FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Tia Nomore en veut toujours plus

Elle a 19 ans, rappe dans la Bay Area et s'apprête à sortir son premier album.

Photos - Nastia Voynovskaya

Quand j’ai vu Tia Nomore pour la première fois, il y a trois ans, elle était en train de freestyler dans une soirée à Oakland. À l’époque, personne ne le savait, mais elle n’était encore qu’une simple lycéenne. Lorsqu’elle a pris le micro et qu’elle a foutu le feu avec un simple couplet a cappella, son image de garçonne armée de punchlines m’a totalement scotchée. L’an dernier, quand j’ai vu qu’elle était dans la liste des 10 talents à suivre de la Bay Area du site Thizzler (un tremplin qui a lancé les carrières d’artistes comme Sage The Gemini ou G-Eazy), je savais que j’avais vu juste.

Publicité

Aujourd’hui, Tia a 19 ans et continue son ascension au milieu de tous les artistes talentueux que compte la baie de San Francisco. Après quelques singles, elle s'est fait une place sur « On The Under », le dernier morceau de Mac Tully, aux cotés de la légende locale E-40. Elle a aussi partagé la tournée Eyes on Me avec Iamsu! où elle a performé avec son sidekick Show Banga. HBK Gang, le collectif de Iamsu! et Show Banga considèrent Tia comme leur petite soeur — comme le reste de la scène rap du coin d’ailleurs. Tia continue d’apprendre les rouages de l’industrie musicale, et continue de s'en foutre totalement.

Le hip-hop est souvent perçu comme un club réservé aux mecs— surtout dans l’univers des battles où elle a tout appris — mais Tia n’a eu aucun mal à s'imposer et gagner le respect de ses pairs. En plus d’être une fille charismatique, son sens de l’humour peut parfois s'avérer un rien cryptique. Ce je m’en foutisme, qui fait partie intégrante de sa personnalité, elle le retranscrit dans ses rimes avec une avalanche de punchlines. Ces jours-ci, elle est enfermée en studio avec celui qu’elle considère comme son sensei : Exclusive, le producteur et ingénieur du son du Stoop Kids Music Group. Ensemble, ils sont en train de peaufiner Halloween, son premier album prévu pour l'automne. Exclusive n’est pas n’importe qui, il a fait des beats pour des artistes comme Too $hort et The Dream, et malgré leur différence d’âge et d’expérience, ils sont carrément sur la même longueur d'ondes.

Publicité

Je les ai rencontrés au QG de Stoop Kids, situé entre une galerie d’art et un studio photo, dans un bâtiment de l’est d’Oakland.

[[ recommended ]]

Noisey : Quand as-tu commencé la musique ?
Tia Nomore : Ça n'a jamais été un truc auquel je pensais, j’y suis venu comme ça. Quand j’avais 16 ans, j’allais en soirée, je voyais des mecs freestyler et je me disais « putain, je suis sûr que je peux en faire autant. » Pendant longtemps j’ai regardé comment ça se passait, j’ai appris, et seulement après, je m'y suis mis.

Tu écoutais quoi au collège ?
Mon grand-frère était à fond dans le punk rock donc j’ai écouté pas mal de Green Day, et beaucoup de Peaches. J’adorais Nirvana. Mon autre grand-frère, le plus vieux, écoutait beaucoup de gangsta rap, des mecs comme Mob Figaz, Mac Dre, Husalah, Joe Blow. Ma soeur, elle, a toujours été dans le R&B. J’ai eu le droit à tous les Niveas, les Ashantis, etc. Mon père jouait de la basse donc j’ai aussi écouté pas mal de jazz. J’étais la seule de la fratrie à rester éveillée toute la nuit pour le regarder jouer. Ma mère adorait Luther Vandross. J’ai vraiment écouté de tout, donc je ne peux pas dire que j’ai été influencé par un style plus qu’un autre, mais l’artiste que j’aimais le plus c’était Mac Dre. Lui aussi venait d’Oakland. J’ai étudié son style, et il avait ce style si fin, je n’avais jamais entendu un truc comme ça auparavant. C'est le mec que j'ai le plus réécouté, pour essayer de saisir tous ses lyrics.

Publicité

Pourquoi avoir choisi le rap, du coup ?
Pendant longtemps, j’ai été à fond dans le rap conscient. Je trouvais qu’il y avait quelque chose de super puissant dans le fait de réussir à captiver les gens simplement en racontant que tu marchais dans la rue — une de ces histoires auxquelles les gens peuvent s’identifier. Pour moi c’était ça le hip-hop. Comme s’il y avait une unité entre tous les mecs du ghetto, un langage codé.

Tu as déjà accompli pas mal de choses du haut des tes 19 ans. Tu es la deuxième fille à apparaitre dans le top 10 des nouveaux talents de la Bay Area..
Big up à Kreayshawn ! [Première femme à faire son entrée dans le top en 2010]

Récemment, tu as participé au single de Mac Tully, « On the Under », avec E-40. Ça a changé quoi chez toi ?
Toutes ces étapes m’ont aidées à réaliser qu’autour de moi j’avais beaucoup de soutien. Je n’en étais pas consciente. Je ne pensais pas qu’ici on me connaissait pour ma musique. Ça me motive et ça me pousse à continuer. Je ne réalise pas vraiment en fait. À chaque fois que quelqu'un me félicite, je suis agréablement surprise.

Tu as accompagné Iamsu! sur sa tournée Eyes On Me, dont tu viens tout juste de rentrer…
Oui, il y avait aussi Show Banga. On roule ensemble tous les trois. On a fait plusieurs morceaux et on a le même sensei [Exclusive]. C’était la première fois que je participais à une vraie tournée, et c’était vraiment une super expérience. J’ai beaucoup appris de moi-même. Quand tu vois tous ces endroits différents, tous ces gens, c’est juste incroyable. En plus, en jouant dans une ville différente chaque soir ça te permet de faire des rencontres, et de garder des contacts. Et j’en ai fait beaucoup.

Publicité

La scène rap de la baie de San Francisco a toujours été dominée par les hommes. Il n’y a jamais eu de Lil Kim, de Gangsta Boo ou de Trina chez vous. Evoluer dans ce milieu ne t’a jamais posé de problèmes ?
Je ne vois pas le rap comme une rivalité homme/femme. Je n’ai pas été éduquée comme ça. Personne n'est jamais venu me voir pour me dire «Hey, les femmes peuvent le faire » — je le savais déjà. Si des mecs rappent, alors pourquoi pas moi ? Je respecte tout le monde donc j’espère avoir le respect de tous en retour. Il ne faut pas prendre les choses personnellement et faire avec, c'est tout, comme le font tous les autres, même si t'es une meuf. C’est comme ça que j’ai été élevée. Être dans l’industrie musicale, être artiste, être originaire des quartiers, pour moi pareil. Les portes ont toujours été ouvertes. Il n’y a aucune règle dans ce rap game.

Tu fais beaucoup de dédicaces au Girl Gang dans tes morceaux. C'est quoi au juste ?
Girl Gang est mon groupe de potes depuis le collège. Je pense que les femmes sont très solidaires — qu’elles soient blanches ou noires. Le Girl Gang, c’est un girl power universel. J’adore quand les gens qui ne sont pas de la Californie me tweetent. Je reçois plein de photos de gens, de groupes de meuf et je me dis « ouais, c’est cool ! ». J’ai l’impression qu'aujourd'hui, certaines filles sont fières de se désolidariser des autres meufs pour faire des choses seules. Moi non, je soutiens les femmes car elles me soutiennent en retour. Quand je vois des meufs se tirer dans les pattes je suis là : « Pourquoi vous faites ça ? Le Girl Gang bordel ! Adhérez à la cause ! » Qui ne voudrait pas en être, hein ? Mon Girl Gang, ce n’est pas qu’un groupe de potes, ce sont des filles avec qui j’ai grandi. Il y a une branche du Girl Gang à San Francisco, et une à New York que je retrouve quand je m’y rends.

Publicité

Tu rappes sur des beats assez différents les uns des autres. Tu as des morceaux boom-bap et d’autres plus hyphy. Tu comptes t'essayer à d'autres trucs plus tard ?
Quand j’essaie de me réduire à une catégorie, je deviens folle. Les morceaux naissent du mood dans lequel on est avec Exclusive quand on les fait. La plupart du temps, je finis mes textes avant qu’il ait fini la prod, donc on finit de construire le morceau ensemble. S’il a seulement fait la ligne de basse, les percus et que mon texte est prêt, alors il peut prendre une direction différente de celle qu’il avait en tête au début pour l’adapter à ma voix, mon texte, etc. Si je fais un feat avec un autre artiste, je veux vraiment qu’on construise le morceau ensemble. Je ne suis pas du style à dire « hey, je viens de faire un morceau et je te vois bien poser dessus. » Je suis plus là, « viens en studio, tu vas rencontrer mon sensei, on fumera et on bossera le morceau ensemble. »

Peu importe le type d’instru sur laquelle tu poses, tu as un flow vraiment personnel. On a l’impression que tu freestyles tout le temps, en fait.
J’ai beaucoup d’esprit. En cours, je participais à des débats et j’ai toujours été à l’aise avec les mots. En grandissant, je n’ai jamais eu à me battre, les autres filles savaient qu’il ne fallait pas me tester car j’avais le jeu de mot facile. Tu vois ce que je veux dire ? C’est ça le pouvoir des mots.

Parle-nous de ton premier album, Halloween. Il sort quand ?
Tout est prêt, on peaufine les derniers détails et ça devrait sortir cet automne.

Pourquoi ce titre ?
C’est tous les jours Halloween. « Trick or treat, bitches ! » Partout où je vais, il y a toujours des gens qui ne montrent pas leur vrai visage et j’essaye de les démasquer pour voir qui ils sont vraiment. C’est tous les jours comme ça quand tu traînes avec des mecs bizarres. En plus, Halloween est vraiment mon truc, mon film préféré c’est L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Tu vois.

Tu as prévu une tournée après l’album ?
Si les gens veulent m’entendre, j’irai à eux ! J’ai des trucs sous le coude et quand je voudrais balancer un morceau, je tweeterais et je demanderais à mes fans de me dire quand le dévoiler. Pour moi il n’y a aucune règle à suivre. Je travaille sur ma musique chaque jour, alors pourquoi je n’aurai pas le droit d’en faire ce que je veux ? Hein ? Nastia Vynovskaya est sur Twitter.