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Music

Comment j'ai foiré mes auditions pour My Bloody Valentine et Velvet Revolver

Steve Ludwin aurait pu devenir le chanteur des sultans du shoegaze et du supergroupe formé par les ex-Guns N'Roses. Mais le destin en a décidé autrement.

Vous vous souvenez de ce docu VICE sur un type prénommé Steve, qui s'injectait du venin de serpent pour s'immuniser contre tout un tas de saloperies ? Eh bien figurez-vous que ce type s'est avéré être une des personnes les plus intéressantes qu'on ait rencontré. Il a notamment des tas d'anecdotes sur des gens tels que Kurt Cobain, Slash, Kevin Shields ou Shane Macgowan, liées à son passé dans l'industrie musicale. Il y a quelques mois, il nous a raconté comment il avait ruiné sa carrière de musicien en chiant -littéralement- sur le NME et comment Kurt Cobain en est venu à envoyer des menaces de mort à sa copine. Cette fois-ci, il nous raconte comment il s'est retrouvé à auditionner pour My Bloody Valentine et Velvet Revolver. Durant les années 80, j'ai eu le malheur, un jour, en empruntant un chemin poussiéreux, de tomber nez à nez avec un palmier sur lequel avaient été cloués une dizaine de doigts humains. J'ai vu énormément de trucs dégueulasses durant les années que j'ai passé au Costa Rica, au Nicaragua et au Guatemala dans le cadre d'un programme d'échange scolaire entre 1984 et 1986 - soit pile pendant la période sandiniste. Mais cette vision là, des doigts sur le palmier, m'a totalement bouleversé. À mon retour aux États-Unis, j'étais tellement dégoûté et révolté par la politique de mon pays et par les mensonges que j'entendais à longueur de journée sur ce qu'il se passait là-bas, que j'ai décidé d'abandonner mes études et de me barrer en Angleterre, avec pour objectif de me consacrer exclusivement à la musique.

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Je suis arrivé à Londres fin 87 et j'ai immédiatement acheté le Melody Maker de la semaine pour éplucher les petites annonces. Je me suis très vite arrêté sur l'une d'entre elles. Le groupe qui s'appelait My Bloody Valentine, ils étaient entrés dans les charts indépendants anglais grâce un morceau intitulé « Sunny Sundae Smile » et ils cherchaient un chanteur. Et tout ce que je savais, c'est que je n'avais jamais entendu parler d'eux.

Rien que le trajet jusqu'à leur local de répèt' était une putain d'aventure. Pour y accéder, il fallait passer par une boutique près du métro Euston qui s'appelait Transformation et qui était spécialisée dans les vêtements et accessoires pour travestis et transsexuels. Je l'ai pris comme un bon présage, parce que j'adorais me travestir quand j'étais gamin - ah, ces journées à me masturber sur des photos de Brooke Shields dans les culottes de ma soeur… Mais ce n'était rien comparé à ce qui allait suivre. Après avoir traversé des rayons remplis de prothèses mammaires et de vagins en latex, je me suis retrouvé à l'entrée un sous-sol caverneux. À peine j'ai ouvert la porte - avec ma coupe de cheveux à la Duran Duran et ma casquette à l'envers - j'ai compris que je n'étais pas DU TOUT à ma place. Les membres de My Bloody Valentine (en l'occurrence Kevin Shields, Debbie Googe et Colm Ó Cíosóig) se tenaient devant moi, en jeans moulants noirs, chemises noires et coupes au bol 60's plus noires que noires. J'étais comme un pingouin dans la cage aux lions.

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Le groupe m'a demandé ce que j'écoutais comme disques en ce moment et j'ai répondu Licensed To Ill des Beastie Boys et Electric de The Cult. Kevin Smith a roulé les yeux de la manière la plus condescendante qui soit et m'a balancé un micro. Ils ont ensuite commencé à jouer un genre de garage-psyché criard et assourdissant qui m'a littéralement vrillé les tympans. Tout ce dont je me souviens, c'est de m'être mis à hurler des slogans apocalyptiques de fin du monde et d'attaque nucléaire, à la manière de Ian Astbury ou de MCA, peut-être un peu des deux.

Une semaine plus tard, j'ai reçu un coup de fil de Debbie, la bassiste, qui m'annonçait très poliment que ma candidature n'avait pas été retenue. Ce n'est que quelques années plus tard, en 1991, quand My Bloody Valentine a sorti Loveless, que j'ai réalisé à quel point j'aurais ruiné ce groupe s'ils m'avaient engagé à la place de Bilinda Butcher. Mon rap du Connecticut et mon look à la Nick Rhodes les aurait mené tout droit au bac à soldes.

Au milieu des années 90, j'ai, par une étrange coïncidence, emménagé juste à côté de chez Kevin Shields et Bilinda à Islington. À ce stade, My Bloody Valentine était devenu une véritable référence et je considérais Kevin Smith comme un Dieu. Il s'est montré extrêmement gentil avec moi, même s'il était relativement timide. Il m'a montré les chinchillas qu'il élevait avec Bilinda et je lui ai dit que j'avais deux serpents à sonnette chez moi, ce qui l'a un peu inquiété, car il était persuadé qu'un jour, ils finiraient par s'échapper et venir boulotter ses chinchillas. Il m'a également demandé un jour si mon appartement était hanté parce qu'ils entendaient parfois des cris perçants à travers les murs et que ça les faisait complètement flipper. J'ai répondu en déconnant que ça devait être à cause des esprits que j'invoquais avec mon ouija board et il m'a juste regardé, comme ça, sans rien dire. Des années plus tard, j'ai recroisé Kevin et Debbie backstage à un concert du groupe Ash. Il m'a dit qu'il fallait absolument que j'aille à Amsterdam tester cette nouvelle drogue géniale qui s'appelait salvia divinorum. « Ça va t'exploser la tête », qu'il m'a dit. Alors j'y suis allé. Et effectivement, ça m'a explosé la tête.

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J'ai passé des tonnes d'auditions durant ma carrière, mais, outre celle pour My Bloody Valentine, je m'en suis fadé une autre assez bizarre en 2003. Un soir, alors que je vivais à Highbury, je reçois un coup de fil : « Salut. Je suis bien chez Steve Ludwin ? C'est Slash. Je suis en Angleterre avec Duff McKagan ». J'ai immédiatement cru à une plaisanterie et j'étais sur le point de raccrocher ou de l'envoyer se faire foutre, mais il a continué en disant qu'il avait écouté l'album Demonic Advisory Centre de mon groupe Little Hell et qu'il aimait ma voix et mes compositions. Il m'a demandé si ça m'intéressait d'auditionner pour un nouveau groupe qu'ils formaient tous les deux avec Duff (et qui ne s'appelait alors pas encore Velvet Revolver). Slash est un Dieu vivant et il adore les serpents, alors forcément, j'ai dit oui. Il m'a envoyé quatre démos de morceaux punk rock bien cagneux et je lui les ai renvoyées après y avoir ajouté des paroles bien pétées et quelques petites mélodies sataniques.

Quelques semaines plus tard, alors que j'étais en tournée avec Amen, dont mon groupe assurait la première partie, Slash m'a rappelé et m'a demandé de prendre l'avion pour L.A. afin de pouvoir répéter avec tout le groupe pendant une semaine. Il m'a prévenu que certaines répétitions seraient probablement filmées parce que VH1 tournait un documentaire sur ce nouveau groupe. J'ai commencé à me dire que ça ne sentait pas bon du tout - ça me donnait l'impression de participer à un putain de show de télé-réalité - mais j'y suis allé quand même. Après 12 heures de vol, j'ai pris un taxi qui m'a directement emmené dans l'énorme hangar où répétaient Slash, Duff, Matt Sorum et Dave Kushner. L'équipe de VH1 était déjà là et ils filmaient absolument tout ce qu'ils pouvaient, sans jamais s'arrêter. C'était bizarre et terriblement agaçant.

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J'avais ramené un cadeau à Slash, un maillot de l'équipe de foot d'Irak que j'avais acheté à Londres. On était à deux semaines de la Seconde Guerre du Golfe et j'ai pensé qu'il trouverait ça drôle. Mais en fait, il l'a juste montré aux caméras et a dit, dans un grand silence : « Hmmm… Merci. » Tout le monde était pétrifié. Et puis le batteur a commencé à dire que les USA allaient botter le cul des Irakiens et qu'après ça serait le tour des Français, pour avoir refusé de s'allier à eux. Putain, dans quel merdier est-ce que je l'étais mis ?

Au bout d'un moment, j'ai commencé à pas mal échanger avec Slash sur notre amour commun pour les serpents et les reptiles, et il avait l'air carrément intéressé par mes injections de venin (oui, je m'injecte du venin) et a même dit en déconnant qu'il aimerait bien essayer. La glace était brisée et à partir de là, à chaque fois qu'il balançait un nouveau riff de guitare, je prenais le micro et j'improvisais immédiatement une ligne de chant. J'ai demandé à l'équipe de tournage de ne pas filmer ces parties là et ils m'ont répondu à chaque fois qu'il n'y avait rien à craindre, qu'ils installaient juste leur matériel. Mais bien sûr, ils filmaient et ils ont utilisé toutes ces images dans The Rise of Velvet Revolver, le documentaire qui est sorti quelques mois plus tard sur VH1. Bienvenue à Los Angeles !

Durant la semaine que j'ai passée avec eux, on a principalement répété la poignée de morceaux sur laquelle j'avais déjà un peu bossé et, malgré ce qu'il s'est passé par la suite, je dois dire que je me suis éclaté. Une des chansons s'appelait « Lucifer's Baby ». Elle était tellement puissante que je pétais régulièrement un plomb en la jouant. À tel point qu'une fois, j'ai marché sur une des pédales de Slash, lui coupant la chique en plein solo. Il m'a regardé très calmement et m'a demandé de ne plus jamais faire ça.

Trois semaines plus tard, on m'annonçait que je n'étais pas retenu. Ça l'a un peu surpris, mais ce qui m'a encore plus surpris, c'est qu'ils ont finalement opté pour un type connu pour son image « grunge bidon », son addiction aux drogues dures et sa propension à rater les répètes. Je sais pas, j'aurais pensé que Slash aurait retenu la leçon avec Axl, non ? Mais comme je l'ai dit plus haut, la semaine que j'ai passée avec ces types était géniale et Slash m'a même mentionné dans son autobiographie sortie en 2007, alors bon.

Je fais parfois ce rêve où je monte un groupe complètement hallucinant avec Slash et Kevin Shields, un mélange entre le mur du son de My Bloody Valentine et les riffs de Guns N' Roses. Un genre de hair metal shoegaze. Et puis je me souviens que j'ai foiré les deux auditions et je me réveille en rigolant.

Steve Ludwin est sur Twitter - @SteveLudwin