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Music

Watain est l'impérial requin qui patrouille dans les océans noirs de l'empire de la haine

Erik Danielsson, le leader du groupe black metal le plus controversé de ces dernières années, nous parle d'isolement, de pourriture et de réseaux sociaux.

La Cour Suprême du TRVE Black a accusé Watain d'avoir perdu en qualité avec son sixième et dernier album, The Wild Hunt, qui incorpore des chants clairs, des tempos plus lents, des riffs de métal conventionnels et même (seigneur) une ballade. Ce que ces abrutis étroits d'esprit ne comprennent pas, c'est que Watain reste l'impérial requin qui patrouille dans les océans noirs de l'empire de la haine, détruisant tout ce qu'ils croise.

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Watain ne cherche pas à limiter son vocabulaire musical ou sa production pour répondre aux attentes des réactionnaires du black métal. Le groupe cherche simplement à satisfaire ses désirs, à tous les niveaux. Certains ont accusé Watain d'écrire des chansons plus mainstream pour augmenter leur nombre de fans. Ce n'est pas totalement vrai. Bien sûr, ils aimeraient vendre plus de disques. Mais seulement en suivant leur règles. Il serait plus juste de dire que Watain est en train de brouiller les frontières du black metal et qu'ils engagent leurs fans à les suivre à travers ce nouveau territoire dévasté, à leurs risques et périls.

Si vous avez déjà assisté à un concert de Watain, vous avez sans doute été éclaboussé par du sang d'animal mort et confronté à l'atroce puanteur qui se dégage des piles de carcasses en décomposition réparties sur scène. Cette confrontation est primordiale dans l'expérience Watain. Le groupe met son public au défi de survivre à cette initiation, afin de gagner le droit de se tenir à leurs côtés.

Erik Danielsson, le leader de Watain, n'a que faire de la perte de la frange hipster et puriste de son public. Il préfère accueillir dans son royaume de haine et de douleur un jeune fan de Metallica séduit par le cafardeux « They Rode On » plutôt que de continuellement prêcher pour des convertis. Il n'a évidemment aucun temps à perdre avec les haters. Il ne s'intéresse pas aux classements, ne lit pas les sites de metal (et encoire moins leurs commentaires) et n'utilise aucun réseau social. Son seul et unique but est de proposer une expérience unique et radicale à tous ceux qui auront le courage de le rejoindre sur son char de feu.

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On ne peut pas dire que tu sois du genre à balancer un Tweet à chaque fois que tu vas au toilettes.
Erik Danielsson : J'ai essayé d'utiliser les réseaux sociaux, mais ça n'a pas vraiment marché pour moi. J'ai abandonné tout ça il y a deux ou trois ans. J'utilise très rarement internet désormais. Et ça me fait beaucoup de bien. Je vis au milieu de nulle part, en pleine campagne. Pour moi, c'est important de rester éloigné de la pop culture. J'en ai suffisament ma dose quand on est sur la route ou qu'on bosse avec le groupe. Le monde tel qu'il est aujourd'hui m'ennuie énormément. J'essaie de me préserver de tout ça.

Ça te plait de vivre isolé et de te contenter de peu de choses ?
Oui, ça me permet de me concentrer sur les choses simples, qui me font avancer, en ne me tirent pas en arrière, en m'empêchant de progresser ou de me transcender.

La vie est pleine de distractions qui t'éloignent de la voie sacrée.
Bien sûr. Les forums internet ont par exemple été inventés pour empêcher les gens de faire quoui que ce soit de leur vie. C'est une gigantesque machine construite pour assurer la stagnation des individus. C'est tout sauf une évolution.

Tu aimerais que les gens trouvent la musique de Watain divertissante ?
Je ne sais pas. Qu'est-ce que le divertissement ? Quand une idée fonctionne, qu'elle atteint son but, elle devient de fait divertissante, non ? Cette chose peut emmener les gens vers d'autres sphères, vers des contrées situées hors de l'espace et du temps, et créer une réalité nouvelle. Mais le mot « divertissement » a une connotation négative, à mes oreilles en tout cas. Je pense que la musique et l'art en général devraient aller au-delà du simple divertissement. La musique peut avoir un pouvoir hautement transcendental. Bien sûr, le divertissement peut parfois, lui aussi, accéder à ce pouvoir. Mais j'aime à penser que Watain va bien au-delà de ça. Watain est un catalyseur d'émotions -- des émotions qui peuvent révéler de nouvelles voies aux auditeurs, des choses auxquelles ils ne sont pas forcément préparés. Il y a quelque chose de plus profond derrière tout ça, qui a à voir avec la souffrance et la douleur, et qui promet, à ceux qui sont réellement prêts à s'y plonger tout entiers, une véritable expérience mystique.

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Je n'en doute pas. L'adeur d'abattoir qui se dégage de la scène à chacun de vos concerts suffit à elle seule à faire fuir une partie du public. C'était difficile pour moi de gérer ça, même si je savais que ça faisait partie intégrante de l'expérience Watain.
Watain est une expérience unique, une expérience qui va au-delà de toute autre expérience musicale ou culturelle. Le rock & roll tel qu'on le connaît existe maintenant depuis plus de 60 ans. Il est temps d'en faire quelque chose de nouveau. Il est temps de l'emmener au niveau suivant. Il est temps de faire remonter le caractère trenscendental de cette musique à la surface et de lui laisser prendre le contrôle - afin qu'il réveille les aspects les plus dangereux du rock & roll.

Watain

Quels sont ces apsects dont tu parles -- le sang, la puanteur, l'outrage ?
Ce sont juste les conséquences de notre nature et de notre travail en tant que groupe. Ce sont des éléments qui ont toujours été présents dans la culture rock, à un niveau presque intime. Ils permètent de révéler les sentiments enfouis en chacun d'entre nous et de nous faire considérer la vie différemment. Et c'est exactement ce qu'il se passe aux concerts de Watain. Bien sûr, beaucoup de gens ne voient que le sang et les têtes d'animaux et tous ces trucs qu'on utilise sur scène. Mais si tu prends un peu de recul, tu réalises qu'une grande partie des personnes présentes au concert se sont réveillées quelques heures plus tôt, et ont embrassé leurs enfants sur le chemin de l'école, après avoir mangé un bol de céréales. Et maintenant ils sont dans cet univers parallèle plein de choses très dérangeantes, qui représente l'inverse absolu de leur quotidien. C'est là que ça devient intéressant. C'est là où notre boulot devient vraiment intéressant, parce qu'il altère la réalité. Il présente le monde, la vie, la réalité sous un autre angle. Ce que tu vois à un concert de Watain c'est vraiment l'envers du décor, le côté sombre. On veut mettre les gens dans une position inconfortable, pour qu'ils se posent des questions, que ça agisse sur leur subconscient. Les énergies invoquées aux concerts de Watain fonctionnent vraiment, quel que soit le public.

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Ok, mais en quoi êtes vous différents de Ghost, par exemple ?
Ghost, c'est du spectacle. Watain met en pratique les choses dont Ghost parle dans ses morceaux. Comparer les deux groupes, c'est comme comparer une comédie musicale aux danses rituelles d'une tribu d'Amazonie. Bien sûr, nous sommes nous aussi un groupe, qui tourne et sort des disques. Mais l'approche est totalement. La façon dont le public perçoit les deux groupes, aussi. Ghost suit un scénario écrit à l'avance. Watain est guidé par des forces que nous ne cherchons ni à identifier, ni à comprendre. Nous ne cherchons pas à donner à notre public ce qu'il veut. C'est à lui de prendre ce qu'il veut dans ce que nous lui donnons. Notre but est de faire sortir quelque chose de notre rencontre avec le public, de voir jusqu'où les énergies que nous libérons sur scène peuvent nous emmener.

Choisir la voie du diable implique pas mal de responsabilités et de conséquences. Geezer Butler de Black Sabbath, Bobby Liebling de Pentagram, et même King Diamond, ont fini par laisser tomber le délire satanique. Ils ont dit qu'ils avaient, à un moment, reçu des signes leur disant clairement « si tu veux continuer dans cette direction, prépare-toi à ce qui va arriver » et que ça les avait complètement fait flipper.
Oui, évidemment. Mais il y a une différence entre les amateurs et les vrais pratiquants, qui ont suivi toutes leur vie certaines traditions. Il y a une différence entre le gamin qui fabrique des petits explosifs pour impressionner ses potes à l'école et le gars qui construit des bombes chimiques pour l'armée américaine. Le gamin qui fabrique des explosifs chez lui a plus de risques de devenir la victime des énergies explosives avec lesquelles il travaille. Si tu as pas une putain d'idée de ce que tu fais, tu sauras qu'il vaut parfois mieux ne pas le faire. Mais d'un autre côté, j'encourage les gens à fabriquer des explosifs. Je pense que c'est une bonne chose, tant qu'on est conscient des conséquences. Je ne suis pas là pour préserver les gens du mal. Chacun sa merde. Le chemin que j'ai choisi m'a valu de cuisantes leçons. Mais il m'a également beaucoup appris. Tu dois savoir pourquoi tu l'as choisi. Et je pense pas que, lorsqu'ils en sont arrivés aux expériences occultes et à la magie, ni Bobby Liebling, ni Tony Iommi, ne savait vraiment pourquoi ils étaient tout à coup en train de s'essayer à ces trucs là. Je pense qu'ils le faisaient sans aucune raison. Peut-être qu'ils auraient simplement dû faire du rock & roll. Mais d'un autre côté, ils ont fait du bon rock & roll, et quand tu fais du bon rock & roll, tu réveilles des forces que tu n'es pas toujours en mesure de contrôler. C'est ce qui fait toute la beauté de cette musique. Si tu voues ta vie à la partie la plus sombre du rock & roll, tu vas forcément avoir à faire à des choses assez dérangeantes, et tu dois donc t'assurer que tu es prêt à les enciasser, que tu es sûr de toi et que tu sais pourquoi tu fais ça.

C'est quoi le « Wild Hunt » ?
C'est, en gros, tout ce dont je viens de te parler. Pour être totalement honnête, c'est quelque chose que je trouve beaucoup plus facile à traduire en musique et en paroles, qu'en discours. C'est pourquoi j'ai choisi d'être un parolier et un musicien, et non orateur. Je chante à propos d'expériences personnelles, qui ont littéralement changé ma vie. Mais j'essaie de ne pas trop rentrer dans les détails. Quand tu es jeune et que tu commence à explorer la face sombres de l'existence, tu reçois forcément de très cruelles leçons. Ça peut sembler être une bonne idée de renverser des pierres tombales et de déterrer des cercueils quand tu as 14 ans, mais quand tu réalises les conséquences de ton acte, tu n'as plus vraiment envie de recommencer. Ce que je choisis de partager, c'est ce que tu retrouves dans les albums de Watain. Ce que j'adore avec The Wild Hunt c'est qu'il ne s'agit pas d'un album de black métal traditionnel. Certaines chansons comme « They Rode On », qui est ni plus ni moins qu'une ballade, a largement de quoi faire vomir les fanatiques de Mayhem ou Gorogoth. On dirait que ce que vous voulez dire avec cet album c'est « on ne veut pas s'embarrasser des moutons, on veut être les loups. On veut créer une musique qui n'a pas à être ce que le black métal devrait être ».
Watain est un des derniers groupes de black metal à proposer quelque chose de créatif et de vital. C'est nous qui décidons des règles, qui imposons nos standards. Il y a bien sûr d'importantes traditions du black métal qui doivent être respectées jusqu'au bout, quoiqu'il arrive. Mais Watain est devenu quelque chose de différent, qui va bien au-delà du black metal, même s'il aura toujours ses racines dans cette scène là. Le black metal est, par définition, une musique imprégnée d'énergies maléfiques. C'est ce qu'est Watain dans un sens et c'est ce qui fait de nous un parfait exemple de groupe black metal. Mais les opinions que les gens ont sur notre musique ne signifient rien. Quand tu tournes le dos à la vie pour dédier ton existence à la quête d'une vérité spirituelle, plus rien n'a vraiment d'importance. Je suis très heureux de dire que j'en suis arrivé à ce point dans la vie où l'avis des autres sur ce que l'on fait n'importe pas. Watain est au dessus de ça. Et je pense que c'est la seule façon intelligente pour un artiste de voir la critique. Créez vos propres groupes, faites vos propres projets, c'est bien. Mais ça, c'est Watain. C'est quelque chose de sacré. Venez pas nous emmerder avec vos conneries. On a autre chose à faire.

Qu'est ce qui t'a poussé à créer ces passages totalement non-conventionnels dans « Black Flames March » ou « The Child Must Die », qui a un côté Western Spaghetti, ou même « Sleepless Evil » ?
C'est pas comme si on s'asseyait et qu'on se disait : « Hey, et si on écrivait une chanson comme ci » ou « Et si on composait une chanson comme ça ». Chaque morceau est le résultat de la rencontre entre les énergies avec lesquelles on travaille, l'atmosphère du moment, et les différents sujets abordés dans les paroles. La musique est une conséquence de tout ça, pas l'inverse. Tout peut arriver, c'est ça qui me plait. On suit un processus très organique, très intuitif. On doit laisser les choses arriver, ce que tu peux constater sur Wild Hunt.

Dans « De Profundis », tu parles des « accords défiants de la dissonance venus violer la symphonie de Dieu ». C'est comme ça que tu résumerais le son de Watain ?
Ça résume en fait tout le son et l'esthétique black metal. Ça correspond vraiment à ma vision du black metal. Ça a surgi des profondeurs sans qu'on en comprenne comment ni pourquoi, ça ne devrait pas être là, mais ça l'est, et on l'accompagne fièrement dans sa course sanglante à travers la nuit. Le black métal est une distorsion de la réalité. C'est un des plus vaillants ennemis du monde, et nous en sommes les messagers. Watain sera en concert demain, 14 décembre, au Trabendo. Si vous voulez rejoindre les messagers du black metal dans leur course sanglante à travers la nuit, mais que vous avez claqué toutes vos économies dans vos cadeaux pour la fête de naissance du Christ, on a quelques places à vous faire gagner ici.