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C'est XV Barbar, t'as capté ?

Ils sont huit, viennent du 17ème arrondissement, mélangent trap, danse et afrobeat et leur dernier projet s'appelle « Le Gun Ou La Rose ».

Photos - Melchior Tersen

Bien que le premier projet du groupe s’intitule Instinct Animal (2014), c’est d’instinct grégaire qu’il s’agit quand on pense au XV Barbar. Comme dirait l’autre : « L’union fait la force toi et tes potes faut cotiser ». Et c’est ce que fait le groupe assurément, même si les membres ont des signatures toutes plus différentes les unes que les autres ; le socle est le même, des souvenirs d’enfance partagés, une passion commune et la même finalité : réussir en restant soi-même.

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Black D, Pispa, Leso, Le « S », ADK, Cheu-B, Layonne et Jack Mess ont tous grandi ensemble dans le 17ème, un arrondissement étrange à l’identité poreuse. Personne ne comprend cette partie de Paris à part ses résidents : on passe facilement des appartements cossus de Wagram à l’avenue de Clichy, ses prostitués et ses grecs infâmes. Pourtant c’est bien là-bas que tout a commencé, rue de la Jonquière, rue La Condamine entre le tabac et la station vélib, toujours vide.

J’admets en exagérant à peine que XV Barbar est le groupe le plus influent de la saison 2015-2016. Signés sur le label indépendant Triangle d’Or, l’escouade s’impose comme un véritable bureau de tendance. Alors que tout le rap français s’égosillait à rapper sur des instrus bof style Lex Luger, à sortir la même formule faite de retard et de statisme, XV Barbar et sa « black dance » s’inscrivait dans la vraie contemporanéité, celle de l’avant-garde.

Ils apportent avec eux le dynamisme liminale du rap. Ni des vendus qui font des chorés pour amuser la galerie, ni des mecs old-school qui tournent sur la tête comme des toupies, juste une gestuelle fédératrice qu’ils exécutent avec fougue, sans détour ou prétention. Comme une forme inséparable du fond. Un soin tout particulier apporté aux mouvements bien avant que Silento nous casse les oreilles avec son « Whip (Nae Nae) » et que ta grand-mère se mette à dabber (même Hilary Clinton et ta collègue naze « dabbent » maintenant…). Donc oui, alors que le reste du rap restait parfaitement enraciné, ils débarquent et se réclament de Skippa Da Flippa avant que ce soit un phénomène, se rendent compte de l’ampleur de Niska avant tout le monde.

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Avec leur dernière mixtape Le Gun ou la Rose, les rappeurs se sont essayés à la versatilité : beat mélodique avec leur titre éponyme, afrobeat avec « Tout est bon », trap sombre avec « Freezer ». Cependant, même si le rap français a toujours fait la part belle aux groupes (Sexion d’Assaut, Mafia K’1 Fry, Ministère AMER, Les Sages Poètes, etc…), les dilemmes restent identiques et intactes : comment composer en étant aussi nombreux ? Comment s’inscrire dans la longévité ? Eviter les niveaux inégaux et les batailles d’égos ? J'ai rencontré 6 des 8 membres de XV autour d'un kebab pour le savoir.

Noisey : Comment vous vous êtes rencontrés ? Et comment l’idée du groupe est venue ?
XV Barbar : On a tous grandi ensemble dans le quartier. La plupart d’entre nous, on se connaît depuis l’école primaire. Donc déjà c’est une histoire d’amitié et ensuite, petit à petit, des membres ont commencé à rapper, d’autres ont été engrainés dans le délire et y pris goût. On ne saurait pas exactement dire quand le groupe s’est formé, on pourrait dire approximativement 3 ans mais les choses se sont faites très naturellement.

Comment être un groupe de rap comme le vôtre tout en venant du XVIIème ?
On doit tout à notre arrondissement. A commencer par notre nom : XV Barbar qui est un jeu de mots avec le chiffre 17 qui s’écrit XVII en chiffres romains. Ensuite, le 17ème arrondissement, c’est pas un ensemble uniforme. Au contraire, il a y un contraste entre l’endroit d’où l’on vient nous et l’autre XVIIème. Il y a deux parties, un coin vraiment bourge style Wagram et compagnie et le nôtre qu’on appelle « le Triangle d’Or » : La Fourche, Porte de Saint-Ouen, Porte de Clichy. C’est cette partie qu’on représente. Chez nous, chez le zoo et notre réalité elle est brutale quand tu sais qu’à quelques rues il y a des gens dont la vie est l’opposée de la tienne. A chaque endroit où il y a de la richesse, il suffit de creuser pour voir qu’il y a toujours un coin sombre et délaissé.

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Vous êtes 8 membres, quels sont pour vous les points forts et les points faibles du fait d’opérer en groupe ?
On a 8 inspirations différentes qui sont toutes lourdes et qui ont toutes du sens. C’est ce qui fait notre force c’est sûr. Il y a huit cerveaux qui travaillent ensemble et ça, ça tue. Mais d’un côté ça peut aussi être un inconvénient car on est une famille et dans les familles, il y a toujours des trucs casse-couilles. Par exemple, les disputes pour la télécommande, ton frère veut regarder une chaîne et toi pas du tout. Et bah, il y a aussi des moments comme ça mais ça dure jamais longtemps car on sait que ce qui fait notre son c’est notre capacité à s’écouter les uns les autres. XV Barbar, c’est un gros gâteau et l’alchimie des ingrédients fait que le truc est bon à la fin.

Même si on a tous des personnalités différentes, vu qu’on a intégré qu’on fonctionnait comme une famille, on fait des compromis et pour l’instant ça fonctionne très bien. Le son XV Barbar il naît dès qu’on est tous sur la même longueur d’ondes. T’as capté ?

Et en studio comment vous fonctionnez ?
Tu vas pas nous croire mais on fonctionne en impro total. XV Barbar repose sur l’improvisation et le freestyle en permanence. C’est même pas voulu, c’est juste qu’on est trop, et il faut du temps de studio ! Vu qu'on est 8, si on se laisse trop aller on y passe notre vie en studio. Alors quand on enregistre, on arrive, on écoute des instrus, on s’enjaille. Celui ou ceux qui le sentent le mieux rentrent dans la cabine avec leurs textes en tête. S'il te manque une ou deux mesures, il y a toujours du renfort. Et en ce qui concerne les refrains, on essaye de les écrire collectivement même si ce n’est pas toujours le cas.

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Pispa : Si j’ai une punchline qui peut me faire percer, je peux la donner à un des membres sans problème, j’men fous ça me dérange pas.

Ouais ! Je veux pas faire la fouine mais il y a pas mal de rumeurs sur les réseaux comme quoi vous vous sépareriez et comme par hasard, Jack Mess et Black D sortent un son uniquement tous les deux dans la foulée…
XV : Les gens vont toujours inventer des trucs ! Avec les réseaux sociaux, les rumeurs vont vite. Quelqu’un ouvre sa bouche et ça y est, tout le monde y croit sans avoir de preuves. Les membres du groupe sont tous libres de collaborer entre eux. C’est comme le Wu-Tang c’est pas parce que Raekwon fait un featuring avec Ghostface que ça veut dire que le groupe lui-même n’existe plus. XV Barbar, on est pas prêts de se séparer, on ne se séparera jamais ! Note bien ça !

Votre première mixtape est beaucoup plus revendicative et agressive que Le Gun ou la rose où vous vous laissez allés à des sonorités plus mélodiques et plus aériennes.
Leso : Oui c’est vrai. Quand Instinct Animal est sorti, on sortait de la rue. C’était le reflet de notre état d’esprit à ce moment là, l’envie de tout niquer. On a encore cette envie là mais quand tu arrives dans le rap il faut frapper fort et s’affirmer dès le premier projet sinon on te prend pas au sérieux. C’est un peu comme une carte de visite donc elle doit percuter ! Le premier projet t’as envie de crier et de dire que t’existes. Dans Le Gun ou la rose, plus que des mecs de la rue, on s’est pris pour des artistes, on a cherché d’autres sonorités, avec « Tout est bon » par exemple.

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Est-ce qu’on peut revenir sur la genèse de « Carjack Chiraq » ?
Black D : C'est une collaboration entre Niska, son crew et Cheu-B et moi. On a rencontré Niska grâce à William Thomas, un mec qui réalise tous les clips de rap du moment, Niska, PSO Thug, MHD, etc.. Les choses avec Niska se sont faites naturellement. On kiffait chacun la musique de l’autre !

Leso : Je pense qu’on est peut-être les premiers dans le rap à avoir senti qu’il dégageait un truc avant tout le monde. On n'a pas attendu qu’il perce, t’as capté ?

Dans le clip vous êtes survoltés et ça danse pas mal, dans « Black Dance » et« Gomu Bang » également.
Le S : La gestuelle, c’est notre marque de fabrique. Bien sûr il y avait déjà Lacrim ou Kaaris qui faisaient des signes. Mais nous, on pense avoir été les premiers en France à pousser la gestuelle jusqu’au bout avec « Black Dance ». Quand tu regardes les clips de 2013 et 2014, personne ne bougeait tellement. Dès que « Black Dance » est sorti, soudain tout le monde a commencé à arriver avec une petit choré, des petits pas, des mouvements. Dans « Catch Up » aussi, Cheu-B, Pispa, Black D ce sont eux qui commencent vraiment à pousser la danse des épaules en premier.

Par contre, je ne vais pas mentir, on s’est inspiré de l’autre côté de l’Atlantique. Mais pour tous les gens qui ne comprennent pas ou qui voient ça comme de la copie c’est leur problème. Dans la musique et dans l’art en général, les artistes s’inspirent d’autres artistes donc on s’en fout. On a ajouté notre touche à nous là-dedans et ça ne nous dérange pas du tout que les gens adaptent notre gestuelle à leur tour, au contraire. En gros, on a conscience du fait qu’on a rien inventé mais on sait aussi qu’on a notre personnalité, et que la gestuelle est inséparable de la musique que l’on fait maintenant.

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Pispa / Cheu-B : Maintenant même les rappeurs qui font 5000 vues sur YouTube bougent de cette façon.

Black D : Surtout que quand on a tourné les clips de « Catch up » ou « Black Dance », toutes les danses qu’on faisait étaient improvisées. On réalisait pas du tout que ça allait prendre de l’ampleur. On est arrivés, on a fait ce qu’on faisait d’habitude entre nous et après les gens ont kiffé et suivi, voilà quoi. Mais à la base c’est pas un truc qu’on faisait de manière calculée !

D’ailleurs Black D, j’ai matté une interview d'il y a quelques temps où tu disais que « la trap sauvait beaucoup de rappeurs », tu entendais quoi par là ?
Black D : Ce que je voulais dire quand j’ai dit ça c’est que déjà, on a pas tous commencé à rapper en même temps et moi. Par exemple, j’ai commencé plus tard que Le S. Je parlais surtout pour moi car c’est sur des instrus trap que j’ai commencé à rapper et maintenant je peux rapper sur d’autres types d’intrus sans problème car j’ai gagné en expérience, mais il y a plein de rappeurs qui ne pourraient rien faire sans une instru de trap. L’instru elle permet à ton flow d’être lent et de pouvoir chercher tes mots et ça, c’est sûr que ça sauve pas mal de rappeurs.

XV : La trap même si on en fait on sait que c’est la facilité et que le rap s’arrête pas à ça.

Le S : Ouais, ça porte bien son nom, c’est comme le trafic de drogue, c’est la facilité.

Quand on regarde ces deux dernières années, il y a quand même une nouvelle vague de rap francophone que ce soit en France ou en Belgique, il a plus de featurings qu’avant aussi.
Oui c’est vrai. On est la nouvelle génération mais par contre il y a toujours une mentalité de merde.

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Pispa : Ca fait des feats mais la vérité c’est que le rappeur en feat a souvent pour projet d’enterrer l’autre.

C’est-à-dire ? La compétition, c’est normal non ?
Pispa : Non mais il faut faire la différence entre vouloir être le meilleur et vouloir finir la carrière de quelqu’un. Et j’en connais dont c’est clairement le projet quand ils sont invités sur le track d’un autre rappeur…

Quand Kaaris vous a tous invité sur « C’est la base », il y a eu des tensions ?
Non, Kaaris, on le considère plus comme un mec du « rap game », pour nous c’est un exemple de réussite mais surtout, humainement parlant, c’est un mec qui a les pieds sur terre. En fait, il est pareil tout le temps y’a pas de chichis avec lui et ça c’est cool mais on sait aussi que c’est rare. Pour nous, c’est une tête d’affiche, on s’attendait à un accueil froid mais c’était pas du tout le cas. Bref ça s’est bien passé !

D’ailleurs, il vous a même invité à venir interpréter le morceau sur la scène du Zénith avec lui.
Ouais ça tuait, même si on n'est pas restés longtemps. En plus, Young Thug a fait une apparition surprise juste après nous.

Oh ?
On n'était pas au courant qu’il viendrait. Il a fait son truc et est reparti aussitôt. On va pas mytho on était grave content ! Par exemple, Black D lui a rendu hommage dans « Le Gun ou la rose », en reprenant la mélodie de « Again ». Pour nous, Young Thug c’est un barbar. Il faut lui dire de venir qu’on fasse un feat. [Rires]

Sinon j’ai remarqué depuis vos débuts que vous étiez vraiment obsédés par les mangas et les superhéros. Dans « Monte à Bord », Black D balance : « Mon rap je l'ai écrit dans un Death Note / Mon chapeau je l'ai péta à Luffy ». Ensuite vous faites carrément un morceau intitulé « Gomu Bang », « Freezer », un autre qui s’appelle « Marvel », je compte plus les références
Y’en a encore d’autres des références un peu partout, à Boubou, Sangoku, les Chevaliers du Zodiac, etc.. C’est pas conscient et cette passion dans le groupe, tout le monde ne la partage pas. Par exemple, Layonne, Black D, Cheu-B, et peut-être ADK, sont plus dedans que les autres membres du groupe. C’est vrai qu’avec « Gomu Gang », le délire manga s’est tout de suite vu. [Rires] Pour ceux qui savent pas le Gomu Bang, c’est une attaque de Luffy, le personnage principal de One Piece. Il donne des coups de poings de bâtards avec son bras élastique.

Pour « Marvel », on l’a écrit un peu comme une carte de visite pour se présenter et que les gens puissent nous distinguer les uns des autres. L’inspiration que nous donne les mangas, elle vient déjà de l’enfance et elle reflète l’esprit de notre groupe. Un esprit joueur mais en même temps battant. Entre le rap game et la rue, notre vie est parfois aussi surréaliste que dans les mangas.

C’est quoi les caractéristiques d’un « barbar » pour vous ?
Un « barbar », c’est quelqu’un qui est prêt à user de tous les moyens pour arriver à son but MAIS qui a un code de l’honneur. Ses intérêts sont les intérêts de son clan. Christelle a un code d'honneur. Elle est sur Twitter.