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Music

Clair comme l'eau de Vessels

Le groupe de Leeds nous raconte comment il a définitivement quitté le monde poussiéreux du post-rock pour celui de la musique électronique avec son nouveau titre « 4AM ».

Photo - Bart Pettman Il faut bien le reconnaître : Vessels a longtemps été sur la touche. À l’époque où le groupe de Leeds faisait dans le post-rock, ses déclarations d’amour aux guitares distordues jouées tête baissée et produites par John Congleton évoluaient dans une relative indifférence. Visiblement, les Anglais en ont eu marre de faire partie d’une niche. Il était temps faire péter les barrières stylistiques et de partir en quête de sonorités électroniques. Après quatre ans d’absence, c’est l’exploit qu’ils ont réussi à réaliser l’année dernière avec l’album Dilate, aux influences nettement plus dance.

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Un an à peine après la sortie de ce troisième forfait, Vessels a malgré tout décidé de passer un coup de polish au disque en le rééditant comme il se doit, avec un nouveau morceau (« 4AM ») et des remixes surprenants signés FaltyDL et Trowing Snow, entre autres. On a profité de l'occasion pour discuter d’évolution, de performance live et de dance-music avec Tim Mitchell, l’un des batteurs de la bande.

Noisey : En dépit de votre présence dans le circuit depuis plusieurs années et d’articles élogieux dans les médias, Vessels reste un groupe confidentiel. Ça te déprime ?

Tim Mitchell :

Lorsqu’on a commencé, on était assez expérimental et on se définissait nous-mêmes comme un groupe de post-rock. On est donc plutôt habitué aux circuits undergrounds et on sait bien que l’on produit une musique de niche. Cela dit, comme tu le soulignes, on a vraiment eu la chance d'avoir régulièrement des critiques positives et d'être soutenu par des fans passionnés. Je pense que ça nous a aidé à rester uni depuis dix ans, sans trop nous soucier de notre popularité auprès du grand public. Les choses semblent toutefois avoir évolué dernièrement, et notamment depuis que l'on propose une musique bien plus hybride, à la croisée de la dance et de l'electronica. Ça permet de jouer sur de grandes scènes de temps en temps et de toucher un plus grand nombre de personnes avec notre musique, même si ce n’est pas déprimant de se contenter d’un public a priori essentiellement porté sur les contre-cultures.

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C’est marrant ce que tu dis : tu as remarqué que le public avait changé depuis les débuts du groupe ?

Disons qu'en 2005, lorsque nous avons commencé, le public, c’était surtout nos potes [

Rires

]. Puis, progressivement, celui-ci s’est masculinisé. Face à nous, c’était surtout des hommes, des geeks de la musique ou des fans de post-rock, avec leurs grosses lunettes rondes, leur barbe et leur t-shirt de groupe obscurs. De temps en temps, on les voyait venir avec leurs copines, mais c’était rare. Aujourd’hui, le fait de jouer une musique plus dansante semble séduire davantage de femmes. Ça a le mérite également d’avoir décoincé les spectateurs. Ils ne se contentent plus de hocher la tête ou de se caresser le menton. Parfois, on les voit même danser. Mais bon, c’est peut-être aussi parce que les batteries sont mises sur le devant de la scène désormais.

En quoi est-ce important pour vous de proposer une vraie performance live plutôt qu’un show essentiellement piloté par les machines ?

Nous concernant, ça a toujours été l’une de nos raisons d’être de créer une dance-music et une performance live qui soient plus intéressantes visuellement pour le public. La dance est fascinante pour sa polyrythmie, elle déborde de couches sonores intéressantes, mais trop de DJ's en club se contentent d’assurer le show derrière un ordinateur portable. En fait, ce qu'on veut, c'est que chaque son que l'on entende en concert soit joué en live et que chaque rythme soit produit par l'un des batteurs. Je pense que le public est plus réactif quand il comprend ça. Parfois, la musique électronique est trop parfaite et informatisée. Bien sûr, on utilise également des ordinateurs et tout un tas de technologies, mais on a aussi un intérêt pour la performance, quelque chose que l'on a conservé du temps où on était un groupe rock. Chaque concert se doit d'être spécial et excitant.

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Il y a eu des concerts plus étranges que d’autres depuis que vous avez commencé ?

Une fois, on a joué une version acoustique de « The Trap » de l'album

Helioscope

avec uniquement une guitare acoustique et une table de mixage dans un grenier à Munich devant des allemands très enthousiastes. C’était fou ! Sinon, notre concert le plus étrange était peut-être celui que nous avons donné sur un bateau à Lille en 2011. Il y avait un défilé de mode ce soir-là et on ne peut voir ça qu’en France !

Et vous avez des rituels avant d’entrer sur scène ?

On dine de plus en plus ensemble une heure avant le concert. Régulièrement, on boit une bière ou, lorsque le concert est spécial, une bouteille de vodka. De mon côté, je fais aussi quelques exercices dix minutes avant d’entre sur scène.

Votre dernier album, Dilate, a mis quatre ans à voir le jour. Qu’est-ce que vous espériez en l’enregistrant ?

Avec ce disque, on espère avoir démarré un nouveau chapitre de notre vie. On avait besoin de changer et d’évoluer. Ça prend beaucoup de temps d’apprendre de nouvelles méthodes d’enregistrement. Il a fallu jouer de nos instruments de manière complétement différente. Pour les guitaristes, il s’agissait même d’apprendre à jouer d’un autre instrument.

Tu l’as dit : votre musique est de plus en plus électronique et il y a de moins en moins de place pour les guitares et les voix. Il y a une raison ?

Pendant presque sept ans, on a joué essentiellement du post-rock dans un style proche de Mogwai, de Godspeed ou d’Explosions In The Sky. On avait même enregistré avec le producteur de ces derniers, John Congleton. On était vraiment content de nos deux premiers albums, mais, après Helioscope en 2011, on a senti le besoin de faire quelque chose de différent, d’être à nouveau créatif et frais. Étant donné qu’on a toujours aimé les musiques électroniques, on s’est logiquement tourné vers cette esthétique, avec l’envie d’expérimenter la technologie et les synthétiseurs. On a beaucoup écouté des artistes comme Four Tet, Caribou, Gold Panda ou Jon Hopkins : leur démarche a été importante dans notre processus.

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Vous vouliez avoir un son similaire à ces mecs-là ?

Non, l'idée, c'était surtout d'échanger nos guitares au profit des synthétiseurs, d'acheter une poignée de tables de mixage et de voir ce qui pourrait arriver. Bien sûr, on utilise encore les guitares et les basses dans le groupe, mais ces instruments sont de plus en plus utilisés pour reproduire des sons de synthétiseurs analogiques. On utilise même des synthés à la place de la basse. De même, on fonctionne toujours avec des batteries, mais on travaille de plus en plus avec des boîtes à rythmes. Alors, bien sûr, tout ce processus a été assez long. On a d’abord appris à rejouer des morceaux de Nathan Fake, de Modeselektor, de Paul Kalkbrenner ou de James Holden dans le cadre d’un show dans un club où on voulait reprendre différents titres techno. Ça ne s’est pas fait, mais on a continué à travailler, à reprendre en live « The Sky Was Pink » de Nathan Fake ou « Blue Clouds » de Modeselektor et à évoluer vers ce que l’on souhaitait réaliser.

Dilate est sorti il y a à peine un an. Pourquoi avoir choisi de le rééditer si rapidement ?
On a signé sur un nouveau label (Different Recordings) qui estimait qu'il y avait encore beaucoup de monde qui n'avait pas entendu l'album et qui pourrait l'aimer. L'exposition est plus importante et la réédition sur un plus gros label nous donne la possibilité d'atteindre un public plus large avant de publier notre prochain disque. Il y a plusieurs remixes sur cette nouvelle version, notamment de FaltyDL, LV et Throwing Snow. Comment sont nées ces rencontres ?
Ce sont des suggestions de notre label, on ne les connaît pas personnellement…

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Il y a également un nouveau morceau sur l’album, « 4AM ». Personnellement, il m’a vraiment fait planer, j’avais l’impression d’être perché. Quelle est l’histoire derrière ce titre ?

« 4AM »

a été écrit par Lee (Malcolm) et, comme le titre le suggère, a été composé assez tard dans la nuit. Ou tôt le matin, si tu préfères. L'atmosphère, je trouve, reflète bien ce que l'on peut ressentir durant ces heure-là. En revanche, pour l'enregistrement, celui-ci a été réalisé et mixé dans plusieurs studios différents et au cours de différentes périodes. Il a fallu un certain temps pour obtenir les droits des percussions que nous avons samplé, mais ça valait le coup. C'est Alex Banks, un ami à nous, qui a produit ce son.

Vous voyez votre musique comme une drogue ?

Oui, bien sûr… C’est l’idée ! Un peu comme une transe peut-être. Une façon de s’évader.

Si vous deviez citer votre drogue préférée ou votre plus mauvais trip, ce serait quoi ?
La meilleure drogue, ce sont les champis de la campagne anglaise : 100% naturelle et gratuite !

En dehors de votre changement d’esthétique, quels sont les évènements les plus importants que vous ayez traversé ces dernières années ?
Peut-être l’enregistrement de deux albums aux Etats-Unis, à Minneapolis et à Dallas, avec John Congleton, la tournée européenne avec Oceansize ou le fait d’avoir joué dans des festivals anglais comme Glastonbury ou Latitude.

La scène anglaise, justement, est plutôt intéressante actuellement du côté des musiques électroniques. C’est le cas à Leeds également ?
Les autres membres de Vessels habitent encore Leeds, mais je vis à Bristol désormais. Il y a une bonne scène ici, notamment en termes de musiques électroniques avec des labels comme Livity Sound ou des artistes comme Kowton et Peverelist. Il y a aussi un gros héritage de trip-hop, de reggae et de dub. On le ressent assez fortement.

En dehors de la scène de Bristol, tu écoutes quoi actuellement ?
Il y a plein de choses : Four Tet, Caribou, The Field, Do Make Say Think, Tortoise, Godspeed, Mogwai ou Battles. En ce moment, j’aime bien aussi Kalipo, Christian Loffler, Mikael Seifu, Floating Points, Fabrizio Rat, HVOB et Nonkeen. C’est une époque très intéressante pour les musiques électroniques.

Par contre, il n’y a pas un seul artiste français dans tous ces noms…
C’est vrai, mais on aime beaucoup Gordon. On a joué et collaboré avec lui, il a notamment fait un remix de « Vertical ». On est sur le label de Vitalic et je crois savoir que Laurent Garnier a joué notre musique en live. Donc, ne t’inquiètes pas, on se sent proche également d’une scène française.

Et la suite, c’est quoi pour Vessels ?
On est en train d’écrire et d’enregistrer notre quatrième album, on aimerait le finir cette année. On est tellement excité à l’idée de développer encore notre son. Pour se tester, on aimerait d’ailleurs beaucoup pouvoir jouer nos morceaux en live en Europe plus tard cette année.