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Drogue

Drogues, raves et boas rouges

Quand Shaun Attwood en a eu marre de gagner des millions en boursicotant, il s'est exilé à Phoenix et a organisé les meilleures raves d'Arizona.

Shaun « English Shaun » Attwood pensant sa période drogues, raves, et boas rouges

Quand on pense aux barons de la drogue américains, on imagine tout de suite des mecs fantasques et lunatiques avec un harem de rates surcokées qui se trémoussent sur un yacht à Miami. Si vous téléchargez toutes les nouveautés de HBO, vous penserez sans doute à un prof de chimie atteint d’une maladie en phase terminale ou à Idris Elba. En revanche, personne ne pensera à un ancien courtier bien élevé originaire du Cheshire.

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Shaun « English Shaun » Attwood est un baron de l’ecstasy. Il a grandi sur les bords de la Mersey, à Widnes, près de Liverpool. Quand il était jeune, il a fait des investissements sur le marché boursier américain, a gagné des millions et s’est barré à Phoenix, dans l'Arizona. Il a commencé à y organiser des raves et est devenu un énorme revendeur de drogue. Quand il ne réfléchissait pas à l'organisation de sa prochaine fête dans le désert de l'Arizona, il faisait de la concurrence à la mafia italienne, en travaillant main dans la main avec la New Mexican Mafia – et il vendait des millions de dollars d'ecstasy aux raveurs de Phoenix de la fin du siècle dernier.

Qu’est-ce qui le motivait dans cette entreprise ? Gagner sa vie en se défonçant est bien plus excitant que boursicoter, mais il doit bien y avoir autre chose. Et effectivement : Shaun voulait initier les Américains à la culture britannique de la rave dans laquelle il avait grandi. Malheureusement, comme c’est souvent le cas quand on manipule plusieurs millions de dollars de stupéfiants, Shaun a fini par se faire serrer et il s’est retrouvé derrière les barreaux d'une des pires prisons du pays. Shaun est sorti de prison depuis quelques années, et je l’ai appelé pour savoir s'il voulait toujours répandre l'amour chez les Ricains.

Shaun, après sa sortie de prison. Photo de Libbi Pedder.

VICE : Salut Shaun. Alors comme ça, vous avez lâché votre fauteuil de courtier millionnaire et vous êtes devenu l’un des plus gros dealers d’Arizona. Comment c’est arrivé ?
Shaun Attwood : La scène rave de Manchester m’a mis une si grosse claque que quand j’ai déménagé à Phoenix, j’ai décidé de l’emmener avec moi. Quand je suis devenu millionnaire, j’étais très jeune. J’avais beaucoup d'argent et peu de bon sens. Je ne pensais pas que la loi pourrait être un obstacle à mes raves ou qu’elle chercherait à m’empêcher de ramener des milliers de cachetons d’ecstasy depuis les Pays-Bas jusqu’en Amérique.

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C’était pour la mafia, non ?
Oui. Je fournissais de l’ecstasy à la New Mexican Mafia. Au début, je ne les connaissais pas vraiment mais j’étais ami avec le frère d’un des membres du gang, donc on a fini par travailler ensemble. Quelques années plus tard, ils ont été arrêtés et les médias ont dit qu’il s’agissait de la mafia la plus puissante et la plus violente d’Arizona à cette époque. C'était des tueurs à gages qui éliminaient les témoins gênants.

Et vous faisiez directement concurrence à Sammy « The Bull » Gravano, un membre de la mafia italienne. Vous pouvez nous en parler ?
Ouais. Quelques années plus tard, en prison, son fils Gerard Gravano m’a dit qu’il avait été à la tête d’une équipe qui avait pour mission de m’enlever dans une boîte de nuit et de m’embarquer dans le désert. Ce soir-là, je leur avais échappé parce que Wild Man, mon meilleur pote, s’était retrouvé pris dans une baston et on avait dû se casser en vitesse.

Shaun et son ex-femme font la fête en Arizona

En parlant de boîtes de nuit, à quoi ressemblait la scène rave aux États-Unis par rapport à la scène britannique de l'époque ?
Oh, c’était tout petit au début. Il a fallu des années pour combler la différence. Et l’ecsta était vachement chère, ça coûtait 30 dollars (25 euros) le cachet.

Où organisiez-vous vos soirées ?
La première, c’était dans un entrepôt à l’ouest de Phoenix qui appartenait à la Mexican Mafia. Après ça, on en a organisé dans différents endroits.

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La vente de drogue, c’est venu après l’organisation des raves ? Organiser ces soirées, c'est un bon moyen de fidéliser les clients.
Eh bien, je vendais des ecsta avant d’organiser des raves, mais bien sûr, elles m’ont offert un plus gros marché.

Vous avez lâché un emploi avec un gros salaire et beaucoup de pression pour dealer et faire la fête en permanence. C’était bien ?
Au début, je me suis vraiment éclaté. Un jour, j’ai fait venir Chris Liberator et Dave the Drummer pour une rave. Je me revois écouter les beats de Chris Liberator, fasciné, presque hypnotisé par ce que je voyais : des milliers de personnes dansaient sur le son d'un DJ anglais et sur leurs visages, je lisais le même bonheur que celui qui m’avait habité lors de mes premières raves. Je me suis dit : « Ça y est, j’ai réalisé mon rêve. » Puis, j’ai commencé à prendre trop de drogues et je suis devenu incroyablement parano à cause de tous les risques que je prenais.

Des photos de quelques raves de Shaun. (Images via)

J'ai déjà entendu cette histoire. Et les flics vous sont tombés dessus ?
C’était inévitable. La vente de drogue débouche soit sur des problèmes avec la police, soit sur la prison, soit sur la mort. J'ai semé les graines de ma chute et j'assume l'entière responsabilité de mon séjour en prison. Les déclarations de certains indics ont conduit à des écoutes téléphoniques et 10 000 appels ont été enregistrés. Je parlais rarement au téléphone, mais ils m’ont attrapé en train de discuter de ma consommation personnelle et beaucoup de mes employés mentionnaient mon nom au téléphone, alors on m’a accusé de crime en bande organisée.

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Quand vous avez été pris, les médias ont surnommé votre organisation l’Empire du mal. Qu’est-ce que vous avez ressenti ? Vous avez trouvé ça excessif ?
Mon cœur s'est emballé quand j'ai vu la couverture du Phoenix New Times avec un portrait de moi en Nosferatu, et la mention « L’Empire du mal ». Sur la couverture, au premier plan, on voyait aussi quatre de mes coaccusés, dont Wild Man et mon chef de la sécurité, Cody. Mes bras les encerclaient comme si j’étais un marionnettiste maléfique. Je ne pouvais pas y croire.

À ce moment-là, vous étiez déjà enfermé ?
C'était avant ma condamnation, et j'avais peur que ce papier n'alourdisse ma peine. J'y ai lu que le procureur me considérait comme un dangereux trafiquant de drogue susceptible d'être condamné à perpétuité. Imaginez le choc. Je croyais que j'allais m'en sortir mais là, je risquais vingt-cinq ans de réclusion. Si j'avais pris perpète, à ma sortie, j'aurais eu 58 ans. L'âge de la retraite. Mais pour revenir à la question précédente, quand j'ai lu cet article, j'ai eu l'impression d'être un de ces super méchants des comics Marvel que je collectionnais quand j'étais petit.

Shaun avec Wild Man, après sa libération.

C'était comment à l'intérieur ?
Au début, j'étais avec des gens qui avaient été arrêtés avec moi, dont mon meilleur ami, Wild Man. Baraqué, courageux et un peu barje, il m'accompagnait depuis l'époque de Widnes, et les gangs le respectaient parce qu'il savait se battre. Il prenait soin de moi. Mais après la première année, j'ai été séparé de mes coaccusés et j'ai dû me débrouiller tout seul, en jouant de mon sens du contact, de mon éducation, de mon côté british etc.

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Vous écriviez aussi des blogs, non ?
Ouais. Ça m'a permis de trouver des alliés très puissants comme T-Bone et Two Tonys, un tueur à gages avec un CV impressionnant qui avait travaillé pour la mafia et qui avait été plusieurs fois condamné à vie. T-Bone était un afro-américain très profond. Il était taillé comme un colosse et dépassait la plupart des détenus d'une tête. C'était un gladiateur en cabane couvert de coups de couteaux. Il valait mieux l'avoir de son côté.

Un peu plus tôt, vous me parliez de problèmes avec les membres de Fraternité aryenne.
Pendant toute la durée de ma réclusion, j'essayais d'éviter les prédateurs du gang Aryen. Ils dirigent la race blanche à l'intérieur des prisons. Soit on fait ce qu'ils disent, soit on risque de se faire tabasser ou tuer.

J'imagine que le racisme était très présent dans la prison où vous étiez.
Oui, il y avait une vraie ségrégation raciale. Ça se passe comme ça : dès que quelqu'un arrive, un soldat du gang de sa race lui explique les règles imposées par le chef du gang. Si tu désobéis, on te défonce, on te plante ou on te tue. Les règles comprenaient l'interdiction de s'assoir avec d'autres races lors des repas ou de faire de la muscu avec des gens d'autres couleurs. Mais en matière de drogue, tous les gangs travaillent ensemble, peu importaient les races.

Il devait y avoir des personnes fascinantes dans cet environnement.
Bon Dieu. Plein de gens flippants, oui. En Q.H.S (Quartier haute sécurité), j'avais un tueur en série pour voisin et mon premier compagnon de cellule était un prêtre satanique avec un pentagramme tatoué sur le front. Il était là pour meurtre et faisait partie d'une secte qui buvait du sang et mangeait des bouts de corps humain. Heureusement, il a été sympa avec moi.

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Tant mieux.  Qu'est-ce que vous faites de votre vie maintenant ? Vous êtes devenu quelqu'un de meilleur ?
Oui, ma vie a pris une direction positive, et tout le mérite en revient à mon incarcération. Je parcours les écoles du Royaume-Uni et d'Europe pour expliquer aux jeunes les conséquences de mon choix de vie et j'espère que ça leur permettra de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Les nombreux échos que j'ai de la part des étudiants me portent à croire que ces conférences sont une meilleure façon de payer ma dette à la société que les années passées derrière les barreaux.

Si vous voulez en savoir plus sur sa vie, Shaun a écrit deux autobiographies, Hard Time et Party Time

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