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Music

Tim Lambesis garde la pêche

Le chanteur défoncé aux stéroïdes du groupe metalcore chrétien As I Lay Dying enregistre un album-déconne sur Schwarzie en attendant son jugement pour tentative d'assassinat.

La situation ne s'arrange pas pour Tim Lambesis, le leader du groupe metalcore chrétien As I Lay Dying. Fin février, le musicien de San Diego, âgé de 33 ans, a plaidé coupable des charges d'accusation qui pèsent contre lui pour tentative d'assassinat, après qu'il ait engagé, en mai 2013, un tueur à gages (un certain « Red », qui s'est avéré être en fait un policier) pour le meurtre de son ex-femme. Il attend désormais le verdict de son jugement et encourt 9 ans de prison et une amende de 10 000 $. Ça ne l'a toutefois pas empêché de sortir il y a quelques jours Triple Brutal, le nouvel album de son side-project Austrian Death Machine.

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Triple Brutal est sorti le 1er Avril sur Artery Recordings. Comme les deux précédents disques de Austrian Death Machine, Triple Brutal a été conçu selon une formule aussi simple et précise que parfaitement ridicule : des riffs débiles, des breaks de batterie outranciers, des solos emphatiques, et bien sûr, une tonne de références, vannes foireuses et imitations autour d'Arnold Schwarzenegger.

Le disque n'a évidemment rien d'original, ni même quoi que ce soit de vraiment intéressant : la plupart des morceaux semblent avoir été écrits en cinq minutes, et la plupart des vannes tombent complètement à plat. On notera toutefois une poignée de titres assez jouissifs, comme « Pumping and Humping », et son refrain mongoloïde : The best activities for your health / Are pumping and humping ! / PUMPING AND HUMPING !

Lambesis passera devant le juge le 2 mai. C'est à cette date qu'il sera fixé sur son sort et, accessoirement, sur l'avenir de As I Lay Dying. C'est à la fois totalement absurde et déroutant de se dire que ce type, qui risque presque 10 ans de prison, est là, à enregistrer pépouze des trucs comme « Brutal Recall » —un interlude dans lequel on entend un faux Arnold faire du beat box et essayer de rapper. En même temps, le mec a besoin de décompresser, on ne peut pas lui enlever ça.

L'enregistrement de Triple Brutal a commencé quelques jours avant l'arrestation de Lambesis, en mai dernier, mais son lancement remonte à janvier 2013, date à laquelle Lambesis a réuni 78 000 $ via le site de crowdfunding Indiegogo, pour financer le disque. Parmi les options proposées aux donateurs, certaines incluaient des séances de musculation avec Lambesis en personne. Mais suite aux événements, ces offres sont désormais sévèrement compromises et certains fans ont déjà exprimé leur colère sur les réseaux sociaux à ce sujet. Certains ont déclaré qu'ils n'écouteraient le disque que via Spotify, afin de donner à Lambesis le moins d'argent possible, regrettant que les autres personnes qui ont travaillé sur ce disque aient à soufrir de la situation. Le staff de Lambesis a toutefois annoncé qu'il faisait son possible pour régulariser la situation et ne flouer personne à l'arrivée. Parallèlement, le groupe a annoncé que la recette des ventes de Triple Brutal serait versée à World Vision, une ONG chrétienne internationale.

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Sheryl Watkins, chargée de communication chez World Vision, nous a appris par email que « les dons provenant d'artistes et de célébrités nécessitaient d'être validés en interne par un vote. » Bien sûr, rien n'empêche le groupe de faire un don anonyme ou via une tierce personne, si sa donation est rejetée, nous précise-t-elle. Elle indique toutefois qu'à ce jour, ni Lambesis, ni le groupe ne sont entrés en contact avec World Vision : « Il arrive malheureusement assez souvent que des célébrités annoncent qu'elles vont effectuer un don et qu'il ne se passe rien. » Contacté à ce sujet, Lambesis n'a pas souhaité faire de commentaires sur ces déclarations.

Sur Facebook, les gens qui suivent Austrian Death Machine réagissent de manière très hétéroclite : certains sont tristes, certains sont en colère, d'autres trouvent juste que l'album défonce. Les blagues sur Lambesis sont, elles, sytématiquement effacées par le manager de la page qui semble assez pessimiste sur l'issue des événements, ayant déjà annoncé à plusieurs reprises « Tim will be back », comme si sa réclusion était déjà une affaire entendue. Pour le moment, le destin de Lambesis est entre les mains de son avocat Thomas J. Warwick Jr., qui plaide la crise de démence provoquée par sur-consommation de stéroides. Peu après l'arrestation de Lambesis, Warwick a en effet déclaré que le chanteur de As I Lay Dying souffrait de lésions cérébrales causées par l'abus de produits dopants. Après avoir pris 25 kgs et développé une importante masse musculaire, Lambesis aurait subi, selon Warwick, « d'importants troubles mentaux », qui l'auraient rendu « excessivement irritable », lui auraient « fait perdre foi en Dieu » et l'auraient « globalement transformé en une personne différente. » Des déclarations validées par un psychiatre assermenté, qui a conclu que Lambesis était atteint de roid rage, la « rage des stéroïdes ». Comme on peut le voir sur cette photo avant/après postée en décembre 2012, Lambesis n'a pas toujours été aussi musclé. Dans un poste de la même année, sur son Tumblr, le musicien explique qu'il a obtenu ce résultat en suivant, en tournée, un entraînement inspiré de celui des prisonniers, puis une fois rentré, des séances de musculation plus poussées. Quand la police a perquisitonné le domicile de Lambesis après son arrestation, ils y ont trouvé plusieurs dizaines de stéroïdes de marques différentes, ainsi que des anti-oestrogènes. Des produits dont les effets secondaires sont généralement imprévisibles, et souvent violents.

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Deux body-builders de San Diego, que l'on appellera Bill et Jim, ont tous les deux pris des produits, tout au long de l'année 2012. Leur régime était plutôt léger : des injections d'enanthate de testostérone pendant trois mois, en alternance avec trois mois de sevrage. Le résultat ? Une récupération plus rapide et un gain notable de masse musculaire. Bill et Jim n'ont noté qu'un seul effet secondaire : leurs testicules ont momentanément rétreci, avant de reprendre leur taille initiale après 2 semaines de sevrage. « En alternant les périodes de prise et de sevrage, le corps assimile le produit plus facilement, et ça te laisse une porte ouverte : tu peux arrêter à tout moment si tu sens que ça ne va pas. Mais si tu prends plusieurs produits, en permanence, pendant une période longue, disons, 5 ans, tu peux totalement dérégler ton taux de testostérone et devoir te faire des injections pour le restant de ta vie. »

Le plus grand risque, c'est le pétage de plombs total, la

roid rage

. Pour Bill et Jim, la

roid rage

n'est rien d'autre qu'un mythe, une légende urbaine, l'équivalent des conneries qu'on pouvait entendre sur le cannabis dans

Reefer Madness

. Les experts médicaux confirment que les stéroides peuvent provoquer des comportements agressifs, et certains corticostéroïdes légaux, comme le prednisone—notamment utilisé pour soigner l'asthme et les migraines—ont causé des troubles psychiques chez certains utilisateurs. Mais le rôle des stéroides dans les cas d'agression extrême n'a jamais été prouvé scientifiquement. La plupart du temps, les gens qui deviennent incontrôlables sous steroides l'étaient déjà au départ.

« Pour moi, on ne pourrait parler de roid rage que dans le cas d'un comportement instinctif, spontané, et suffisament violent pour nécessiter l'intervention des forces de l'ordre, nous explique le Dr. Charles Yesalis, doyen de la Penn State University et auteur de nombreux ouvrages sur les produits dopants. « Le mot-clé dans ce cas précis, c'est 'spontané'. S'assoir et réfléchir à une façon d'éliminer son ex-femme n'a rien de spontané, ni d'instinctif. Pour moi, la roid rage n'a rien a voir là dedans. »

Pour ne rien arranger, Lambesis a sous-entendu il y a quelque semaines, dans un post sur son Tumblr -qu'il a effacé par la suite- que l'histoire était bien plus compliquée que ce qu'il y paraissait : « Un jour, je vous raconterai l'histoire dans ses moindres détails, je vous dirai exactement comment tout s'est passé, afin que la vérité soit rendue et que vous puissiez connaître tous les détails de cette affaire complexe. Mais pour le moment, je vous laisserai tirer vos propres conclusions. »

Peter Holslin est journaliste à San Diego. Il est sur Twitter - @peterholslin