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Music

Les disques que les journalistes n'ont pas écoutés ce mois-ci

Afin de rendre justice aux laissés pour compte, nous vous présenterons chaque mois une sélection de disques que les journalistes n'ont pas écouté.

Chaque semaine, les journalistes musicaux du Monde Libre reçoivent des dizaines de disques, de liens à télécharger, de previews en streaming, de previews en streaming watermarkées avec code de vérification, d'invitations à des écoutes privées, de rsvp pour des pique-niques découvertes, et de messages hors propos d'attachés de presse qui se sont complètement trompés de cible. Et chaque semaine, sortent des disques auxquels aucun journaliste ne prête attention. Parce qu'ils n'ont pas le temps, parce que personne ne leur a envoyé, parce qu'ils ne connaissent pas, parce qu'ils ne veulent pas connaître, parce que les places sont chères et qu'il faut avant tout parler de la même chose que les voisins, et parce qu'il faut bien l'admettre : c'est un métier où personne ne sait vraiment ce qu'il fait. Afin de rendre justice aux laissés pour compte et, accessoirement, explorer les franges les moins documentées de la musique actuelle, nous vous présenterons chaque mois une sélection de disques que les journalistes du Monde Libre n'ont pas écouté. Coone Global Dedication (Toff Music/Dim Mak)

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Esthétique d'annonce 4X3 pour spectacle caritatif high-budget animé par un ex-champion de tennis, logo de supermarché coopératif spécialisé dans la livraison de tablettes numériques à domicile, terre rougeoyante de la taille exacte d'un ballon de football exprimant un message complètement baisé de liens entre les peuples par le sport et les télécommunications, bague au pouce et, cerise gorgée de pus sur ce stupéfiant monticule de merde : le logo Dim Mak, en bas à droite. Comme disait Sartre, on voit ce qu'on peut. En se forçant légèrement, il est également possible d'écouter 2-3 trucs au passage, et la plus-value n'est pas négligeable : c'est à dire qu'il s'agit exactement du genre d'EDM aux fréquences sur-aigües qu'on entend généralement en fond des pubs TV érotiques sans queue ni tête diffusées en boucle sur les chaînes satellite fantômes des pays de l'Est, et dans les rêves abominables que vous faites les soirs où le taux d'humidité est supérieur à la moyenne, et dans lesquels il est généralement question de nourriture, d'inceste et de cannibalisme.

Massacra Day Of The Massacra (Century Media) Soyons clairs : si vous avez moins de 30 ans, voire même moins de 35 ans, vous ignorez probablement que Massacra est non seulement un des meilleurs groupes de death metal qui ait existé en France, mais aussi et surtout le seul qui ait été suffisamment bon pour se faire courtiser par les majors, rivaliser avec la cavalerie Earache et faire des disques qu'on continue encore à écouter aujourd'hui (le meilleur étant clairement Signs Of The Decline, sorti au début de l'été 1992). Afin de marquer le lancement d'une vaste campagne de rééditions qui verra courant 2014 le repressage des cinq albums du groupe parisien, Century Media a publié début novembre Day Of The Massacra, une compilation regroupant les trois premières démos du groupe, enregistrées entre 1987 et 1989. C'est évidemment inécoutable, la voix est sur-mixée, la batterie sonne comme un morceau de pain rassis qu'un gamin couvert de sa propre merde cognerait sans répit sur un classeur métallique, et les compos sont globalement très pauvres comparées à ce qui suivra quelques années plus tard, même si les morceaux de 1988 s'en sortent un poil mieux que le reste. Mais bon, c'est Massacra. Respect infini pour les Siècles des Siècles.

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Kim Wilde Wild Winter Songbook (Wildeflower)

Recevoir un disque de Noël de Kim Wilde, c'est un peu comme voir sa mère débarquer en chemise de nuit au bureau parce qu'elle a laissé la porte claquer sur le palier en descendant chercher son courrier. C'est hyper déplacé et embarrassant, mais il y a quand même un truc super attendrissant au fond, tout au fond. Et puis tu mets le disque, tu réalises que le premier titre est une reprise de « Winter Wonderland » de Pat Boone, en duo avec Rick Astley, et tu te demandes si Kim est vraiment 300% aux fraises ou si c'est, au contraire, une grosse maline drivée par un cynisme encore plus dégueulasse que celui qui coule le long des veines de vos enfants. Miracle Of Sound Level 4 (Miracle Of Sound)

À la pochette, j'étais à 90 % certain de tomber sur du metal symphonique italien. Grosse ramasse pour mézigue : ça sonne comme un croisement entre Jawbox, Nine Inch Nails, Babylon Zoo, du drillstep et de la musique celtique, le tout sans aucun sens de l'humour. En gros, typiquement le genre de trucs que Daniel Day-Lewis ferait s'il montait un groupe avec Charlie Clouser, un ex-Clawfinger et un syndicaliste irlandais, c'est dire le niveau du désastre.

10,000 Maniacs Music From The Motion Picture (ORG Music)

Contrairement à ce que leur nom peut laisser penser, 10,000 Maniacs sont un groupe de folk paroissial hyper pénible qui a réussi à blouser 2-3 fans de R.E.M. dans les années 80. Plus roublards que jamais, ils tentent avec Music From The Motion Picture, de capitaliser à la fois sur la nostalgie, la mode des B.O. de film (trick ultra vicieux dans leur cas, 10,000 Maniacs étant, comme vous le savez, le titre du classique gore de Herschell Gordon Lewis), et le fait qu'en 2013, la mémoire-tampon de l'être humain moyen dépasse rarement 48h. Musicalement, ça peut éventuellement vous plaire si votre idée du bonheur se résume à zoner sur les routes de l'Illinois en salopette, au volant d'un pick-up défoncé, pendant qu'un petit violon cafardeux vous vrille la tête pour vous rappeller à chaque instant que lâcher femme et enfants pour partir avec cette petite pute de Bloomington en 1983 n'était peut être pas le choix le plus judicieux que vous ayez fait. Lelo Jimmy Batista est rédacteur en chef de Noisey France. Il n'a pas fait d'école de journalisme. Il est sur Twitter -@lelojbatista