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YOB en a toujours gros sur la patate

Mike Scheidt nous parle du nouvel album de YOB, de sa vie infernale et des liens entre metal et mysticisme.

Photo de James Rexroad

YOB ne s'est jamais intéressé à autre chose qu'aux vraies questions. Depuis 18 ans, ces natifs de l’Oregon font bouillir un gigantesque chaudron de doom caverneux attisé par des interrogations sur l’existence de Dieu et sur la physique quantique. Leurs albums qui s’étendent toujours sur plus d’une heure, sont généralement composés de quatre ou cinq morceaux. On y trouve aussi des samples du philosophe Alan Watts, dont les interventions viennent parfois combler les silences de leur musique. Loin du gore et du macabre, YOB se détache du tout-venant metal par sa volonté sincère d’explorer des thèmes tels que la cosmologie, la philosophie et même la religion. Leurs concerts sont une quête vers la transcendance, une offrance à leurs fidèles — un peu comme une messe, mais avec des amplis qui vont jusqu'à 11. Leur nouvel album, Clearing The Path To Ascend, sortira chez Neurot le 2 septembre et devrait s'imposer comme un des plus imposants de toute la discographie du groupe. Le disque s'ouvre à nouveau par un sample d'Alan Watts prononçant les mots « Time to wake up ». Un ordre auquel YOB répond en déclanchant la guerre nucléaire totale. Selon Mike Scheidt, guitariste et membre fondateur de YOB, Clearing The Path To Ascend est l’album le plus intime qu’il ait produit avec le groupe : il a en effet été écrit et enregistré peu avant son divorce, avec en fond, la maladie mentale contre laquelle il mène un combat acharné depuis des années. On a discuté avec Scheidt du procédé de création derrière ce nouvel album et des liens que peuvent entretenir metal et mysticisme.

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Noisey : Clearing The Path To Ascend est plus sombre que votre album précédent, Atma. Dans quel état d’esprit as-tu commencé l’écriture de ce nouvel album ?
Cet album est lourd, super lourd. Mais c'est aussi un album qui a le coeur lourd. On vit tous des hauts et des bas, et parfois on passe de l’un à l’autre, à la vitesse d’un tsunami. Quand j’écrivais Clearing The Path To Ascend, j’étais dans le creux de la vague de ce tsunami. J’essaye toujours d’être optimiste, même quand je traverse des moments difficiles. Dans le cas de beaucoup d’artistes, ce qu'il se passe dans leur vie dicte le ton et la direction qu’ils donnent à leur art, ils ne font pas de séparation. Et c'est le cas pour moi aussi, même si je fais en sorte de toujours aller vers le positif. La musique est une thérapie, et tu te rends compte avec le temps que c’est aussi quelque chose qui te tient en vie. La musique m’a aidé à surmonter ces épreuves difficiles, et cet album est un parfait résumé des choses qu’on a traversées à ce moment là. Quels sont les évènements qui t’ont entraîné dans ce tsunami ?
Pendant ces trois ou quatre dernières années, j’ai été confronté à un divorce. J’ai été sous médicaments pendant près de 15 ans, et je me suis finalement sevré. Ces derniers mois, j’ai essayé d’arrêter de boire. Tu auras beau être fort, la vie essayera toujours de te mettre des bâtons dans les roues. Tu dois t’y faire. Arrêter les médicaments a complètement changé ma vie. La dépression est une maladie hyper violente et sans pitié, peu importe ta condition de vie. Elle frappe, même si tout à l’air d’aller bien à l’extérieur, que tu gagnes ou que tu ne gagnes pas d’argent. Elle s’abattra sur toi de la même façon qu’elle s’est abattue sur un autre. J’ai du réapprendre à vivre. C’est au milieu de tout ça qu’on a écrit l’album. Comment as-tu réussi à produire ce nouvel album alors qu’au même moment tu arrêtais ton traitement ?
Sans Citalopram ni Cymbalta, ma perception était moins altérée, je ressentais à nouveau certaines choses. Mes sentiments étaient beaucoup plus développés. L’écart entre les hauts et les bas étaient aussi beaucoup plus important. Heureusement, j’avais une guitare et un stylo à proximité pour traiter le mal. Mais c’est plus que ça, c’est aussi un sujet sur lequel YOB s’est toujours penché. Au moment de l’écriture, tout était devenu…. plus personnel, plus humain. Je ne pourrais pas te décrire ça plus clairement, mais ce que je sais c’est que ça m’a aidé à m’en sortir. Il y a aussi beaucoup de déconne et de fête. Quand on joue nos morceaux en concert, ça nous rend vraiment heureux.

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Est-ce que l'écriture et l'enregistrement de cet album t'ont permis d'apprendre des choses à ton sujet ?
En 2012, j’ai enfin décidé de prendre des cours de chant. Je n’en avais jamais pris et je fonctionnais par période : parfois je pouvais très bien chanter et d’autres fois, je chantais moins bien, comme c’était le cas en tournée. J’essayais de faire au mieux, et j’ai finalement décidé de prendre des cours, et de recevoir les conseils de quelqu’un qui pouvait au moins comprendre le chant moderne. J’ai contacté Wolf Carr, un mec de Portland, diplômé de la fac de musique de Berklee. Il était plus jeune que moi et ils comprenait aussi bien les cris et les chants gutturaux que les chants plus classiques. J’ai pu pratiquer avec lui différents styles de chant et j’ai appris quelques mécanismes qui ont vraiment changé ma vie. J’ai toujours pensé, et c’est encore plus le cas maintenant, que même si les riffs sont cool, ce n’est jamais suffisant. Il faut qu’une aura ou une atmosphère traverse l’album, de bout en bout. Je ne veux pas comparer YOB à Neurosis — qui trône tout en haut — mais avec Neurosis le courage, l’émotion, les paroles et la puissance de la musique ne forment qu’un bloc. Tu n’arrives même pas à les isoler les uns des autres. Il y a quelques chose de cathartique quand tu te retrouves face à ce groupe qui va au delà de sa musique, c’est une véritable expérience émotionnelle, spirituelle, religieuse. Il n’y a pas de simulation possible. Je voulais travailler avec ces types car ils ont une connaissance d’eux-mêmes en profondeur. J’ai vraiment ressenti le besoin d’explorer mes propres expériences en profondeur, de me confronter à ce que j’étais en train de traverser et d’être honnête avec tout ça. Ta musique a toujours été teintée de spiritualité et de philosophie.
Je pense qu’il est très simple de crouler sous le poids du monde. Pour moi, le mysticisme rend juste l’air un peu plus respirable. On peut changer notre réalité, notre façon de voir le monde, de voir les autres, et notre vision de nous-même, si on laisse certaines questions exister, plutôt que de supporter des réponses trop cruelles. C’est ce que j’aime. J’ai toujours été plus heureux quand je me suis accordé le droit de respirer plutôt que d’essayer de tout définir ou de laisser certains concepts dicter ma vision du monde. Mon esprit est moins embrouillé et ça m’aide à me sentir mieux. Quand je me sens mieux, je prends de meilleures décisions et je peux apporter une aide plus précieuse à ma famille et à mes amis. Je peux en constater les résultats concrets dans ma vie.

Le metal en tant que genre tend à être associé au nihilisme ou au satanisme, dans leurs sens les plus réducteurs. L’engagement de YOB dans la spiritualité et le mysticisme a t-elle été une cause de tension ?
Ça pourrait créer quelques tensions, évidemment. On peut être sceptiques à l’égard de tous les thèmes abordés par notre musique. L’esthétique de YOB est déjà trop bordélique. Les chèvres et les cornes sont nettement plus rattachées à l’esthétique metal. J’adore tout ça aussi, et j’ai énormément de disques de death et de black metal. Ça ne me repousse absolument pas. Mais les styles évoluent, les modes changent et les genres s’étendent, nos vies changent aussi et depuis des milliers d’années les êtres humains questionnent le sens des réalités et le sens de la vie. Ces interrogations sont bien plus vieilles que n’importe quel genre de musique. Nous, on écrit surtout sur les questions que l’homme se pose sur le monde qui l’entoure. Ce n’est pas mieux ou moins bien et je ne pense pas avoir raison, mais c’est là-dessus que j’aime écrire. J’ai encore tellement à apprendre, peut-être qu’une fois sur mon lit de mort je me rendrai compte que j’avais tort sur toute la ligne. J’espère avoir tort, pour enfin voir ce qu’est la réalité. Je veux toucher la réalité au plus près, même si je suis enfermé dans une enveloppe humaine niquée qui n’a aucune clé pour percevoir les choses clairement. Tu penses qu’en faisant de la musique, tu te rapproches de cette réalité ?
Je ne sais pas. La musique est une abstraction, je l’ai compris durant nos concerts. Quand un groupe réussit à générer une certaine sensation, chaque membre du public la perçoit commence une expérience unique, une expérience qui lui est personnelle. Toutes les réactions du public pourront alors se rencontrer et ne former qu’une seule et unique sensation. Tout le monde est déjà allé à un concert où il a eu l’impression que tout brûlait autour de lui. Pour chaque concert, on essaye de rester ouverts à chaque sensation qui pourrait s’offrir à nous. Avec un peu de chance, les personnes présentes se laisseront elles aussi aller à cette sensation, et on pourra la partager. Toute la salle peut devenir en elle-même une expérience, à laquelle chacun participe. Ce qui importe, c’est de tout donner pendant ce moment. Si je peux faire ça et ne pas me contenter de vivre dans les frontières de mon esprit, et laisser la musique et les expériences parallèles m’emplir, en les acceptant telles qu’elles sont et non telles que je souhaiterai qu’elles soient, alors l’expérience finale sera très positive et tout le monde se sentira mieux. On est aussi là pour passer un putain de bon moment, s’éclater et faire la fête. Tout n’est pas lourd et triste de manière permanente.

Sasha Geffen est aussi là pour passer un putain de bon moment. Elle est sur Twitter. - @sashageffen Plus de riffs et de désolation sur Noisey Justin Broadrick revient sur son enfance à Birmingham et sur la génèse de Godflesh
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