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Music

Vous n'y étiez pas ? Tant pis pour vous ! : le festival Holidays In The Sun 2002

Dents cariées, crans d'arrêt dans le pit et une affiche délirante réunissant The Exploited, The Business et Stiff Little Fingers : bienvenue dans l’Irlande Punk/Oi! des années 2000.

Dans cette rubrique très astucieusement intitulée « Vous n'y étiez pas ? Tant pis pour vous ! », un contributeur Noisey ou un invité nous parlera d'un concert que vous avez probablement raté, vu qu'il a eu lieu il y a plus de 10 ans. Après Nirvana, et le festival Fnac-Inrockuptibles de 1994, c'est au tour de notre contributeur Théo Pillaut de revenir sur l'édition 2002 du festival punk/Oi! irlandais Holidays In The Sun. En 2002, à peine récompensés du bac et donc à peine majeurs, R. et F., deux de mes meilleurs potes et moi-même avons été pris d'une envie subite de partir trois nuits à Dublin pour assister au Festival Holidays In The Sun, événement de légende dont la programmation comprenait 99 % des groupes que nous écoutions à l'époque : Stiff Little Fingers, Exploited, Cockney Rejects, Vice Squad, 999, G.B.H., Peter and The Test Tube Babies et même The Business.

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L'auteur et un des ses compagnons de (dé)route, au départ de Tours.

Bien fier de ma majorité, je m'étais fait faire un passeport flambant neuf pour l'occasion. Que j'avais immédiatement égaré. Résultat ? Un A/R Tours - Dublin capuche sur la tête, armé d'une feuille de déclaration de perte de pièce d'identité, sans photo, et imprimée sur du papier 70 gr. Un Tours - Paris en stop, suivi de Londres en Eurolines, puis Londres - Liverpool en bus anglais – où un contrôle surprise des passagers à bien failli mettre fin à notre périple – le tout flanqué d'une courte nuit dans un ferry plein de routiers ultra-terreux pour rejoindre la côte Irlandaise. À notre arrivée, je devrai me livrer à une longue séance de supplication, agitant mon papier jaune tout froissé devant les flics du Port de Dublin, pour espérer fouler les verts pâturages du Leinster. Magie combinée du Leprechaun, de la complete discography d'Exploited et de l'inconscience de la douane locale : on me laissa finalement entrer en Irlande sans papiers.

Le ferry de la dernière chance

Vendredi, après une visite expiatoire de la bibliothèque Trinity College, direction Vicar Street, la salle du Festival. Une salle en plein Temple Bar, le quartier historique et touristique de la capitale, où être ivre mort à quatorze heure est complètement OK. Triplex de rigueur, crêtes et ailerons dressés, Docs 14 trous reluisantes, prêtes à affronter Vice Squad, Cockney Rejects ou G.B.H. : côté public et ambiance, on se trimballait évidement en pleine terre sainte. C'est là qu'on a réalisé qu'il ne manquait guère que Cock Sparrer à l'affiche du festival. Pas grave : la moitié des groupes et du public arbore des T-shirts à leur gloire. Je ne sais pas où en sont les punks dublinois avec la came en 2016, mais il y a quinze, l'héro marchait très, très fort. En particulier dans les toilettes du sous-sol de Vicar Street, où je ne suis descendu qu'une seule et unique fois. Autre certitude : on était les seuls français du festival, et définitivement les trois plus jeunes de l'assemblée.

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Le public du festival

JOUR 1

The Business

Adeptes des Pogues et bien fans à l'époque de Shock Troops ou des Dropkicks Murphy's, on avait évidement mordu à l'hameçon Irish-Punk de Blood Or Whiskey, un des premiers groupes à ouvrir l'événement. Je souviens aussi du chanteur boule-à-Z bien vicelard de 999 et de leur concert à fond la caisse, hyper speed et crasseux. Mais je me souviens surtout de l'intro des Business avec l'apparition de Micky Fitz, la légende Oi! en tank top blanc, qui se trimballait sur scène peinard, en saluant tous le monde dans la salle, comme s'il connaissait chacun. Ce qui était sûrement le cas. Ce live était magique. Voir les Business à Dublin début 2000, c'était prolo, puissant, beau comme un chant de supporters. Avec « Suburban Rebel » en intro et un finish bien régressif sur « Drinking And Driving (Is So Much Fun) » avec toutes les birds et les punkettes du festival invitées à monter sur scène. Un joli bal populaire pour dents cariées, plein de chansons à boire avec les copines et les copains, à l'exact opposé des conneries néo-youthcrew à jogging. Fans de Turnstile, allez vérifier vous-même, le live est disponible dans son intégralité juste ici.

Et puis, enfin : Stiff Little Fingers. Les Clash de Belfast sur scène, quasi à domicile et rien que pour nous trois. Je me souviendrais toujours de leur bannière : « Stiff Little Fingers / 1977 - 2002 / 25 years of Punk Rock. » À ce stade, je me souviens que nous étions harassés et surtout bien beurrés. On a commencé le concert posés dans les gradins, mais dès l'intro, la bière s'est mise à pleuvoir dans une salle folle, qui n'a pas débandée de tout le set : « Tin Soldiers », « No Surrender » et bien sûr « Johnny Was » en clôture, un des plus beaux morceaux de l'histoire du Punk écrit par Bob Marley. Damn, Inflamable Material, le premier album de Stiff, devrait toujours être à portée de mains, de nos tables de chevet et jusqu'à nos lits de mort.

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JOUR 2

Survivre à un samedi soir à Dublin et crever : je crois que Striknien DC c'était cool et je suppose qu'on avait dû aller manger un morceau durant Menace et les Varukers. Mais on était bien là pour Vice Squad et sa chanteuse Beki Bondage. Vice Squad tourne encore, mais je préfère rester sur mes souvenirs émus d'il y a quinze piges. Nous ne connaissions pas vraiment Peter and the Test Tube Babies, à part leur hymne « Banned From The Pubs ». Un sing along à l'écoute duquel notre jeune bande de potes d'alors se transformait, dit-on, en horribles pilleurs de teufs tourangelles et saccageurs de maison des parents-partis-une-semaine-au-ski. Primo : cette réputation a toujours été exagérée, deuxio : le vrai tube des Peter, c'est « Spirit of Keith Moon », – voire « Blown Out Again » –, tous deux entendus ce soir-là malgré la bonne grosse cuite que le groupe se prenait en temps réel sur scène. Cockney Rejects fut un autre climax du festival. Surtout le jeu de jambes de Jeff « Stinky » Turner, son terrible chanteur. Jogging chiné, torse nu et bonnet à la Rocky vissé sur une des caboches les plus coriace de tout l'East End… Si la puissance de l'homme a réussit à convertir Roger Miret et toute la scène New York Hardcore à la Oi!, imaginez l'impact d'une telle légende vivante sur trois gamins paumés à Dublin.

JOUR 3

Le dimanche soir était dédié au cuir et aux clous : avec G.B.H., Anti-Nowhere League et le grand retour d'Exploited. De G.B.H., je ne connaissais que le morceau « Sick Boy », découvert via Slayer sur l'excellent album de covers Undisputed Attitude. Je me souviens d'un concert noir, violent et racé, avec, à la moité du live, le traditionnel arrachage de perfecto du chanteur par son road. Dans le milieu hyper open du punk UK82, ce geste est un running-gag typique du groupe, mais nous l'ignorions complètement à l'époque. Nous nous étions regardé alors tous les trois avec un long « wouaaaaah » admiratif.

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Anti-Nowhere League ? Un set massif, lourdingue, d'un son burné et d'un chanteur hirsute, super-viriliste. Un souvenir gras, mais un bon souvenir. Depuis une poignée d'années, The League est au coeur d'une polémique : accusés d'homophobie à cause des paroles de « The Day The World Turned Gay », pleins d'orgas militent pour leur boycott et leur déprogrammation. Je rappelle que leur lead singer Nick Culmer se fait appeler « Animal », que « This is War » est leur slogan officiel et que leurs premiers fans sont les mecs de Metallica. Bref, je préfère croire, pour ma part, en une forme de misanthropie intégrale, façon Lemmy ou Peter Steele.

Le dernier concert du festival Holydays in the Sun fut celui d'Exploited. Concours de crachats, stroboscope sur « UK82 », Wattie Bunchan explosé aux amphétamines avec un regard de meurtrier pendant plus d'une heure de set… Durant le live d'Exploited ce soir-là, j'ai vu une meuf qui pogotait avec un cran d'arrêt dans chaque main : elle faisait la toupie. Parmi les milles reformations d'Exploited, celle-ci était extrêmement sérieuse. Rappellez-vous : c'était il y a quinze piges. Leur ridicule et dernier album Fuck the System n'était pas encore sorti. Le gang des Buncan tournait sur les tubes de « Let's Start a War » ou « Beat the Bastards ». Imagerie et titres débiles, backpatchs omni-présents sur les tous marchés de province ou cousus au dos des gogoles bourrés à 14 h sur TOUS les festivals, quels qu'ils soient, beef continu de leur frontman Wattie Buchan sur à peu près l'ensemble de la communauté Punk Rock U.S. (Offspring, Bad Religion, Green Day, Descendents)… Exploited a toujours fait l'objet de nombreuses railleries. Mais au-delà de tous les clichés, ce groupe défonce. Leur son de guitare reste une délicieuse fessée assénée avec une volée de chardons écossais, Troops of Tomorrow, leur second album, est unique et le groupe a réussi à aborder le crossover comme aucun autre. Pas mal pour une poignée de mecs d'Édimbourg emmenés par un ancien de l'infanterie britannique.

Verdict ? Des Stiff aux Cockneys en passant par Exploited : merci. Merci pour toute cette noirceur, ces clous, cette bonne Oi! et ce bon stout. Merci à nous trois de nous être offerts un tel cadeau, si jeunes, si cons et si cools.

Depuis Dublin, F. & R. n'ont rien changé : R. est guitariste dans le groupe de Punk-Hardcore de Pigalle CID , F. lui est le chanteur de Saint & Sinners.

Théophile est sur Twitter.