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Music

Les réponses aux 10 questions que vous vous posez sur « Straight Outta Compton »

On a été voir le film sur N.W.A., qui sort dans un peu moins d'un mois en France, histoire de vérifier si c'était bien la mandale attendue.

S'il y a un truc que je déteste encore plus que les biopics, ce sont les biopics musicaux. Le biopic est, par essence, un genre merdique, mais il faut reconnaître que ça marche à peu près dans un cas sur dix - Man On The Moon, le truc sur Françoise Sagan, celui sur Mesrine, ou même celui sur Jean-Michel Basquiat, pour peu qu'on mette de côté les poses arty et le casting m'as-tu-vu. Mais les biopics musicaux, désolé - ça ne marche jamais. Tout sonne toujours faux, creux, forcé, à côté de la plaque. Honnêtement, à part le sublime Control d'Anton Corbjin (et pourtant je n'aime pas Joy Division), c'est disaster-land à tous les niveaux, de Sid & Nancy à The Doors, en passant par Great Balls Of Fire, Backbeat, The Runaways ou cette intense bouse sur le CBGB heureusement jamais sortie en France. Même Bill Pohlad a réussi à se foirer il y a quelques mois avec Love & Mercy, son film sur Brian Wilson - c'est d'autant plus con que les scènes d'enregistrement en studio font partie des trucs les plus dingues, les plus malins et les plus justes que j'ai pu voir au cinéma rayon musique. Mais vous savez ce qu'il y a d'encore pire que les biopics musicaux ? Les biopics musicaux consacrés à des artistes rap. Notorious, 8 Mile, Get Rich Or Die Tryin' - sans même parler des cas totalement autres comme Kopp : inutile de vous sortir les plans de chantier, votre coeur a saigné autant que le mien. Alors forcément quand Ice Cube et Dr Dre annoncent en début d'année la sortie d'un film consacré à N.W.A, c'est l'angoisse. Parce que là, on n'a plus seulement affaire à un biopic musical consacré à un artiste rap mais à un biopic musical consacré à un artiste rap que vous avez écouté en masse quand vous aviez 15 ans et dont vous suiviez minutieusement les aventures par presse interposée - donc, un truc qui vous tient particulièrement à coeur et que vous n'avez pas envie de voir piétiné par une bande d'executives boostés à la lidocaïne. Alors ok, Cube et Dre sont impliqués, ok c'est F. Gary Gray qui réalise (on parle quand même du mec qui a fait Friday et le clip de « It Was A Good Day », bref, pas un génie mais un type qui connaît le sujet) et ok, le trailer diffusé en février dernier nous a donné envie de péter des tables, mais on n'allait pas crier victoire pour autant. On a donc été vérifier sur pièces, après quoi on a laissé reposer le dossier une petite semaine (vous savez, ce truc que plus personne ne fait dans la presse, trop pressé de donner son putain d'avis avant tout le monde) et on a répondu calmement, posément aux 10 questions que vous vous posez tous sur Straight Outta Compton, à quelques semaines de son arrivée sur les écrans français.

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01. SÉRIEUX, 2H30, C'EST PAS UN PEU LONG ?

Non. Honnêtement, j'ai reçu des clips de 4 minutes au bureau qui étaient bien plus longs que

Straight Outta Compton

. Et pourtant, la projection avait lieu à 13h, je n'avais pas encore déjeuné et je crevais de soif. On peut reprocher pas mal de choses au film, mais sûrement pas sa longueur ni son rythme. Ça cogne, ça dérape, ça hurle, ça crisse et ça trace tranquillement une voie express au milieu de mille méga-tonnes de folie et de la brutalité, sans jamais faire retomber la tension ni laisser le temps à l'ennui de s'installer. Le fait que F. Gary Gray ait aligné une paire d'

actioners

honnêtes au cours des dernières années - parmi lesquels le remake de

The Italian Job

ou le vigilante new-school

Que Justice Soit Faite

- n'y est évidemment pas étranger, mais je me demande si le

Hip-Hop Family Tree d'Ed Piskor

n'a pas, lui aussi joué un rôle là-dedans. Comme Piskor, Gray introduit ses personnages comme on rentre dans une baston : sans perdre de temps, avec une ligne de dialogue et deux ou trois symboles forts - les transformant instantanément en véritables héros de comics aux pouvoirs surnaturels plongés dans des situations

larger than life

. Si quelqu'un peut lui poser la question à l'occase, je lui serais reconnaissant.

02. LES ACTEURS, J'EN CONNAIS PAS LA MOITIÉ D'UN, ILS VALENT QUOI CES MECS ? On garde ses bottines au frais : les mecs défoncent. En fait ils défoncent tellement qu'on oublie souvent qu'on est en train de regarder un film et pas une putain de bande-dessinée en 3D (d'où la remarque concernant Piskor plus haut), les grands gagnants du lot étant, et de très loin, O'Shea Jackson Jr. (au-delà de l'impensable dans le rôle d'Ice Cube - ok, c'est son fils, mais ça n'explique pas tout), Jason Mitchell (qui incarne Eazy-E à la courbe de sourcil près) et R. Marcos Taylor (plus Suge Knight que Suge Knight). Corey Hawkins s'en sort plus qu'honnêtement dans le rôle de Dre, malgré une palanquée de scènes à la lourdeur outrageante (on reviendra là-dessus plus tard), Yella (Neil Brown Jr.), bah c'est Yella (en même temps, essayez de fermer les yeux, là tout de suite, et de visualiser DJ Yella quelque part entre 88 et 91 - bah ouais, vous n'y arrivez pas, c'est normal : personne ne se souvient de Yella) et Jerry Heller est parfaitement campé par un Paul Giamatti tout en regards biaiseux et veulerie fielleuse, bien loin de l'Eugene Landy façon « mogul machiavélique tout droit sorti d'un James Bond » qu'il incarnait dans Love & Mercy. Reste Aldis Hodge, qui joue comme une patate dans le rôle de MC Ren, mais bon, ça se fond sans trop de soucis dans le bordel ambiant, rassurez-vous.

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03. BON, OK, C'EST BIEN GENTIL MAIS ILS ONT DÛ ÉDULCORER LE TRUC À FOND ET ZAPPER UNE TONNE DE TRUCS, NON ?

C'est là que ça se corse. Instinctivement, je dirais que non, parce que, de la carrière solo de Cube au passage de Dre chez Death Row, tout est abordé dans les grandes lignes. J'ai par exemple été agréablement surpris par la place accordée à D.O.C. dans le film (pour être honnête, j'ai toujours préféré D.O.C à N.W.A. et je réécoute plus volontiers No One Can Do It Better que Straight Outta Compton, mais bon, chacun sa croix, pas vrai ?). Idem, Snoop fait quelques apparitions, tout comme Tupac, et même Bone Thugs-N-Harmony ont droit à quelques scènes. Niveau reconstitution, à part 2-3 paires de Nike pas complètement raccord, on frise vraiment la perfection. Après, il y a effectivement quelques ellipses plutôt motocross (Niggaz4Life est totalement éclipsé, 100 Miles And Runnin' n'est évoqué rapidement qu'au détour d'une courte scène où MC Ren rappe en studio). Il y a aussi quelques oublis assez gênants comme Arabian Prince (membre d'origine du groupe), JJ Fad (signées par Eazy-E sur Ruthless au moment de la sortie de Straight Outta Compton) ou Michel'le (girlfriend de Dre, dont le premier album est également sorti sur Ruthless, en 89). Aucune mention non plus - mais là, c'était plus prévisible- de Tairrie B (signée elle aussi sur Ruthless à la fin 80 et avec qui Cube échangera quelques marrons aux Grammys en 1990), ni des nombreux dérapages de Dre avec ses compagnes.

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04. ET J'IMAGINE QU'IL Y A UNE SCÈNE ONIRIQUE À LA CON COMME DANS TOUS LES BIOPICS ? Non, et c'est une bonne surprise. Contrairment à Velvet Goldmine, The Doors ou 24 Hour Party People, pas de scènes de vision prémonitoire, d'hommage posthume ou de dialogue avec les morts dans Straight Outta Compton : les Countach 550QV foncent dans la nuit sans égard pour les conneries.

05. OK, ILS ONT FAIT DES SCÈNES FAÇON CLIP ALORS ? Non. Il y a bien quelques plans sur-esthétisants comme ces gamins qui font de la moto dans Compton au début du film ou la présentation lourdingue de Dre, trippant sur la musique au ralenti, couché sur un tapis de pochettes de disques (toutes parfaitement neuves, vous remarquerez), mais à part ça, l'écueil a été très largement évité. On serait plutôt, comme précisé plus haut dans la bande-dessinée, voire le documentaire - notamment sur les scènes live, toutes, sans exception, absolument bluffantes.

06. BON, C'EST QUOI LA MEILLEURE SCÈNE DU FILM, DU COUP ? Haut la main, le moment où le clan NWA écoute « No Vaseline » dans le salon de Jerry Heller - ça ne vaut pas la scène de la visite chez le dealer dans Boogie Nights mais ça se hisse tranquillement au niveau de celle de la présentation des cartes de visite dans American Psycho. Voir cette scène m'a rappelé le kiff gigantesque qu'avait été Death Certificate à sa sortie et la puissance outrancière -et définitivement intemporelle- de ce morceau.

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07. Y'A QUAND MÊME UN TRUC OU DEUX QUI ONT DÛ TE SAOULER, NON ? Oui - même trois ou quatre, à vrai dire. Déjà, la « jurisprudence Point Break » (gens qui vident leur chargeur vers le ciel en hurlant - également valable si la personne est à genoux hurlant et pleurant la mort d'un proche ou d'un idéal à jamais disparu) est invoquée à deux reprises (lorsque Dre apprend la mort de Tyree et que les médecins révèlent à Eazy qu'il est séro-positif). C'est d'autant plus pénible que, dans la scène où Eazy a les larmes aux yeux en voyant les billboards pour The Chronic sur Sunset Strip, c'est d'une justesse et d'une retenue assez bien vues. Globalement, les scènes d'arrestation et de confrontation avec la police sont assez lourdingues - mais vu le parallèle (involontaire mais bien réel) avec l'actualité, ce n'est peut-être pas un mal. Évidemment, tout est surligné au Stabilo - quand Cube se pointe avec un hamburger dans la main et s'embrouille avec Eazy qui est en train de manger du homard, le symbole est évident mais sera malgré tout repris et explicité dans la scène suivante histoire que tout le monde ait bien compris. Et comme précisé plus haut, quelques éléments venant tempérer le côté un poil trop Avengers de la chose n'auraient pas été de trop. Ah, et je ne sais pas qui a casté le type qui joue le rôle de Chuck D mais 1/ le mec n'apparaît qu'une seconde et 2/ il ressemble autant au leader de Public Enemy que mon cul à une imprimante.

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08. ET LA TRAD ? C'EST PAS TROP LA PITIÉ, LA TRAD ?

Franchement, les mecs ont fait de leur mieux. Sorti de quelques trucs un peu tendus (« homies » traduit par « poteaux », « suckers » par « boloss »), c'est honnête. Je serais curieux de voir la VF, ceci dit. En mode worst case scenario, on pourrait se ramasser Samuel Le Bihan pour Dr Dre, Jamel Debbouze pour Eazy-E, Clovis Cornillac pour Ice Cube, Omar Sy pour MC Ren, Lorant Deutsch pour DJ Yella, Kad Merad pour Jerry Heller et Gérard Depardieu pour Suge Knight - dans quel cas, ça pourrait mériter le déplacement.

09. T'EN AS RETENU QUOI FINALEMENT ?

Un excellent divertissement - pas franchement uplifting ni très profond, mais suffisamment marquant. Rayon biopic, une réussite, franchement. Pas mal de très bons souvenirs qui remontent. Un morceau d'Histoire pas forcément exhaustif mais fidèle a la réalité (tout du moins à celle qu'on percevait depuis la France, avec la presse et MTV). Et une leçon : « Dans la vie, si t'as le choix, vaut mieux être Ice Cube. »

10. TU PENSES QU'ILS VONT CONTINUER À EXPLOITER LE FILON ?

Vu le bruit autour du film et le succès qu'il devrait se tailler un peu partout dans le monde, ils auraient tort de s'en priver. Reste à savoir dans quoi ils pourront taper. Un suite centrée sur la carrière de Dre ? Aucun intérêt et ça finirait en pub géante pour Beats. BDP et Krs-One ? Pas assez vendeur. Public Enemy ? Beaucoup trop problématique - déjà là, on sent qu'ils ont géré le « cuz you let a Jew break up my crew » de « No Vaseline » avec des pincettes, alors je ne vois pas trop comment ils pourraient se sortir de la débâcle Professor Griff. Ice-T ? Pas mal, d'autant plus que c'est le grand absent de la partie sur les émeutes de 92 avec Body Count et « Copkiller » - ce qu'on peut aisément comprendre, l'histoire méritant un film à elle toute seule. Non, sérieusement, le seul biopic qui pourrait vraiment rivaliser avec Straight Outta Compton niveau action, excès, punchlines et mandales, c'est celui sur les Balkany. Straight Outta Levallois - le voilà le putain de biopic que la Terre veut voir. Straight Outta Compton sera sur les écrans français le 16 septembre. Lelo Jimmy Batista est prêt à mettre des ronds sur Straight Outta Levallois. Il est sur Twitter - @lelojbatista