Yeezus de Nazareth

Toutes les photos sont de Yossi Mamia Kanye West n'a cessé de multiplier les clins d’œil au Tout-Puissant tout au long de l’année. D’abord en avril, quand il a essayé de marcher sur l’eau pendant un concert en Arménie (sans succès, évidemment) puis en juin, alors qu’il baptisait sa fille North, à la cathédrale Saint-Jacques de Jérusalem, puis enfin en annonçant sa candidature à la présidence des États-Unis pendant les MTV Music Awards. Parce que, oui, être le dirigeant du Nouveau Monde, ça revient à être le bras droit du Seigneur. Alors, quand Yeezus a annoncé son concert à Tel Aviv, en Israël, le 30 septembre, à quelques kilomètres de Nazareth, le bled où a grandi son modèle, on s’est demandé si le rappeur n’allait pas en profiter pour nous livrer une de ces pétarades névrotiques dont il a le secret. Ceux qui n’ont jamais été voir un concert de rap pensent qu’il faut arriver à l’heure de l’ouverture des portes. Grossière erreur de débutant. Pour Kanye, le quart d’heure de politesse français s’est transformé en deux heures et demie de retard. Et les israéliens, qui n’ont pas l’habitude des rappeurs-divas américains, ont moyennement apprécié. Mais comme le tout-Israël s’était déplacé et avait payé sa place une petite fortune (entre 200 et 600 shekels israéliens, soit 45 à 150 euros), personne n’a bronché quand il est arrivé sur scène sans dire bonjour.

Yeezy a entamé son concert sur « Stronger » avec une déco minimaliste - un plafond de spots - habillé d’un ensemble camouflage, sous 28 degrés. Peut-être que personne ne l’avait prévenu que l’été n’était pas fini mais toute la salle était compatissante. Il s’est échauffé avec « Power », « Black Skinhead » et « « Niggas in Paris ». Y’a pas à dire, Kanye était en forme, malgré l’acoustique dégueulasse du Stade de Ramat Gan. Et si Kim Kardashian n’est pas venue, Bar Refaeli, sa fan numéro 1, elle, avait fait le déplacement. Et ça, Yeezy, ça l’a tellement fait kiffer qu’il lui a fait une dédicace pendant « Clique ».

That's right! #aintnobodyfuckingwithmyclique @kimkardashian you are missed here! @foxxyo @lorraineschwartz

Une vidéo publiée par Bar Refaeli (@barrefaeli) le 30 Sept. 2015 à 13h54 PDT

Mais Kanye a réellement fait exploser le stade avec « Runaway » où, seul, pianotant sur sa console, il a réussi l’exploit de faire hurler à toute la foule « Let’s have a toast for the douchebags » pendant 4 minutes. Une épiphanie de courte durée puisqu’alors qu’il entamait les paroles de « «Love Lockdown », le son a pété. C’est super énervé, avec gros problème d’oreillette et de DJ (lui, il a certainement du passer chercher son chèque à la compta après le concert) qu’il a continué le concert. Il a même chanté les couplets de Rihanna sur « Run This Town » et ceux de T-Pain sur « Good Life ». Ça a un peu remonté le moral du public qui déplorait ça et là le manque de danseuses ou de musiciens sur scène. La béatification de Kanye West a enfin lieu pendant « Jesus Walks », qu’il a chanté prosterné, à genoux, le regard à terre, « en signe de respect ». Voilà, Yeezy a enfin fusionné avec Jésus. Les choses sérieuses ont commencé. Pour la première fois du concert, voire peut-être même de sa carrière, Kanye semble humain. Il parle au public, part de scène mais revient de lui-même « parce qu’il nous aime », il n’attend pas les rappels, il enchaine les titres. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, il reste tout de même au-dessus de nous, Kanye. Il parle de lui en s’appelant « Mister West » pendant « No Church in The Wild ». Il est proche de Dieu, il est content, on sent pourtant qu’il n’a pas envie de partir, Yeezy, il est toujours à fond bien que le concert touche à sa fin.

Le concert se finit sur « Lost in The World », sans surprise, et il prévient, ou menace, c’est selon, « vous vous souviendrez de cette nuit jusqu’à la fin de vos jours ». Bon, faut pas charrier non plus. Que penser de cette transformation live de Kanye West en Saint des Saints ? S'il s’est légèrement fait démonter par les médias israéliens à l'issue du show, il faut quand même rendre à Kanye ce qui est à Kanye. Avec des conditions aussi compliquées - pas de retour, pas de balances, un stade avec une acoustique abominable et un DJ stagiaire - il a tenu 90 minutes, interprété plus de 30 titres et fait danser 25 000 personnes qui s’étaient déplacées des quatre coins du pays. En attendant d’atteindre le trône de la Maison Blanche, Kanye a posé les bases de sa présidence en marquant quelques points précieux en politique étrangère.

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