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Music

Jade Tree Records vient de mettre tout son catalogue en ligne sur Bandcamp

Lifetime, Fucked Up, Kid Dynamite, The Promise Ring, Avail. Tous ont un jour dealé avec le label emo, punk et post-hardcore fondé en 1991.

Wilmington dans le Delaware est une ville aussi chiante qu'on peut l'imaginer. Ce lieu n’a jamais vraiment eu d’identité, mais il n’est qu'à une demi heure de Philadelphie, de New York, Baltimore et Washington D.C. (quand ça roule bien) et à deux heures des plages du Delaware. Comme partout, on y trouve un quartier riche, plein de banquiers et de docteurs, de la pauvreté et de la criminalité et un bon paquet de banlieues périphériques : c'est dans l’une d’elles que je suis né et que j'ai grandi. À un moment de mon adolescence, j'ai découvert Thursday, qui m'a permis de découvrir Turning Point, qui m'a lui-même permis de découvrir tout un tas d'artistes signés sur Jade Tree Records. C'est comme ça que j'ai entendu pour la première fois Jersey's Best Dancers de Lifetime, Nothing Feels Good de The Promise Ring, It's Hard to Find A Friend de Pedro The Lion… La liste est longue et non-exhaustive. Puis un jour, j'ai décidé de commander un truc sur leur VPC et j'ai découvert que le label – qui avait participé à constituer mon identité au lycée – était situé à cinq minutes de chez moi. Dix ans plus tard, Jade Tree Records revient agiter la scène punk. Le label, qui avait légèrement sombré à la fin des années 2000, recommence doucement à sortir des albums. Darren Walters, le patron, a écrit un article pour Billboard intitulé « S'adapter ou mourir » qui revient sur l'inactivité du label entre 2007 et 2014 et sur l'état de l'industrie de la musique indépendante aujourd'hui. Walters a bien souligné que Jade Tree ne revenait pas à fond et que l'activité du label serait en berne pour les deux ans à venir – quelques jours plus tard, il a mis en ligne l'intégralité du catalogue du label sur Bandcamp, au prix de 5 $ pour un LP, 4 $ pour un EP et 2 $ pour un single. Étant donné la gigantesque discographie de Jade Tree, on te propose ce petit manuel pour réussir à t’en sortir dans les méandres emo, punk et post-hardcore.

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LES ESSENTIELS

Jets To Brazil

JETS TO BRAZIL – Orange Rhyming Dictionary

Jets to Brazil est l’exemple même de ce qu’on appelle un « super groupe ». En plus du frontman de Jawbreaker, Blake Schwarzenbach, le groupe a compté parmi ses membres l'ancien chanteur de Handsome, Jemery Chatelain, Chris Daly de Texas Is The Reason et Shelter, et Brian Maryansky, du très bon groupe emo The Van Pelt, et du moins bon groupe hardcore, Resurrection. Orange Rhyming Dictionary mélange du post-hardcore avec les compositions pop et barrées de Schwarzenbach, qui s'améliorent encore avec le temps. « Sweet Avenue » est la meilleure conclusion d'album jamais écrite.

THE PROMISE RING – Nothing Feels Good

Des débuts pop survoltés aux dernières notes de « Forget Me », Nothing Feels Good est sans aucun doute l’album emo le plus crucial des années 90. Étonnamment, leur reformation est quasiment passée à la trappe, mais le groupe a sorti trois putain d'albums. Et celui-ci est le meilleur des trois.

LIFETIME – Jersey’s Best Dancers

On ne mesure pas ce que ce chef d'œuvre de hardcore mélodique signé Lifetime a apporté au monde. Minor Threat a apporté au hardcore straight edge l'équivalent de ce que Lifetime a fait pour des légions de groupes, de Saves The Day à Title Fight. Écoutez un peu « Theme Song For A New Brunswick Basement Show » et essayer de ne pas chialer au son des lamentations éructées par la fameuse voix revêche d’Ari Katz.

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PEDRO THE LION – It’s Hard To Find A Friend

L'indie pop de David Bazan n’a, à première vue, pas vraiment sa place chez Jade Tree. Pourtant, l'agressivité pure de cet album dépouillé et principalement acoustique se retrouvera dans leurs disques d’après comme Control. Le style d'écriture de Bazan a sans aucun doute engendré une progéniture de songwriters en proie à des conflits intérieurs, et évidemment tous ces trous du cul qui jouent en acoustique dans le moindre café brunch du coin.

AVAIL – Over The James

Aucun groupe n'a jamais égalé et n'égalera certainement jamais Avail. Ces types de Richmond ont eu un tas d’influences différentes, allant de la musique sudiste au punk rock. Sur Over The James, Tim Barry et sa clique ont d’ailleurs écrit l'une des chansons punk les plus intimes de tous les temps (« August ») ainsi que « Scuffle Town », sûrement la première chanson non-pourrie qu'un groupe punk a écrit sur sa ville.

CAP'N JAZZ – Analphabetapolothology

Ces types ont inventé l'emo. Ne payer que 5 balles pour ça devrait être illégal. « Little League » à elle seule vaut le prix d’un disque compact.

LES OUBLIÉS (À TORT)

From Ashes Rise

TURNING POINT – Discography 1988-1991

Turning Point est l'un des groupes les plus sous-estimés de l'histoire du hardcore du début des années 90. Alors qu'un paquet de groupes s'essayaient au metal (façon Unbroken) ou collaient au modèle Youth Of Today, Turning Point sont passés d’une version made in New Jersey de Chain Of Strength à l'un des groupes hardcore les plus émotionnels qui n'ait jamais existé. Les trois premiers morceaux de cette discographie (à l’origine sur un split avec No Escape) – « Behind This Wall », « Thursday » et « Anxiety Asking » - représentent une fragrance inédite à l'époque. Et pour ceux qui préfèrent leur hardcore plus traditionnel, les tracks 5 à 16 (du LP It's Always Darkest Before The Dawn) sont la B.O. Youth Crew parfaite de votre séance de mosh de chambre…

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FROM ASHES RISES – Nightmares

Quant on en vient au hardcore/punk politisé, ce sont toujours les mêmes noms qui ressortent : Strike Anywhere, Propagandhi et Anti-Flag. Mais From Ashes Rise y occupe aussi une place de choix avec Nightmares. From Ashes Rise, c'est plus qu'un majeur en l'air au gouvernement, « The Final Goodbye » s'en prend violemment à la religion, une attitude depuius reprise par plein de nouveaux groupes hardcore comme Crusades.

ALKALINE TRIO / HOT WATER MUSIC – Split

Alkaline Trio et Hot Water Music sont deux des meilleurs groupes punk de tous les temps, qu’on se le dise, et on oublie souvent ce split dans l'immensité de leurs discographies respectives. L'un des meilleurs morceaux de HWM est présent sur ce disque, « God Deciding », ainsi que la reprise par Alkaline Trio de « Rooftops » et celles de Hot Water Music de « Radio » et « Bleeder ».

OWLS – S/T

La famille Kinsella a toujours eu une affection particulière pour Jade Tree, le label ayant sorti la discographie de Cap'n Jazz et les six premiers albums de Joan of Arc. Même si cet album n'a pas eu la même consécration que son prédécesseur sur la scène du revival emo, il doit impérativement être cité. Tout simplement parce que « Everyone Is My Friend » est la meilleure chanson math rock de tous les temps.

MY MORNING JACKET / SONGS: OHIA – Split

Avant qu'ils ne deviennent Bonnaroo: The Band, My Morning Jacket étaient un putain de bon groupe. Mais ceux qui brillent vraiment sur ce split sont Songs: Ohia emmenés par Jason Molina. Ce morceau appelé « Translation » dure 10 minutes et est l’un des trucs les plus fous qu'il ait écrit, oscillant entre folk, jazz, alt-country et passages de pur génie.

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KID DYNAMITE – S/T

Les hardcore kids et les punks préfèrent peut-être Shorter, Faster, Lourder, le deuxième album de Kid Dynamite, mais perso, j'ai beaucoup d'amour pour leur premier album – déjà parce qu'on y entend beaucoup Dave Hause de The Loved Ones, invité sur l'album. Ensuite, parce que c'est l’un de meilleurs premiers albums jamais enregistrés - première sortie de Kid Dynamite après sa démo. Ils ont mis 19 chansons dessus, et tu ne t'en lasseras sûrement jamais.

LES OUBLIÉS (À RAISON)

Swiz

SWIZ – No Punches Pulled

Dans mes souvenirs, Swiz était un groupe fin 80/début 90 à la popularité assez moyenne. Je n'ai jamais vraiment été dans leur délire (peut-être aussi parce que quand leur discographie est sortie, je n'avais que trois ans). Si tu lis ça et que tu as fait partie de la scène hardcore du début des années 90, tu as raison de penser que je ne suis qu’un petit merdeux. Et je ne t'en voudrais sûrement pas d'apprécier cet album.

MICAH P. HINSON – The Baby and the Satellite

Dans l’absolu, Micah P. Hinson n’est pas un mauvais songwriter, mais là, c'est vraiment son pire album. Micah P. Hinson and The Opera Circuit avec son orchestre en terrasse ce truc x100.

ESTER DRANG – Rocinate

C'est de la musique pour suppôts d'Arcade Fire. « Come Back Alive » aurait même pu figurer sur un de leurs albums de 2014, sauf que les mecs l'ont écrit en 2005.

STATISTICS – Leave Your Name

Denver Dalley est un musicien originaire d’Omaha dans le Nebraska. Il a joué dans Desaparecidos et a collaboré avec Conor Oberst et Tim Kasher, mais cet album est le disque emo du milieu des années 2000 le plus chiant du monde, combiné à de la musique électronique toute aussi chiante elle-aussi.

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MIGHTY FLASHLIGHT – S/T

Mike Fellows a débuté avec Rites of Spring… Et pourtant, cet album aurait carrément sa place dans un ascenseur… - un ascenseur de la Fnac même.

LA RELÈVE

Dark Blue

FUCKED UP – Hidden World

Fucked Up, comme d'autres groupes de cette liste, ne sont pas des nouveaux venus et sont encore hyper-actifs, mais on oublie souvent cet album sorti durant les années de disette de Jade Tree. Les meilleurs albums de Fucked Up sont sortis après Hidden World, mais ce sont leurs premiers disques qui ont fait connaître au monde leur hardcore-pop déglingué, n’oubliez jamais ça.

PAINT IT BLACK – New Lexicon

La plupart des musiciens débutent leur carrière dans la colère et la rage, pour la finir en douceur, mais Dan Yemin n'est pas « la plupart des musiciens ». Le guitariste de Lifetime et Kid Dynamite a fondé Paint It Black pour se consoler de la dissolution de KD et New Lexicon est sûrement l'un des meilleurs albums punk du millénaire, délivrant un mélange corrosif de hardcore, de musique électronique et de politique.

STRIKE ANYWHERE – Change Is A Sound

Strike Anywhere pourrait se disputer la place de meilleur groupe de punk politisé de tous les temps. Sur cet album ils sont hyper énervés, prêts à foutre la merde et n'ont vraiment pas le temps pour tes conneries. Écouter cet album en 2014 s'impose comme un rampart à ce nouvel « activisme en ligne » à base de hashtags engagés contre la faim dans le monde – écoutez « Refusal » et essayez de garder votre sang froid la prochaine fois qu'un type vous cite une phrase d’Elisabeth Levy.

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SLUTEVER – 1994/Spit

La face A est acoustique et chiante ; les ondes négatives et grinçantes qui s'en dégagent sont en totale opposition avec la scène actuelle qui se revendique de Nirvana, et pourtant cet album représente bien mieux l'esprit Kurt Cobain que tous ces faux groupes. Et le gros fuzz de la face B ne verse même pas dans le shoegaze. Le top dans tout ça ? C'est un duo.

DARK BLUE – Just Another Night With The Boys

Le premier EP de Dark Blue (et la dernière sortie de Jade Tree depuis le EP de Slutever en 2013), est un condensé de génie post-punk (et de football) dans la veine de Killing Joke et de Blitz, seconde période. Les types du groupe ne sont pas des bleus, le frontman John Sharkey jouait avant dans Clockcleaner, Mike Sneering officiait dans Purling Hiss et Andy Nelson dans Paint It Black, Ceremony et Blacklisted.

Paul Blest écume eBay à la recherche de rares démos de Paint It Black. Vous pouvez le suivre sur Twitter - @pblest