48 heures de dawa au festival Panoramas

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48 heures de dawa au festival Panoramas

Le festival breton fêtait le week-end dernier 20 ans de sets pandémoniaques, de mites infernales et de déguisements hasardeux. On y était et on en est revenus à peu près vivants.

Fêter les 20 piges d'un festival breton dont l'affiche est constituée en grande partie de groupes issus du catalogue Wart (Acid Arab, RBK Warrior, Kölsh, Julian Jeweil… ) sonnait comme une belle promesse : celle de ne pas entendre parler des élections pendant au moins 48 heures. Promesse tenue.

Vendredi 7 avril dans l'après-midi, après plusieurs heures de TER au départ de Rennes, l'arrivée en gare de Morlaix confirmait un autre point : Panoramas a 20 ans et la grande majorité de son public aussi. Capuches adolescentes, biberons de vodka dans des bouteilles de Cristaline, masques de hockey — le producteur de gabber AngerFist est programmé cette année —, tentes Quechua-2-secondes portées comme autant de carapaces, perruques calvitie en latex — Jacques est programmé cette année —… Même à l'état larvaire et même à plusieurs heures de l'ouverture des portes, le Breton ne blague pas avec le concept de festival.

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« De Vannes à Quimper en passant par Brest, Saint-Malo et bien sûr Rennes les kids affluent des quatre coins de la Bretagne pour se mettre la tête à Panoramas » m'explique le programme sur le chemin. Après une étape jet-de-sac-sur-le-lit-d'hôtel et une conférence de presse express, je me mets en route vers le site, réduit à ses plus simples fonctions : un vaste parvis de parc des expos, de longues langues de bitume qui relient deux salles et un chapiteau. Ça et là des pissotières et quelques baraques à cholestérol où le prix des 100 grammes de protéines dépasse l'entendement. Le son est cool et je note un vrai effort sur les lights. En somme, une configuration techno spartiate, mais à peu près fonctionnelle.

C'est à Naïve New BeatersIzia et au mec de Fortune que revient la tâche d'ouvrir le bal, ainsi qu'une jeune meuf de Quimper, Sônge. Warner France essaye actuellement de faire de ce joli produit du terroir breton une MIA « à la française ». Pas certain que l'essai se transforme, mais il faut avouer que son live hyper chaud et magnétique est plutôt réussi.

Je continue de zoner entre les scènes. Il fait nuit, les premiers enfants-soldats de l'ecsta sont en P.L.S., et les équipes de la Croix-Rouge déjà très occupées. J'arrive juste à temps pour le warm-up du rappeur Lorenzo. Je crois reconnaître Yro du groupe Columbine aux platines, mais il s'agit en fait de Mr Tounu, un DJ de Morlaix. Le mec envoie des tracks de Vald et balance même « Allez le sang » de Jul. La salle est blindée, les gamines hurlent les paroles. Un gamin à côté de moi est tellement chaud qu'il enlève une de ses Air Max et la balance sur scène. Juste par amour. Je me sens un peu vieux mais tout ça est assez beau.

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En fait, pour être parfaitement honnête, je m'étais déjà senti vieux deux heures auparavant face à Lorenzo justement, lors de la seule interview qu'il donnait pour Panoramas. En gros, le mec m'a servi ça. Ok; je m'en doutais un peu mais en dehors de lui parler de ses bébés requins, on n'a pu aller nulle part : « Atlanta ? Cé quoi sa une ville au Staïtes mamène ? » On avait potentiellement de quoi faire quelques milliers de vues sur YouTube (où son perso cartonne) mais n'étant ni comique-trappiste, ni le fils caché de Lil Yachty et d'un peintre en carrosserie costarmoricain, j'ai lâché l'affaire. Interview avortée et nouveau record de l'entretien-malaise le plus court, avec une durée de moins de 5 minutes.

En revanche son concert était mortel. Une grosse devanture de kebab en guise de décor, des prods eurodance pour des hymnes de licorne-thug 40ème degré et des vannes-fan-service entre chaque morceaux (« Y'a dé beurettes dans la salle ? ») Le public est hilare, pogote sur la moitié du concert : Lorenzo, énième freak sorti du Tube aura dignement lancé sa mini-tournée à domicile.

AngerFist

Comme prévu, le mégamix du Néerlandais AngerFist a défoncé les oreilles et les narines de tout le monde, le rituel de possession asséné par Acid Arab s'est avéré toujours aussi puissant et l'impeccable Vitalic jouera au millimètre pour une foule, elle, décentrée au dernier degré.

Acid Arab

Acid Arab

Vitalic

Vitalic

Au lendemain de la première soirée, la majeure partie des membres de la presse ne s'exprimait plus que par un espèce de langage codé, ne parlait que d'armes à feu et tentait de classer les meilleurs psychopathes de France (Top 3 à l'issue du week-end : Emile Louis, Francis Heaulme et Nicolas Ker). D'ailleurs, entre artistes, journalistes, professionnels et festivaliers, on partage tout à Panoramas, impressions de concerts, adresses de crêperies et promiscuité de la gueule de bois. Ce qui donne à l'événement une teinte hyper familiale, tendance eden socialiste breizhois. En se trimballant sur le port aux côté des organisateurs, on apprend par exemple que Wart co-installera d'ici peu, au coeur de l'ancienne manufacture des tabacs de la ville une friche culturelle avec cinéma, théâtre et pôle visuel. Du côté de l'hôtel des ventes, on assiste religieusement à la reformation d'Abstract Keal Agram, qui confirment leur statut de groupe préféré des régisseurs (juste après Ez3kiel), armé d'un son aussi propret qu'ennuyeux.

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Abstract Keal Agram

Etienne De Crécy

Samedi soir, on attrape au vol le set d'Etienne de Crécy, Pope French Touch étrangement programmé à 20 heures, on manque volontairement la table-ronde de la Sacem dans le bar pro pour foncer sur le set de RBK Warrior. « On essaye un truc sur ce set, tu vas voir », me lâche la moitié de Mansfield.TYA et Sexy Sushi avant de monter sur scène. Le truc en question, c'est un des danseurs de la compagnie (LA) HORDE, qui performe à intervalles réguliers au gré du mix. Le mec fait du hakken, une forme de jumpstyle ultra-cardiaque né dans la scène gabber de La Haye. Avec le total look survet' de caillera et les tracks hardtek de RBK, la salle est transportée dans une vague 90's, chimiquement assez pure. Les gosses sont ravis : « J'ai grandi avec Thunderdome mec ! Là, ça y est, je me réalise à fond » me glisse avec malice la musicienne. « Par contre pour Jacques là, ça va pas être simple il joue beaucoup moins rapide que moi. » Effectivement. Mais le jeune moine de la fête, entouré de ses objets et de pas mal de patience, développe avec classe et humour une matière sonore épaisse, riche et progressive. Un vrai plus pour les gamins qui le découvrent alors en dehors de son tube.

RBK Warrior

RBK Warrior

RBK Warrior

Jacques

Dehors, la zone de conflit s'est étendue à l'ensemble du territoire : les gamins les plus chanceux mâchent des frites, les autres mâchent l'intérieur de leurs joues (ou bien pire malheureusement). Les sets se poursuivent et s'allongent : AZF met une fessée à Møme, avant que Kölsch et Paula Temple ne couchent le gros de la troupe.

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AZF

Møme

Paula Temple

À l'année prochaine Panoramas - debout ou couchés, on sera là.

Plus de Panoramas 2017 ici. Toutes les photos sont de Julio Ificada. Théophile est sur Twitter.