Celui qui aura la peau de Dying Fetus n'est pas encore né
Photo - Scott Kinkade

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Celui qui aura la peau de Dying Fetus n'est pas encore né

Avec son huitième album, très astucieusement intitulé « Wrong One To Fuck With », le trio death metal du Maryland prouve un fois de plus qu'il reste une référence incontournable en la matière.

L'innovation ne fait pas vraiment partie des préoccupations de Dying Fetus. Depuis 25 ans, le groupe du Maryland produit un mélange ultra-serré de death metal, de hardcore et de grind, avec des disques aussi indispensables que Destroy The Opposition, leur premier coup de semonce chez Relapse en 2000, ou le particulièrement acclamé Reign Supreme sorti en 2012. Le mois dernier, Dying Fetus a sorti son huitième album, Wrong One To Fuck With, toujours chez Relapse Records. Comme prévu, la formule n'a pas changé d'un pouce et donne toujours dans le 100 % brutalité, mais reste toujours aussi imparable - il suffit d'écouter des titres comme « Fixated On Devastation », « Die With Integrity » ou « Wrong One To Fuck With » pour s'en convaincre.

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John Gallagher, le guitariste, chanteur, et co-fondateur du groupe, admet avoir ressenti une grosse presion après le succès de Reign Supreme, qui s'est classé numéro 3 dans les charts « Top Heatseekers » aux États-Unis et numéro 14 dans le « Top Hard Rock Albums » du Billboard.

« C'est comme si tu étais au pied d'une montagne, que tu regardais le sommet et que tu te disais 'Oh putain ! Je vais devoir escalader ce machin ?' » explique-t-il. « Je passe régulièrement par cette phase de doute. Et d'une façon ou d'une autre, je finis toujours par la surmonter, mais c'est un processus long et fastidieux. »

Fondé par Gallagher et le bassiste/chanteur original Jason Netherton (qui a quitté le groupe pour rejoindre Misery Index en 2001) alors qu'ils étaient adolescents, Dying Fetus s'est stabilisé autour du même line-up depuis près d'une décennie - le bassiste et chanteur Sean Beasley et le batteur Trey Williams. Et si ce nouvel album ne marque pas exactement un nouveau départ, le groupe a tout de même dû s'adapter niveau écriture et enregistrement, après cinq années de silence.

Niveau production par exemple, les membres de Dying Fetus ont, cette fois, décidé de tout faire eux-mêmes. Williams s'est vu octroyer de facto le rôle d'ingénieur et de programmateur – une première pour lui – et le groupe a posé les bases de ses morceaux dans sa salle de répète de Baltimore avant de transférer les enregistrements un peu plus haut dans la rue, aux studios Wright Way, où ils sont passés entre les mains du producteur Steve Wright.

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Les goûts de Dyong Fetus en terme d'imagerie ont eux aussi connu quelques changements. Après avoir envisagé, pour la pochette du disque, un visuel façon jeu vidéo à la première personne, où différents assaillants se jetaient sur le spectateur, le groupe a finalement choisi une scène de meurtre très gore – avant que Relapse ne mette le holà. L'illustration, qui montrait des corps éventrés et un torse de femme avec les seins ouverts et les organes répandus autour, était considérée comme trop misogyne par le label, qui a immédiatement annoncé à Gallagher que ça ne passerait pas sur les réseaux sociaux.

« J'ai été censuré. J'ai toujours pensé que je pouvais faire ce que je voulais dans le death metal », lance t-il. « Ça m'a frustré. Des tas de groupes de death metal underground font ce type de pochette. C'est un cliché, tu vois ? » (En effet – le dernier album des norvégiens de Kraanium a une pochette similaire).

Côté vidéo, Dying Fetus a voulu innover également. « Au début, le label a commencé à faire la même chose, ils ont monté un premier clip avec nous en train de jouer dans une pièce, des plans d'un acteur se faisant torturer et quelques flashbacks », déplore Gallagher. « Tout ça était redondant. » Pour le single « Panic Amongst The Herd », le groupe a fait appel au réalisateur Mount Emult et le résultat ressemble davantage à un clip d'Animal Collective qu'à une vidéo de Dying Fetus.

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« Mes potes du death metal étaient là, 'Qu'est ce que c'est que cette merde ? C'est quoi ce putain d'opossum qui saute partout ? » sourit Gallagher. « Mais il y a aussi des gens qui sont venus me voir aux concerts pour me dire qu'ils adoraient le clip, que c'était différent. Je ne m'attendais pas à ça. »

Dans le clip que Mitch Massie a réalisé pour « Die With Integrity », Gallagher a finalement eu son massacre. La vidéo suit le parcours du « Wrong One to Fuck With », un type qui liquide violemment tous ceux qui se trouvent dans le bordel où sa femme a été violée et assassinée, des patrons libidineux à la mère maquerelle sadique.

Niveau lyrics, Dying Fetus est connu pour ses observations réalistes sur le côté obscur de l'existence, incluant problèmes sociaux et politiques. Le groupe a cependant toujours évité de prendre parti sur certaines questions, surtout depuis le départ de Netherton et les dernières électionst. Beasley écrit la plupart des textes du groupe, souvent basés sur des thèmes ou des titres trouvés par Gallagher.

« Aujourd'hui, les gens sont plus impliqués que jamais, ils sont à fond derrière leur parti, comme si c'était leur équipe de sport favorite » lance t-il. « Mais tous ces gens sont des politiciens professionnels. Ils ont juste élu une célébrité-en-chef. »

« On pourrait parler des journées entières de guitare, mais la politique c'est pas mon truc » poursuit Gallagher. « Quand Jason Netherton était dans le groupe il y a 15 ans, il avait un peu cette approche. Ce n'est plus trop le cas maintenant. On se concentre sur la brutalité, et toutes ses variantes. »

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Tout au long de ses 10 titres, Wrong One To Fuck With aborde des sujets tels que la toxicomanie sur ordonnance, l'hystérie collective, les faux-prophètes et la vengeance. Sur « Ideological Subjugation » et « Unmitigated Detestation », Beasley parle également de la « chasse aux sorcières » politique visant à coller des étiquettes à tout le monde, préférant taxer quelque chose de « mauvais ou raciste » plutôt que de proposer un débat.

« Une fois qu'un groupe de gens est étiqueté, alors n'importe quel comportement détestable ou acte de violence envers eux est justifié », affirme t-il. « Par le passé, les choses étaient un peu plus subtiles. C'est une évolution que je trouve intéressante et dont j'ai envie de parler. »

Avec sa pochette ensanglantée surplombée du logo original du groupe et cette production très sèche et brute, il est facile de voir Wrong One comme une sorte de retour en arrière, ou du moins un clin d'œil aux débuts du groupe et à la première vague death metal, qui était à son apogée au moment où ils ont commencé.

« Quand on a débuté en 91, on ne tournait pas ni rien. On était juste un petit groupe dont personne n'avait entendu parler » se souvient Gallagher. « Il a fallu 2 ou 3 ans pour nous faire connaître au sein de la scène death metal underground, grâce aux fanzines et aux échanges de cassettes. »

Comme la plupart des groupes tentant de trouver un public à l'époque, ils enregistraient leurs propres démos et les faisaient circuler eux-mêmes. « Je me souviens de la tournée Cannibal Corpse/Cynic » continue Gallagher. « Chris Barnes chantait encore pour Cannibal. On avait traversé plusieurs état en voiture, du Maryland au New Jersey, pour distribuer nos cassettes à leurs concerts. On faisait tout ce qu'on pouvait pour avoir de la visibilité. »

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Au milieu des années 90, la persévérance a fini par payer et en 1996, Dying Fetus a effectué sa première tournée en compagnie de Kataklysm et de Monstrosity pour promouvoir son premier album auto-produit, Purification Through Violence. Mais il a encore fallu charbonner pour que le groupe obtienne enfin un deal avec Relapse, quatre ans plus tard.

« On avait envoyé notre première démo à Relapse et ils nous avaient remercié pour l'envoi; genre 'merci, mais non merci' » se souvient Gallagher. « Quelques années plus tard, on avait un peu plus à montrer et ils nous ont signé. Et on était là, 'Oh, maintenant vous nous voulez'. Mais bon, c'est comme ça que ça se passe. On avait besoin de se construire tout seuls de notre côté. »

Le groupe a conservé cette attitude de col-bleu et cette éthique de travail – Gallagher a fait une pause durant son job de poseur de moquette dans une riche maison de Washington D.C. pour répondre à mon interview – et ils en voient les bénéfices, surtout si l'on prend en compte leur fanbase extrêmement fidèle. Après la sortie de Reign Supreme, Dying Fetus a passé près de trois ans sur la route, à parcourir l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie. Ils ont vu leurs tronches placardées sur les murs en Indonésie (« On est vénérés comme des dieux là-bas, c'est taré »), ont remporté le vote du public pour figurer à l'affiche du Download Festival aux côtés de Linkin Park et Aerosmith et ils ont même des figurines à leur effigie. Un fan a même créé un savon avec leur visage moulé à l'intérieur.

Lors d'un concert mémorable à Chicago, un type est même allé jusqu'à demander à Gallagher de rendre hommage à un fan décédé.

« Son pote avait apporté ses cendres au concert » se rappelle Gallagher. « Il les amenait à tous les concerts de ses groupes préférés pour les disperser dans le moshpit, donc je l'ai fait également. J'avais l'impression d'être un prêtre. Je ne savais même pas comment faire. Disperser les cendres d'un type ? Je n'ai pas pris ça à la légère, tu sais. J'étais très flatté. »