FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Suede revient, plus pertinent et élégant que jamais

« Je ne veux plus parler de Bowie. Le temps est passé. »

Longtemps influencés par le mort le plus célèbre de janvier 2016, Suede a enchaîné les chef-d'oeuvre britpop pendant les années 90. Avant de s'éteindre peu à peu, laissant place à la carrière solo terriblement adulte de Brett Anderson. Après un retour foiré en 2013 (qui peut décemment dire qu'il a écouté plus d'une fois et demi

Bloodsports

sans s'endormir ?), le groupe des ex-esthètes de la pop anglaise revient ce mois-ci avec

Publicité

Night Thougts

, tentative la plus dark de leur histoire. On aurait adoré vous dire que ce disque est une bouse intergalactique. Mais c'est tout le contraire. Et on est allés rencontré Brett Anderson (chanteur) et Mat Osman (bassiste) pour en parler.

Noisey : Vous êtes de retour avec un album hyper classique, sans concession à la modernité.

Mat Osman

: L'idée, c'était de faire un classique. Un disque un peu démodé, à écouter du début à la fin. Un album conçu comme un antidote à la manière dont est consommée la musique, et à la façon dont elle est vendue. Quand on est revenus en 2010, on nous a dit « Faites un disque avec 12 singles et un super clip YouTube pour chacun d'entre eux. Ce serait bien que les 30 premières secondes des morceaux soient catchy pour attirerr l'attention. Et si en plus vous pouvez faire une reprise d'un truc un peu connu, ce serait parfait ». Mais on se fout de ça…

Alors ?

Mat

: Alors on s'est mis à produire cet album, et à prendre des avis extérieurs. Etonnamment, les gens préféraient les parties plus compliquées, plus longues, plus dramatiques. Du coup, on a opté pour un choix hors du temps : faire un véritable album. C'est dingue de te dire ça, mais ce choix semble radical aujourd'hui, alors que c'était loin d'être le cas 10 ou 15 ans auparavant.

Autre choix assez radical, un film sombre et triste accompagne la sortie du disque. Le Suede des débuts était plus flashy et glamour.

Publicité

Brett Anderson

: Flashy et glamour, Suede ? Avec un côté très obscur, alors ! Même le premier album contenait une grosse dose de drame et de noirceur.

Mat

: À part sur

Coming Up

, on a jamais vraiment fait de pop-songs catchy.

Brett

: Ceux qui pensent qu'on fait des pop-songs légères ne nous ont jamais vraiment écouté. Ou alors quelques singles seulement.

Mat

: Pour ce qui est du film, c'est l'idée de Roger Sargent, le réalisateur. L'album était terminé quand il a commencé à bosser dessus. C'est vrai que l'album est très sombre. Mais ce film, c'est la vision de Roger. Il a eu carte blanche. Au final, ça a donné quelque chose d'encore plus acide et sombre que l'album.

Brett, sur votre premier album, tu chantais « Because You're Young ». Maintenant tu es passé à « When We Were Young ». Ca ne doit pas évident de vieillir au sein d'un groupe britpop, si ?

Brett

: Si je continuais à écrire ce que je ressentais à 25 ans, ce serait vraiment triste. Et c'est ça qui serait difficile. Ces deux morceaux se placent aux extrémités du spectre, c'est vrai. Ils évoquent tous les deux une jeunesse glorieuse, mais avec des points de vue différents.

Vous pensez jouer encore longtemps ?

Mat

: Tu ne peux pas raisonner comme ça. On continuera tant qu'on pense faire quelque chose de vital, d'intéressant. Quelque chose que personne d'autre ne fait mieux que nous. Continuer n'est pas une question de temps, c'est une question de qualité.

Publicité

Brett

: En terme de business pur, on est à côté de la plaque, on fait les choses à l'envers de ce qui fonctionne. Pourtant, on a fait une vraie découverte pendant la conception de l'album : plus on partait sur des choses difficiles et peu évidentes, plus les gens à qui on le faisait écouter aimaient ça. Réaliser que tu ne fais plus du tout partie du mainstream, c'est une vraie force. Tu ne te sens plus obligé d'écrire un single pour les radios. Sans renier nos origines pop, nous voilà rendu à une nouvelle étape, plus libres. Les majors ne nous obligent plus à écrire des chansons pop. A nos débuts, on essayait tout le temps de nous faire rentrer dans ce moule pop. Je me fous de ce qu'on fera après. Si c'est excitant, on le fera. Sinon, on arrêtera.

Mat

: On a fait cet album de A à Z. Un projet assez noir, avec de longs passages instrumentaux. C'était vraiment bizarre de le présenter à une grosse maison de disques et de les entendre dire « On adore ce truc ». Même si ce n'est pas un disque de pop, c'est un très bon album de Suede. En live aussi, ça fonctionne. Et Dieu sait que ce n'est pas facile de rester attentif devant 45 minutes de musique entièrement nouvelle.

Pas trop compliqué de jouer un nouvel album sur scène alors que les fans sont souvent bloqués sur les premiers disques d'un groupe ?

Mat

: Des fans extrêmes de ce genre là, ça existe c'est vrai. On est surtout connu pour

Coming Up

Publicité

. C'est celui que les gens préfèrent.

Brett

: Aussi différents soient nos albums, on fait ce qu'on a envie de faire. Peu importe ce que les gens pensent.

Mat

: Tu ne peux pas faire ce que tu faisais 20 ans avant. On a changé, on est différents. Un groupe, c'est comme une personne. Et un homme de 45 ans ne peut pas revenir en arrière. On ne va pas se fringuer et se comporter comme quand on en avait 22. Ce serait vraiment tragique.

Brett

: J'étais super conscient de ça en écrivant

Night Thoughts

. C'est un disque de Suede, mais d'un autre Suede. Nous sommes d'autres personnes, nos visages ne sont plus les mêmes, nos vies ont changé. Ce qui compte maintenant, c'est le challenge. Sortir un bon album. Pas si facile.

Que penses-tu du jeune Brett ? Il semblait arrogant et sûr de lui aux débuts du groupe.

Brett

: Ce que j'en pense ? C'était un jeune homme. J'ai du respect pour le travail qu'on a fourni quand on était jeunes. Mais je ne vais pas uniquement parler de moi ici, on n'est pas chez le psy.

Mat

: On fait tous des erreurs. Mais on doit les faire. C'est ce qui nous construit. Tu apprends et tu grandis en faisant des conneries. Montre-moi quelqu'un qui n'en a jamais fait et je te dirai qu'il n'a pas vraiment vécu.

A l'époque, vous étiez très influencé par Bowie. Tu as écouté son single,

Blackstar

?

Je ne veux plus parler de lui. Le temps est passé.

Pour accompagner cet album, vous sortez un clip/film de 45 minutes. Pourquoi ?

Publicité

Brett

: Parce que les gens ne regardent plus les clips

[Rires].

Mat

: On ne raisonne plus en terme de business. La presse, les maisons de disques, tous ont une logique qui n'est pas la nôtre. Et on a raison. Les autres se plantent. Les gens ont encore du temps et de l'intérêt pour des formats plus longs, plus exigeants. Regarde tous les coffrets, les boxsets, les éditions deluxe qui existent… On a tous besoin de se poser un peu pour digérer tout ça, non ? Vice est un bon exemple, vous sortez beaucoup de conneries mais aussi des formats beaucoup plus longs, plus fouillés, plus obscurs, et qui marchent aussi bien.

Le rock et la pop ont encore de beaux jours devant eux, alors ?

Brett

: Je ne crois pas que tout ait été fait en la matière. Sans vouloir tomber dans l'originalité pour l'originalité, je pense qu'il y a encore de la place pour l'innovation. La musique vit encore. Et c'est hyper excitant d'en faire, d'en fabriquer. Probablement plus que d'en écouter. Si tu écoutes du rock de manière distraite, t'as l'impression que rien n'a changé. Mais certains, à un moment donné, ont apporté un ou deux petits éléments en plus. Quelque chose de rafraîchissant qui fait que ça évolue encore.