FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Au Rockerill, tout le monde s'en tape de savoir où est le nouveau Berlin

Les rockers de Charleroi ont fait de leur ancienne usine le nouveau temple de la fête belge.
Rockerill

Mika et Globul, les deux cerveaux derrière le Rockerill.

Le week-end du 26 avril, tout ce que la Belgique et la France compte de garageux va migrer vers Charleroi, ou plus précisément, vers une friche industrielle toute proche, à Marchienne-au-Pont. Une parenthèse loin des caves humides et des rades blindés aux heures de fermeture indécentes et aux limitations de BPM tâtillonnes, car le point de ralliement sera le

Publicité

Rockerill

, une ancienne fonderie toute en briques et en acier reconvertie en lieu d’expos et de concerts. Un cadre qui en impose, dans l'agglomération d'une ville qui s'est pris la crise économique en pleine gueule et a vu ses bars fermer les uns après les autres. Charleroi a même hérité du titre de « Ville la plus laide du monde ». Rien à foutre de savoir quel est le prochain Berlin, une chose est sûre, cette bande de Carolos (les habitants de Chareloi quoi) a fait de ces anciennes usines en plein Pays Noir un lieu de fête comme il n'en n'existe plus beaucoup sur le Vieux Continent. Et tout ça sans l'aide de personne. Mika Hell, son fondateur, un mec du terril comme on dit là-bas, a répondu à nos questions.

Noisey : Tu peux me raconter les débuts de l'aventure Rockerill ?

Mika Hell :

L’histoire commence avec un collectif d'artistes « les Têtes de l'Art » crée en 2001. Après des dizaines d'expos dans des lieux insolites, on a commencé à squatter l'usine de la Providence à Marchienne, on y a organisé pas mal de raves en 2005… On l'a acheté en 2006 et un an plus tard on fondait l'ASBL (association sans but lucratif) Rockerill, pour gérer les expos, les concerts, et la réhabilitation du lieu. On a retapé progressivement l'usine tous les dimanches grâce aux copains, et ça se terminait généralement par des barbecues dans les forges avec de la musique.

Comment a été perçue cette rénovation par les habitants ? Et plus particulièrement auprès de ceux qui ont bossé là-bas à l’époque ?

Publicité

Le Rockerill c’est un coin de paradis pour les Carolos, qu’ils soient clubbers, rockers, artistes, ou touristes. Mais pour les anciens le contraste est assez dur… Pour certains qui y ont trimé et sué, ils trouvent ça scandaleux qu'on puisse y boire et danser. Pour les autres, c'est super d'avoir sauvegardé un patrimoine aussi important : c’est tout le passé industriel de Charleroi qui est né ici en 1832.

Comment est organisé le Rockerill aujourd'hui ?

On est 4-5 à faire tourner l'usine avec une poignée de bénévoles et juste deux mi-temps subventionnés… l'idéal serait 5-6 emplois à temps plein.

Les autorités ont été un peu longues à la détente mais vous avez fini par recevoir des subventions, non ?

En termes de subsides on a quasiment rien, comparé à d’autres institutions, mais on ne s’en plaint pas. Je pense qu’on était perçus comme des gentils punks mal organisés. Les choses ont commencé à changer en 2010 lorsqu’

un film sur nous

est passé sur ARTE et la RTBF. On a reçu la visite des autorités qui se sont dit « ben merde alors, ils bossent bien ces punks! » Et comme on a attiré quelques gros noms d’artistes étrangers, le bouche à oreille a commencé à fonctionner.

Ouais, Kevin Saunderson, Laurent Garnier, ça brasse beaucoup de monde. C’est l’idée du Rockerill maintenant de se rapprocher du mainstream ?

On n’a pas de plan de bataille, on programme de l'electro, du jazz, du punk, du blues, des expos… Laurent Garnier, c'était l'envie de faire venir une grosse pointure. Sinon on s'en fout que ce soit alternatif ou pas, c'est au feeling et à l'envie. Si demain j'ai envie de faire venir un groupe japonais inconnu ou des copains italiens en tournée, je le ferai.

Publicité

Réhabiliter Charleroi en tant que destination de fête comme ça a pu être dans les années 80, ça te tient à cœur ou t’en fous ?

Je me fous du passé, aujourd'hui il se passe déjà plein de choses à Charleroi, l'ambiance y est un peu moins morose et le Carolo sait accueillir et faire la fête. Le reste fera partie des archives et des souvenirs. On parlera peut-être un jour du Rockerill comme on parle du Plan K, de la Factory ou du CBGB mais bon, on n’en est pas encore là… l'aventure ne fait que commencer !

Rockerill est aussi un label. Dis m’en plus.

Rockerill Records est né de l'envie de se diversifier, d'aider certains groupes de potes. Aujourd'hui, nous coproduisons des vinyls avec le même état d'esprit : des coups de coeur, des paris, des amis, des collaborations. On va enfin pouvoir produire quelques uns de nos projets qui dorment depuis des années au fond de la cave.

Le Rockerill Festival a un sacré line-up cette année. Comment s’est passée l’organisation de la prog ?

On a toujours été attentif à la scène rock-punk-garage, et on a suivi l'évolution de la nouvelle scène en Belgique et en France. La collaboration avec Teenage Menopause Records est due à notre amitié avec Elzo, et les groupes communs que l'on soutenait comme Le Prince Harry et ¡Duflan Duflan!. Quant au festival, on en organisait un chaque année déjà. Tous les 2 ans c'est le Flesh Factory : très pointu, avec des performances, de la noise, des installations… bref des trucs barrés pour un public ciblé et averti. On a aussi envie d'en organiser un autre, un an sur deux, qui soit plus rock et zlectro, et donc plus ouvert, sans verser dans la pop. Des groupes Rockerill et Teenage Menopause, pour finir avec de la techno acide : ça va être une sacrée teuf.

Publicité

Comment tu vois l’avenir du Rockerill ?

Les projets ? On en a plein, pas seulement au niveau musical ! Si on en avait vraiment les moyens on développerait d'avantage l'aspect expos, ateliers de sérigraphie, vidéo, la restauration d'objets, idem pour le label avec un véritable studio d'enregistrement… Alors là camarade, on ferait du Rockerill un véritable temple industriel de la culture alternative ! Sans perdre notre côté DIY, notre simplicité et notre convivialité. Faut surtout pas oublier qu'on est de vrais Carolos, nés à Charleroi, on y sort depuis plus de 30 ans, on est fils de métallurgistes, verriers, on a grandi sur les terrils de charbon. On a dansé sur les tables à la Ville-Haute comme à la Ville-Basse, on a vu notre ville sombrer, et on va la redresser. Sans se forcer. C'est même pas un défi pour nous, c'est juste notre vie qui continue ici. On a les couilles, les tripes et les bras. Le reste…

me ne frego

!

Le festival Rockerill 2014 avec The Horrorist, Jessica 93, J.C. Satàn, T.I.T.S., et un tas d'autres groupes mortels, aura lieu samedi 26 avril et on vous fait gagner des places ici.

Diane Lebel elle aussi a les couilles, les tripes et les bras. Elle est sur Twitter - @dianelebel