FYI.

This story is over 5 years old.

Music

White Fence a plus que jamais le feu sacré

On a discuté avec Tim Presley de Crass, de Ty Segall, de The Fall, de Kim Fowley et même d'un sujet normalement interdit en interview : la politique.

Les discussions sur l'éthique punk sont en général à peu près aussi embarrassantes que les adultes en trottinettes. Mais quand Tim Presley vous regarde dans les yeux et vous dis « je suis un punk », vous y croyez dur comme fer. Et vous continuerez à y croire après l'interview, sur scène, quand vous verrez le petit prodige californien emmener une foule enamourée dans un Space Mountain garage, punk, psyché, soutenu par un backing band impeccable (mention spéciale au batteur, sosie de Connan Mockasin qui aurait remplacé le Xanax par le speed). Juste avant ça, on avait parlé de ses racines punk, du revival psyché, de The Fall, de Kim Fowley et même d'un sujet normalement interdit en interview (comme en covoiturage) : la politique. Noisey : Le son originel de White Fence était très lié à la technique de production et d'enregistrement homemade et lo-fi que tu utilisais. Sur ton dernier album, Recently Found Innoncent [sorti l'été dernier sur Drag City], tu es allé dans un vrai studio. Comment s'est passé cette transition et pourquoi l'as tu faite ?
Tim Presley : J'avais déjà réalisé 5 disques chez moi. Et je me suis dit qu'il serait sage et intéressant de changer mon approche de la production. J'avais besoin de changement. Je savais que je voulais faire quelque chose de différent. Je me suis dit : « peu importe ce que les gens penseront de ce nouveau disque ». Sur un plan personnel, j'avais besoin de travailler de cette nouvelle façon. Prendre les morceaux de White Fence et les imaginer dans un contexte différent. Et puis je joue avec Nick, le batteur depuis plusieurs années. J'avais fait un disque avec Ty Segall. Donc ça semblait naturel et fun de travailler en studio. C'était libérateur, d'une certaine façon. J'avais déjà enregistré 70 % des morceaux de cet album seul chez moi, mais ça ne me plaisait pas, je ne sais pas pourquoi. J'avais besoin d'un vrai batteur, pas juste moi en train de faire semblant de savoir jouer de la batterie. Tu as joué dans des groupes très différents, c'est quoi ton background musical ?
Le Punk rock c'est la base pour moi. Mes premiers groupes étaient punks [entre autres Nerve Agents avec un des membres des Distillers]. J'en ai gardé l'énergie et une certaine éthique. Une certaine façon d'envisager la sortie de mes disques aussi, uniquement avec mes amis. Et une façon de dire non et d'être en opposition aux choses.

Publicité

Il y a une grosse vague de groupes qui suivent le revival psyché actuellement. Tu sens un nouveau public s'intéresser à toi ?
Peut-être… Je joue cette musique depuis 2005, donc j'ai déjà vu plusieurs vagues de revival. J'essaie de ne pas y voir de mode. Je sais pas, tu en penses quoi toi ? Pour moi c'est un peu comme au début des années 2000, quand les gens ont redécouvert le rock avec les Strokes et cette scène là. Ça permet aux plus jeunes de découvrir toute une culture musicale à laquelle ils ne se seraient pas intéressés sans ça…
Oui, vu de cette manière là, c'est une super bonne chose. Ça permet aux plus jeunes de reprendre le flambeau et de faire vivre la tradition du rock'n roll. Sans ça, sûrement qu'il n'y aurait plus que de la musique électronique. Je n'ai rien contre, hein [Rires]. Tes morceaux sont assez intemporels. Quelle est la part d'hommage et celle de dé-construction/reconstruction de ton héritage musical ?
La seule façon que j'ai d'expliquer ça, c'est ma vision d'un solo de guitare. J'entends dans ma tête comment ce solo de guitare doit sonner. Il y a 50 % de comment ce solo doit être joué et 50 % de comment il doit sonner. Mon cerveau tend à faire sonner ce solo comme de la musique 60's. Pour certaines personnes c'est le rock 80's et ils vont faire sonner ça comme Joy Division. Personnellement, mon cerveau me fait tendre toujours vers le rock 60's. Donc c'est à la fois un hommage et en même temps c'est une question de goût, c'est totalement naturel. Mais bon malgré tout ça je reste un punk. Tu connais The Shaggs [groupe 60's de 4 sœurs n'ayant que très peu de connaissances musicales et poussé à jouer ensemble par leur père suite à la prédiction d'une voyante] ? Certains passages de « Cyclops' Reaps » m'y ont fait penser. Tu es inspiré par ce genre d'approche très brute ?
Oh cool, super. Je suis influencé par tout type de musique honnête, qui sait être naïve. Je suis toujours pour les accidents. Je déteste ce qui est trop policé, trop répété. L'accident, c'est ma partie préférée de la musique. Ce qui fait de The Shaggs un très bon exemple, car c'est une musique tellement libre. C'est presque comme du jazz. Naïf et jazz, voilà ce que j'aime [Sourire]. C'est comme Syd Barrett. Tu l'écoutes et tu as l'impression qu'il compose le morceau au fur et à mesure qu'il l'enregistre. Pour moi c'est la façon la plus honnête de faire de la musique. Je veux tendre plus que tout vers ce genre d'approche. Tu as dû répondre à cette question des centaines de fois, mais tu peux nous raconter ton expérience avec The Fall ?
Ça a été super, j'ai beaucoup appris. C'était un coup du destin. J'ai eu un coup de fil « Tu veux jouer dans The Fall ? Le concert est dans deux jours » et j'ai dit « fuck yeah ». J'adore The Fall donc c'était tellement facile. Techniquement je suis toujours dans le groupe. Je ne suis pas un « ex-The Fall ». Avec un autre gars de Darker My Love [un autre groupe de Tim Presley] qui joue avec moi dans The Fall, on a écrit 4 morceaux pour le groupe et on leur a envoyé. On verra si ça atterrira sur le prochain album. Il y a un morceau qui était une chanson de White Fence à la base, mais dès que je la chantais ça ressemblait tellement à The Fall que je l'ai mise de côté. Et puis ils m'ont demandé si j'avais des morceaux pour eux, donc j'ai pensé tout de suite à celui là. Comment s'est passé l'enregistrement de « Hair » ton album avec Ty Segall ? Qui en a eu l'idée en premier ?
J'ai rencontré Ty Segall car il aimait les deux premiers albums de White Fence. Il m'a proposé de faire un split album. Et puis il m'a proposé de passer au studio pour me faire écouter les morceaux qu'il voulait mettre sur le disque. Je suis allé le voir, il m'a joué un morceau. Et j'ai enchaîné. Il a appris mon morceau en 30 secondes. Et c'est devenu notre morceau à tous les deux. Du coup, on a écrit des morceaux ensemble. Ty est toujours super enthousiaste et spontané. C'était très naturel et simple. Kim Fowley est mort récemment. Il a transformé sa maladie et sa mort en un projet artistique à la fin de sa vie. Tu penses que c'est une bonne façon d'affronter la mort pour un artiste ?
Oui, carrément. Tout le monde est effrayé par la mort. Si tu es quelqu'un d'aussi spécial que Kim Fowley et que tu es assez courageux et créatif pour regarder la mort en face je trouve ça fantastique. C'est un génie. Il était capable de faire de l'art avec n'importe quoi. Tu as réalisé la pochette de ton dernier album. Comment es tu parvenu à concevoir et choisir cette peinture ?
Cette peinture était un accident. L'album était presque fini et je ne savais pas quoi faire pour la cover. Je me suis assis et j'ai commencé à peindre en me disant que ce serait cool que je fasse un truc abstrait. Et puis au bout de quelques minutes, je me suis éloigné et j'ai regardé la peinture et je me suis dit « fuck, ça me ressemble vraiment ». J'étais un peu embarrassé mais en même temps je l'aimais bien donc je l'ai laissé comme ça, je l'ai scanné et c'est devenu la pochette. Mais c'est totalement un accident. Il y a eu des attentats terroristes ici très récemment. En tant que musicien, tu te sens touché par le climat social et politique qui t'entoure ? Je pense notamment à ce qui s'est passé à Ferguson.
Le côté très triste là dedans, c'est que en tant qu'américains on est presque habitué à ce genre de choses. Il y a deux ans, il y a eu toutes ces fusillades dans les écoles, puis celle au cinéma pendant la projection de Batman… On est presque devenus insensibles à tout ça. Je me rappelle après le 11 septembre dans mon école d'art, il y avait un cours sur l'art « post 9/11 ». Le monde était changé. Je pense que suite à ces attaques, vous aurez plein de musique. Mais dans ce genre de cas, il y a deux approches. Celle qui essaie de faire quelque chose de positif et celle qui veut se battre et qui veut dire « fuck the world », « le monde est un endroit horrible… ». Tu verras que ça va nourrir la création. Et l'art deviendra une capsule temporelle de ce climat. Dans les années 70, les musiciens s'engageaient beaucoup plus, mais de nos jours personne ne parle de rien.
Je sais, c'est tellement bizarre. J'aimerais parfois être plus politisé. J'essaie de trouver un exemple d'artiste récent qui parle de politique… Il y a Run The Jewels qui s'est pas mal engagé au moment des incidents de Ferguson.
Ah oui je vois…C'est bizarre qu'il n'y en ait pas plus. Il n'y a plus de groupe comme The Clash capable d'être politiquement importants. Les groupes actuels doivent penser à leur carrière et ne vouloir froisser personne. Alors que ce qu'il faudrait c'est juste quelqu'un capable de prendre position et de s'exprimer de manière poétique. Comme Bob Dylan pouvait le faire. Si tu le fais d'une manière créative, les gens vont t'écouter et essayer de changer les choses. J'écoutais beaucoup Crass par exemple. Ils étaient tellement en colère. Ça me donnait envie d'être plus conscient . Mais je crois que j'ai trop de problèmes personnels à résoudre pour penser à une échelle plus large [Rires]. C'est peut-être aussi le problème des autres ceci dit. On est sûrement trop individualistes… Adrien Durand rapproche les peuples un peu plus chaque jour. Il est sur Twitter - @AdrienInBloom