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Music

De la scène hardcore à Vogue magazine : une interview de Title Fight à propos d'Hyperview

Ça y est, le meilleur groupe emo des années 2000 vient d'atteindre la maturité.

Ça n'arrive pas très souvent qu’un groupe hardcore sorte un album inspiré par Dinosaur Jr. et les Beach Boys. Mais Title Fight n'est pas un groupe comme les autres. Ce n'est même plus un groupe hardcore de toute façon. Et est-ce que ça l'a déjà été ? (la scène, c'est le moment de commenter). Bien que ces mecs soient relativement jeunes, voilà déjà plus de dix ans qu'ils jouent ensemble à Kingston et Wilkes-Barre, Pennsylvanie, et depuis quelques années, ils jouent partout. Ce mois-ci a marqué leurs premiers pas chez le célèbre label ANTI-Records (et également sur VOGUE), avec l’album Hyperview, sur lequel leur emo-core à coeur perdu a été troqué contre quelque chose de plus aéré et atmosphérique (quoi, vendus ?). Un album qui pose une problématique simple : peut-on mosher sur du shoegaze ? Si ça vous plait, tant mieux, si ce n’est pas le cas, tant pis, mais pour extérioriser votre profond mécontentement, évitez s'il vous plaît de leur envoyer un bout de papier sur scène où il serait écrit « vous êtes le pire groupe que j’ai jamais vu. » Parce que oui, ce truc est déjà arrivé à Ned Russin, le bassiste/chanteur du groupe lors d’un concert à Portland avec Quicksand. « J’ai dédicacé un morceau à ce gars la dernière fois qu’on ya joué » me sort Russin en se marrant. Il a plein d'autres choses à raconter et ça se passe juste en dessous.

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Noisey : Ça fait un moment qu’on n’avait pas entendu parler de vous. Vous avez fait quoi tout ce temps ?
Ned Russin : La dernière tournée qu’on ait faite, c’était avec Balance et Composure, et on a été libres quasiment toute l'année 2014 finalement, même si on est resté occupés. On a joué à Coachella en avril, et quelques autres festivals et concerts le week-end, mais en gros, de janvier à juillet on est restés chez nous, on écrivait et on essayait de répéter trois à quatre fois par semaine selon les emplois du temps de chacun. Ensuite, on s'est rendu au studio, à Conshohocken en Pennsylvanie, environ une fois par mois. C’était à seulement une heure de route et il y avait notre producteur Will Yip avec qui on trouvait plus d’idées là-bas. On a fait ça jusqu’à juillet avant de s’y poser à temps plein.

En quoi est-ce différent de travailler avec Will Yip qu’avec Walter Schreifels?
Pour nous c’était tout à fait normal, on a fait tout nos albums avec Will. Walter avait produit le premier album et Will l’avait mixé, masterisé, etc. Quand on a fait cet album avec Walter, on avait seulement 19/20 ans, c’était la première fois qu’on travaillait avec un producteur. On était un peu tendus et on avait peur que ce soit un de ces producteurs qui arrive et te dise « ce morceau-là craint mon p'tit bonhomme. » Heureusement, Walter n’est pas comme ça, il est super relax et c’est une sorte de coach. Après avoir travaillé avec un vrai producteur, on s'est rendu compte que ça n'avait rien à voir avec la relation dominant-dominé qu’on appréhendait, donc on en a rencontré plusieurs autres puis Will est arrivé. C’était un pote, un très bon musicien, un mec intelligent, donc on lui a naturellement demandé de nous produire. En 2012, on a fait Floral Green avec Will. Bosser avec lui à cette époque était une sage décision. On avait l’impression de travailler avec des mecs qu’on connaissait depuis toujours même si ça faisait seulement quelques années qu’on se fréquentait.

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Vous aviez conscience de la direction qu’allait prendre l’album ?
On a toujours essayé de faire des choses différentes sur chaque album. C’est quelque chose qui nous tient à coeur, on n'a jamais voulu sortir quelque chose qu’on avait déjà fait. Donc en janvier dernier, on a commencé à écrire tous ces textes. C’étaient les morceaux les plus lourds et les plus dissonants qu’on ait jamais écrit, à la fois ponctués de moments plus groovy. L’idée était de faire le meilleur album possible. Pas un truc heavy metal mais simplement quelque chose de sombre. On s’est lancé dans cette optique mais une fois en studio, on est parti sur un truc totalement différent et ça a donné Hyperview.

Vous étiez tous d’accord pour tout refaire ?
Parfois c’était à s’en taper la tête contre les murs, surtout au début, quand on cherchait la direction qu’allait prendre l’album. Je crois qu’on avait 13 ou 14 morceaux et on se disait, « si on garde seulement ces dix titres, on aura quelque chose de bien plus stratifié que si on garde ces dix là. » C’est seulement à cette période que c’était le bordel. On n'est pas devenu fous, personne ne s'est tapé dessus mais certains étaient plus inquiets que d’autres. Puis après avoir entend les morceaux mixés, tout le monde était super content et excité… Avec du recul, je me dis qu’on s’est un peu trop pris la tête pour rien, ce n'était pas si compliqué au final.

Comment les gens ont réagt à l'album ?
La presse semble avoir apprécié, donc c’est cool. C’est un milieu un peu bizarre pour moi car c’est quelque chose que je ne comprends pas. J’aime les gens qui ont des choses sympa à dire mais quand c'est l'inverse, je les déteste direct [Rires]. Donc c’est dur pour moi de me battre contre la critique. Les potes à qui j’ai envoyé le disque me disent « j’adore l’album mais ça m’a pris un peu de temps pour rentrer vraiment dedans. » Les gens ne s’attendent pas à un album comme celui-là en fait. Ils vont devoir s’asseoir, l’écouter et le digérer, tout en travaillant. J’espère que c’est comme ça que les gens vont écouter Hyperview car il contient vraiment des morceaux surprenants. Honnêtement, je ne pense pas qu’il soit si différent de nos précédents. C’est sûr que l’album marque une progression mais l’esprit et la signature du groupe sont toujours là.

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Title Fight, à leurs débuts.

Title Fight a gravi les échelons sans jamais faire trop de bruit. Tu penses que vous pouvez continuer à fonctionner comme ça sans avoir à vous soucier de la critique ?
C’est du moins ce que j’aimerais croire. Notre priorité, c’est d’écrire la musique qu’on aime et de la jouer sur scène. Tout le reste, c’est du bonus. On doit faire connaître nos albums à la presse, faire des interviews, faire des shootings photo chacun notre tour, mais c’est pas ce qu’on recherche. Quand t'es un groupe qui est constamment en tournée, c’est ce qu’on te demande de faire. J’adore faire des interviews et parler avec des kids pour leur fanzine, mais on a toujours été un groupe qui préfère faire de la scène plutôt que de trainer sur les réseaux sociaux pour dire aux gens d’écouter ce qu’on fait. On essaye d’être un vrai groupe au 21ème siècle et c’est difficile, il y a tellement de choses qui passent avant la musique.

Pour finir, c’est vrai que vous refusez de jouer dans les salles où le stagediving est interdit ?
Ce n’est pas entièrement vrai. J'ai 24 ans aujourd’hui, et à ce stade de ma vie, je jouerais derrière des barrières s’il le fallait. En revanche, si tu m’avais posé cette question il y a seulement deux ans, je t’aurais répondu « Non. » de manière catégorique. La dernière fois qu’on a joué à Philadelphie, avant la tournée, il y a un kid qui a sauté de la scène et qui s’est éclaté tête la première par terre. Il est sorti sur civière et on a dû arrêter le concert. Heureusement, il s'est vite rétabli. J’ai entendu dire que le gosse ne voulait pas aller dans l’ambulance et voulait revenir au concert, et les secouristes lui ont dit, « on ne peut pas vous laisser y retourner, vous avez frôlé la mort. » Cette histoire m'a vraimanet faite flipper, ce n’est pas de notre faute mais en tant qu’artiste, quand des gens viennent nous voir, je me sens quand même responsable d’eux et deleur sécurité. Si vous vous sentez responsable de votre scène, commandez Hyperview, il sort le 3 février.

Title Fight sera à l'affiche du Outbreak Festival à Leeds le 3 mai prochain (avec toute la dream team du moment: Basement, Cold World, Turnstile, etc.) Jonah Bayer est sur Twitter.