FYI.

This story is over 5 years old.

Music

L'impossible retour de Civil Civic

Le duo australien nous a parlé de sa longue absence, des problèmes d'alcoolisme de sa boîte à rythmes, de la recette du mille-feuilles à la merde et de son respect infini pour Midnight Oil.

Il existe à Marseille – comme dans tous les écosystemes alternos des grandes villes de France –, une communauté de quadras CSP +, mi-électro-noise / mi-garage de merde et 100 % anti-rap français. Vous avez les mêmes à Paris, à Montpellier, à Bordeaux et surtout à Nantes. Le genre de bruncher à lunettes carrées qui ne se lève de table que pour un live de Drame. Et pourtant, c’est au détour d’une discussion avec l’un d’entre eux que j’ai découvert Civil Civic. C’était il y a une poignée d’années, à l’époque de la sortie de Rules.

Publicité

Preuve attachante qu’il existe bien un monde musical au-delà d’Étienne Jaumet. Civil Civic, donc. Faux trio mais vrais champions de la teuf dépressive qui, depuis la sortie de leur premier LP, ont tourné comme des Crüst-Overlords avec leurs pelles au-dessus de la ceinture, enregistré un tube avec R. Stevie Moore et fait casquer leurs diehard fans sur l’autel de l’esprit Indie pour mettre en boîte leur nouvel album, LP 2. On en a discuté avec Ben et Aaron.

Noisey : Ça fait bien deux ou trois ans qu’on avait pas eu de vraies nouvelles de Civil Civic… Vous étiez passés où ?
Ben : Début d’année dernière, on est reparti tourner en Australie. Et puis, on avait encore plein de travaux résiduels à opérer sur notre nouvel album. Mais, d’une certaine façon, le groupe a été mis en pause, c’est vrai. Moi je me suis beaucoup caché à Barcelone… J’y ai bossé sur des projets à gauche à droite, mais rien de notable.

Aaron : En vérité, si Civil Civic est sorti des radars, c'est principalement de ma faute. Pour de bonnes, mais aussi de mauvaises raisons. Les bonnes ? J’ai produit des albums pour The Drones, Kirin J. Callinan et j’en ai mixé plein d’autres. C’est comme ça que je paye mon loyer. Les mauvaises : une grosse rupture amoureuse, ainsi que le décès de mon père, Terry Cupples, l’homme à qui je dois d’être dans la musique aujourd’hui. J’avais onze ans, j’étais nul en sport, il m’a mis une guitare entre les mains. Il était bassiste, et c’était un grand, grand fan de Civil Civic. La réalisation de l’album court sur toute cette période, et c’était loin d’être une partie de plaisir.

Publicité

Ben : Mais Civil Civic est prêt à se montrer – à nouveau – à la face du monde ! Nous et la Boîte on en peux plus d’attendre.

Oui, la Boîte (à rythme), le fameux troisième membre de Civil Civic. Musicien discret mais majeur si j’ai bien suivi l’histoire du groupe.
Aaron : C’est ça. Peu de gens le réalisent vraiment mais la Boîte est clairement le membre fondateur de Civil Civic. Une figure complexe, déroutante. La Boîte, c’est vraiment quelqu’un de torturé, avec de sacrés problèmes persos.

Ben : La Boîte c’est notre batteur pour la vie mec !

Aaron : Après, on doit bien t’avouer qu’il a un sérieux problème d’alcool. Et lors de la dernière session studio, on a vraiment cru qu’il allait jeter l’éponge et se casser du groupe.

Parlez-nous de cette session studio justement.
Ben : On évoquait déjà certains tracks du deuxième album alors que nous travaillions à l’époque sur le premier. Tellement d’humeurs, d’envies, de directions différentes… À un moment du championnat d’idées, on était même parti dans un délire techno old-school de Detroit. Bon, ça n'a pas duré longtemps. C’est ça toute la difficulté en fait. Tu as envie que les gens te reconnaissent, retrouvent ton son et ta musique genre : « oui les mecs -, c’est bien vous y’a pas à chier ». Et puis, dans le même temps, tu as aussi envie de mettre une grosse tarte à tout le monde, genre qu’on t’écoute, et que ça choque. Que ça choque comme si ton père t’annonçait qu’il quittait ta mère pour son meilleur pote.

Publicité

Aaron : Ouais c’est exactement ça ! On a tenté de repousser les limites du monde de Civil Civic, d’aller aux confins du langage du groupe. Mais sans en changer la nature profonde, sans toucher à la physicalité du groupe. Ces moments créatifs sont passionnants. Et essentiels. Grâce à eux, tu définis ce qu’est ta musique et ce qu’elle n’est pas. Attention hein, il ne s’agit pas n’établir des règles, ni de tisser une grille à poser sur ta musique. L’idée, c’est juste d’apprendre à lâcher prise sur les choses. C’est savoir poser sur l’étagère, et pour un moment, les trucs qui ne sont pas exactement Civil Civic.

«

R. Stevie Moore nous a ajouté sur Facebook. On lui a écrit et il nous a répondu qu’il hallucinait que nous lui parlions. Alors qu’on est des fans historiques de ce mec. Voilà la genèse du titre "

When You Gonna Find Me A Wife ?" »

Qu’est-ce qui est exactement Civil Civic ?
Ben : Les blocs qui composent notre musique sont assez basiques. Des rythmiques drum’n bass. Des beats à l’ancienne, aussi simples et efficaces que possible. Une basse punk mélo, qui peut varier avec un jeu plus gueulard ou abrasif si besoin. Côté gratte, on oscille entre les influences des Cure, Gang Of Four ou Sonic Youth. Et puis cerise-EDM sur le gâteau, les synthés !

Pas si évident comme jeu de construction…
Aaron : Expliqué de la sorte, ça ressemble à un genre de mille-feuilles à la merde. Et c’est clairement le bordel à assembler. Mais on n’abandonne pas nos références et nos sonorités phares en entrant en studio. On les assume et on se les trimballe fièrement sous le bras !

Étrangement je vous imaginais plus métalleux dans l’âme…
Ben : Ah mais attention, moi j’ai grandi à Canberra, en pleine scène metal ! Et à l’ère pré-Internet. Les mecs en place à l’époque entretenaient carrément des réseaux de correspondants partout dans le monde pour maintenir des distros internationales de cassettes démos et de fanzines. On était une trentaine, il n’était question que de death et de grind et je jouais en moyenne dans minimum quatre groupes différents. Une grande famille, magnifique et toujours beurrée.

Je me disais aussi…
Ben : Et puis la scène australienne, c’est aussi et surtout tout le catalogue Red Eye et Black Eye Records. Black Eye pour le Thrash ou les trucs de noise dont aucun autre label ne voulait et Red Eye pour les sorties plus garage, punk et pop.

Vous êtes donc plus Hard-Ons que Midnight Oil ?
Aaron : Mec touche pas aux Oils. Les Oils étaient barrés, subversifs et complètement sous-estimés selon moi. Vous nous croyez pas ? Midnight Oil - Live au Théâtre Capitol - 1982 à Sydney, vous n’avez besoin de savoir que ça. L.P. 2, le second album de Civil Civic est actuellement en cours de mastering. Théophile est sur Twitter.