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Music

Le leader des Shamen n'est pas redescendu depuis 1988

Mr C. a ressuscité son double maléfique Ebeneezer Goode pour nous parler de son premier ecsta et de la façon dont son groupe a imposé l'indie-house dans les charts.

Il y a 22 ans, Richard West (aka Mr C) donnait vie à Ebeneezer Goode, son alter-ego allumé, croisement entre le Ebenezer Scroodge de Charles Dickens et un buvard d'acide, qui donnera son nom au tube éponyme des Shamen. Ce morceau, qui a rendu le groupe célèbre au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe, a squatté la tête des charts pendant quatre semaines consécutives en 1992. Il y a quelques semaines, nous avons proposé à Mr C de prendre des nouvelles ce bon vieux Ebeneezer Goode, le temps d'une auto-interview digne des grandes heures de Lunettes Noires Pour Nuits Blanches (non, on déconne). Voilà ce qu'il se passe quand on laisse l'ecstasy parler.

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Mr C : Tu devrais d'abord commencer par nous parler des origines d'Ebeneezer Goode…
Ebeneezer Goode : Pendant un concert des Shamen, un type a posé la main sur l’épaule de Colin Angus (un des membres fondateurs du groupes) et lui a dit « Es are Good, Es are Good » [les ecstas sont bons]. Ils ont trouvé ça cool de m’en faire prendre à moi aussi, et c’est à ce moment que Ebeneezer est né. Mes amis m’appelaient ‘Eezer. Tiens, je ne t’ai d'ailleurs jamais demandé mais ça vient d’où ce nom Mr C ?

Eh bien… Ils ont le droit d'écrire « cunt » dans l’article ?
Ça m'étonnerait. Les DJ ne prennent plus le temps d’inventer des pseudos, aujourd'hui ils prennent tous des noms chiants comme Calvin Harris.

Ces mecs font de la musique stupide avec des blases tout aussi stupides. Au fait, comment une personne aussi distinguée que toi, tout droit sortie de l'oeuvre de Charles Dickens, en est venue à prendre de l’ecsta ?
Comme à mon habitude, j’étais en train de danser comme un dératé, et puis ce type est venu vers moi. Il aimait bien l’énergie que je dégageais et il m’a mis une pilule dans la bouche.

Tu te souviens du genre de pilule que c’était ?
C’était de la MDMA, 120mg directement importés d’Amérique.

C'était où ?
À une soirée Shoom début 1988. J'étais en train de danser seul sur l’acid house que jouait Colin Faver et je me sentais hyper bien. Une heure après avoir gobé la pilule, j’ai voyagé au plus profond de moi-même, les yeux grands ouverts.

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Tu peux me décrire ce qui tu as ressenti ?
Au début, je ne sentais rien. Mes mains sont devenus moites et j’avais la bouche sèche. J’ai ressenti des picotements le long de mon échine et les poils de ma nuque se sont hérissés. Je ne m’en rendais pas compte au départ mais tout mon corps était traversé de frissons. J’avais l’impression que la basse de la musique habitait mon corps, et puis d’un coup d’un seul, j’ai compris pourquoi j’étais là. Quelque chose s’est éclairé dans mon subconscient et j’étais soudain bourré d’empathie. J’aimais tout le monde, je voulais les prendre dans mes bras, pas seulement pour le geste mais parce que je les aimais vraiment.

Comment s’est déroulée la soirée qui a suivi ?
Tout s’est passé très vite, comme dans un rêve.

Et tu t’es senti comment après tout ça ?
J’étais empli de joie, j’avais l’impression d’avoir découvert mon nouveau moi. Quelque chose que renfermait mon subconscient a été mystérieusement libéré, j’ai enfin pu être moi-même et arrêter de vouloir être dans la peau d’un autre.

Donc tu n’as aucun regret ?
Bien sûr que non, aucun.

Maintenant que tu es un peu plus vieux et un peu plus sage, tu penses que les pilules sont bonnes pour la construction de soi-même ou que c'est une vraie saleté ?
Je pense que les pilules sont bonnes pour se construire, après, il ne faut pas abuser de l’ecsta.

Tu te rappelles toujours des paroles de notre morceau ?
Bien sûr. Je suis honoré qu’un groupe aussi cool que Shamen ait écrit un morceau sur moi !

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Donc tu te souviens de ce passage qui dit « But if you know Ezer, he's a real crowd pleaser » — quelle a été l’importance de la drogue pour la scène ?
L'ecsta est essentielle pour réussir à entrer dans une dimension intérieure profonde, jamais atteinte auparavant. C’est dans cette dimension que les souvenirs oubliés et ceux effacés de nos mémoires refont surface, ce qui permet de nous pencher à nouveau sur ces problèmes, de les résoudre et de supprimer les blocages. Sans moi, cette scène et cette musique n'en seraient pas arrivés là. Pas même The End, mon club préféré. Si tout le monde gobait un ecsta et allait danser, il n’y aurait plus de guerre !

Tu n’as pas été étonné de monter aussi haut dans les charts ?
Non. Ça t’a étonné toi ?

Non, quand on a enregistré les paroles, j’avais dit à Colins que ce morceau serait numéro 1.
Comment as-tu sérieusement pu penser qu'un refrain faisant « E’s are good » pouvait marcher ?

Parce que je chante « Eezer Goode », et non « E’s are good. » Ce morceau était vraiment bien écrit. Les médias avaient uniquement un problème avec le refrain , ils ne voyaient pas plus loin. On leur a dit que Eezer était ton surnom. Mais ça s’est envenimé quand les tabloïds ont commencé à s’en prendre à ton image et à ce que tu représentais.
Ouais, c'était la guerre avec la presse.

Le Melody Maker me détestait, j’avais fait de The Shamen, leur groupe d’indie-rock préféré, un groupe de dance-music. Le Daily Star disait de nous qu’on était un groupe d’acid house mal intentionné, cherchant à pervertir la jeunesse du pays. On s’est bien marrés, j’ai rembourré le pantalon en cuir que je portais sur le plateau de Top of The Pops avec tous ces articles.
The Shamen a été le premier groupe de l’histoire de la pop anglaise à retirer leur single de la vente alors qu’il était numéro 1, en septembre 1992. Pourquoi tu as voulu stopper la vente ce disque, alors qu’il squattait le top de charts depuis 4 semaines ?

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Le laisser en vente aurait niqué notre sortie à venir, on voulait sortir Phorever People en décembre, en espérant qu’il puisse être dans le top 5 de Noël — ce qu’on a finalement réussi à faire. Il y a eu Boss Drum avant aussi. C’était une façon de clarifier nos intentions.
Avec le recul, tu penses avoir pris la bonne décision ?

Bien sûr. Si on ne l’avait pas supprimé, ce morceau serait resté au top des charts pendant des mois, et j’en avais marre que tout le monde s’intéresse au groupe.
Et toi, c’est quoi ton rapport à ce morceau ?

Ce morceau signifie plusieurs choses pour moi. La célébrité, le fun, le côté provoc mais surtout, comme l'ont dit les médias, la corruption de la jeunesse.
Tu es toujours aussi turbulent aujourd’hui ? C’est moi qui pose les questions ! Dis-moi toi si tu es toujours aussi turbulent.
J’ai toujours été le plus turbulent de nous deux, c’est ma nature.

Mr C est sur Twitter - @mrcsuperfreq