La journaliste d’investigation judiciaire, Alessandra d’Angelo, a couvert durant de nombreuses années l’affaire Dutroux et a même publié un livre au titre évocateur : Pourquoi il ne faut pas libérer Marc Dutroux : un psychopathe n'est pas amendable. Pour elle, la libération de Michelle Martin est différente de celle de Marc Dutroux, toujours emprisonné, et ne doit pas être remise en question. « Dans une affaire judiciaire telle que celle-ci, se confrontent l’émotion populaire, le légitime, et le droit. La libération conditionnelle de Michelle Martin est l’exemple type des sentiments mêlés que suscitent l’opposition entre auteur et victimes dans le débat pénal. »« L’inconscient collectif a peu évolué dans la conception du meurtre commis au féminin. On repousse toujours l’idée qu’une femme, qui représente la douceur, la maternité, puisse être une tueuse, encore moins méthodique, sans scrupule et sans état d’âme » – Alessandra d’Angelo, journaliste
« réunion » et commis « le même jour ». Sur les 4 000 duos mixtes étudiés, 54% se sont conclus par des peines de prison identiques pour l'homme et la femme impliqués. Lorsqu’il y a une différence, elle se fait sur la durée de l'incarcération, la présence d'un sursis avec mise à l'épreuve ou un sursis. Dans ces situations que les hommes auront effectivement des peines plus lourdes et les femmes davantage de sursis.
Dans les cas des couples, la femme est presque toujours considérée comme la personne la plus faible, qui peut être manipulée par amour ou par peur. Une défense fréquemment utilisée par les avocats qui a aussi été la ligne de défense de Michelle Martin. Cette dernière se défend de toute implication dans les meurtres des jeunes filles et invoque une soumission à son mari. Elle affirme avoir accepté ces enlèvements parce que son mari lui argumente que séquestrer et violer lui permet de « d’augmenter le temps qu’il passe avec elle et de réduire le temps qu’il réserve à la séduction d’autres femmes ». Elle participe alors à la préparation des crimes.« Quand il était en colère, il me jetait au bas des escaliers, il me frappait à coups de pieds et à coups de poings, parfois avec ses grosses bottines de travail à bout renforcé. C’était un robot en marche que rien ne pouvait arrêter. J’avais peur pour mes enfants et moi-même » – Michelle Martin, compagne de Marc Dutroux lors de son procès
« Michelle Martin était, à l’évidence, capable du contrôle de ses actions. L’hybristophilie, l’attirance sexuelle envers les criminels, ne suffit pas à circonstancier ses actes. Elle a fait preuve d’une abstention coupable, à savoir qu’elle aurait pu dire “non”, un mot qu’elle n’a jamais prononcé. Or, l’abstention coupable, soit la non-assistance à personne en danger en l’espèce, est pénalement répréhensible », affirme Alessandra d’Angelo.
Pour Cédric Le Bodic, docteur psychologue clinicien, tous les maillons de la justice sont influencés par cette vision faussée de la femme trop fragile et manipulée dans le cas de couples tueurs. « Si l'avocat n'échappe pas à ces représentations, il en va de même pour l'ensemble des acteurs, qu'ils soient hommes ou femmes, impliqués dans la chaîne décisionnelle. Le juge comme l'expert psychiatrique ou psychologue fonctionnent aussi avec des représentations. » Difficile pour beaucoup d’imaginer une mère de famille tuer des enfants.Si les acteurs judiciaires tendent toujours vers une forme d’objectivité et se rattachent à des textes légaux, ils prennent aussi compte de la différence entre les hommes et les femmes qui repose généralement sur les antécédents. Un homme a, a priori, davantage d’antécédents que les femmes. « Pour des faits violents ou criminels, les femmes ne sont, en majorité, pas orientées vers les mêmes services que les hommes. Là où ces derniers verront une procédure judiciaire se mettre en place, les femmes se verront davantage dirigées vers des services médicaux ou sociaux. Il est légitime de penser que ce sont nos représentations de ce que sont et doivent être chacun des sexes qui conduisent à une telle différence de traitement », raconte Cédric Le Bodic.« Cette répartition binaire conduit à justifier que les femmes sont plus atteintes de troubles psychiques, tandis qu'elle expliquerait aussi les raisons d'une plus forte propension au crime chez les hommes » – Cédric Le Bodic