Chaque fois que votre groupe fait un rappel, un chiot meurt

Vous voyez ce chiot ? Il s’appelle Pipou et il est adorable. Il aime faire des siestes dans le panier à linge et regarder passer les voitures. Parfois, il aboie et fait frétiller sa queue quand il voit d'autres chiens à la télévision. Sa série préférée, c'est New Girl. Il est hyper mignon et affectueux et si votre groupe fait encore une seule fois un rappel, je le tue. « Mais quel est l’intérêt de tuer un petit chien ? », allez-vous me demander. Je sais pas, c'est quoi le but de faire un rappel ? Il n'y en a pas. Tuer de gentils petits chiots et faire des rappels sont à égalité parfaite sur l'échelle de l'absurdité. Donc, expliquez-moi pourquoi votre groupe continue à en faire ? Ah, désolé, vous ne m'entendez pas parce que vous êtes caché à un mètre d'un rideau derrière lequel on vous voit remuer, en train d'attendre comme une bande de crétins le moment de réapparaître sur scène. Je vais vous le dire : vous faites ça parce que vous pensez que c'est un putain de symbole rock'n'roll. Mais en réalité, les rappels sont à peu près la pire chose qu'un groupe puisse faire, après les reformations et les albums de Noël. Franchement, réfléchissez-y deux secondes et rendez-vous bien compte à quel point un rappel est débile. Quand vous faites un rappel, vous faites passer, en substance, ce message : « J'ai encore quelques morceaux à jouer et assez de temps pour le faire, mais je ne le ferai que si mes fans gueulent à s'en faire péter les globes oculaires, dans un accès d'hystérie totale et pathétique. Après en avoir vu quelques-uns chialer de peur que je ne revienne pas, et seulement après ça, je les honorerai du souvenir de ma performance de génie. » Plutôt baisé pour un mec qui se réveille dans un van et lave son slip dans l'évier d'un Burger King au petit matin. Citez-moi un seul autre job où l’on fait ce genre de conneries ? Est-ce que les pompiers arrosent de leur lance à incendie tous étages d'un immeuble en feu, sauf un, parce qu'ils attendent que les habitants les applaudissent ? Et puis même s'ils le faisaient, sérieusement, eux au moins le mériteraient. Est-ce que votre dentiste bouche toutes vos caries, puis attend que vous lui fassiez une ola, la bouche engourdie et pleine de cotons imbibés de bave en criant « Encore une dent ! Encore une dent ! » ? Non, parce que ce sont des professionnels qui font le boulot pour lequel ils sont payés. Peut-être que vous vous dites crânement : « Mais les musiciens sont des artistes et sont donc au-dessus des autres gens qui peuplent cette société. Il y a des règles qui ne s'appliquent qu'à eux. » Les sauteurs à ski sont aussi des artistes, eux risquent continuellement de se péter l'os iliaque en faisant le saut de l'ange même si leurs fans ne leur taillent pas une pipe symbolique avant. Vince Gilligan est un artiste mais il n'a pas arrêté Breaking Bad quand (spoiler, mais franchement, il serait temps d’en finir avec cette série, là) Walt a garé sa voiture dans l'allée. « Désolé, les gars. Égorgez une vierge en vous prosternant devant les studios ou vous ne verrez jamais un gang de nazis se faire défoncer à distance par une arme de destruction massive. » Et puis bon, je ne sais pas qui vous comptez berner exactement en vous planquant derrière votre putain de rideau, mais que vous le croyez ou non, la plupart des gens sont un peu moins crédules que les gamins que vous essayez de faire rire en vous cachant derrière vos mains. Si la salle est toujours plongée dans le noir, que la musique de fond n'a pas repris et que vous n'avez pas encore joué votre meilleur morceau, personne ne sera sur le cul quand vous reviendrez sur scène pour jouer dix minutes de plus. Juste une fois, j'aimerais que personne n'applaudisse et que vous reveniez pour vous rendre compte que la salle est entièrement vide et que tout le monde est déjà parti se jeter des bières au bar – sans vous. Il y aurait juste un type en train de balayer les mégots abandonnés, parce que tout le monde aura réalisé qu'il y avait mieux à faire que de rester debout à attendre une bande de branleurs qui veulent qu'on dorlote leur égo. Mettez-vous deux secondes dans les pompes des gens qui viennent vous voir. D'abord, ils se sont fait violer leur portefeuille avec des frais de dossier, de réservation, de transport et n'importe quel autre extorsion incroyablement abusive que la salle a décidé d'ajouter au prix déjà ultra-brutal du ticket. Ils ont du s'enfiler des bières à sept balles pour mieux faire passer la première partie pourrie. Ensuite, ils ont dû rester impassibles au milieu d'une bande de connards bourrés qui chantaient dans un mauvais anglais et qui hurlaient au beau milieu du set des trucs genre « Alleeez ! », « FREEEEBIRD ! », ou le titre de votre chanson la plus connue. Vous croyez vraiment qu'ils ont envie de passer encore dix autres minutes à regarder leurs pompes pendant que vous vous envoyez des shots de Jägermeister en backstage ? Ah, et sans ruiner les illusions relatives aux rock stars, dans la plupart des concerts, les groupes descendent rarement de scène pour rejoindre une bande de strip-teaseuses qui s’éclatent sur une montagne de drogue. Il n'y a aucune de chaise à leur nom, ni de jacuzzi dans lequel barbotent des groupies en chaleur. La plupart du temps, ils sont juste accroupis dans un couloir qui sent la pisse, attendant en silence de pouvoir retourner sur scène. Revenons à Pipou. Je n'ai pas réellement envie de le tuer. Promis. Mais je devais te montrer à quel point c'est débile de faire un rappel. Peut-être que je le laisserai dans une voiture, la fenêtre fermée, un jour de canicule. Peut-être que j'empoisonnerai sa pâtée Cesar. Ou peut-être que je choisirai la bonne vieille technique de la noyade dans la rivière. Quoiqu'il en soit, si vous et votre groupe faites encore une fois, une seule fois, un rappel, il mourra. Dan Ozzi est rédacteur pour Noisey USA et finira cette phrase uniquement si vous l’applaudissez avec conviction. Suivez-le sur Twitter - @danozzi