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Music

Jon Rose joue sur des clôtures depuis 30 ans

Oubliez la scie musicale, désormais c’est sur les fils barbelés que ça se passe.

Le musicien australien Jon Rose est un « clôturologiste » : il fait de la musique sur différents types de clôtures, partout dans le monde. De l'ancienne frontière entre la Syrie et Israël au désert de Strzelecki, Rose a passé plus de trente ans à jouer sur des fils de fer et des barrières de concertina avec son archet. Et il est devenu, au passage, particulièrement doué dans l’art de feinter les autorités.

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Jon -qui est, à l'origine, violoniste- a des tas d’anecdotes sur la musique de clôture. Sa visite dans le Sonora, un état séparant les Etats-Unis du Mexique, lui a par exemple valu d'être traqué par une dizaine d’hélicos. Ce genre de choses lui arrive souvent, parce que les clôtures sont utilisées pour dissimuler ou pour accentuer une séparation – elles n’ont pas été créées pour faire des concerts. Mais Jon vous répondra que le fil barbelé est, techniquement, aussi vieux que la musique de Brahms. À quoi ressemble un concerto sur clôture ? Les techniques de Jon Rose sont variées : il frotte son archet sur les clôtures pour obtenir des aigus stridents et des basses très profondes, les secoue parfois pour obtenir des sons proches de ce qu'on trouve dans la musique électronique ou cogne dessus pour créer des rythmes tout à fait singuliers. Oui, Jon est un inventeur. Ténor de l'avant-garde internationale au CV de 26 pages, Jon Rose a généreusement accepté de nous offrir un peu de son temps pour discuter avec nous des moments clés dans l'histoire de la clôture musicale.

Jon Rose joue de la clôture devant les falaises blanches de Douvres.

Noisey : Comment es-tu tombé dans la clôture ?

Jon Rose :

Ça fait une quarantaine d’années que je suis connu dans le milieu de la musique expérimentale et d'avant-garde. Avant ça, j’ai travaillé dans la pub et aussi comme musicien de session. Dans les années 70, je me suis intéressé au hacking et à la manière de transformer mon instrument, le violon, à travers diverses expérimentations. Un de ces projets consistait à observer ce qui se passait quand on rallongeait les cordes. C'est comme ça qu'en 1983, je me suis retrouvé à remplir des galeries d’art avec des clôtures en fil de fer. Et en 1985, lors d’un voyage en Australie, ça a fait tilt. Pourquoi construire des clôtures alors que le continent entier en était rempli ? Là où la plupart des gens ne voyaient que des clôtures, je voyais des millions de kilomètres d’instrument à corde – tout ce que j’avais à faire était de jouer dessus.

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Tes photos de clôtures sont incroyables.

Elles peuvent parfois donner une fausse impression. Jouer de la clôture, c'est malheureusement aussi synonyme de chaleur excessive, de poussière, de vent permanent, d’essaims de mouches, et c’est assez souvent dangereux. Serpents mortels, araignées, et même crocodiles peuvent se joindre à la performance.

Jon Rose martyrise une clôture à Wogarno dans l’Ouest Australien.

À quel point ton activité est-elle politique ?

Jouer sur des clôtures en Israël est le truc le plus ouvertement politique que j'ai fait jusqu'à présent. Malheureusement, le mariage de la musique et de la politique n'a jamais rien donné de concret. Pourtant, toute performance musicale affirme, de fait, une position politique. Mais quand j’ai commencé à jouer de la clôture, c’était simplement le son qui m’intéressait. Bien sûr, les clôtures sont un symbole fort. Elles en disent long sur notre façon d’envisager la propriété et notre rapport à l’autre.

Tu joues encore de la clôture aujourd’hui ?

Oui, mais j’ai pas mal de nouveaux projets sur le feu. Jouer sur des clôtures demande beaucoup de temps et d’argent. C’est assez dur physiquement, aussi.

Les gens arrivent à saisir le sens profond de ce que tu fais ?

Eh bien, bizarrement, à l’inverse de beaucoup de mes autres productions, qui sont généralement considérés comme marginales, les gens accueillent plutôt bien la musique de clôture. Elle a du sens dans un environnement aussi fracturé.

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Au total, sur combien de clôtures as-tu joué à travers le monde ?
Impossible à dire, mais ici en Australie, mon collègue Hollis Taylor et moi avons dû parcourir quelque chose comme 50 000 kilomètres – à voyager, à traquer les clôtures avec de bonnes acoustiques, et à jouer avec. Hollis a étudié le chant du Cassican à gorge noire, et on a, à plusieurs reprises, combiné ces deux champs d’expertise. Pourquoi avoir décidé de garder une caméra de sécurité sur Music From 4 Fences ?
Ce n’était pas mon idée. C’était une exigence du Kronos Quartet qui voulait jouer de la clôture sur scène. J’ai donc choisi quatre clôtures musicales, une pour chaque membre du groupe et ce sont eux qui ont choisi les paramètres visuels de la performance. En fait, les caméras sont juste là pour récupérer des images qui serviront à des projections futures, mais sa présence symbolise évidement bien d'autres choses.

Jon Rose jouant du violon devant l’Opéra de Sydney, après qu'on lui ait fait savoir qu’il « n’avait pas le droit de jouer de la musique devant la salle. »

Nadja Saye est sur Twitter - @nadjasayej