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Music

Vous n'y étiez pas ? Tant pis pour vous ! : le festival Fnac Inrockuptibles 1994

Oasis ! Elastica ! Des solos de basse slapée ! Des proxos qui montent sur scène pendant Ben Harper ! Et plein de « nouveaux Smiths » que tout le monde a oublié !

Dans cette rubrique très astucieusement intitulée « Vous n'y étiez pas ? Tant pis pour vous ! », un contributeur Noisey ou un invité nous parle d'un concert que vous avez probablement raté, vu qu'il a eu lieu il y a plus de 10 ans. Après Nirvana, notre rédacteur en chef rempile pour le deuxième volet, consacré au festival Fnac-Inrockuptibles, qui s'est tenu à la Cigale, du 3 au 5 novembre 1994. 1994 est une année durant laquelle il a beaucoup plu et, de manière assez prévisible, il pleuvait aussi en ce premier week-end de novembre, où se tenait à la Cigale la 5ème édition du Festival Fnac Inrockuptibles - évènement à l'objectif aussi précis qu'immuable : voir aujourd'hui les groupes dont on rira demain. Après avoir assisté en différé et à la radio (dans la défunte émission de Bernard Lenoir sur France Inter) aux éditions de 1991, 1992 et 1993 (où s'étaient illustrés Television, Teenage Fanclub et Pulp, mais aussi, plus tristement, Ocean Colour Scene, Me Phi Me et les pitoyables Arrested Development - bien que ces derniers aient annulé leur venue à la dernière minute), on s'est retrouvés avec mon pote Nicolas F. (aujourd'hui chanteur/guitariste dans le groupe noisecore Membrane) à fuir notre Haute-Saône de malheur pour assister à l'édition 1994. Entreprise pour le moins hasardeuse quand on sait que cette année-là, ce qui tournait sur nos platines, c'était davantage les albums de Shellac, Helmet, Type O Negative, Low ou Bolt Thrower que les singles de Shed Seven ou Elastica. Mais 1/ c'était tout ce qu'il y avait de gérable à Paris sur nos vacances de la Toussaint 2/ il y avait American Music Club et Luna (qui annuleront eux aussi à la dernière minute, mais ça on ne le savait pas encore au moment d'acheter les billets) et 3/ le frère de Nico, qui vivait à Montreuil et avait cette particularité assez inédite pour moi à l'époque d'être à la fois journaliste sportif et musical avait accepté de nous héberger pendant une semaine. Au moment de notre arrivée, il rentrait d'ailleurs de Londres où il venait de s'enchaîner des interviews avec Carter The Unstoppable Sex Machine et Seaweed. À l'époque, on avait juste l'impression que le type vivait la Vida Loca au mégamax. Aujourd'hui, on sait qu'il passait son temps à courir pour boucler des piges sous-payées. Mais on était en 1994, j'avais 18 ans et les choses étaient alors très différentes. Toujours est-il que le vendredi 3 novembre, on était devant la Cigale et qu'il pleuvait.

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PREMIER JOUR : SHED SEVEN + ELASTICA + GENE

On arrive dans la salle alors que les lumières viennent tout juste de s'éteindre. Il y a des gens sur scène, mais passé le cinquième rang, c'est à peine si on fait attention à eux. Ça pourrait tout aussi bien être des étudiants venus annoncer les dates limites d'inscription à une UV de Serbo-Croate proposée en cadeau d'abonnement avec le magazine (qui est alors sur le point de sortir son dernier numéro en formule mensuelle pour devenir un hebdomadaire, l'heure est grave). Sauf que non, c'est Gene, le groupe qui ouvre le festival. Ils attaquent leur premier morceau. Lequel ? Je n'en sais rien et je ne le saurai sans doute jamais.

À ce stade du championnat, Gene est ce groupe un peu étrange, obsédé par les faces B des Smiths et mené par un type sapé comme un voiturier qui fume trois paquets de Benson & Hedges par concert. À sa gauche, un guitariste qui aimerait être à la fois Paul Weller et Johnny Marr mais qui ressemble surtout à un barde fou qui sautille en faisant des grimaces totalement inappropriées. En fond de scène, deux caristes, qui arrondissent visiblement leurs fins de mois en dépannant le groupe à la section rythmique. Le son est propre, le chanteur boit un gin-tonic, l'ambiance est à la détente. Ils jouent bien évidemment « Be Me Light, Be My Guide » mais pas « For The Dead ». Dommage, c'est le seul morceau que j'aurais voulu entendre. Avec « Haunted By You », à la rigueur. Mais celui-là, pour le coup, ils l'ont joué. Du moins j'en suis à peu près sûr. Vous l'aurez compris, Gene était, à l'époque, un groupe très secondaire, et a su le rester tout au long des années, ce qui fait qu'il est aujourd'hui fortement apprécié par les DJs, les complétistes et les snobs.

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Entre la fin du concert de Gene et le début de celui d'Elastica, la salle semble avoir triplé de capacité. Je me retrouve littéralement englué au deuxième rang, dans une mer bulbeuse faite de vestes en daim marron et de T-shirts cols en V, imitation maillot de football. Bien que le groupe n'ait, pour le moment, sorti qu'une poignée de singles (pas forcément évidents à trouver mais matraqués à un rythme inhumain par Lenoir sur France Inter), Elastica est un des groupes les plus attendus du week-end. Ce qui ne les empêche pas d'arriver sur scène toutes lumières allumées, comme de vulgaires roadies, rigolant nerveusement devant l'engouement hystérique de ce public dix fois trop nombreux pour eux. Devant moi, les gens sont intenables. On dirait des hommes des cavernes en train de regarder exploser du pop corn. Le concert sera expédié en une petite demi-heure, sans rien de trop. Je sais pas trop quoi vous dire d'autre, ils ont joué tous les tubes - l'album n'était pas encore sorti, mais même les deux ou trois morceaux inédits à l'époque, genre « S.O.F.T. », étaient aussi des tubes, alors qu'est-ce que ça pouvait bien changer ? Malgré la fin du concert, le public est plus nombreux et compact que jamais et il devient littéralement impossible de bouger dans les 10 premiers rangs. Après à peine quelques minutes d'attente, Shed Seven arrive sur scène. Les mecs sont acclamés comme si c'étaient les Rolling Stones. Ça m'arrive de repenser à eux. À ce qu'ils ont bien pu devenir, à ce qu'ils peuvent bien branler. Pile un mois avant ce concert, ils sortaient leur premier album, Change Giver, et étaient considérés rien de moins comme la relève des Smiths. Moins de 6 mois après, ils sortaient le single Where Have You Been Tonight? et devenaient instantanément le groupe le plus ringard d'Angleterre. C'étaient les années où le petit jeu cruel du NME fonctionnait à pleins tubes : encenser un jour, traîner dans la boue le lendemain.

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Ce n'était pourtant pas bien compliqué de voir que Shed Seven ne valaient pas tripette, dès le départ. Alors oui, vous me direz que les gens n'achètent pas de la musique, ils achètent une image. Sauf que là en l'occurrence, ça se limitait à un guitariste et un bassiste au charisme d'arbitres de touche qui tatanaient mollement derrière un chanteur enchaînant tous les combos Morrissey (pied sur le retour + posture implorante mais héroïque + trop d'émotion + je tombe + torse-nu) un peu n'importe comment, à la fortune du pot. Et le batteur dans tout ça ? Eh bien c'est le seul qui avait un vague talent dans le groupe : figurez-vous qu'il sortait de sa batterie par l'avant, en passant cul par-dessus tête au dessus de ses toms. On en pensera bien ce qu'on voudra mais il faut avouer que c'était pas banal. Verdict de la soirée : deux sous-Smiths qui seront enterrés vivants quelques mois plus tard et une honnête tribute-band à Wire et aux Stranglers qui sortira deux albums assez chouettes avant que la chanteuse ne parte ouvrir un resto végétarien. Pas de bol pour nous, c'est le seul groupe des trois qui n'avait pas de T-shirts au merch à la sortie du concert. On est donc partis sans demander notre reste. À la sortie du métro, on a vu deux clodos se bastonner façon kung-fu devant le Monoprix de Croix de Chavaux. Sous la pluie, évidemment.

DEUXIÈME JOUR : OASIS + ECHOBELLY + G. LOVE & SPECIAL SAUCE Le gros morceau. Le concert qu'il ne fallait pas louper. Cette deuxième soirée affiche complet depuis des mois. À cause d'Oasis, bien sûr, dont c'est le deuxième concert en France après un passage discret à l'Erotika (un ancien cabaret rose où jouaient quelques groupes indés à l'époque, qui a par la suite été réquisitionné par le Ministère de la Défense pour accueillir les troufions) et qui n'est alors pas encore au sommet de sa gloire mais s'est déjà tranquillement mis en route (première couverture des Inrocks deux mois plus tôt, album en rotation lourde chez Lenoir, premières incursions sur la FM et les tunnels de clips de M6).

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Interview d'Oasis à Paris, diffusée sur MCM juste avant le concert.

Mais la présence d'Echobelly n'y était a pas totalement pour rien non plus. Le jeune groupe londonien fait en effet l'unanimité grâce à un look et une image assez proche de celle d'Elastica (docs montantes huit trous, polos Fred Perry), tout en étant complètement autre chose (chanteuse indienne-politisée-de-gauche, guitariste suédois-ex-éditeur-de-magazines pornos). Et tant pis si le groupe, qui revendique ouvertement l'influence de Gang Of Four (groupe alors très peu cité vu que leurs disques étaient introuvables), sonne en vérité plutôt comme un croisement assez désastreux entre un concours de karaoké pour fans de Morrissey et un genre de Blondie en solde (pour info, Garbage n'existait pas encore) : la chanteuse indienne-politisée-de-gauche a un certain charisme et le morceau « Today Tomorrow Sometime Never » est plutôt OK. Par contre, une chose est certaine : niveau fréquentation, G. Love & Special Sauce n'a pas dû peser bien lourd dans la balance. Ce qui n'empêchera pas ce trio de Philadelphie de balancer pépèrement ses petites ritournelles de blues hip-hopisant (oui, 1994, c'est aussi l'année où Beck cartonne) à la fois cool et ensoleillées mais un peu âpres, qu'aiment tant aujourd'hui les types de 25 ans avec un peu de barbe et un peu de chapeau qui ne rechignent jamais à saluer la lune avec trois petits pas de danse avant d'aller finir leur exportation After Effects et préparer leur conf-call du lendemain entre deux mails groupés concernant des projets de bon temps sur les quais de Seine ou aux apéros thématiques des Nuits Sonores. Quand Echobelly investit la scène, en revanche, c'est une autre limonade : malgré leur image de moujingues à peine décrottés, on a vraiment affaire à une machine ultra-carrée - pas super étonnant quand on sait que la deuxième guitariste est Debbie Smith, requin de studio qui a officié sur le premier album de Curve (alors leaders sur le créneau faux-groupe-indé-à-chanteuse-sexy-taillé-pour-jouer-dans-les-stades). Comme la veille, le public part en brioche dès le premier morceau, ça slamme et ça stage-dive en mode hystérie totale sur des morceaux qui, pourtant, feraient passer PJ Harvey pour Cannibal Corpse - bref, la routine.

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Intégralité du concert d'Oasis, la veille à Lille, à l'Aéronef.

Après une attente un poil plus longue que d'habitude, Oasis arrive et de l'hystérie on passe brutalement aux cris d'animaux qu'on égorge, à la grande sarabande de Questembert, aux Funérailles de Sardina de Goya, bref au truc que j'ai vu dans une fosse de concert qui, à ce jour - et je suis très sérieux - tenait plus de la scène biblique que d'un simple concert. Les gens lèvent les bras aux ciel, se mettent dans des états pas possibles, implorent on ne sais pas quoi au juste, mais ils le font, complètement, entièrement, à pleins poumons. C'est comme si leur vie toute entière allait dépendre de ces 50 petites minutes qui concentreront plus de sueur, de désir, de rage, d'euphorie et de frustration qu'un porno serbe tourné sur un Samsung Omnia. Et je vous dis ça alors que, très franchement, pour moi Oasis, à l'époque comme aujourd'hui, c'était la queue du chinois : pas de quoi envoyer une carte postale à tantine, leur affaire - même si j'avoue qu'après le concert, j'écouterai (et écoute toujours) Definitely Maybe d'une toute autre oreille (par contre, foutez moi la paix avec le reste, merci). À la sortie, j'ai vu deux types discuter. L'un était petit et épais, et arborait un t-shirt d'Oasis, l'autre était grand et mou, cheveux longs, santiags, dégaine de pubard ou rock-critic un peu tanche, et lui rétorquait : « Moi, un T-shirt pareil, tu me le donnes, c'est direct à la poubs ! » Je me souviens avoir été à peu près aussi navré qu'interloqué par l'utilisation de « poubs ». En rentrant, on a regardé les clips de la nuit sur M6 en mangeant des croque-monsieurs et on a été assez déçus par celui de « Kill The Sexplayer » de Girls Against Boys et hyper enthousiastes sur celui de « Voodoo People » de Prodigy.

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TROISIÈME JOUR : BEN HARPER + AMERICAN MUSIC CLUB + THE APARTMENTS + CATCHERS + BOBBY SICHRAN + ANIMALS THAT SWIM

Après la messe, la foire à la saucisse : un groupe d'art-pop difficile à cerner (Animals That Swim), un folkeux mutant (Bobby Sichran), de la popinette à vous donner des envies de génocide (les Catchers), deux piliers du songwriting dépressif des grandes vallées désolées (The Apartments et American Music Club) et un jeune mec avec des tresses qui joue du folk-blues acoustique et dont on commence à peine à parler dans les milieux autorisés (Ben Harper). Disons que ramené à la scène actuelle, ça équivaudrait à enchaîner 51 Black Super, Marietta, Minuit, Cult Of Youth, Sun Kil Moon et PNL circa novembre 2014. Dehors, il pleut toujours mais heureusement ce soir, ça commence tôt : Animals That Swim sont sur scène à 17h, disposés en rang d'oignons, avec leurs dégaines à la Jean Teulé et leurs trompettes, en train de jouer comme si le monde marchait parfaitement sans eux et qu'ils n'avaient pas à s'en occuper. Leur album de l'époque c'était Workshy mais je ne l'ai jamais écouté, j'ai acheté le suivant, I Was The King, I Really Was The King et même s'il y avait de très jolis morceaux dessus, il ne m'a pas fait grande impression (je crois qu'il est toujours dans ma cave dans le carton « à revendre » - si jamais ça intéresse quelqu'un, qu'il n'hésite pas à me contacter). Il faut dire que ce soir là, le groupe de Londres avait le mauvais rôle : il remplaçait Luna, pour lesquels on s'était à l'origine déplacés avec Nico (avec American Music Club, certes). On enchaîne très vite avec Bobby Sichran qui livrera, bien malgré lui, le concert le plus déprimant de tout le festival. Malgré un premier album (From A Sympathetical Hurricane, chez Columbia) et un parcours (le type fait un crossover blues-folk-hip-hop à la Beck, sauf que tout laisse à croire qu'il était là bien avant Beck) particulièrement intrigants, ce New-Yorkais va se vautrer dans les grandes largeurs sur la scène de La Cigale alors que le soleil n'a même pas encore abaissé ses marteaux. Comment ? En jouant ses morceaux accompagné par 3 requins de studio à chapeaux qui y iront chacun de leur petit solo de basse slapée et de batterie. Un peu comme si on avait collé Steve Vai, le mec de Level 42 et tout le P-Funk All-Stars en backing band du Leonard Cohen de 1968. À un moment, Sichran, mort de rire, s'est lancé dans un solo de guimbarde sur-foireux, histoire de surligner sa détresse au Stabilo, mais ça n'a amusé personne. À vrai dire, c'est un des trucs les plus tristes que j'ai jamais vu sur scène.

Il faudra toute la classe des Apartments pour effacer ce douloureux moment : dégaines de chacals déguinguandés, costards en solde, chemises fripées, vingt clopes par morceau, des visages figés comme un lac en hiver, ça joue velours mais avec sécheresse, tout en colère rentrée, la version de « The Goodybye Train » est magnifique et en rappel Peter Milton Wash vient jouer tout seul à la guitare acoustique le gigantesque « Mr. Somewhere ». Et si je connais les titres, c'est parce que j'ai acheté tous les disques le lendemain avant de reprendre le train (à l'époque, il n'y en avait que deux, ça aide). Rien acheté par contre des Catchers, atroce Inrockuptiblerie comme ils nous en fourguaient par wagons entiers à l'époque, folk cuit à l'eau chantée par un couple de débiles légers aux pulls troués. Et évidemment, les gusses sont acclamés par la foulé comme s'ils avaient été commissionnés pour libérer les Judéens des cachots. Quand je repense à ces conneries, je me dis qu'on est finalement guère plus mal avec Ruquier au poste le samedi et le nucléaire aux mains des Chinois. Vient ensuite ce qui était et restera la raison principale pour laquelle on avait fait le voyage depuis Luxeuil-Les-Bains (avec Luna, certes) : American Music Club. Le groupe de Mark Eitzel n'est alors pas exactement ce qu'il se fait de plus populaire en matière de rock indépendant, mais tous ceux qui ont eu la chance de poser leurs oreilles sur Everclear ou Mercury ont vu leur coeur saigner par longues gerbes mortifiantes. À l'image de cette fille devant moi qui a passé tout le concert à demander « Gravity Walks » - qu'ils finiront par jouer. Il faut dire que le groupe est ce soir là dans une forme rare : Mark Eitzel est de toute évidence ultra-bourré, titubant devant son groupe - en gros, les Queens Of The Stone Age mais en sandales et avec des chapeaux de paille. Au bout de deux ou trois morceaux, il se met à raconter qu'il a trippé sur Vanessa Paradis en la voyant à la télé la veille. Plus généralement, il chante comme un animal poussé à bout par l'angoisse en postillonnant copieusement sur les cinq premiers rangs et je suis au deuxième. Soit suffisamment près pour manquer de me mettre à chialer quand il joue en rappel, là aussi tout seul et à la guitare acoustique, « Last Harbour » extrait de son album solo Songs Of Love. N'ayant que 18 ans et étant encore assez regardant sur les manières à respecter en société, je resterai de marbre. Pas forcément le cas des gens autour de moi - ce qui ne les empêchera pas de lui donner la seule acclamation réellement méritée du festival lorsqu'il terminera le morceau a cappella au bord de la scène, rincé comme un clodo, dégoulinant de transpiration et tout juste bon à jeter aux chiens.

Si ça peut sembler complètement aberrant avec le recul, la présence de Ben Harper en tête d'affiche de cette dernière soirée ne paraissait, à l'époque, absolument pas incongrue. Le type n'en était qu'à ses débuts, son premier album faisait tout juste parler de lui dans la presse musicale. Tout au plus, il avait un clip en rotation la nuit sur M6, comme Oasis. Sa musique était assez âpre et soulful pour qu'on l'accole à des gens comme les Apartments ou American Music Club. Et le public de blanc-becs en velours côtelé des Inrocks pouvait potentiellement s'y intéresser sans trop avoir à forcer.

Et le fait est qu'il livrera un des concerts les plus enthousiasmants de tout le festival. Pas forcément que c'était génial, non - loin de là. Mais c'était autre chose. Autre chose que ces groupes de pop souffreteux aux morceaux et au dégaines interchangeables, que ces sensations à la petite semaine vendues à grands renfort d'hystérie éditoriale, que ces pignoles qu'on aurait oublié moins de six mois plus tard. Des gens avec le sourire, des proxos du quartier qui tentent de monter sur scène pour faire des danses d'arbres mystiques (véridique), et un solo de basse slappée - encore un ! Mais fabuleux celui-là : 6 minutes de bouillabasse en plein sur le break d'une reprise du « Satisfaction » de Stevie Wonder qui devait en taper facile 12 ou 13. Avec le recul, cette dernière journée s'est finalement avérée la plus excitante des trois. Enfin de la vie, du bordel, des dérapages. Tout ce qu'il manquait sévèrement à ce festival. Tout ce qu'il manque encore un peu partout depuis.