allemande qui ne soit pas souillée par la tache hitlérienne ? Berlin, cœur géopolitique du XXe siècle, à l'origine des deux guerres mondiales et au centre de la guerre froide, Berlin rasée par les bombes avant de devenir la vitrine de l'Occident, était le symbole même de cette problématique. Comment ne pas être marquée à jamais lorsqu'on a grandi sous les bombes, dans les ruines de Berlin, et qu'on a eu un père SS exécuté par ses propres frères d'armes ?

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Pierre : Karen est originaire de l’Oklahoma, même si, dans la seule interview qu’elle ait donnée, elle dit qu’elle vient du Texas. Alors que la seule période où elle s’est sentie pleinement heureuse et équilibrée semble être justement celle passée en Oklahoma. C’était la patrie qu’elle s’était choisie et elle y revenait sans cesse. Elle vivait avec peu, mais elle aimait cette solitude et ce rapport à la nature. C’était très important pour elle. Et c’est pour ça aussi qu’elle a apprécié vivre à Woodstock dans les années 80. Karen et Nico ont aussi comme point de commun d’avoir beaucoup déménagé. Pensez-vous que ces voyages ont nourri leur créativité ?
Serge : L'album Drama of Exile en est la parfaite illustration. Mais, dans le cas de Nico, qui revendiquait le fait de n'avoir pas de home, de foyer, « déménager » est impropre. Elle a sillonné la planète et en a rapporté diverses influences, dont on peut entendre toute la richesse dans sa musique, qui englobe — pour faire vite — romantisme XIXe, plain-chant médiéval, musique d'église (l'harmonium y renvoie automatiquement), lieder, opéra, folk celtique, rock expérimental, « disco turque », musique arabe et qawwalî.

Pierre : Bizarrement, les voyages ne correspondaient pas à Karen. Il semble que les seules périodes où elle ait été heureuse sont celles où elle n’a pas bougé. La nouveauté, la vie en mouvement n’ont pas nourri son art. En revanche, la permanence des choses, le rythme des saisons, ça l’inspirait nettement plus. Pierre, comment expliques-tu que Karen Dalton n’ait donné qu’une seule interview durant toute sa carrière ?
Pierre : Elle n’était jamais là. Quand elle enregistrait son deuxième album, personne ne la trouvait. Michael Lang venait de lancer Just Sunshine Records et souhaitait Karen comme première signature. Le problème, c’est que personne ne savait jamais où elle était. Et, forcément, ça a dû jouer. Elle donnait déjà des concerts dans les clubs new-yorkais au début des années 60, mais lorsque ses compagnons de route, Bob Dylan ou The Mamas And The Papas, entrent en studio, elle fait le choix inverse et disparaît. Lorsqu’elle réapparaît en 1970, la vague folk est terminée, à bout de souffle. À cela, tu peux rajouter une tendance à la mythomanie dans son unique interview et tu comprends très vite que ce n’était pas une bonne cliente. Karen et Nico ont également la particularité de symboliser deux fleurons créatifs d’un même New York. Le Greenwich Village pour Karen, Chelsea Hotel pour Nico. Que symbolisent ces lieux ?
Serge : Le Chelsea Hotel, c'est peut-être ce qui a le plus ressemblé, pour Nico, à un foyer, même si ce n'était qu'un hôtel, lieu transitoire par excellence. Dans l'atmosphère glauque, dangereuse même, de l'établissement de la 23e Avenue, où elle prétendait que chaque jour, quelqu'un se faisait assassiner ou violer, elle se sentait chez elle, reine des bad girls au milieu des artistes et des gangsters. C'était un lieu de mémoire, où elle croisait les ombres des amis disparus, et sans doute son propre fantôme, celui de la blonde Chelsea Girl qui, sur son premier album, chantait, avec les mots de Lou Reed, les turpitudes auxquelles se livraient les résidents de l'hôtel. N'oublions pas non plus que c'était sur elle que s'ouvrait et se fermait le film de Warhol au titre voisin, Chelsea Girls. Il était logique qu'elle devienne en quelque sorte l'emblème du lieu, l'incarnation de son esprit.

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Pierre : Ce qui est intéressant de noter, c’est que Karen était au Greenwich Village avant tout le monde. Elle y est déjà en 1960 et Dylan n’arrive qu’un an plus tard. C’est ce qui contribue à en faire une chanteuse authentique, ça et le fait que ses chansons étaient réellement prolétariennes, en lien avec ses origines paysannes, là où les artistes du renouveau folk étaient tous des mecs urbains en quête de nature pour trouver l’inspiration. Karen, elle venait de là. Là où Nico semble avoir été façonnée par différents hommes, Karen semble nettement plus engagée avec ses chants de prisonniers et ses spiritual songs. Ça reflète finalement bien les années 60, où les femmes commencent à s’émanciper ?
Serge : Qu'auraient été les Beatles sans George Martin ? Pete Townshend sans les Who ? Joy Division sans Martin Hannett ? Lou Reed sans John Cale et Andy Warhol ? Bowie sans Tony Visconti puis Brian Eno ? Certes, Nico a joué les Galatée pour plusieurs pygmalions successifs, qu'ils s'appellent Fellini, Dylan, Warhol, Paul Morrissey, Jim Morrison ou Philippe Garrel. Chelsea Girl, album conçu par Paul Morrissey, ne compte pas pour un album solo, puisqu'elle n'y a écrit qu'une seule chanson et qu'elle n'y a rien décidé, mais à partir du moment où elle écrit ses propres chansons, elle prend le contrôle de son œuvre (sinon de sa carrière), même si, ne sachant pas écrire la musique (comme beaucoup de musiciens rock), elle délègue à John Cale le soin d'habiller ses chansons d'arrangements dans lesquels elle se reconnaît le plus souvent. Ensuite, elle réalise The Drama of Exile en collaboration avec le bassiste producteur Philippe Kilikini, et cet album, quoique très réussi, est le moins personnel, musicalement, qu'elle ait enregistré. D'ailleurs, elle en a renié les arrangements, non ?
Serge : Oui, elle reprochait à Kilikini de l'y avoir fait chanter « comme s'il s'agissait de marches militaires ». Mais il ne faut pas nous laisser leurrer par la discographie parcimonieuse de Nico. Si elle a peu enregistré, elle a beaucoup tourné, et dans la plus grande partie des années soixante-dix, elle se produisait seule avec son harmonium, un spot bleu sur les lèvres et les yeux, et c'est tout. Signe, encore une fois, d'une grande confiance en soi, d'une vision très sûre de son art, ainsi que d'une véritable indépendance créatrice. Même lorsque Lutz Ulbrich s'est mis à l'accompagner sur scène, il ne jouait de la guitare que sur quelques morceaux, la laissant seule pendant l'essentiel du concert. Nico n’a-t-elle pas également été prisonnière de son physique ?
Serge : Il est certain que si sa beauté fut un atout pour sa carrière de mannequin et ses premières tentatives dans le cinéma (on devine aisément que c'est pour sa plastique plus que pour la qualité de son jeu qu'elle a été engagée dans Strip Tease), elle a fini par lui peser : était-elle trop belle pour qu'on prenne son art au sérieux ? Est-ce pour cela qu'elle a changé d'apparence lorsqu'elle a quitté le Velvet, qu'elle a teint ses cheveux, et dissimulé son corps de top model dans de grandes robes, de lourdes capes qui lui donnaient des airs de pythie gothique avant la lettre ? Ceux qui l'ont connue prétendent qu'elle a systématiquement, sciemment détruit sa beauté — et pourtant, pour l'avoir quelquefois rencontrée durant ses dernières années, je peux vous assurer que belle, elle l'était encore, d'une autre beauté que dans les années soixante, mais terriblement, mortellement belle. Karen Dalton, de son côté, semble avoir eu plus de facilité à s’imposer dans ce monde d’hommes…
Pierre : C’est vrai que c’est l’une des rares femmes musiciennes du début des années 60. Mais elle a un tel background, une telle authenticité qu’elle s’est imposée naturellement auprès de ses pairs. Là où Nico avait eu du mal à se dépêtrer de son image de belle femme, Karen, elle, avait été mariée plusieurs fois et avait déjà eu deux enfants avant d’arriver à New-York. Elle avait déjà fait sa vie et n’avait besoin de personne. Pareil lorsque Bob Dylan la rencontre. Il n’a que 19 ans, c’est encore un gamin et c’est logiquement lui qui est impressionné par Karen. Si Karen est décédée du SIDA en 1993, après seulement une paire de productions, Nico, elle a déclaré qu’elle avait connu les sommets de la vie et le fond. Comment expliquez-vous le parcours chaotique de ces deux artistes ?
Pierre : Le plus triste, c’est que Karen n’a jamais cherché à être détachée du monde de la musique. C’est l’industrie qui ne voulait pas d’une artiste sans compromis. Pour elle, la musique n’était pas un loisir ou un divertissement. C’est aussi pour ça qu’il lui arrivait de s’énerver en concert lorsqu’elle voyait que le public ne lui offrait pas une écoute attentive. Ce n’était pas de la pop qu’elle jouait, mais des spirituals songs, des chants de prisonniers.

Serge : Le parcours chaotique de Nico s'explique en partie par la méfiance des maisons de disques à son égard : Nico était une junkie notoire, elle chantait l'hymne nazi, il lui arrivait de faire des déclarations franchement « limite », et on savait que son comportement lors des concerts pouvait l'entraîner vers le sublime comme vers la catastrophe. Bref, comme n'importe quel junkie, elle n'était pas considérée comme fiable. En outre, sa musique, pour le moins atypique, la rendait peu bankable : « On ne peut pas vendre le suicide, » disait John Cale pour expliquer le relatif échec commercial de The Marble Index. D'où sa difficulté à trouver des compagnies pour lesquelles enregistrer. Mais c'est une situation qu'elle appréciait aussi : n'être aimée que par des happy few, être une star culte, underground, cela flattait sa vanité élitiste. Bien sûr, elle aurait préféré jouer au Carnegie Hall plutôt que dans le minable Powerhouse de Birmingham, mais elle se moquait bien d'une notoriété à la Neil Diamond. Il paraît que tout se décide dès l'enfance, et l'on peut supposer que ne pas connaître son père, apprendre qu'il a été exécuté, grandir dans l'Allemagne nazie, sous les bombes, puis dans les ruines de Berlin, vous forge, pour peu que vous ayez une sensibilité artistique, un caractère particulier, et vous confère un goût pour les expériences extrêmes. Tout doit sembler bien fade, parfois, à une âme assez sensible pour écrire et chanter « Julius Caesar » ou « Frozen Warnings ». Alors, il faut bien trouver des moyens pour redonner du sel à la vie… Quelle est votre anecdote préférée au sujet de Nico et de Karen Dalton ?
Serge : Dans le livre magnifique qu'il lui a consacré, Songs They Never Play On The Radio, James Young, son pianiste, évoque l'humour très particulier de Nico, qui ne comprenait pas les histoires drôles, et ne riait que de choses dramatiques, macabres, jusqu'au jour où elle a enfin ri à une blague, celle-ci, que raconte John Cooper-Clarke : on vient d'inventer une pilule contraceptive miracle, avec des vertus exceptionnelles ; une fois qu'on l'a prise, c'est comme si on n'était jamais né ! Et Nico, pour la première fois, de rire à une histoire drôle, de rire à ne plus pouvoir s'arrêter, répétant : « Comme si on n'était jamais né ! Comme si on n'était jamais né ! » Voilà ce qui faisait rire Nico. J'aime beaucoup cette histoire, je l'y reconnais bien.

Pierre : La mort de Karen est en tout point marquante. Peter Walker, son ami et légataire après sa mort, me racontait qu’elle n’avait plus rien à ce moment-là. Elle vivait dans un mobil-home à Woodstock et toute sa vie se trouvait dans deux boîtes. Dans l’une d’elle, elle avait laissé un dossier d’archives pour Peter. En l’ouvrant, il a découvert des coupures de presse, un magazine où il faisait la couverture et des photographies le concernant. Ça datait de 1961 et, malgré tout ce nomadisme, ses différentes overdoses et toute cette violence, elle avait choisi de garder tous ces souvenirs pour faire la surprise à son ami. Peter me disait que ça faisait un bel écho au titre du premier album de Karen, It's So Hard To Tell Who's Going To Love You Best. Il s’est dit que son amie Karen était sans doute la personne qui l’aimait le plus sur Terre, même s’ils ne voyaient pas parfois pendant huit ou neuf ans.