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Music

Range Tes Disques : New Order

Le batteur Stephen Morris a classé les 9 premiers albums du groupe, de « Movement » à « Waiting For A Siren's Call ».

Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads et Fat Mike du label Fat Wreck Chords, nous avons soumis New Order à l'exercice. Leur batteur et membre fondateur, Stephen Morris, revient sur la discogrpahie du groupe, né des cendres de Joy Division, qui a fait plonger le post-punk dans le monde des musiques synthétiques. Avant de reprendre leurs albums point par point, de revenir sur 35 ans de carrière et sur la tourmente qui a suivi la mort de Ian Curtis, on vous laisse découvrir leur dernière vidéo en date pour le morceau « Restless », qui figure sur leur album Music Complete, disponible via Mute.

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9. REPUBLIC (1993)

Noisey : Quel est l'album de New Order que tu aimes le moins et pour quelles raisons ?
Stephen Morris : Je pense que Republic est l'album que j'aime le moins, parce qu'il nous a vraiment fait passer un sale moment. On n'aurait jamais dû le faire, en premier lieu. On l'a enregistré pour permettre à notre maison de disques de garder la tête hors de l'eau, mais c'était un moment très blasant pour nous. Même si c'était une mauvaise passe, on a quand même réussi à écrire un morceau vraiment bon comme « Regret », et, pour un album comme Republic, c'est une prouesse. C'est dingue qu'on ait réussi à composer ce morceau et à boucler l'album. Mais ça a été difficile, très difficile. Dès que je l'écoute, ça me rappelle de mauvais souvenirs, c'était vraiment une mauvaise passe. Pas du tout fun. C'est pour ça que c'est l'album que j'aime le moins.

Pourtant, c'est sûrement votre plus gros succès commercial.
C'était le but, cet album devait bien se vendre. On se mettait aussi la pression pour ça. Steven Hague l'a produit, il a vraiment fait du bon boulot. Il a réussi à en faire un ensemble cohérent. Il sonne bien, comme un album de New Order. C'est plutôt pas mal. Je pense que je le trouverais OK si je ne faisais pas partie du groupe.

Oui. Mais, d'un point de vue extérieur, cet album a été beaucoup diffusé sur les radios de rock alternatif, et il vous a attiré beaucoup de nouveaux fans.
Il a très bien marché aux Etats-Unis. C'était indispensable de toute façon. Mais finalement, il a juste repoussé un peu plus la fin inévitable de Factory. Le label s'est enfoncé dans d'autres difficultés, et c'est redevenu invivable. Mais ça nous a fait du bien.

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La fin de Factory a fait naître des problèmes au sein du groupe aussi ?
Non, il n'y avait pas tant de problèmes entre nous dans le groupe, ça venait plutôt de Factory. Le label avait un tas de dettes et était en négociation pour un contrat avec London Records. C'était aussi les derniers jours du club qu'on avait acquis avec Factory, il perdait beaucoup d'argent, même si, à première vue, il paraissait rentable. Chaque semaine, on devait faire face à une crise, quelqu'un se pointait et réclamait 400 000 livres… Il fallait arrêter de faire de la musique et résoudre les problèmes financiers de Factory. Ce n'était pas cool du tout.

8. WAITING FOR A SIREN'S CALL (2005)

Pourquoi as-tu choisi de mettre Sirens à la fin du classement ? 
[Rires] Je n'ai aucun problème avec Sirens. Bon, d'accord, il est en 8ème place, juste devant Republic, mais je t'assure il n'y a rien qui cloche avec cet album [rires]. « Waiting for the Siren's Call » est un bon morceau. « Turn » également. C'était étrange de composer un album sans Gillian [Gilbert, claviers/chant] , en fait. Je pense que certains morceaux sont très axés sur les guitares. On les entend moins sur Get Ready, puisque Steve Osborne a rajouté des synthés par dessus au moment du mixage, mais sur Sirens on a beaucoup utilisé les guitares, même la basse sonne comme une guitare. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose.

7. GET READY (2001)

Tu as des souvenirs particuliers avec Get Ready ?
« Crystal » est un très bon morceau de Get Ready. Notre manager Rob Gretton est mort juste avant qu'on n'enregistre le disque, et on ressent bien son absence sur cet album. C'était étrange. Quand on l'a enregistré, je traversais moi-même une période difficile, mon père venait de décéder et Gillian avait aussi des problèmes de son côté. Juste après Get Ready, sa fille est tombée malade et elle a dû s'absenter du groupe pendant quelques temps [Stephen Morris et Gillian Gilbert sont mariés, et ont des enfants, donc techniquement c'est aussi sa fille]. Mais « Crystal » et « Turn My Way » avec Billy Corgan au chant, sont de super morceaux. L'enregistrement de cet album était laborieux, mais j'avais la tête ailleurs.

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6. MOVEMENT (1981)

Movement est votre premier album après la mort de Ian. Ca a été difficile ?
Oui, il a été très dur à faire. On était encore jeunes et naïfs, on pensait avoir quelque chose à prouver, mais on ne savait pas franchement comment nous y prendre. On savait qu'on voulait être un groupe, composer de la musique mais il nous manquait l'un de nos piliers. On était coincés. Il a fallu trouver un moyen de compenser. Je ne pense pas que Movement soit aussi mauvais que les gens peuvent le penser. J'étais aux Etats-Unis, dans un American Apparel et ils ont diffusé « Denial », la dernière piste de Movement. Au début, je ne reconnaissais pas trop, je l'ai écouté différemment et je me suis dit que finalement, c'était un bon morceau. J'étais avec Gillian à ce moment-là, et t'imagines bien ce qu'on s'est dit.

Ca doit être bizarre d'entendre un de ses propres morceaux dans un espace public.
C'est bizarre mais ça peut être bien. Si j'avais été informé au préalable qu'ils allaient diffuser « Denial », je n'aurais sûrement pas apprécié. Mais puisque ça sortait de nulle part et que je n'étais pas prévenu, je l'ai écouté d'une manière complètement différente, et ce n'était pas aussi mauvais que ce à quoi j'aurais pu m'attendre.

5. BROTHERHOOD (1986)

C'est sur cet album qu'on trouve l'un de vos morceaux les plus connus, « Bizarre Love Triangle ». Tu as des anecdotes au sujet de ce disque ?
« Bizarre Love Triangle » est excellent, mais on a a enregistré l'album d'une manière assez schizophrène. On voulait faire une partie avec des synthés et une autre partie avec des guitares, et ça n'a pas marché. Je préfère quand les morceaux sont plus mixés. C'est pour ça que j'ai mis cet album au milieu du classement.

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4. TECHNIQUE (1989)

Les séances d'enregistrement de Technique étaient assez différentes de celles dont vous aviez l'habitude je crois.
Avec Technique, on a passé les vacances les plus chères de notre vie. On a voulu enregistrer l'album à Ibiza, ce qui était une erreur,. C'était pile au début de ce qu'on a plus tard appelé l'acid house, ce qui était une erreur encore plus grossière. Bon, on s'est bien éclaté à l'extérieur du studio [rires], cet album est aussi le fruit de toutes les expériences que l'on a vécues là-bas. C'est ce que je te disais pour Republic, pour moi c'est un album épouvantable parce que les circonstances dans lesquelles on l'a enregistré étaient épouvantables. Avec Technique, c'est complètement le contraire, il nous a fait passer un excellent moment. Quand tu l'écoutes, tu te rends bien compte qu'on était ailleurs. L'album n'est pas surproduit et aucun morceau ne ressort particulièrement, c'est vraiment un album que tu peux écouter posé, du début à la fin. À mon sens, il n'y a pas un morceau moins bon qu'un autre, ils sont tous plutôt bons et ils s'enchaînent bien.

Expériences personnelles à part, tu penses que l'album reflète vraiment les circonstances dans lesquelles il a été enregistré ?
Oui, c'est ce qui s'est passé [rires]. On a enregistré Power, Corruption & Lies plongés dans l'obscurité, on a enregistré Technique au soleil, sans trop s'activer. Mais on est tous rentrés avec un beau bronzage. D'ailleurs, les paroles de « Run » en attestent : « But you don't get a tan like this for nothing ». C'est un album très unifié, très cohérent. Si je devais écouter un album de New Order aujourd'hui, je choisirais sûrement celui-là. Même si j'ai décidé de mettre Low-Life avant Technique dans le classement, parce que la pochette est plus belle.

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Tu as un morceau préféré sur cet album ?
J'adore « Vanishing Point ». Non, en fait, je préfère « Dream Attack ». J'aime vraiment ce morceau.

3. SUBSTANCE (1987)

Normalement il ne devrait pas figurer dans le classement parce que ce n'est pas vraiment un album mais on va faire une exception. Substance est une compilation des nombreux singles que vous avez sortis individuellement, hors des albums de New Order. Pourquoi l'avoir mis en troisième position ?
Je pense que Substance est notre album le plus important, même s'il est né d'un accident. Les difficultés financières que rencontrait Factory ont finalement eu du bon. On avait plusieurs morceaux comme « Confusion » ou « Blue Monday » qui ne figuraient sur aucun album et qui n'étaient disponibles qu'en single. Factory nous devait beaucoup d'argent et on s'est dit qu'on pourrait compiler tous ces singles dans une sorte de best-of. Ca ne coûterait presque rien. On devait enregistrer un autre morceau. On a composé « True Faith » avec dans l'idée d'écrire un hit, et on a réussi. C'était un album énorme, vraiment. Je ne raffole pas des compilations, et je pense que New Order a la « compilationite » depuis des années. Honnêtement, je pense qu'on aurait dû s'arrêter après Substance, ça ne servait à rien de sortir un autre album après ça. Il nous a aussi permis de toucher un nouveau public aux Etats-Unis et ailleurs. Cet album était vraiment énorme.

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C'est vraiment une très bonne base pour découvrir New Order, pour beaucoup de raisons. Substance est l'album idéal pour comprendre l'histoire du groupe. En particulier « True Faith ». La direction artistique de cette vidéo est incroyable, et les premières secondes, durant lesquelles les types se donnent des baffes, sont mémorables. Il y a un de vos clips que tu aimes particulièrement ?
Oui, « True Faith » en fait. Tous nos albums ont été produits par Michael Shamberg, qui nous a malheureusement quitté l'année dernière. On avait toujours voulu faire de belles vidéos, mais sans figurer dedans. « True Faith » est une vidéo géniale et on nous voit un peu dedans [rires], comme ça, les gens ont pu se rendre compte qu'on était un vrai groupe et pas une bande de rigolos. Je crois que le réalisateur, Philippe Decouflé, un danseur professionnel, n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. C'était sa première vidéo. Et c'était mortel à l'arrivée. L'idée était bidon, s'il m'avait dit ce qu'il avait prévu de faire avant de tourner la vidéo, j'aurais refusé. On ne savait absolument pas ce qu'il voulait faire avant de tourner.

2. POWER, CORRUPTION, & LIES (1983)

Comme tu le disais, avec Power, Corruption & Lies, New Order a vraiment accédé au statut de groupe, post-Joy Division.
On a finalement quitté Joy Division pour écrire la musique qui allait devenir notre propre son. C'était un album étrange, assez psychédélique. Mais l'enregistrement était assez marrant. Je m'en rappelle très bien, c'était en plein hiver, parce qu'on avait rien d'autre à faire, à part être au chaud au studio. Il faisait toujours sombre dehors, et c'est peut-être pour ça que cet album m'a toujours semblé léger et très coloré, à l'inverse de Joy Division qui naviguait entre plusieurs nuances de gris. Pour moi, cet album est plein de couleurs.

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Vous aviez déjà fait la part belle aux synthétiseurs mais vous y êtes allés encore plus fort avec Power, Corruption & Lies. Cet album a joué un rôle de catalyseur ?
Pas vraiment. Comme ça, on pourrait croire que l'album sort de nulle part, mais pour nous ça s'est fait graduellement. Quand je dis graduellement, il faut comprendre trois semaines : quand tu es jeune tu as l'impression que le temps passe hyper lentement. Ca nous a semblé une éternité. On utilisait des boîtes à rythme analogiques pourries puis on a eu accès aux premières boîtes à rythme digitales. À partir de là, on a pu faire plein d'autres choses. Aujourd'hui, elle sont obsolètes, on ne peut plus faire grand-chose avec mais à l'époque, on pouvait difficilement faire mieux. On a aussi eu un vrai sampler pour cet album, ça nous a permis de jouer avec les samples. On avait maintenant accès à toute cette technologie et on l'a essayée sur Power, Corruption & Lies. Avant de la maîtriser sur Low-life.

En tant que batteur, ce n'était pas bizarre pour toi d'avoir recours à des boîtes à rythme ?
En plein dans le mille, c'est le batteur qui a recours à la boîte à rythme, et non l'inverse.

[Rires] Ouais sinon elle te remplace.
Ouais, et t'as plus de boulot. Tu pouvais prédire ce qui allait arriver quand les boîtes à rythme ont fait leur apparition. J'étais batteur et j'ai pris la décision d'utiliser aussi une boîte à rythme, je savais que je trouverais bien un agencement entre les deux. Je jouais quelques passages et je programmais la boîte à rythme pour en faire d'autres. Elle m'a bien servi. Je me rappelle, dans les années 80, une vague de paranoïa a débarqué, comme quoi les boîtes à rythme Linndrum mettraient tous les batteurs au chômage. Je ne pense pas que ça ait été le cas. Un bon batteur pourra faire de grandes choses d'un album moyen alors qu'un excellent morceau pourra être ruiné par un mauvais batteur. Si tu rajoutes un bon groove, le morceau ne sera que meilleur.

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Il suffit d'un bon batteur pour faire d'un groupe moyen un bon groupe.
Tu le dis tellement mieux que moi.

1. LOW-LIFE (1985)

Ton album préféré est Low-Life. Pourquoi ?
La pochette de Low-Life est mortelle. Elle est juste parfaite. Et Sumner n'a jamais été aussi beau que sur la photo de l'insert, à l'intérieur du disque [Stephen Morris figure sur une autre version de la pochette]. Il y a de bons morceaux sur cet album aussi. Low-Life est notre troisième album, c'est un véritable aboutissement de ce qu'on avait commencé avec Power, Corruption & Lies. C'est comme une version améliorée.

Il y a un morceau que tu préfères ?
À part « The Perfect Kiss », qui à mon sens ne devait pas figurer sur cet album, « Love Vigilantes » est sûrement mon morceau préféré. C'était vraiment étrange pour nous de jouer ce morceau, qui sonne assez country. Donc oui, c'est mon morceau préféré de Low-Life. J'adorais « Face Up » à l'époque. Je trouvais que c'était un morceau fantastique.

On avait en plus cerné ce qu'il était possible de faire en studio et on était assez à l'aise avec l'editing, on tentait toutes sortes de choses. Au départ, quand on était encore dans Joy Division, on a appris avec Martin Hannett, puis on a continué avec Movement et on a enfin utilisé de nouvelles technologies sur Power, Corruption & Lies. Low-Life correspond à notre apopgée en la matière.

Dernière question : si tu ne devais choisir qu'un morceau de New Order, pour lequel tu opterais ?
J'ai toujours adoré « All Day Long », qui est sur l'album Brotherhood. C'est une belle chanson mais on ne la joue jamais en concert, ce serait bien de la reprendre lors de nos prochaines dates. C'est vraiment un beau morceau, même s'il n'y a aucune batterie dessus. Fred écoute « Ceremony » en boucle. Vous pouvez le suivre sur Twitter.