Bagarre va fatalement devenir le prochain groupe le plus détesté de France

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Bagarre va fatalement devenir le prochain groupe le plus détesté de France

Ils débordent d'amour, sont pourris de talent et n'ont aucune envie de choisir entre trap, chanson, pop, rap, punk, house et kuduro, ce qui devrait logiquement emmerder tout un tas de gens.

Il n'aurait pas pu trouver nom plus belliqueux, et pourtant, le groupe Bagarre n'est qu'amour. Love, love, love. Summer of love, winter of love etc, avec les cinq Parisiens, c'est toujours les quatre saisons de l'amour, distribution de hugs pour tout le monde. Et même ceux qui n'ont pas envie de s'aimer, vous allez arrêter vos conneries. La trap, la chanson, la pop, le rap, le punk ou la house, serrez-vous la louche et mettez-vous en rang pour que Bagarre puisse vous compter dans sa classe et vous apprendre à bosser ensemble.

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Pour les avoir vus aux Bars aux Trans à Rennes en décembre 2014, on se demande encore comment l'établissement dit La Trinquette tient encore debout face au souffle de l'explosion de sueur et de sang causée par la fille et les quatre gars. Deux ans plus tard, Emmaï Dee, La Bête, Mus, Thom Majnun et Master Clap ont trimballé leur ghetto house en français dans le texte sur un peu toutes les scènes de clubs et de festivals, défendant deux EP qui les ont déjà fait franchir des pas de géants, à l'aise qu'ils sont dans leurs survêtements aux trois bandes. « Mourir au club » comme profession de foi pour le premier, Musique de club comme hymne pour le second : Bagarre place le club et la teuf au centre de ses préoccupations sans trop se soucier de ce qu'en ont fait les générations qui l'ont précédé sous la boule à facettes. Au point que comme pour leur musique qu'ils ont inventée histoire de combler un grand vide dans leurs oreilles, ils ont monté leurs propres soirées parisiennes, les Club Makers, pour inviter les potes, bousculer les codes, provoquer des rencontres et offrir une vision altermondialiste de la teuf. « Le club, c'est vous. La musique, est votre », telle est la promesse de ce boxon bien organisé où tout peut arriver.

Pour fêter la fin de la tournée qui a suivi la sortie du EP Musique de club il y a déjà un an, Bagarre met les petits poings dans les gants, avec une soirée vendredi 21 octobre à la Machine du Moulin Rouge à Paris, où ils joueront en live, au milieu de concerts de LayLow et Fathers, et de DJ sets de Kiddy Smile ou Piu Piu. Rencontre avec quatre des cinq bagarreurs de cette pure démocratie où chacun passe d'un instrument à l'autre et prend le micro quand vient son tour. Présidents en 2017 ou bien ? Noisey : Ça fait combien de temps que Bagarre existe ?
Emmaï Dee : A peu près trois ans, on s'est rencontrés en faisant la fête.

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Vous battiez derrière un ordinateur pour passer des morceaux ?
La Bête : Non, on parlait musique, on essayait de savoir sur quel morceau on allait danser ou sur quel morceau on allait faire danser les gens. Après, c'est sur la piste de danse que tu vois qui va être drôle ou pas.

Et comme vous étiez les plus drôles, vous avez monté un groupe.
Emmaï Dee : On s'est surtout dit qu'on avait envie de faire un truc différent. On s'est demandé quelles musiques on avait envie d'entendre.

Thom Majnun : Il y avait autant de musiques dansantes que chantées et on a eu envie de faire les deux en même temps.

La Bête : Quand tu vas en club, tu écoutes de la techno, des trucs instrumentaux, basés sur des sensations, de la basse… Et sur toutes ces musiques, il y a toujours une petite trace de voix dont le message est hyper important. Quand on a commencé à mixer en club, on n'était pas de grands techniciens. Mais on s'est rendus compte que dès qu'une voix trainait sur un morceau avec un petit message, que ce soit sur de la house ou du rap, ça touchait vachement plus les gens. A fortiori si le morceau était un peu crade. Tous le faisaient dans leur langue, souvent en anglais. On s'est dit qu'on allait le faire dans la nôtre.

Au départ, vous aviez des bases techniques et musicales ?
Emmaï Dee : Déjà, on ne maitrisait pas tous des instruments, ou alors dans des styles particuliers et différents de ce qu'on fait maintenant. L'appropriation des machines, des instruments, du chant qu'on ne maitrisait pas tous de la même manière alors qu'on veut tous chanter… Tout ça on l'a appris via Bagarre.

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La Bête : Ça fait longtemps qu'on fait de la musique. Mus a beaucoup donné dans le hardcore. J'ai beaucoup joué dans des groupes punks avant de faire des trucs de techno un peu dure.

Emmaï Dee : Master Clap, qui n'est pas là, était lui aussi dans des groupes punks.

Thom Majnun : Moi j'étais plus dans le songwriting un peu folk.

Mus : On s'est retrouvés autour d'une idée mais on ne savait pas jouer la musique qu'on voulait faire. Et c'est encore un défi aujourd'hui.

La Bête : Au début, on essayait de faire ce qu'on fait aujourd'hui mais avec des guitares et on ne comprenait pas pourquoi ça ne marchait pas. Et on a commencé à incorporer des boites à rythmes, des synthés… Par contre en live, on utilise une batterie parce qu'on a réalisé que ça sonnait mieux qu'une boite à rythmes.

Thom Majnun : Ce qui est cool, c'est qu'en live tu réalises plein de choses qui t'aident beaucoup pour l'écriture.

La Bête : Le live, c'est le sanctuaire de l'épure. Si tu mets trop de choses, ça devient plat. Tu prends tout dans la gueule et tu perds tout relief. On a donc creusé dans tous nos morceaux pour ne garder que l'essentiel pour le live. C'est là qu'on a dégagé la puissance de chacun. Et ça nous sert pour les nouveaux titres, on se dit qu'il ne faut pas grand-chose en fait. Faut que ça puisse tenir en quatre pistes et faire boum.

Sur le deuxième EP Musique de club, votre univers s'est déjà enrichi avec beaucoup plus d'éléments hip-hop, house, trap…
La Bête : Il y avait déjà tout ça sur « Mourir au Club » à part que c'était encore fait avec des guitares. Notre morceau de référence était « A Milli » de Lil Wayne, on pensait qu'on allait faire la même chose. Sauf qu'on a mis de la gratte par-dessus et qu'on faisait bong-bong avec une basse.

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Mus : Si ça a évolué, c'est aussi parce qu'on a écouté énormément de musiques et que plein de choses se passent. C'est sur internet qu'on va chercher notre hybridation. «Tiens, ce clap de trap est super mais on voudrait le coller sur une rythmique kuduro » par exemple. On va chercher ce mélange-là de couleurs sur internet et on va chercher à le digérer. Ça a été compliqué de s'approprier la scène ?
La Bête : C'est peut-être le premier truc qu'on a su faire.

Mus : On fait en sorte qu'il se passe toujours quelque chose. On s'est juste imposé de passer au chant, chacun à tour de rôle.

La Bête : C'est là où on a gardé l'esprit rock, voire même punk. Prends le rappeur Denzel Curry. Quand il te remplit une Maroquinerie, c'est bien plus punk que n'importe quel groupe punk. C'est cet aspect à vif qu'on a essayé de garder.

Thom Majnun : On s'est retrouvés sur des scènes à 3.000 ou 4.000 personnes comme des Zénith en première partie de Fauve. On s'est rendus compte que même là, c'était encore mieux, qu'on pouvait aller encore plus loin dans le truc.

La Bête : La scène, c'est encore là où tout se teste : la sincérité d'un texte, la puissance d'un morceau…

Emmaï Dee : Maintenant, notre défi va être de retranscrire ça sur disque…

Justement, l'album, comment vous l'appréhendez ?
Mus : On veut qu'il y ait cette rencontre entre songwriting et musique de danse. On veut aussi que ça raconte une histoire.

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La Bête : Pour être honnête, au début, on n'était pas très à l'aise avec l'idée d'album. On s'en foutait un peu car on en écoute assez peu nous-mêmes. Et puis on s'est souvenus qu'à 15 ans, la musique nous avait touchés à travers des disques comme Nevermind de Nirvana. On s'est donc dit que faire un véritable album était quand même quelque chose d'important. On a donc décidé de jouer le jeu, sans tomber dans la compilation de morceaux faits au même moment que tu as régulièrement avec les albums aujourd'hui. On se verrait aussi bien passer de 5 titres sur un EP à 20 sur l'album. Boum. Même nous, ça nous ferait du bien. Ça nous donnerait plus de nuances. Vu qu'on chante tous, ça ne nous fait pas beaucoup de morceaux chacun en fait.

Emmaï Dee : Moi je n'en ai qu'un. Avoir trois morceaux me permettra aussi de mieux développer mon personnage sur scène.

Vous vous êtes fixés une date ?
La Bête : Oui, septembre 2017 pour la sortie, ce qui veut dire qu'on doit l'avoir fini en décembre.

La scène, j'imagine que ça vous a réservé plein de surprises ?
Mus : Il n'y a eu que des premières fois !

La Bête : Quand les ingénieurs du son des salles voyaient écrit Bagarre sans nous connaitre, ils pensaient toujours à autre chose, à un groupe vénère. Et puis ils nous voyaient arriver tout sympas. Mais comme le groupe est très soudé, il suffit donc qu'on ait l'air un peu sérieux pour que ça entretienne le trouble.

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Mous : D'une cave à moitié vide à Besançon à une salle sur-bondée même pas pour nous, tu t'adaptes et ce ne sont que des défis.

La Bête : On a fait une soirée queer à Lyon complètement folle, une autre en Suisse dans un squat où la première partie était un freakshow ultra vénère avec agrafes dans le corps et plugs dans le cul, le seul truc qu'il n'y a pas eu, c'est des suspensions du corps… On a joué à 2 heures du mat', c'était dingue.

Emmaï Dee : On aime bien ne pas être que dans un format classique de concert. En plus de notre tourneur, on bosse aussi avec les Fils de Vénus pour jouer dans des endroits différents, des clubs etc. On va faire une tournée club où on va jouer à 2 heures du matin avec juste des platines et quatre micros.

Thom Majnun : La question de la plage horaire est super importante.

Emmaï Dee : Amener le club dans un parc à 14 heures c'est super, et la chanson à 2 heures du matin dans un club, c'est super aussi. Tout ça fait partie de Bagarre et on a besoin de tout ça pour nous réaliser.

La Bête : On ne vient pas de la musique et on idéalisait un peu ce monde. On s'est vite rendus compte que la routine pouvait vite s'installer. Alors que nous, on est soit à fond, soit pas du tout. C'est pour ça qu'on est ok pour jouer dans les SMAC mais on a aussi besoin de jouer dans des clubs, d'avoir ce truc suant avec les proches. C'était vraiment important de garder ces deux axes.

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J'imagine que ça vous gonfle qu'on vous mette dans le même sac que la nouvelle scène pop tricolore ?
La Bête : Certains sont carrément des amis sans que ça passe forcément par la musique. Humainement, nous sommes proches de Grand Blanc, Flavien Berger, Jacques… Après, il y en a d'autres comme Kiddy Smile qui est un super pote mais qui n'appartient pas à la même scène. On aime aussi beaucoup LayLow, Yan Wagner… On a beaucoup plus d'amis côté club que côté pop. C'est pour ça qu'on a fait des Club Makers et pas des soirées bal dansant. On nous pose souvent la question de cette scène mais musicalement, il n'y a rien à voir entre tous ces groupes qui chantent en français, que ce soit la Femme, Pirouettes, Grand Blanc, Fishbach… Musicalement, on n'a rien à voir avec eux sauf sur certains aspects, comme le côté chanson de Flavien, le côté punk de la Femme, électro d'Acid Arab… On est beaucoup plus proches de la scène électronique, mais globale, de la trap au kuduro en passant par le baile funk. Sur Soundcloud je dialogue avec des mecs d'un peu partout et c'est vraiment là qu'on trouve nos alter-egos.

Et vous vous y retrouvez en club à Paris pour toutes ces musiques ?
La Bête : À fond ! Tu as plein de soirées, que ce soit à la Folie, au Club 56, certaines soirées au Rex de Mercredi Production, Jeudi Minuit à la Java ou la Station Gare des Mines qui est un terrain de jeu pour tous les artistes un peu hors programmes. Ça a longtemps été lié à la communauté LGBT mais c'est moins vrai aujourd'hui. Toutes ces musiques-là sont très présentes à Paris, bien plus qu'à Londres ou Berlin.

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Mus : A Londres, un journaliste nous a expliqué que les scènes étaient beaucoup moins perméables entre elles, avec très peu de rencontres, contrairement à Paris.

La Bête : C'est marrant car tu te rends compte des modes sur Soundcloud. Il y a six mois, des mecs faisaient du baile funk avec un son très typique d'un truc de vogue. Il a fallu trois mois pour que ça arrive dans les webradios et dans les clubs. Du coup, tu vois qui écoute quoi, qui suit les tendances et ça va assez vite en réalité. T'as par exemple un mec qui fait une webradio sur Soundcloud, Hotel Radio Paris​, qui invite qui veut dans son mini studio. Il a réussi à avoir tous les mecs qui font de la zique à Paris et c'est un excellent endroit où les choses se font.

Après quand tu prends MHD, c'est typiquement un truc né à Paris qui prend du kuduro kainfri mélangé à un truc trap et du rap français, c'est vraiment une musique qui n'existe qu'ici. Idem pour PNL à leur manière avec la trap, le côté cloud et leur phrasé. Quant au rap, il est devenu ultra pop, mélodique, avec l'autotune qui a amené la mélodie, de Young Thug à PNL. Sans parler de Kanye West, ou Drake dont les gros tubes sont des morceaux chantés.

Des gens sont déjà venus chercher la bagarre avec vous en concert ?
Emmaï Dee : On a eu une bagarre avec des meufs qui se sont tapé une fois, elles se sont bien tiré les cheveux.

La Bête : Mais nous, on dégage plutôt un truc de sales hippies, on est dans le love.

Thom Majnun : Après, on déclenche des pogos, on sépare la foule en deux puis on fait se rencontrer les gens. Mais un pogo dans un concert de Bagarre, c'est plus pour pécho quelqu'un que pour se battre.

Pascal Bertin ne met de survêtement que pour aller faire ses courses. Il est sur Twitter​. 

Soirée Bagarre Mega Club Makers ce vendredi 21 octobre à Paris, à La Machine Du Moulin Rouge​. Be there.  Bagarre sera également présent au BZR Festival à Sète, du 8 au 18 décembre prochains​, aux côtés d'ESG, Hot Chip, Acid Arab et Flavien Berger - et on aura des places à vous faire gagner en temps voulu.