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Swervedriver est toujours le meilleur groupe américain d'Angleterre

On a parlé avec Adam Franklin du parcours sans faille de son groupe et de l'époque où le terme « shoegaze » était considéré comme une insulte.

Swervedriver en 1993

Swervedriver ont toujours été considérés comme les moutons noirs du shoegaze. Pas à cause de ce qu'ils ont fait, mais plutôt à cause de ce qu'ils n'ont pas fait, c'est à dire sonner comme leurs potes de Slowdive et Lush, qui chiadaient leurs textures sonores et noyaient leurs morceaux sous des trombes d'effets pendant que les quatre matous d'Oxford n'avaient eux qu'un seul objectif : tout pulvériser sur leur passage à grands coups de riffs mercuriels et de tornades électriques. Signés sur Creation sur la seule foi d'une démo, Swervedriver se sont très vite retrouvés associés malgré eux au cirque shoegaze, partageant la scène à plusieurs reprises avec Chapterhouse, My Bloody Valentine et Moose. Le groupe a toutefois réussi à s'en écarter très vite, en tournant notamment avec Soundgarden (période Badmotorfinger) et les Smashing Pumpkins (période Siamese Dream), et en sortant des disques qui leur valaient plus de comparaisons avec Dinosaur Jr. ou Hüsker Dü qu'avec les Pale Saints. C'est sans doute pour cette raison d'ailleurs que Swervedriver est une des rares formations dites shoegaze à avoir évité la débâcle Britpop : leur quatrième album 99th Dream, est venu glorieusement clôturer 10 ans d'un parcours sans faille, en 1998, juste avant que le groupe ne se sépare.

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Il y a encore autre chose qui sépare Swervedriver du tout-venant shoegaze : ils ont refait surface à une période où se reformer n'était pas encore une manie aussi répandue que gerbante. Comme My Bloody Valentine, Swervedriver est revenu en 2007, avec pour objectif de sortir de nouveaux disques. Et même si ça leur a finalement pris 8 ans, l'attente s'est avérée payante : I Wasn't Born to Lose You, le cinquième album de Swervedriver qui sortira la semaine prochaine sur Cherry Red, renoue avec les grandes heures de Raise et Mezcal Head et s'impose très clairement comme un des disques post-reformation les plus réussis de ces 10 dernières années.

On a passé un coup de fil à Adam Franklin, le chanteur du groupe, pour qu'il nous raconte pourquoi Swervedriver s'est reformé, comment il a failli ne jamais donner la démo du groupe à Alan McGee, et pourquoi les droits de l'album 99th Dream sont tombés aux mains d'une bande de cowboys après une partie de poker à Las Vegas.

Noisey : Depuis le split de Swervedriver, tu as sorti des tonnes de disques sous ton nom et avec Bolts of Melody, Toshack Highway ou Magnetic Morning. Qu'est-ce que ça change pour toi de revenir sous le nom de Swervedriver ?
Adam Franklin : C'est très particulier. J'ai effectivement sorti pas mal de disques sous un tas de noms différents, mais je reste malgré tout connu comme « le mec de Swervedriver ». C'est donc vraiment cool de pouvoir jouer et enregistrer à nouveau avec Jimmy et Steve après tout ce temps.

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Même si ce sont les mêmes personnes, le groupe n'est pas le même qu'il y a 25 ans. Qu'est-ce qui a changé pour toi ?
Les méthodes d'enregistrement, principalement. Pour ce disque, on a passé notre temps à s'envoyer des démos, des bouts d'enregistrement, par mail, ce qu'on n'avait évidemment jamais fait durant les années 90. Mais en même temps, on voulait revenir aux sources, à ce qu'on faisait aux tous débuts. Donc, d'une certaine façon, même si le procédé a changé, tout ça m'a énormément rappelé les premières années du groupe. Quand on n'avait encore sorti aucun disque et qu'on avait tout ce champ de possibilités devant nous. En 1989, on se posait des questions du genre « on va mettre quoi sur le disque ? », « on va faire quoi pour la pochette ? » Et pour I Wasn't Born to Lose You, on était plus proche de ça que de l'époque du milieu 90.

Vous avez enregistré certains morceaux du nouvel album aux studios de Ray Davies, Konk, où vous aviez fait Ejector Seat Reservation en 1995. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'y retourner ?
Un ami à moi enregistrait là-bas et il m'a fait venir pour des parties de guitare. J'étais étonné parce que je pensais que le studio n'existait plus, j'avais entendu dire que Ray Davies voulait le vendre. C'était cool de retourner là-bas, parce qu'ils ont cette énorme table de mixage et que l'endroit est très spacieux, très lumineux. Et puis il y a tous les instruments des Kinks dans le hall. C'est un studio vraiment génial.

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On a aussi enregistré plusieurs morceaux en Australie, au studio Birdland à Melbourne, qui est un super endroit également. On était en tournée là-bas et on avait des tonnes d'idées et de morceaux enfin finalisés. Et puis Mike, notre batteur, vit à New York, alors on a profité d'être là, tous ensemble, pour trouver un studio et caler tout ça. On est tombés sur Birdland, et vu qu'on sortait d'une tournée d'une semaine, on était sur une super vibe, très énergique. On a enregistré 5 morceaux en une journée.

Swervedriver s'est reformé il y a 8 ans. Pourquoi est-ce que ça vous a pris autant de temps pour enregistrer ce disque ?
Parce qu'on n'a pas eu envie tout de suite. On a d'abord refait des concerts. Et puis il y a deux ou trois ans, Jimmy et Steve m'ont dit « ok, si on doit continuer à tourner, il faut qu'on enregistre de nouveaux morceaux ». Moi, j'avais tous mes autres projets, mais l'idée me plaisait, bien évidemment. Et puis c'était cool d'injecter l'énergie que j'avais retrouvée sur scène avec Swervedriver dans Bolts of Melody et Magnetic Morning. Aujourd'hui, les groupes se reforment et ré-enregistrent presque immédiatement. C'est une bonne chose. Je veux dire, sans nouveau disque, ça devient vite glauque.

Swervedriver et My Bloody Valentine se sont reformés il y a 8 ans. Ces derniers mois, on a pu assister au retour de Slowdive et de Ride. Tu penses quoi de toutes ces reformations ?
Au moment où on s'est reformés, c'était quelque chose d'assez marginal. Les seules reformations qui faisaient parler d'elles à l'époque, c'était celles de Pixies et des Stooges. Je me suis laissé entraîner à un concert des Pixies parce que je ne les avais jamais vus. C'était à New York et j'y allais un peu à reculons, genre « à quoi bon ? » Et puis, une fois dans la salle, il s'est produit quelque chose d'assez incroyable. On sentait l'attente, la tension. C'était vraiment particulier. Et puis, il y a eu les Stooges, que je suis allé voir également vu que je n'avais, évidemment, jamais eu l'occasion de les voir. Et j'ai pu voir à quel point tout ça était excitant pour les gens, aussi bien ceux qui les avaient déjà vus que pour ceux qui avaient enfin la chance de les voir.

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Je comprends que ça emmerde les jeunes groupes de voir aujourd'hui tous ces vieux briscards squatter les têtes d'affiche dans les festivals. Je veux dire, dans les années 90, personne n'avait envie de se fader des groupes 70's à Reading ou Lollapaloza. Je me mets totalement à leur place.

Mais j'ai vu Slowdive juste avant Noël, et je suis aller boire un verre avec Rachel Goswell la semaine dernière, vu qu'elle était de passage à Oxford. On a pas mal discuté et elle m'a dit qu'elle ne regrettait vraiment pas leur reformation, parce que le groupe avait enfin l'opportunité de jouer dans de belles salles, avec un vrai light show et un public hyper à fond, qui connaissait les morceaux. Ils sont juste venus reprendre ce qui leur appartenait, en un sens.

Dans les années 90, le terme « shoegaze » était très ironique, presque insultant.

Complètement. A nos débuts, c'était vraiment une insulte. Et aujourd'hui, les gens sont tout fiers de dire qu'ils sont « shoegaze ». C'est marrant. Aujourd'hui, les gens voient ça comme un genre à part entière. Sur MySpace, il y avait même une catégorie

« shoegaze » pour les groupes.

C'est d'autant plus dingue que c'est un terme qui n'a plus aucun sens aujourd'hui ! Mais c'était la même chose avec le terme

«

Krautrock

»

qui était assez méprisant à l'origine. Alors qu'aujourd'hui, c'est un genre reconnu, ça n'a plus rien d'offensant.

Tu as raconté dans plusieurs interviews que vous aviez eu un l'occasion de faire passer votre démo à J. Mascis et Sonic Youth, mais que vous l'aviez finalement donnée à Alan McGee. Ça t'arrive de te demander ce qu'il se serait passé si vous l'aviez filée à J. Mascis et Sonic Youth ?

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Swervedriver aurait sans doute été perçu differemment par le public. Nous n'aurions probablement jamais été assimilés à la scène shoegaze. Mais on s'est retrouvés sur Creation, aux côtés de Ride, Slowdive et My Bloody Valentine. On allait chez Creation pour leur remettre notre démo, on est passés devant chez Blast First et on a vu J. Mascis et les membres de Sonic Youth sortir de l'immeuble. On s'est dit :

« merde, autant leur filer à eux ». Mais on n'avait qu'une cassette sur nous, alors après quelques minutes d'hésitation, on a décidé de la filer à McGee, comme prévu. Mais ça aurait été intéressant de voir ce qu'il se serait passé, c'est certain.

Swervedriver a toujours sonné plus américain qu'anglais. On vous sentait clairement plsu influencés par Dinosaur Jr. et les Stooges que par les Cocteau Twins ou Jesus And Mary Chain. Tu penses que c'est pour cette raison que vous avez étés mieux accueillis par la presse US que par es médias européens ?
Oui, vraiment. Sur la pochette de notre premier maxi, Son Of Mustang Ford, il y avait tout un tas de vieilles voitures américaines empilées. Ça annonçait la couleur d'entrée de jeu. On a toujours eu des influences plutôt américaines, même si on a aussi été marqués par certains groupes anglais, comme T-Rex, Black Sabbath ou les Kinks. Je ne sais pas à quoi ça tient. Peut être à l'attirance pour les grands espaces, pour une certaine forme d'exotisme. On lisait beaucoup Love and Rockets à l'époque, ça jouait aussi pas mal. Tu sais ce qu'on dit : l'herbe est toujours plus verte ailleurs…

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Swervedriver en 2015 Il y a un truc que je n'ai jamais compris : malgré les chroniques dithyrambiques que vous avez eu ici pour votre deuxième disque et votre tournée avec les Smashing Pumpkins, Ejector Seat Reservation, votre 3ème album, n'est jamais sorti aux USA…
C'était une tournée incroyable, tout comme celle qu'on a fait avec Soundgarden l'année d'avant, parce que les deux groupes étaient en train d'exploser. On était totalement inconnus à l'époque et pas mal de gens nous ont découverts à ce moment là. On était sur une pente ascendante et on se disait qu'on allait enfin se faire une place aux US avec le 3ème album, qui avait, pour le coup, un côté plus anglais. Mais A&M, qui sortait nos disques aux USA, nous a laissés tomber. Du coup, Creation, qui touchait pas mal d'argent grâce à cette licence chez A&M, n'avait plus les moyens de nous garder et nous a également virés. On était dans la merde, mais on a continué. On a fait notre première tournée en Australie, et on a pas mal joué en Europe et dans les pays Nordiques. C'était une période assez cool malgré tout, parce qu'on a fait des tas de trucs qu'on aurait jamais fait autrement. Mais ouais, on misait pas mal sur l'impact de ce disque aux USA… et il n'est jamais sorti là-bas. C'est dommage.

Vous avez fait une série de concerts sur laquelle vous jouiez votre premier album, Raise, dans son intégralité. C'est quelque chose qui t'a plu ?
Oui, carrément. C'était marrant à faire et puis ça donne un cachet un peu spécial au concert. Et c'était intéressant pour nous, parce que c'est arrivé en plein pendant la préparation du nouvel album et que ça nous a rapellé à quel point c'était important de travailler l'ordre des morceaux, les enchaînements. Raise est assez mal foutu à ce niveau. Il y a de gros pics, des baisses de régime. Et puis il y avait deux trucs sur ce disque qu'on n'avait jamais joués sur scène : la transition entre « Feel So Real » et « Sandblasted », et « Lead Me Where You Dare… », le dernier morceau.

Vos deux précédents disques, Ejector Seat Reservation et 99th Dream sont devenus assez difficiles à trouver et sont vendus à des prix prohibitifs sur eBay et Discogs. Vous envisagez de les rééditer, comme les deux premiers ?
C'est prévu, oui. En fait, Ejector Seat a été réédité en Europe mais pas aux USA. On est définitivement maudits ici avec ce disque. Mais on est en train de s'arranger avec Sony à ce sujet. Pour 99th Dream, ce n'est pas simple non plus, on galère pas mal en ce moment pour récupérer les droits sur ce disque, qui ont été vendus à une tierce personne - c'est une histoire de fous, c'est une bande de cowboys, des types pas très clairs, qui en ont hérité après une partie de poker à Las Vegas… Mais on va y arriver. On a prévu de le rééditer en vinyle et CD d'ici l'an prochain.

I Wasn't Born to Lose You sortira le 3 mars sur Cherry Red.

Cam Lindsay est sur Twitter.