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Music

Range Tes Disques : Terror

On a demandé à Scott Vogel de classer les disques de son groupe, de celui qu'il aime le moins à celui qu'il aime le plus.

Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads, le label Fat Wreck Chords, New Order, Ride, Jean Michel Jarre, Blur, Mogwai, Ugly Kid Joe, Anthrax, Onyx et Christophe, c'est au tour de Scott Vogel (au centre de la photo) de faire du ménage dans la discographie de son groupe, Terror.

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Pour être franc, je n'ai jamais aimé Terror. Je n'ai jamais détesté Terror non plus. Et je reconnais que quand leur premier MCD, Lowest of the Low, est sorti en 2003, son impact a été énorme sur toute la scène hardcore de l'époque, qui ne savait plus très bien où elle en était. Il lui fallait un nouveau phare dans la nuit, un groupe à poigne. En gros, les kids avaient leur nouveau Madball, en provenance de Los Angeles, maintenant que le premier était quasiment rincé. Un groupe costaud et carré, à la fois belliqueux et fédérateur, qui tournait intensivement, produisait une quantité inhumaine de merch (visible dans tous les recoins de France) et utilisait un champ lexical et des rythmiques accesibles à tous. Puis après l'effet de surprise et One With the Underdogs, Terror s'est mis à sortir sensiblement le même album, en maximisant au fur et à mesure leur son. Pourtant, malgé multiples changements de line-up (Vogel et Nick Jett sont les deux derniers membres d'origine), la passion du groupe de Los Angeles mené par le charismatique Scott Vogel (leader de Buried Alive dans les 90's) est toujours au rendez-vous. En plus de ça, le mec est super sympa. 100 % respect donc. On a profité de ce Range tes disques pour discuter avec Scott de ciné, de Nietzsche, de Dieu, des dangers qui guettent la jeunesse et des problématiques que peut impliquer leur nom depuis les Attentats de Paris.

Noisey : Depuis 2004, vous avez sorti un disque tous les deux ans, et changé de label tous les 4 ans. Une routine bien huilée. Tu gardes de mauvais souvenirs de vos contrats avec Trustkill, Century Media et Victory ? Une idée de votre prochaine maison ?
Scott Vogel : Honnêtement, j'ai de la peine pour les labels aujourd'hui. Tout ce boulot et tout cet argent dépensé alors que les gens passent leur temps à télécharger et à écouter de la musique sur Spotify… Je ne suis pas un hater, hein. Je comprends et j'accepte. Mais je comprends aussi que les labels ne peuvent plus faire tout ce qu'ils faisaient avant pour leurs groupes. En ce qui nous concerne, tous ceux chez qui on est passés ont été globalement cools avec nous. On n'est pas un énorme groupe mais on bosse dur et on attend la même chose de la part de notre label. Evidemment, il y a eu certaines tensions par moment, mais rien de grave. Et puis j'ai aussi été un peu débile de mon côté parfois, donc j'en prends la responsabilité. Pour ce qui est du prochain album ? Qui sait. On s'en préoccupera quand on composera de nouveaux trucs - mais aujourd'hui, on est enfin arrivés à un stade où l'on n'est plus sous contrat, et où l'on ne doit d'album à aucune structure, et ça c'est génial.

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7. The Damned, The Shamed (2008)

De tous vos disques, lequel tu aimes le moins aujourd'hui ?
Je dirais The Damned,The Shamed. Pas forcément à cause des chansons ou autre mais le groupe était simplement dans une sale passade à cette période. Je buvais beaucoup trop et je ne me concentrais pas assez sur les choses essentielles. Il y a aussi le fait qu'on se démenait pour essayer de jouer avec des tas de groupes différents alors qu'en réalité, on n'aurait été plus heureux si on avait simplement continuer à jouer dans des concerts hardcore.

Tu étais particulièrement agressif sur cet album en effet, je pense notamment à « Betrayer ». Le fait que vous ayez signé sur Century Media à l'époque a eu un impact sur vos fans ?
Non je n'ai pas le souvenir d'un gros changement après cette signature. La chanson dont tu parles a été écrite suite à un truc qui m'est arrivé et qui m'a profondément affecté, au même titre que Terror. La personne en question est toujours un ami très proche mais au moment de l'enregistrement, on était en pleine déchirure.

Il y a un côté très nietzschéen dans la musique et les lyrics de Terror, le champ lexical de la force est toujours présent. Tu as des références littéraires ?
Je ne suis pas un grand lecteur mais merci pour le compliment. La vie, ses hauts et ses bas, les victoires et les défaites, voilà ce qui influence mes textes. La formidable énergie de notre scène et les contradictions constantes de la musique underground aussi. C'est ce qui me nourrit. Et aussi les autres groupes avec lesquels j'ai grandi et que je remercierai toujours d'avoir fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Et il ne s'agit pas uniquement de groupes hardcore.

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Puisqu'un des titres s'intitule « Rise of the Poisoned Youth », qu'est ce qui tue la jeunesse d'aujourd'hui selon toi ?
Internet. La drogue. Le sexe et la débauche. La compétition et la jalousie. Le besoin de se façonner par rapport au regard des autres. Je pourrais continuer encore et encore.

Je vois. Ensuite tu mettrais quel disque ?

6. Always the Hard Way (2006)

La « hard way » n'est donc pas toujours la bonne voie.
Non, évidemment que non. Parfois, prendre la voie la plus simple te permet d'éviter beaucoup de problèmes et de conflits - mais on récolte toujours les fruits du combat après avoir emprunté la voie la plus compliquée, rien que dans le simple fait de tutoyer les extrêmes en quête de réponses. Même si ce n'était pas la réponse que tu attends.

En parlant d'extrêmes, tu considères encore le hardcore comme une des dernières vraies contre-cultures ?
Je crois au hardcore en tant que mouvement. Je trouve que c'est une chose magnifique. Mais je vois aussi beaucoup de trucs au sein de cette scène qui me dépriment. Je ne veux pas passer pour le vieux grincheux de service mais cette scène s'est vraiment perdue et noyée dans des trucs que je déteste. J'essaie au maximum de rester focalisé sur ses bons aspects et de mettre tout ce que je trouve débile de côté. J'adore aussi la culture hip-hop et je l'ai vu de la même façon se diluer et se perdre. C'est un signe de l'époque…

Tu te bats pour quoi en 2016 ? Je me demandais si tu allais voter pour la prochaine élection américaine d'ailleurs.
Je vais voter oui, je l'ai toujours fait depuis que j'ai l'âge. Il y a des choses que je garde enfouies bien profond dans mon esprit et dans mon coeur. J'essaie chaque jour d'être un homme meilleur mais j'apprends toujours, et j'évolue. Je sais aussi qu'au fil du temps, les choses qui étaient hyper importantes pour toi le deviennent moins et que les nouvelles idées représentent un nouveau carburant. Être en vie c'est cool !

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Vous avez pensé à changer de nom après les attentats de Paris ? Je me souviens que le magazine de Daech, Dabiq, avait titré Just Terror, après le drame.
Non, on n'a jamais pensé à le changer, mais en ce moment, c'est clair que ce nom est révélateur. Prendre l'avion avec du matos stické Terror et passer la douane avec un carton de 100 T-shirts où il est écrit Terror peut en effet prêter à confusion. Mais pour le meilleur et pour le pire, on reste Terror. Un groupe hardcore de Los Angeles. Ce nom ne nous donne que plus d'attention et nous booste.

5. Live By the Code (2013)

Sur cet album, « Invasion » revient sur ce dont on parlait à l'instant, les gens qui ont transformé la scène en un business.
Oui, ce titre parle de toutes ces boîtes qui n'ont rien à voir avec notre scène et qui voient juste l'argent qu'ils peuvent tirer de la passion et de l'énergie, en violant le hardcore. J'ai vendu mon âme à des gens qui souvent s'en foutaient et je me sens mal quand j'y repense.

Tu enseigneras ces leçons que tu as apprises à tes enfants ?
Je ne veux pas d'enfants.

Ok. Puisqu'un morceau sur le disque s'appelle « The Most High », est-ce que je peux te demander si tu crois en Dieu ?
Tu sais, je ne suis pas très sûr de ma vision de Dieu. Par moment, je te dirais qu'il n'existe aucun Dieu. D'autres fois, je regarde ce monde et ceux qui l'habitent, toute cette merveille qu'on a créé, et je me dis qu'il doit bien y avoir un Créateur. Je crois que celui qui fait du bien, obtiendra du bien en retour et que si tu donnes de l'amour, tu en auras également en retour. Dans ma vie, j'essaie de m'en tenir à ma recherche de paix, et aux façons de m'améliorer. Et je suis OK avec le fait de ne pas comprendre totalement pourquoi on est sur Terre.

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4. One With the Underdogs (2004)

Tu fréquentes encore Jamey Jasta (Hatebreed) et Lord Ezec (Skarhead) qui sont en featuring sur « Spit My Rage » ?
Bien sûr, je suis toujours pote avec les deux, mec. Je crache moins ma rage aujourd'hui par contre ! J'essaie de rester le plus calme possible. Moins il y a de rage, mieux c'est.

Est-ce que « Less Than Zero » était une référence au bouquin de Brett Easton Ellis ?
Le nom vient en fait de l'adaptation du film au cinéma, avec Robert Downey Jr. Encore une fois, je ne suis pas un grand lecteur. J'ai eu moi-même, à l'image de l'anti-héros du film, ma part d'addictions et les paroles de ce morceau étaient 100 % vraies. Elles parlent d'elles-mêmes et j'y ai mis mes tripes. Je m'inquiète toujours pour mes amis qui n'ont pas décroché.

Pour rebondir sur le titre « Keep Your Mouth Shut », il y a des gens dont t'aimerais fermer le clapet actuellement ?
On dirait que depuis les réseaux sociaux, tout le monde a un avis sur tout. Et surtout sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas du tout. C'est la plate-forme parfaite pour les gens qui jacassent sans jamais appuyer leurs propos par du concret. Et c'est souvent écoeurant.

D'ailleurs, et dernière parenthèse sur les Attentats, Jesse Hughes des Eagles of Death Metal avait été relativement malmené par les médias français et sur les réseaux sociaux pour ses opinions pro-armes. T'as un avis sur le port d'armes toi ?
Evidemment, dans certains cas, avoir une arme peut te sauver, ou repousser ceux qui te veulent du mal. Dans d'autres cas, des accidents terribles peuvent survenir avec des gens qui ont des armes sur eux. Perso, je n'en ai pas et je ne ressens pas le besoin d'en avoir une. Je connais mon tempérament et ma consommation d'alcool et j'ai pas l'impression que je serai un bon candidat pour ça !

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Lequel on met sur la troisième marche du podium ?

3. Keepers of the Faith (2010)

Tu penses que les leaders de groupes sont en mission ?
Je vais parler en mon nom : ma mission est de rester jeune et libre, de ne jamais me conformer aveuglément et de rester vrai par rapport à mes paroles et mes actes, du moins autant que possible. Et je m'efforce chaque jour de sourire ; au moins une fois ou deux.

Ahah. En parlant de liberté, c'est une donnée de plus en plus périssable non ?
La liberté est un état d'esprit, et elle ne peut que venir de toi-même. Jusqu'à ce qu'on parle d'emprisonnement, et là c'est une problématique différente. Mais si tu fais référence à la surveillance de masse, je n'y pense pas beaucoup. Mec, je détesterais savoir ce que certains de mes potes font quand personne ne les voit !

Pareil ! Les prochains « keepers of the faith », tu les vois où dans la scène actuelle ? Tu penses que le hardcore te passionnera toute ta vie ?
Oui, je crois que j'y serai toujours attaché. Bon, peut-être pas jusqu'à la fin de mes jours, mais il me reste encore un paquet d'années dedans à mon avis. Ce mouvement m'a permis de faire le tour du monde, et m'a donné une famille. Je sais que ça sonne cliché, mais c'est vrai, bordel. Les nouveaux groupes que j'adore ? Malfunction. Manipulate. Locked Up. Broken Teeth. Risk It. Union Of Faiths. God's Hate. Mizery. True Identity.

Ton second album préféré de Terror ?

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2. The 25th Hour (2015)

C'était une référence à Spike Lee j'imagine. Quels sont tes films favoris ? Excepté Raging Bull dont tu arborais souvent le T-shirt sur scène.
Oui, c'était en lien à Lee, c'est un super film. Pour les autres : Les Evadés, Seven, Princess Bride, He Got Game, Le Grand défi, Mon beau-père et moi, Shining, Clockers, Il était une fois le Bronx, Sleepers, Training Day, Le Professionnel… J'adore les films. J'en mate tout le temps ha ha.

Attends, tu parles du Professionnel avec Jean-Paul Belmondo ?
Non, je parle de la version américaine avec Natalie Portman jeune [Il s'agit de Léon]. Désolé de te décevoir ha ha, c'est un super film et je suis sûr que le tiens aussi !

À fond. Il y a un featuring avec Ben Cook de No Warning sur The 25th Hour, groupe canadien qui a fait son retour dernièrement. Tout le monde les a descendu quand ils ont sorti leur album « commercial » au début des années 2000. Tu penses que le hardcore devrait toujours s'en tenir à un public confiné pour ne pas être interprété de travers ?
Non, je ne crois pas. Si tu restes honnête et vrai dans ton truc et que tu joues avec ton coeur, il n'y a pas de raison pour que tu ne cherches pas à explorer d'autres univers et tenter ta chance ailleurs. Et si les gens ne comprennent pas et te taillent : qu'ils aillent se faire foutre.

1. Lowest of the Low (2003)

Comme souvent, le premier disque de ton groupe reste ton préféré.
Oui, Lowest of the Low a été fait à une époque (le début des années 2000) où tout était nouveau, frais, et vraiment sans limites. On avait tellement d'énergie à revendre et de vitalité en nous. Ce disque retranscrit parfaitement tout ça et n'a pas baissé en intensité depuis les années. J'adore tous les disques de Terror pour des raisons différentes mais Lowest of the Low restera un disque unique pour moi.

Ok. C'est quoi le futur de Terror ? World Be Free va t-il devenir ton groupe à plein temps ?
World Be Free ne sera jamais un truc à plein temps. Ce n'est pas notre but, ni notre souhait. J'adore ce projet mais c'est un truc qu'on fait quand le temps nous le permet, pour déconner. Et c'est ça qui est bien. Les groupes hardcore n'ont pas besoin d'être en activité permanente. Terror se porte très bien aujourd'hui. On s'entend tous super bien, et tout le monde est content du groupe. Le futur nous tend ses bras. On a notre destin en main et tout se présente bien. Terror Crew 2016. J'y crois encore.

Rod Glacial y croit aussi. Il est sur Twitter.