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Music

Rob nous parle de la bande originale de « Made In France »

On en a profité pour revenir sur son parcours, de Renaud à Alizée en passant par Phoenix et la B.O. de « Maniac ».

Vous l'avez entendu sans l'écouter, dans un film d'Alexandre Aja (Horns) ou de Rebecca Zlotowski (Belle Epine, Grand Central). Depuis plusieurs années, Robin Coudert alias Rob assène les réalisateurs avec qui il collabore à grands coups de synthés olympiens, qu'il s'agisse du remake de Maniac (réalisé par Franck Khalfoun en 2012) ou le récent et controversé Made In France de Nicolas Boukrhief, qui nous a donné envie de le contacter et dont on vous présente 3 extraits plus bas. Avant ça, ce natif de Caen et plus tard résident de la banlieue ouest de Paris, passe par plusieurs phases : dingo de B.O., fanatique de Renaud, membre d'un groupe heavy metal (Insane !), puis de P-funk, avant de se lancer dans la musique instrumentale et ce qu'on pourrait qualifier de prog-pop en solo. Au début des années 2000, il collabore coup sur coup avec Sébastien Tellier et ses voisins versaillais, Phoenix. Dix ans plus tard, c'est encore lui qu'on retrouve sur l'album clivant d'Alizée, Une enfant du siècle. On est revenu avec lui sur toutes ces étapes de son parcours et plus longuement sur le film pré-attentats de Nicolas Boukhrief, qu'on ne peut que vous inciter à voir.

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Noisey : Musicalement, qu’est ce qui te passionnait durant l’adolescence ?
Rob : Mon adolescence a été bercée par le cinéma et ses musiques : le Morricone de Mission, Komeda dans Le Bal des vampires, les voix bulgares de Jésus de Montréal, ou même Michael Nyman dans Meurtre dans un jardin anglais. J'ai toujours adoré les bandes originales. Celles des dessins animés aussi, qui m'ont, eux, bercé au sens littéral du terme. Enfant, j'étais aussi un très grand fan de Renaud, c'est même le seul artiste dont j'ai été fan au sens « fanatique ».

Oh ?
Enfant, le père de mon meilleur ami était tourneur. Il avait notamment Johnny, France Gall et Renaud… C'est comme ça que très tôt, j'ai pas mal fréquenté le Zénith, j'y passais des journées entières, un AAA scotché sur l'épaule. Sans doute le début d'une vocation ; et de gros chocs émotionnels : la foule, le son, les balances, le trac des artistes, et la coolitude de Renaud en 86, période chetron sauvage. Ce sont des souvenirs très profonds.

Tu peux me parler du film Radiostars (sur lequel t'as bossé) et de la présence du morceau « Ma Quale Idea » de Pino d’Angio dans la B.O., c’était une idée de qui ?! Tu as grandi avec la radio aussi ?
Je n'ai jamais écouté la radio de ma vie, je veux dire jamais régulièrement…

Merde, comment tu découvrais la musique dans les années 80/90 alors ? Tu sortais ?
J'ai la chance d'avoir eu un grand-frère extrêmement mélomane et collectionneur de disques. J'ai fait mon éducation musicale au gré de ses découvertes, de Christian Death à Mahavishnu Orchestra en passant par Funkadelic et François de Roubaix… En revanche, en tant que banlieusard, je sortais peu. Un peu plus ensuite quand je suis devenu Parisien, mais je n'ai jamais été un clubber, je suis complètement passé à coté de la house par exemple.

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La « French Touch », ça évoque quoi pour toi du coup ?
C’est une période durant laquelle les médias se sont intéressés à la production française à l'échelle internationale. C'est grâce à ce marché florissant que des artistes comme Sébastien Tellier, Phoenix ou moi avons été signés, dans le sillage de Air et des Daft Punk. C'était une très bonne période pour avoir 20 ans.

Comment tu en viens à bosser avec Phoenix justement ?
Nous nous sommes rencontrés via des amies communes en banlieue ouest. Je viens de L'Étang-la-Ville, une sous-banlieue de Versailles, plus forestière, mais tout aussi bourgeoise. Nous étions voisins en quelque sorte. Ils sont restés depuis parmi mes meilleurs amis. Je ne compte plus les magnifiques souvenirs engrangés en dix ans de tournée et vingt d'amitié ! Courir le monde avec ses meilleurs amis reste une chance que je saisirai toujours.

Tu as un souvenir en particulier ?
Le concert que nous avons donné au Madison Square Garden de New York, avec les Daft en guest, une projection d'un planétarium géant, en rejouant le thème de Rencontres du troisième type, c’était fou.

Phoenix est un des rares exemples de groupes français qui ont eu plus de succès aux USA qu'ici, comment tu expliques ça ?
Je ne me risquerais pas à une explication, peut être que Phoenix, c'est bien ? Tout simplement ?

Puis arrive le cinéma, comment tu tombes dedans ?
Ma femme, Maria Larrea, est réalisatrice. Elle a fait ses études à la Femis. C'est là que j'ai rencontré Rebecca Zlotowski, Teddy Lussi-Modeste, pour qui j'ai composé mes premières musiques de long métrage. J'avais aussi commencé par illustrer les premiers court-métrages de ma femme.

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Tu as toujours travaillé seul ou on t’a mis le pied à l’étrier ? Tu as ton propre studio j’imagine, comment ça se passe ?
J'ai toujours composé seul, mais je travaille depuis mes débuts avec l'ingénieur Jack Lahana qui fait le son de tout ce que j'ai produit depuis 2001. Nous possédons un studio ensemble, qui est exactement le studio dont je rêvais quand je regardais des vidéos YouTube de Vangelis ou de François de Roubaix, un laboratoire de recherche, coupé du monde, ancestral et hi-tech.

Tu n’as pas énormément bossé avec des réalisateur étrangers, c’est un choix ou tu n’as pas encore eu l’opportunité ? C’est important de collaborer avec des gens dont tu te sens culturellement proche ?
J'ai travaillé plusieurs fois aux Etats-Unis, et je travaille en ce moment sur une série pour la BBC. Je travaille aussi avec un réalisateur taïwanais, pour une production chinoise. Le décalage culturel est nettement plus sensible, mais encore plus intéressant. On navigue sur une mer de malentendus, mais on se retrouve quand même, enfin je crois ! Je suis très ouvert aux rencontres, et même, aux étrangers !

Haha, ok ! C’était quoi ton projet le plus intéressant aux USA ? Est-ce qu’ils fonctionnent différemment que dans le circuit du ciné français ?
Travailler sur Horns avec Alexandre Aja a été une expérience passionnante. Tout le trip des projections test, qui déterminent le final cut d'un film de studio, est assez ignoble, et en même temps, la vérité finit souvent par y triompher, c'est très intéressant à suivre. Mais il ne faut pas avoir de problèmes d'ego…

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As-tu déjà refusé des trucs qu’on t’a proposés ? Qu’est ce que tu ne ferais jamais ?
Il m'arrive de refuser des projets quand j'ai le sentiment d'être la mauvaise personne, quand je ne comprends pas bien l'esprit, ou que cela me demanderait de trop tordre mes choix esthétiques.

Un exemple ?
Je ne suis pas sûr d'être le compositeur idéal pour Les Bronzés 4 ou Les Nouvelles vacances du Petit Nicolas, malgré mon amour de la comédie (on ne me les a d'ailleurs pas proposés !)

Je vois. Tu visionnes toujours les films avant de commencer une B.O. ou tu te bases d’abord sur un script et des éléments généraux de l’histoire ?
Tous les projets démarrent différemment. Il m'arrive d'être là dès l'écriture du scénario, ou bien d'être appelé à la rescousse une fois le film terminé…

Tu as des films en tête qui ont été gâchés par leur B.O. ?
Je garde un très mauvais souvenir de la fin de Gravity, il y a une musique un peu « Roi Lion » qui vient tout foutre en l'air, non ?

En effet, c’est plutôt embarrassant. Il y a des films récents qui t’ont particulièrement plu au niveau de leur approche sonore ?
J'ai beaucoup apprécié Under the Skin, It Follows ou plus récemment Mad Love in New York avec la musique de Paul Grimstad et Ariel Pink.

Dans quel état d’esprit on aborde la B.O. d’un remake comme Maniac, quand le duo d’origine Lustig/Chattaway était un tel sans fautes ?
Je me suis tenu totalement à l'écart de l'original. Je ne l'ai pas revu ni réécouté. J'ai essayé d'aborder le film avec un regard vierge.

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Est-ce qu'on t’a taillé à sa sortie ? Tu as revu l'original depuis ?
Oui je l'ai revu, c'est un film incroyable. Je n'ai reçu que des compliments sur Maniac, je pense que les gens ont été sensibles à la tendresse que j'ai essayé d'insuffler au héros.

Quel a été ton boulot le plus compliqué jusqu’à présent ? Et celui dont tu es le plus satisfait ?
Travailler pour une comédie est toujours plus compliqué. Le rythme est plus difficile à trouver et ne souffre aucune approximation. En revanche, un slasher comme Maniac, à la fois puissant, violent et sentimental, m'a offert de merveilleux moments de création.

Quand t'es tu mis à bosser sur Made In France ?
J'ai commencé à travailler au moment du tournage, vers l'été 2014 je crois… Puis tout a été très vite, Nicolas et moi sommes tout de suite tombés d'accord sur la direction artistique. Au moment des attentats de Charlie Hebdo, la musique était déjà terminée.

Qu’est ce qui t’a poussé à travailler sur ce projet, sur cette histoire ?
La flatterie ! Boukhrief a su me prendre. Et plus sérieusement, le script, limpide, et les intentions très justes de ce réalisateur.

Entre les premiers attentats de janvier et ceux de novembre, mois de sortie initiale du film, vous échangez régulièrement avec l’équipe du film ?
Nous sommes restés en contact permanent avec Nicolas Boukhrief pendant toute cette période, sonnés, choqués, comme tout le monde. La seule différence pour nous peut-être, c'est que nous parlions ensemble de ces sujets là depuis un an déjà…

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À aucun moment tu as regretté de t’être embarqué dans cette aventure ?
Au tout début, avant le tournage, j'espérais que Boukhrief allait réussir le pari de faire un film stylisé et intelligent sur ce sujet. Dès que j'ai vu les premières séquences, je n'ai plus eu aucun doute.

Quelle a été ta réaction après tout ce qui a été déversé sur les réseaux sociaux et dans la presse après le drame du 13 novembre ?
J'ai ressenti beaucoup de colère, de façon totalement instinctive.

La meilleure solution, c’était le silence ?
Il n'y a pas de meilleure solution, je n'ai aucune leçon à donner en tous cas. Mais il est vrai que les crétins parlent toujours plus forts que les autres.

Tu l’as perçu comment cette décision des exploitants de ne pas sortir le film en salles mais juste en VOD ? Ca t’a déçu ?
J'ai surtout été très affecté de la décision du label qui devait à l'origine sortir le disque, de se rétracter après les attentats de novembre. Le directeur de ce label a expliqué qu'il dirigeait un label de « poésie » et que par conséquent, il ne pouvait pas sortir un disque qui pouvait poser un débat. Je me suis dit qu'il n'avait rien compris, rien à rien, et surtout rien à la poésie, qui est l'acte le plus engagé qui soit. La peur ne grandit personne. Après, ne pas sortir le film en salle a été une sage décision. Cela a permis d'éviter une confusion sur le message ou les intentions du film. Ce n'est pas un film scandaleux, ni même un film réellement engagé.

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Tu as eu beaucoup de retours sur le film depuis qu’il sa sortie digitale ?
Pas mal, oui, les gens ont eu l'air d'apprécier, et je crois qu’ils sont un peu soulagés de pouvoir débattre sur un support cinématographique et non pas d'actualité.

Pour revenir à ton taf en studio, c’était comment de bosser avez Alizée sur l’album Une enfant du siècle ? Après vous avoir embauché sur ce disque (toi et Chateau Marmont), elle a préféré travailler avec BB Brunes sur le suivant. Dur, non ?
Alizée avait choisi comme directeur artistique JR Etienne, le boss d'Institubes, c'est comme ça que nous nous étions tous retrouvés la. C'était une belle expérience, mais le public d'Alizée n'était sans doute pas prêt à la voir se renouveler… Je n'ai pas spécialement suivi sa carrière ensuite, mais c'est une personne très agréable.

T’aimerais collaborer avec une pop star d’envergure internationale ?
L'envergure de mes collaborateurs m'importe moins que leurs idées et leur talent

Sans parler d’envergure alors, des musiciens/chanteurs t’intéressent ?
Je viens de finir la réalisation de deux artistes que j'aime beaucoup. Leon Larregui, un chanteur mexicain dont j'avais déjà produit le premier album Solstis et Julien Barbagallo, un Français formidable, entre Voulzy, Polnareff et Brigitte Fontaine. On termine les mixes ces jours-ci…

Quels sont tes autres projets pour 2016 ?
Planetarium, le prochain Zlotowski, la saison 2 du Bureau des légendes, Eperdument qui sort en mars, une série anglaise The Collection, un film chinois, Beautiful Accident, un film d'animation d'horreur, Féroce, et qui sait, peut être des concerts de Phoenix ?

La bande originale de Made In France sortira le 2 mars en vinyle sur le label Hippocampus (et est déjà dispo ici). Rod Glacial est dispo sur Twitter.