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Music

The Soft Pink Truth sort un album electro-queer en hommage au Black Metal

« Je voulais quelque chose de choquant, mais je voulais également que ce soit choquant pour un puriste du black metal. »

Pochette de l'album

Why Do The Heathen Rage?

de The Soft Pink Truth

par Mavado Charon.

Drew Daniel—moitié du groupe expérimental électronique Matmos, titulaire d’un doctorat en philo et auteur acclamé d’un livre sur Throbbing Gristle— a peut-être une cible dessinée dans son dos à l’heure qu’il est, probablement tracée avec du corpsepaint. En tant que docteur ès-metal et tête pensante du projet total-queer The Soft Pink Truth, Daniel—pour faire suite à son album de reprises punk rock de 2004,

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Do You Want New Wave or Do You Want the Soft Pink Truth?

—sort aujourd’hui un album directement inspiré du black metal sous le nom

Why Do The Heathen Rage?

Pour le disque, il a ingurgité toutes ses formations black metal préférées comme Venom, Beherit, Sarcófago, Sargeist, Darkthrone, An, Mayhem, Hellhammer et Impaled Northern Moonforest pour les recracher sous forme d’une tornade house aux basses pharaoniques. Les puristes apprécieront sans doute moyennement la version dancefloor de « Satanic Black Devotion » des terroriste finlandais de Sargeist, d'autant plus qu’elle est ponctuée d’un sample du fameux

« The Power »

de SNAP!.

Mais Daniel s’en fout. Il reprend sans complexe un mouvement souvent taxé d'homophobe et en profite au passage pour rendre hommage à ses idoles metal, avec l'aide de quelques potes, parmi lesquels Jenn Wasner de Wye Oak, Terence Hannum de Locrian, M.C. Schmidt, son binôme de Matmos, et Owen Gaertner de Horse Lords.

On l’a contacté par email pour discuter metal,

corpsepaint

et homophobie.

Noisey : Parlons tout d'abord de la pochette de

Why Do The Heathen Rage ?

dessinée par Mavado Charon. Comment a t-elle été conçue ?

Drew Daniel :

Je voulais quelque chose de choquant, mais je voulais également que ce soit choquant pour un puriste du black metal. Je connaissais déjà le boulot de Mavado et je lui ai demandé s’il pouvait me dessiner une bande de mecs black metal maquillés, en pleine orgie gay SM, au milieu d’un champ jonché de corps et de sex toys. Il a accepté et a rempli sa mission de la plus belle manière possible. Pour moi, la cover ressemble à une version hardcore queer de

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Où est Charlie ?

: tes yeux ne savent pas où aller, il y a trop de détails, c’est à la fois horrible et hilarant (comme la musique à l’intérieur, en fait). J’ai ensuite dessiné le logo SPT et le graphiste Rex Ray l’a placé sous le dessin de Mavado en accentuant la teinte rose et en donnant l’impression qu’un lac de sang et de sperme s'écoulait sur l'ensemble. Il faut avoir la version vinyle pour bien s’en rendre bien compte. C’est magnifique !

Est-ce que l’artwork contient des messages subliminaux ? Quelle est sa signification ?

Ce qu’il signifie ? Je suppose que c’est une interprétation de cette scène, un lieu violent et imaginaire sans aucune éthique, où le désir et la mort se mélangent par delà les soucis de santé, de bon sens ou de survie. Une image qui symbolise une zone où la négativité, la haine et la rage contenues dans les lyrics du black metal sont autorisées à jouer ensemble et librement. Mon but est de confronter un fan de black metal lambda avec une transfiguration cartoonesque de ses idéaux comme : « Destruction et Sodomie » (pour citer le titre d’un split EP entre Black Witchery et Arch-Goat). Et de leur montrer que leur sous-culture est très queer par essence.

Pourquoi l’enregistrement de ce nouveau disque a pris si longtemps (dix ans) depuis

Do You Want New Wave or Do You Want the Soft Pink Truth ?

J’ai passé mon diplôme de docteur en philosophie à Berkeley pour ensuite déménager de San Francisco à Baltimore et j’ai commencé à enseigner Shakespeare dans le département Anglais de l’Université Johns Hopkins. J’ai aussi travaillé sur plusieurs albums de Matmos et écrit deux livres -un sur Throbbing Gristle et un autre sur la mélancolie de la Renaissance. J’avais un album complet de SPT qui était sur un laptop que je me suis fait voler chez moi, et je n’ai pu récupérer que des ébauches et des quelques démos. Voilà, j’étais pas mal occupé quoi.

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Photo - M.C. Schmidt

Qu’est ce qui t’a poussé à t’attaquer au black metal et à enregistrer

Heathen

? Tu as eu une sorte de révélation ?

Tout ça a commencé quand j’étais DJ à Brooklyn, dans une soirée qui s’appelait Rainbow in the Dark, j’ai joué une chanson de Darkthrone en m’apercevant que certaines passages de

« Beholding the Throne of Might »

me rappelaient des trucs house, particulièrement

« No Way Back »

d'Adonis. C’est ce qui a donné naissance à l’album. Pendant un moment, le titre de l’album était

Fenriz Has A Guidance Tattoo

. Parce qu'il en a un ! Ça me fait vraiment marrer et ça m’intéresse également, parce que ça nous force à considérer le minimalisme et les montées rythmiques du black metal comme une forme de dance music. Ce lien est là depuis le début. Je le rends juste plus évident.

Comment as-tu découvert le black metal ? Tu avais quel âge ? Qu’est ce qui t’a plu dans ce style ?

En tant que hardcore kid dans les années 80, j’étais évidemment au courant des liens qui existaient entre le metal et le hardcore : Cro-Mags, Corrosion of Conformity, Cryptic Slaughter (c’était avant que le « metalcore » inonde tout). À la fac, j’étais DJ à la radio KALX de Berkeley, c’est là que j’ai commencé à diffuser du black metal – d'abord Venom, puis les groupes norvégiens. J’ai vu Mayhem et Enslaved jouer dans un club appelé le Lucifer’s Hammer et ça a encore plus renforcé mon intérêt. La première fois que j’ai entendu Burzum, c’est quand le groupe de ma pote Kris Force, Amber Asylum, a été signé sur le label Misanthrophy, qui était le label de Burzum à l’époque. Elle m’a filé une copie de

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Filosofem

. J’ai tout de suite adoré le côté impitoyable de la musique et l'étrange sentiment de froideur émotionnelle que ça dégageait. Ça peut paraître prétentieux de dire ça, mais les concerts de black metal sont la preuve qu’immobilité et dynamisme peuvent ne faire qu’un (ou pour utiliser une dyade philosophique, l’être et le devenir).

Tu es gay et fan de metal. Le black metal est souvent considéré comme homophobe. Tu en penses quoi ?

Personnellement, j’ai eu bien plus de problèmes à des concerts hardcore que metal ! Je me souviens avoir été poussé contre un mur et traité de pédé à un concert hardcore straight edge, mais je n’ai jamais eu de problème de ce genre dans les concerts metal (jusqu’à présent en tout cas). J’ai repéré des gays au

Maryland Death Fest

, mais tu dois être discret là-dessus parce que les gens sont souvent « incognito » dans ce type d’environnement. Ceci dit, il y avait aussi un trans qui ne se cachait pas du tout, et il était en plein milieu du pit pendant le concert de Gorguts. Le simple fait de le voir m’a rendu heureux. Comme pour n’importe quel problème de droits civils, c’est la minorité elle-même qui doit se défendre en premier, et il faut des tripes pour ça. Respect maximum pour Gaahl là-dessus. Mais malgré tout ça, il ne faut jamais oublier Magne Andreassen [

homosexuel assassiné par Faust, le batteur d'Emperor, en 1992

]. Le black metal a du sang homo sur les mains, comme pas mal d'autres styles de musique. C'est une raison suffisante pour réagir et résister.

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Comme on peut le voir sur les photos de Soft Pink Truth, tu t’es allégrement maquillé pour le disque. Est-ce une sorte d’hommage ou une parodie ?

J’adore le côté artificiel et queer du

corpsepaint

, c’est le compagnon inavoué de l’identité drag et trans. C’est pout ça que je trouve aussi sa filiation à la tradition des ménestrels risible, parce que qu’il y a une dimension très racialiste autour de ça : se faire plus blanc que blanc, etc. Surtout quand on considère les penchants politiques extrêmes (« völkish ») de beaucoup de groupes black metal. Donc voilà, c’est à la fois un hommage et une moquerie.

Photo - M.C. Schmidt

Il y a des fans de black metal qui prennent le metal très au sérieux. As-tu déjà reçu des messages de protestation de gens qui ont écouté Heathen ?
Pas encore, le disque n’est pas encore sorti. Mais je suis prêt pour le mépris et j’assume le fait que des gens aient envie de me décapiter. Quand tu entends des histoires sur des types qui crèvent les pneus du van de Liturgy parce qu’ils sont supposément « faux », tu peux imaginer ce que certains ressentiront à l’écoute de mon disque. Ce que j’en pense : allez-y. Mais défiez-moi vraiment, et venez me parler directement. Ne vous occupez pas des pneus de mon van quand j’ai le dos tourné. C’est un truc de lâche. Comment défendrais-tu le disque face aux sceptiques et à ceux qui pensent que tu « manques de respect » envers le black metal ?
Pour moi, il s’agit plus de « profanation » que de manque de respect. Quand tu profanes quelque chose, tu prends son caractère sacré pour acquis, mais tu inverses les choses et tu joues avec le sacré en plongeant les mains dedans. C’est une posture purement satanique. Jai aussi le sentiment que la manière dont je chante n’a rien de parodique – chaque performance vocale sur le disque est une expression sincère des idées contenues dans les paroles. J’adore ces lyrics et je les ai rendu parfaitement intelligibles, afin qu’on célèbre leur portée poétique. Bref, ce n’est pas ce que j’appellerais un manque de respect. Es-tu en contact avec des groupes que tu reprends surHeathen ? Si oui, quelles ont été leurs réactions ?
Non, je n’ai pas établi de contact avec eux, d'autant plus que certains sont décédés. Je n’ai pas fait ce disque pour les flatter ou être dans leurs petits papiers et ils sont complètement libres d'être en désaccord avec ce que j’ai fait. Mais sincèrement, je leur témoigne toute ma gratitude pour avoir crée cette musique, et c’est clairement noté dans le livret : ce sont de superbes chansons et autant je critique les limites du black metal en tant que scène, autant je célèbre aussi tout ce qu’il créé et inspire. The Soft Pink Truth a sorti un disque de reprises punk, et maintenant un album de reprises black metal. Comment arrives-tu à innover avec ce type de projet ? C’est quoi le prochain, un album de grunge 90’s ?
Suis-je une version homo et sataniste de Weird Al Yankovic ? Dans mes rêves les plus pédés, ouais. Le terme de musique « innovante » est souvent utilisé de manière condescendante pour désigner ce qui sort des frontières de la musique « réelle ». Personnellement, ce terme ne me fait pas peur parce qu'il désigne des choses souvent très visionnaires, que ce soit Spike Jones ou Jud Jud ou Tater Totz ou Thai Elephant Orchestra ou Anton Maiden. Sinon, je n’ai pas d’autre cover album de prévu – mon prochain disque sera plus psychédélique, un mélange de samples et de cut-ups. Photo : M.C. Schmidt Tu prévois de faire des concerts exclusivement basés sur les morceaux de Heathen ?
Oui, absolument. Tu joueras dans des salles metal ou dans des clubs ?
Je jouerai où je veux. J’ai déjà joué ces chansons dans un festival noise/power electronics qui s’appelle Voice of the Valley, en Virginie Occidentale, et également dans une boîte R&B gay de Londres, le Vogue Fabrics. Dans les deux cas c’était vraiment marrant, parce que cette musique n’a sa place nulle part en fait. Le contexte n’est jamais le bon et j’adore ça. Certains rentreront dedans, ils seront à fond, ils mosheront et transpireront ; les autres seront tout simplement confus. Comment as tu choisi les reprises que tu allais mettre sur l’album ?
C’était comme une partie de Jenga : ajouter, retirer, espérer que tout ne s’écroule pas. J’ai commencé par Beherit et Darkthrone et ensuite ça a évoulé tout seul. Pendant longtemps, j’ai pensé mettre une reprise de Burzum, mais pour des raisons politiques ça me paraissait irrationnel. Le style des reprises lui-même a beaucoup évolué – il existe une version radicalement différente de « Let There Be Ebola Frost » que j’aime toujours, mais je me suis dit que la version avec Jenn était plus « poppy », et pour cette raison, plus provocante. Au fur et à mesure, une séquence historique a émergé – contrebalancer les pionniers et innovateurs avec les groupes récents. Je savais que j’avais besoin d’un échantillon varié de thèmes : sodomie, sexe, meurtre, désastre écologique, extinction, sinistrose, bars gays et, bien sûr, Satan. Brad Cohan porte du corpsepaint même quand il est à la maison. Il est trop metal pour Twitter. Plus de black metal Dayal Patterson vient d'écrire le troisième meilleur livre sur le black metal
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