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Music

Les disques que les journalistes n'ont pas écoutés ce mois-ci

Afin de rendre justice aux laissés pour compte, nous vous présenterons chaque mois une sélection de disques que les journalistes n'ont pas écouté.

Chaque semaine, les journalistes musicaux du Monde Libre reçoivent des dizaines de disques, de liens à télécharger, de previews en streaming, de previews en streaming watermarkées avec code de vérification, d'invitations à des écoutes privées, de rsvp pour des pique-niques découvertes, et de messages hors propos d'attachés de presse qui se sont complètement trompés de cible. Et chaque semaine, sortent des disques auxquels aucun journaliste ne prête attention. Parce qu'ils n'ont pas le temps, parce que personne ne leur a envoyé, parce qu'ils ne connaissent pas, parce qu'ils ne veulent pas connaître, parce que les places sont chères et qu'il faut avant tout parler de la même chose que les voisins, et parce qu'il faut bien l'admettre : c'est un métier où personne ne sait vraiment ce qu'il fait. Afin de rendre justice aux laissés pour compte et, accessoirement, explorer les franges les moins documentées de la musique actuelle, nous vous présenterons chaque mois une sélection de disques que les journalistes du Monde Libre n'ont pas écouté. Nashville Pussy Up The Dosage (Steamhammer) Back en 1998/1999 -les pires années qui aient existé pour la musique, quelle que soit votre saveur, aucune discussion possible- Nashville Pussy était un truc chaud, méga-chaud, tellement chaud que dans la boutique de disques à côté de chez moi, il fallait avoir 18 ans pour acheter leur album Let Them Eat Pussy et que la pochette du cd n'était disponible qu'à la caisse - on te la donnait après que tu aies payé ton disque. Après ça, Nashville Pussy -et leur bassiste-cracheuse de feu Corey Parks- ont disparu dans le trou noir des groupes américains boogie-violence de la fin des années 90, dans lequel ont également été avalés Zeke, Zen Guerilla et tout un tas de mecs que les gamins trouvaient super excitants juste parce qu'ils ne jouaient pas du downtempo en catogan, ce qui était déjà pas mal, il faut bien le reconnaître. Et comme à peu près tous le monde, Nashville Pussy tente sa chance en 2014. Après tout, ils auraient tort de se priver : quand on voit les chaleurs que peut provoquer un truc aussi déprimant que la reformation de Slowdive, il semble clair qu'on a atteint l'âge de résignation, et que tout est désormais envisageable à 100 %. Peu importe donc que Up The Dosage soit un album de redneck-core tout ce qu'il y a de plus traditionnel et chiant (ie : un genre de Overkill auquel on aurait coupé les couilles et offert une chemise propre, ou un album de reprises de Tad par des chroniqueurs sportifs de France 2), ça fera de toute évidence le job chez les desperados du Vaucluse qui rèvent de bitures solitaires, d'embrouilles sur les parkings de juke joints et de baises nucléaires dans des caravanes posées sur des parpaings. Bram Stoker Cold Reading (Bram Stoker) Lucretia Baker avait fort bien dormi. Il y avait des mois, des mois en fait, qu’elle n’avait aussi bien dormi. Elle se réveilla largement avant six heures, fraiche comme une rose, et ouvrit à la volée les portes fenêtres de sa chambre, se plantant nue, dans la lumière froide de l’aube, buvant à grands traits l’air chargé d’odeurs fortes du Pacifique, détendue, ravie à la perspective presque assurée de passer encore bon nombre de nuits aussi délicieuses que celle-ci, dans ce monde où il était tout à fait possible d'écouter des groupes qui commencent tous leurs morceaux par une petite mélodie maléfico-malicieuse à la Goblin avant de switcher sur du Faith No More dernière période, auquel on aurait scurpuleusement ôté toute référence au sexe, à la coprophilie, à l'amusement, et à la vie en général. The Crystal Method The Crystal Method (Tiny E) 1997 ! PUTAIN, LES TEUFS À MUNDOLSHEIM, QUATRE-VINGT MECS À POIL EN TRAIN DE PÊTER LES PLOMBS DANS LES BOIS AVEC DES EASTPACK SUR LE DOS, HEY MEC, T-SHIRTS ORANGES, BAGGYS CAMO, THE FAT OF THE LAND À BURNES DANS LA 106, ON SECOUAIT LE CHIMPANZÉ PAR LA QUEUE, MEC ! TU TE SOUVIENS LUDIVINE ? LA FILLE DE 16 ANS EN MARAUDE QUI AVAIT FAIT UNE O.D. À L'AIR SEC DANS LA SALLE D'ÉTUDES DE SON BAHUT ! COMPRENDS-LA : C'ÉTAIT LA SEULE FILLE POUR 30 MECS DANS UNE CLASSE DE MÉCANIQUE PRODUCTIQUE. ON ÉTAIT TOMBÉS SUR ELLE À LA GARE DE STRASBOURG, ELLE A DIRECT CLIQUÉ AVEC RICO ! MAIS SI, RICO ! LE MEC DU TD MARKETING CULTUREL QUI ÉTAIT BRANCHÉ BANCO DE GAIA ! CELUI QUI STOCKAIT NOS TAZ DANS SON FREEZER ! MEC ! PLUS JAMAIS ON CONNAÎTRA ÇA, HEIN ? HEIN ? CE QUI PASSE LÀ ? PUTAIN MEC, LE DERNIER CRYSTAL METHOD ! MEC ! OUAIS, ILS EXISTENT ENCORE. C'EST DES SURVIVANTS, MEC. JUSTE COMME NOUS ! UN TAZ, UN JUNKIE XL, ET JE BRÛLE TOUTE LA NUIT, MEC ! 1997 !

Buckethead The Coats Of Claude (Buckethead) Normalement, à ce stade du championnat, vous savez au moins que Buckethead est ce guitariste dérangé qui joue en combinaison d'éboueur avec un masque et un seau KFC sur la tête, et qu'il a transité pendant quelques années dans la version 2000 de Guns 'N Roses, aux côtés de membres de Primus et de Nine Inch Nails. Ce que vous ne savez probablement pas en revanche, c'est que : 1/ The Coats Of Claude est son 75e disque (pour de vrai), 2/ qu'il est dédié à Claude Coats (un mec qui travaillait dans les studios Disney), et 3/ que c'est franchement hyper agréable à écouter sur la longueur, vu que ça sonne comme une compilation de chutes instrumentales de …And Justice For All rejouées sur le matos de Van Halen, et dans lesquelles le mec aurait glissé des centaines de petits clin d'oeil furtifs aux meilleurs morceaux de Journey et aux pires titres de Swervedriver. Total confort. Jaldaboath The Further Adventures (Death To Music) Alors là, j'admire. Attaquer comme ça le grand arbre de l'ordre éternel, à la Husqvarna, pépouze, sans se presser, au frais, avec une gouache de puceau ragaillardi par une nuit chez la mère Tape-Dur, je dis bravo. Parce que Jaldaboath, non contents d'avoir un nom de jarre difforme contenant des onguents aphrodisiaques conçus à base de poires fermentées, jouent également une musique à tout casser, qui pourrait être celle que ferait Patrick Sébastien s'il avait un rôle de barde télépathe se pintant exclusivement à la Guiness au beurre dans la saison 3 du spin-off breton de de Game Of Thrones. Lelo Jimmy Batista est rédacteur en chef de Noisey France. Il n'a pas fait d'école de journalisme. Il est sur Twitter - @lelojbatista