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On ne donnera jamais trop d'importance à Vince Clarke

35 ans d'obstination synth-pop, de Depeche Mode à Erasure en passant par Yazoo et son nouveau projet avec Paul Hartnoll d'Orbital.

Toutes les photos sont de Elizabeth Herring On ne donnera jamais trop d’importance au rôle que Vince Clarke a joué dans le raz-de-marée de la pop électronique. Né Vincent John Martin dans le quart nord-est de Londres, Clarke était un des membres fondateurs - avec Dave Gahan, Martin Gore et Andy Fletcher - de Depeche Mode, le groupe qui a défini les bases de la synth-pop. Il a écrit trois tubes - les singles « Dreaming of Me », « New Life », et « Just Can't Get Enough » - ainsi que l’essentiel du premier album du groupe, Speak & Spell, sorti en 1981 sur Mute, le label de Daniel Miller. Leur musique, électronique mais débordant d’humanité, allait influencer des artistes aussi divers que Nine Inch Nails, Pet Shop Boys, M83, Lady Gaga, mais aussi et surtout d’innombrables producteurs techno et house, et à peu près tous ceux qui se trouvent dans le champ de la pop électronique. Avant la fin de cette même année, et suite au succès monstre de Speak & Spell, Clarke quitte le groupe. En 1982, lui et la chanteuse Alison Moyet forment Yazoo, et produisent plusieurs bijoux de synth-pop indémodables comme « Situation » et « Don't Go ». Au milieu des années 80, Clarke prend pour partenaire le très tape-à-l’oeil Andy Bell, sous le nom d'Erasure, avec qui il signera encore une poignée de morceaux incontournables, tels que « Oh L'Amour », « Who Needs Love Like That » et « Sometimes ». S'il ne s'agit là que d'un résumé assez grossier du parcours de Clarke, il suffit à donner une idée de son impressionnante carrière. Mais ne vous attendez pas pour autant à tomber sur une rock star : en arrivant chez lui à New York, au bord d’une rue boisée de Brooklyn, c'est sur un artiste excessivement modeste que je suis tombé, un type enclin à l’autodérision et assumant ses propres doutes. « Erasure n’a pas vraiment marché au départ - le premier album s’est mal vendu - et j’ai donc pensé, ‘voilà, c’est fini, je n’ai plus qu’à me trouver un boulot dans une agence de pub’ », confie-t-il. « Aujourd’hui encore je m'inquiète pour mon avenir, et je me demande bien ce que je pourrais faire si tout ça devait s’arrêter. »

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Concernant Erasure, il n’a pas trop de soucis à se faire : le duo célèbre cette année 30 ans d’obstination synth-pop avec un paquet de rééditions et prépare un nouvel album (le 16e). Pendant tout ce temps, Clarke n’a jamais cessé de mener des projets parallèles. Au cours de ces dernières années, il a sorti un album orienté techno sous le nom VCMG, produit par Martin Gore, son ancien collègue chez Depeche Mode ; il a remixé Plastikman, Goldfrapp, Bleachers et Future Islands, entre autres ; et il a travaillé avec Jean-Michel Jarre sur deux pistes de son album Electronica 1. Mais si je suis allé le voir chez lui, c’est pour parler de son projet le plus récent : une collaboration avec Paul Hartnoll, moitié du duo Orbital.

Le résultat ? Un album intitulé 2Square, sorti il y a quelques jours, et qui inaugure le nouveau label de Clarke, VeryRecords. « Un très petit label dédié à la très bonne musique électronique », précise-t-il. Cette maison de disques, une première pour Clarke, est l’équivalent d’un test pour l’artiste vétéran. « J’ai commencé à me dire que je pouvais profiter de ce défi pour tout faire moi-même », dit-il. « Faire le mastering du disque, gérer le contrat d’édition, comprendre le fonctionnement de la promo… Habituellement, ce sont des gens qui font ça pour moi, et je n’ai jamais eu la moindre idée de ce qu’ils faisaient. Est-ce qu’il suffit de passer un coup de fil en disant ‘hey, est-ce que vous voulez bien chroniquer mon disque ?’ » Ce disque est, sans surprise, un mariage entre la pop sensible de Clarke et la dream-house vaporeuse de Hartnoll. Et au passage, c’est aussi un excellent album.

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L’interview se déroule dans le sous-sol de Clarke, une pièce spacieuse, tout en lambris, et qui ferait rêver tout geek de matos vintage. L’endroit surpasse de loin n’importe quel musée du synthétiseur analogique : chaque centimètre carré de mur et d’étagères est occupé par du matériel époustouflant. Un

Prophet 5

ici, un

Doepfer A-100

là, un

Roland System 100m

dans un coin, des

Moog

, des

ARP

, des

Arturia

… vous voyez le tableau ? (Au cas où certains se posent la question, il y a aussi du matériel moderne et un ordinateur portable.) Son instrument préféré ? « Le

Sequential Circuits Pro One

, avec ses possibilités de modulations complètement folles », avoue-t-il. « La plupart des sons du premier album de Yaz ont été faits avec un Pro One. »

Calme et plutôt effacé, mais sympathique et ouvert, Clarke était heureux de parler de son parcours, de son processus d’écriture et de son tout dernier projet.

Noisey : D’où vient ta passion pour la musique synthétique ? Car j’imagine que, comme la plupart des gamins, tu devais être fan de rock quand tu étais plus jeune ?

Vince Clarke :

En fait, petit, j’étais plutôt intéressé par la musique folk. Mais je peux te dire le moment précis où j’ai basculé dans la musique synthétique : c’est quand j’ai entendu « Almost » de OMD, la face B du single « Electricity ». Je ne sais pas comment l’expliquer, mais cette chanson était si simple, et pour moi c’était comme de la musique acoustique. Avec une bonne dose d’émotion.

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Il y a quelques années, tu as fait un top 10 de tes albums préférés de tous les temps : il y avait justement OMD, et des artistes qui ne surprennent pas ceux qui te connaissent, comme Kraftwerk et Philip Glass. Mais il y avait des choix plus étonnants, et notamment les Sex Pistols et le quatrième album de Led Zeppelin.

Led Zeppelin, carrément ! Je n’étais pas trop fan de cet album lorsqu’il est sorti. C’est venu bien plus tard, quand je me suis équipé d’une bonne chaîne hi-fi.

[Rires]

Cet album sonne terriblement bien en vinyle, surtout quand tu l’écoutes très fort. Prends « Black Dog »… C’est incroyable.

Je ne veux pas trop m’attarder sur le passé, mais la raison pour laquelle tu as quitté Depeche Mode, est-ce véritablement celle qui est le plus souvent citée : que les autres voulaient prendre une direction plus sombre que celle que tu envisageais ?

Non, en réalité on ne s’entendait pas bien, tout simplement. On était très jeunes et on a connu le succès trop vite. C’était trop pour nous. Ça a commencé avant même que le premier album sorte. On a sorti trois singles avant ce disque. Deux d’entre nous étaient au chômage quand on a débuté, et du jour au lendemain on se retrouvait à donner des concerts à Paris.

Tu as d’ailleurs adopté ton nouveau patronyme, Clarke, parce que tu recevais les allocations chômage, et que tu ne voulais pas qu’on sache que tu gagnais de l’argent avec la musique ?

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Oui, il a fallu que je change mon nom. Je donnais une interview à un magazine, et j’ai soudain réalisé qu’ils avaient cité mon nom en disant que j’étais en tournée.


Toutes les photos sont de Elizabeth Herring

On ne donnera jamais trop d’importance au rôle que Vince Clarke a joué dans le raz-de-marée de la pop électronique. Né Vincent John Martin dans le quart nord-est de Londres, Clarke était un des membres fondateurs - avec Dave Gahan, Martin Gore et Andy Fletcher - de Depeche Mode, le groupe qui a défini les bases de la synth-pop. Il a écrit trois tubes - les singles « Dreaming of Me », « New Life », et « Just Can't Get Enough » - ainsi que l’essentiel du premier album du groupe, Speak & Spell, sorti en 1981 sur Mute, le label de Daniel Miller. Leur musique, électronique mais débordant d’humanité, allait influencer des artistes aussi divers que Nine Inch Nails, Pet Shop Boys, M83, Lady Gaga, mais aussi et surtout d’innombrables producteurs techno et house, et à peu près tous ceux qui se trouvent dans le champ de la pop électronique.

Avant la fin de cette même année, et suite au succès monstre de Speak & Spell, Clarke quitte le groupe. En 1982, lui et la chanteuse Alison Moyet forment Yazoo, et produisent plusieurs bijoux de synth-pop indémodables comme « Situation » et « Don't Go ». Au milieu des années 80, Clarke prend pour partenaire le très tape-à-l’oeil Andy Bell, sous le nom d'Erasure, avec qui il signera encore une poignée de morceaux incontournables, tels que « Oh L'Amour », « Who Needs Love Like That » et « Sometimes ».

S'il ne s'agit là que d'un résumé assez grossier du parcours de Clarke, il suffit à donner une idée de son impressionnante carrière. Mais ne vous attendez pas pour autant à tomber sur une rock star : en arrivant chez lui à New York, au bord d’une rue boisée de Brooklyn, c'est sur un artiste excessivement modeste que je suis tombé, un type enclin à l’autodérision et assumant ses propres doutes. « Erasure n’a pas vraiment marché au départ - le premier album s’est mal vendu - et j’ai donc pensé, ‘voilà, c’est fini, je n’ai plus qu’à me trouver un boulot dans une agence de pub’ », confie-t-il. « Aujourd’hui encore je m'inquiète pour mon avenir, et je me demande bien ce que je pourrais faire si tout ça devait s’arrêter. »

Concernant Erasure, il n’a pas trop de soucis à se faire : le duo célèbre cette année 30 ans d’obstination synth-pop avec un paquet de rééditions et prépare un nouvel album (le 16e). Pendant tout ce temps, Clarke n’a jamais cessé de mener des projets parallèles. Au cours de ces dernières années, il a sorti un album orienté techno sous le nom VCMG, produit par Martin Gore, son ancien collègue chez Depeche Mode ; il a remixé Plastikman, Goldfrapp, Bleachers et Future Islands, entre autres ; et il a travaillé avec Jean-Michel Jarre sur deux pistes de son album Electronica 1. Mais si je suis allé le voir chez lui, c’est pour parler de son projet le plus récent : une collaboration avec Paul Hartnoll, moitié du duo Orbital.



Le résultat ? Un album intitulé 2Square, sorti il y a quelques jours, et qui inaugure le nouveau label de Clarke, VeryRecords. « Un très petit label dédié à la très bonne musique électronique », précise-t-il. Cette maison de disques, une première pour Clarke, est l’équivalent d’un test pour l’artiste vétéran. « J’ai commencé à me dire que je pouvais profiter de ce défi pour tout faire moi-même », dit-il. « Faire le mastering du disque, gérer le contrat d’édition, comprendre le fonctionnement de la promo… Habituellement, ce sont des gens qui font ça pour moi, et je n’ai jamais eu la moindre idée de ce qu’ils faisaient. Est-ce qu’il suffit de passer un coup de fil en disant ‘hey, est-ce que vous voulez bien chroniquer mon disque ?’ » Ce disque est, sans surprise, un mariage entre la pop sensible de Clarke et la dream-house vaporeuse de Hartnoll. Et au passage, c’est aussi un excellent album.

L’interview se déroule dans le sous-sol de Clarke, une pièce spacieuse, tout en lambris, et qui ferait rêver tout geek de matos vintage. L’endroit surpasse de loin n’importe quel musée du synthétiseur analogique : chaque centimètre carré de mur et d’étagères est occupé par du matériel époustouflant. Un

Prophet 5

ici, un

Doepfer A-100

là, un

Roland System 100m

dans un coin, des

Moog

, des

ARP

, des

Arturia

… vous voyez le tableau ? (Au cas où certains se posent la question, il y a aussi du matériel moderne et un ordinateur portable.) Son instrument préféré ? « Le

Sequential Circuits Pro One

, avec ses possibilités de modulations complètement folles », avoue-t-il. « La plupart des sons du premier album de Yaz ont été faits avec un Pro One. »



Calme et plutôt effacé, mais sympathique et ouvert, Clarke était heureux de parler de son parcours, de son processus d’écriture et de son tout dernier projet.




Noisey : D’où vient ta passion pour la musique synthétique ? Car j’imagine que, comme la plupart des gamins, tu devais être fan de rock quand tu étais plus jeune ?
Vince Clarke :

En fait, petit, j’étais plutôt intéressé par la musique folk. Mais je peux te dire le moment précis où j’ai basculé dans la musique synthétique : c’est quand j’ai entendu « Almost » de OMD, la face B du single « Electricity ». Je ne sais pas comment l’expliquer, mais cette chanson était si simple, et pour moi c’était comme de la musique acoustique. Avec une bonne dose d’émotion.





Il y a quelques années, tu as fait un top 10 de tes albums préférés de tous les temps : il y avait justement OMD, et des artistes qui ne surprennent pas ceux qui te connaissent, comme Kraftwerk et Philip Glass. Mais il y avait des choix plus étonnants, et notamment les Sex Pistols et le quatrième album de Led Zeppelin.

Led Zeppelin, carrément ! Je n’étais pas trop fan de cet album lorsqu’il est sorti. C’est venu bien plus tard, quand je me suis équipé d’une bonne chaîne hi-fi.

[Rires]

Cet album sonne terriblement bien en vinyle, surtout quand tu l’écoutes très fort. Prends « Black Dog »… C’est incroyable.



Je ne veux pas trop m’attarder sur le passé, mais la raison pour laquelle tu as quitté Depeche Mode, est-ce véritablement celle qui est le plus souvent citée : que les autres voulaient prendre une direction plus sombre que celle que tu envisageais ?

Non, en réalité on ne s’entendait pas bien, tout simplement. On était très jeunes et on a connu le succès trop vite. C’était trop pour nous. Ça a commencé avant même que le premier album sorte. On a sorti trois singles avant ce disque. Deux d’entre nous étaient au chômage quand on a débuté, et du jour au lendemain on se retrouvait à donner des concerts à Paris.



Tu as d’ailleurs adopté ton nouveau patronyme, Clarke, parce que tu recevais les allocations chômage, et que tu ne voulais pas qu’on sache que tu gagnais de l’argent avec la musique ?

Oui, il a fallu que je change mon nom. Je donnais une interview à un magazine, et j’ai soudain réalisé qu’ils avaient cité mon nom en disant que j’étais en tournée.





Est-ce que tu gardes de la tendresse pour cette époque ?

C’était il y a si longtemps que je n’y pense quasiment plus. Pour ce qu’on a fait avec Alison, oui, j’ai un peu plus de tendresse - on a d'ailleurs fait une tournée de reformation [

en 2008

].



Ça faisait quoi de revisiter ces chansons 25 ans plus tard ?

C’était bien. Et bizarre.

[Rires]

Quand j’ai récupéré les pistes des morceaux, je me suis rappelé à quel point ils étaient simples. Il n’y a vraiment pas grand chose, en réalité, et c’est sans doute en partie pour ça que c’étaient de bonnes chansons.



Erasure est un autre de tes tout premiers projets.

On fête les 30 ans du groupe cette année, et on est en plein dans l’écriture d’un nouvel album.



Comment tu décrirais ta relation de travail avec Andy ?

C’est génial. C’est toujours aussi bien qu’au début, et on ne se dispute jamais. Jamais.



Le fait de ne pas être ensemble en permanence doit aider, non ? Alors qu’avec Depeche Mode, ce devait être l’inverse, j’imagine.

C’est vrai, mais quand on est ensemble, ça fonctionne très bien. Quand tu co-écris avec quelqu’un, il faut vraiment lui donner une confiance absolue, et le traiter avec respect. Et c’est exactement ce qu’on fait.





On est assis dans une pièce remplie de synthés, pour la la plupart analogiques. Est-ce que tu continues à travailler principalement en analogique ?

Aujourd’hui, typiquement, je fais la préparation sur l’ordinateur - la programmation, les arrangements et le reste - puis je convertis le tout en analogique. Avant j’avais l’habitude de travailler en analogique à 100 %. C’était au tout début de la technologie MIDI, qui n’était pas encore au point et me prenait énormément de temps. Je l’ai essayée, mais il y avait trop de problèmes. Pour contrôler mes synthés, je m’étais donc remis à utiliser la technologie précédente, qu’on appelait CV/gate. Puis quand le logiciel Logic est sorti, avec la possibilité de déplacer tous les sons là où je le voulais, je me suis mis au numérique.



Le fait que tu n’utilisais pas le MIDI explique peut-être la précision de ta production des années 80, quand on la compare avec celle d’autres producteurs de musique électronique de l’époque ?

Je pense que la différence vient essentiellement des séquenceurs. Avec Depeche Mode, on utilisait le

séquenceur ARP 16-step

. Puis on est passés au

Roland MC-4

, puis à un séquenceur 16-step fabriqué par

Umi

, qui fonctionnait avec le

BBC Micro

. Et tous ces synthés faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire.



Est-ce que tu en as marre que les gens te posent des questions sur ton passé ?

Non, ça ne me dérange pas. Et de toute façon, je ne me rappelle pas tous les détails !



Est-ce que c’est ici, dans cette pièce, que tu travailles la plupart du temps ?

Pas forcément. Pour le prochain album de Erasure, Andy et moi avons fait la majeure partie de l’écriture dans une maison qu’on a louée à Miami.



À quoi ressemble votre processus d’écriture ? Est-ce que c’est vrai que vous composez avec une guitare ?

Absolument. On enregistre la plupart de nos démos avec une guitare acoustique. On aime bien garder ce côté simple, qui nous permet de travailler uniquement les mélodies.



On dirait que tu as toujours préféré les collaborations plutôt que travailler seul. Tu as fait très peu de trucs en solo, je ne me trompe pas ?

Aucun. En tout cas, il n’y en a aucun que j’ai envie de faire écouter au public.



Je ne sais pas si on peut considérer ça comme un disque solo, mais j’ai des amis qui sont très fans de Lucky Bastard, cette compilation de samples que tu as sortie en 1993.

Ah oui, c’est vrai.

[Rires]

Mais j’aime vraiment les collaborations, et plus je vieillis, plus j’aime en faire. Parce que travailler ici, ça peut vite devenir très solitaire et te rendre un peu fou. Et puis quand on travaille seul, j’ai l’impression qu’il faut vraiment se forcer pour s’y mettre. Paul [

Hartnoll

] travaille dans un studio collectif à Brighton, où il habite, et il adore ça : ils passent beaucoup de temps ensemble et critiquent le boulot des uns et des autres. Je crois que ça me plairait bien d’être dans ce genre d’environnement. Ce serait bien de pouvoir faire ça avec quelqu’un d’autre.





C’est un peu un cliché de dire ça, mais beaucoup de chansons sur cet album - « Underwater », par exemple, ou encore « The Echoes » - sont de véritables fusions de vos sons respectifs.

Oui, et c’est arrivé sans qu’on le cherche véritablement. Quand on collabore, on doit rester ouvert aux idées de l’autre personne. Sans ça, ce ne serait pas de la collaboration, n’est-ce pas ? Et, bien qu’on ait grandi à peu près de la même façon, Paul et moi avons deux parcours musicaux bien différents. Orbital était un projet beaucoup plus… orienté rave, je dirais, que tout ce que j’avais pu faire auparavant.



J’imagine que le processus d’écriture pour un album comme celui-ci est très différent de ce qu’il est pour Erasure. Je ne vous vois pas expérimenter avec une guitare acoustique, par exemple.

Non, pas du tout. On s’amuse beaucoup avec des samples, on les manipule, on les coupe, ce genre de choses. C’était la base de la plupart des morceaux. En ça, ça ressemblait pas mal au disque de VCMG que j’ai fait avec Martin Gore. C’est d’ailleurs le projet qui m’a ouvert à la dance music. Avant ça, je n’y comprenais vraiment rien. Je n’avais jamais entendu parler de Beatport. Cela dit, j’ai vraiment pris du plaisir à faire cet album, et je voulais réitérer l’expérience. Mais pas avec Martin. Je n’ai rien contre lui, mais ça, c’était déjà fait.



Le communiqué de presse décrit cet album comme de la « home house » [littéralement : « house de maison », « house d’intérieur »]. J’imagine qu’il s’agit simplement de house music à écouter chez soi, non ?

Franchement, je ne sais pas quoi dire de plus que ce que tu viens de dire.

[Rires]

Comme je te l’ai dit, je suis novice dans ce domaine : je n’ai jamais eu de label et je n’ai su comment faire de la promo. C’est une blague, en quelque sorte. Rien de plus.



Quelques-uns des morceaux sont très orientés clubbing. Certains vont sortir en single ?

Rien n’est encore prévu. Mais c’était vraiment amusant d’enregistrer ces morceaux, et notamment ces dernières sessions en studio avec Paul. Aujourd’hui quand j’enregistre avec Andy pour Erasure, il fait le chant de son côté, et je fais la musique du mien. On n’est même pas ensemble au moment du mix, puisqu’on est chacun d’un côté de l’océan Atlantique. Quant au disque avec Martin, on l’a fait par internet. C’était agréable, car ça changeait vraiment de d’habitude. Et il a une vraie table de mixage ! Je n’en avais pas utilisé depuis longtemps. Quel plaisir !



Ça fait maintenant presque 35 ans que tu fais ça, et tu connais le succès que la plupart des artistes ne peuvent même pas rêver d’obtenir. Qu’est qui te motive pour continuer encore aujourd’hui ?

Sincèrement, je ne sais pas. Je ne veux rien prouver à quiconque. Je n’essaye même pas d’écrire une chanson qui dépasserait le « Yesterday » des Beatles.



Certains prétendent que tu as quelques chansons qui sont au niveau de ce classique, justement.

Euh, je ne crois pas, non.

[Rires]

En tout cas, ce qui me motive encore, c’est cette idée de me plonger dans un environnement comme celui de ce sous-sol, où l’on est en ce moment, sans avoir rien prévu, pas même la moindre petite idée. Et de réussir à en sortir une chanson. Tu n’as rien envisagé, rien conceptualisé mais, potentiellement, tu peux finir avec une oeuvre symphonique. C’est complètement imprévisible, et c’est sans doute pour ça que c’est toujours aussi intéressant pour moi.

2Square est disponible sur VeryRecords.

Est-ce que tu gardes de la tendresse pour cette époque ?

C’était il y a si longtemps que je n’y pense quasiment plus. Pour ce qu’on a fait avec Alison, oui, j’ai un peu plus de tendresse - on a d'ailleurs fait une tournée de reformation [

en 2008

].

Ça faisait quoi de revisiter ces chansons 25 ans plus tard ?

C’était bien. Et bizarre.

[Rires]

Quand j’ai récupéré les pistes des morceaux, je me suis rappelé à quel point ils étaient simples. Il n’y a vraiment pas grand chose, en réalité, et c’est sans doute en partie pour ça que c’étaient de bonnes chansons.

Erasure est un autre de tes tout premiers projets.

On fête les 30 ans du groupe cette année, et on est en plein dans l’écriture d’un nouvel album.

Comment tu décrirais ta relation de travail avec Andy ?

C’est génial. C’est toujours aussi bien qu’au début, et on ne se dispute jamais. Jamais.

Le fait de ne pas être ensemble en permanence doit aider, non ? Alors qu’avec Depeche Mode, ce devait être l’inverse, j’imagine.

C’est vrai, mais quand on est ensemble, ça fonctionne très bien. Quand tu co-écris avec quelqu’un, il faut vraiment lui donner une confiance absolue, et le traiter avec respect. Et c’est exactement ce qu’on fait.

On est assis dans une pièce remplie de synthés, pour la la plupart analogiques. Est-ce que tu continues à travailler principalement en analogique ?

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Aujourd’hui, typiquement, je fais la préparation sur l’ordinateur - la programmation, les arrangements et le reste - puis je convertis le tout en analogique. Avant j’avais l’habitude de travailler en analogique à 100 %. C’était au tout début de la technologie MIDI, qui n’était pas encore au point et me prenait énormément de temps. Je l’ai essayée, mais il y avait trop de problèmes. Pour contrôler mes synthés, je m’étais donc remis à utiliser la technologie précédente, qu’on appelait CV/gate. Puis quand le logiciel Logic est sorti, avec la possibilité de déplacer tous les sons là où je le voulais, je me suis mis au numérique.

Le fait que tu n’utilisais pas le MIDI explique peut-être la précision de ta production des années 80, quand on la compare avec celle d’autres producteurs de musique électronique de l’époque ?

Je pense que la différence vient essentiellement des séquenceurs. Avec Depeche Mode, on utilisait le

séquenceur ARP 16-step

. Puis on est passés au

Roland MC-4

, puis à un séquenceur 16-step fabriqué par

Umi

, qui fonctionnait avec le

BBC Micro

. Et tous ces synthés faisaient exactement ce qu’on leur demandait de faire.

Est-ce que tu en as marre que les gens te posent des questions sur ton passé ?

Non, ça ne me dérange pas. Et de toute façon, je ne me rappelle pas tous les détails !

Est-ce que c’est ici, dans cette pièce, que tu travailles la plupart du temps ?

Pas forcément. Pour le prochain album de Erasure, Andy et moi avons fait la majeure partie de l’écriture dans une maison qu’on a louée à Miami.

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Absolument. On enregistre la plupart de nos démos avec une guitare acoustique. On aime bien garder ce côté simple, qui nous permet de travailler uniquement les mélodies.

On dirait que tu as toujours préféré les collaborations plutôt que travailler seul. Tu as fait très peu de trucs en solo, je ne me trompe pas ?

Aucun. En tout cas, il n’y en a aucun que j’ai envie de faire écouter au public.

Je ne sais pas si on peut considérer ça comme un disque solo, mais j’ai des amis qui sont très fans de Lucky Bastard, cette compilation de samples que tu as sortie en 1993.

Ah oui, c’est vrai.

[Rires]

Mais j’aime vraiment les collaborations, et plus je vieillis, plus j’aime en faire. Parce que travailler ici, ça peut vite devenir très solitaire et te rendre un peu fou. Et puis quand on travaille seul, j’ai l’impression qu’il faut vraiment se forcer pour s’y mettre. Paul [

Hartnoll

] travaille dans un studio collectif à Brighton, où il habite, et il adore ça : ils passent beaucoup de temps ensemble et critiquent le boulot des uns et des autres. Je crois que ça me plairait bien d’être dans ce genre d’environnement. Ce serait bien de pouvoir faire ça avec quelqu’un d’autre.

C’est un peu un cliché de dire ça, mais beaucoup de chansons sur cet album - « Underwater », par exemple, ou encore « The Echoes » - sont de véritables fusions de vos sons respectifs.

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Oui, et c’est arrivé sans qu’on le cherche véritablement. Quand on collabore, on doit rester ouvert aux idées de l’autre personne. Sans ça, ce ne serait pas de la collaboration, n’est-ce pas ? Et, bien qu’on ait grandi à peu près de la même façon, Paul et moi avons deux parcours musicaux bien différents. Orbital était un projet beaucoup plus… orienté rave, je dirais, que tout ce que j’avais pu faire auparavant.

J’imagine que le processus d’écriture pour un album comme celui-ci est très différent de ce qu’il est pour Erasure. Je ne vous vois pas expérimenter avec une guitare acoustique, par exemple.

Non, pas du tout. On s’amuse beaucoup avec des samples, on les manipule, on les coupe, ce genre de choses. C’était la base de la plupart des morceaux. En ça, ça ressemblait pas mal au disque de VCMG que j’ai fait avec Martin Gore. C’est d’ailleurs le projet qui m’a ouvert à la dance music. Avant ça, je n’y comprenais vraiment rien. Je n’avais jamais entendu parler de Beatport. Cela dit, j’ai vraiment pris du plaisir à faire cet album, et je voulais réitérer l’expérience. Mais pas avec Martin. Je n’ai rien contre lui, mais ça, c’était déjà fait.

Le communiqué de presse décrit cet album comme de la « home house » [littéralement : « house de maison », « house d’intérieur »]. J’imagine qu’il s’agit simplement de house music à écouter chez soi, non ?

Franchement, je ne sais pas quoi dire de plus que ce que tu viens de dire.

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Comme je te l’ai dit, je suis novice dans ce domaine : je n’ai jamais eu de label et je n’ai su comment faire de la promo. C’est une blague, en quelque sorte. Rien de plus.

Quelques-uns des morceaux sont très orientés clubbing. Certains vont sortir en single ?

Rien n’est encore prévu. Mais c’était vraiment amusant d’enregistrer ces morceaux, et notamment ces dernières sessions en studio avec Paul. Aujourd’hui quand j’enregistre avec Andy pour Erasure, il fait le chant de son côté, et je fais la musique du mien. On n’est même pas ensemble au moment du mix, puisqu’on est chacun d’un côté de l’océan Atlantique. Quant au disque avec Martin, on l’a fait par internet. C’était agréable, car ça changeait vraiment de d’habitude. Et il a une vraie table de mixage ! Je n’en avais pas utilisé depuis longtemps. Quel plaisir !

Ça fait maintenant presque 35 ans que tu fais ça, et tu connais le succès que la plupart des artistes ne peuvent même pas rêver d’obtenir. Qu’est qui te motive pour continuer encore aujourd’hui ?

Sincèrement, je ne sais pas. Je ne veux rien prouver à quiconque. Je n’essaye même pas d’écrire une chanson qui dépasserait le « Yesterday » des Beatles.

Certains prétendent que tu as quelques chansons qui sont au niveau de ce classique, justement.

Euh, je ne crois pas, non.

[Rires]

En tout cas, ce qui me motive encore, c’est cette idée de me plonger dans un environnement comme celui de ce sous-sol, où l’on est en ce moment, sans avoir rien prévu, pas même la moindre petite idée. Et de réussir à en sortir une chanson. Tu n’as rien envisagé, rien conceptualisé mais, potentiellement, tu peux finir avec une oeuvre symphonique. C’est complètement imprévisible, et c’est sans doute pour ça que c’est toujours aussi intéressant pour moi.

2Square est disponible sur VeryRecords.