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Music

Range Tes Disques : Dinosaur Jr.

On a demandé à J. Mascis de classer les disques de son groupe, de celui qu'il trouve le moins bon, à celui qu'il considère comme le meilleur.
Emma Garland
London, GB

Photo - Nina Corcoran

Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads, le label Fat Wreck Chords, New Order, Ride, Jean-Michel Jarre, Blur, Mogwai, Ugly Kid Joe, Anthrax, Onyx, Christophe, Terror, Katerine, Redman, Les Thugs, Moby, Les $heriff, les Descendents et L7, nous avons demandé à J. Mascis de Dinosaur Jr de classer les disques de son groupe, de celui qu'il trouve le moins bon, à celui qu'il considère comme le meilleur.

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10. BUG (1988)

Noisey : Alors ça, je ne l'avais pas venu venir. Qu'est-ce qui cloche avec Bug?
J. Mascis : Je ne sais pas. Rien. C'est juste que… Tu sais, c'était une sale période quand on l'a enregistré. Et ça me rappelle tout ça.

C'est aussi votre premier succès commercial. Tu penses que ça joue dans ton appréciation ?
Peut être. Il y a toujours du bon et du mauvais.

J'ai remarqué en faisant cette rubrique que les groupes avaient souvent un problème avec le disque qui les avait fait connaître auprès d'un public plus large.
Ouais, je le trouve un peu forcé. J'aurais aimé qu'on passe un peu plus de temps dessus.

Tu aurais changé quoi dessus, si tu avais eu plus de temps ?
Je crois qu'il y aurait eu des morceaux différents. Par exemple, « Don't », on l'a fait à la dernière minute, juste pour finir l'album parce qu'on n'avait pas assez de titres. Personne ne nous a obligé à faire quoi que ce soit. Dinosaur Jr était sur la pente ascendante et on voulait profiter du timing. Le premier album, tout le monde s'en foutait, mais quand on a sorti le deuxième, les gens ont commencé à s'intéresser à nous. On avait envie que ça continue, on a donc enregistré un troisième album très vite derrière.

Ça reste pourtant l'album favori de pas mal de monde.
Parce que beaucoup de gens nous ont découvert à ce moment. On est venus jouer en Europe après le deuxième album et beaucoup de gens avaient l'air d'aimer ce qu'on faisait—beaucoup plus qu'aux USA. Mais après avoir tourné en Europe, les gens ont commencé à nous apprécier aussi aux USA. J'ai l'impression que ça arrivait souvent… Jimi Hendrix c'était le premier—il est allé jouer en Angleterre et c'est ce qui l'a rendu populaire aux USA.

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9. WITHOUT A SOUND (1994)

Pourquoi celui-ci ?
Je crois que je l'aimais assez à l'époque mais des tas de gens l'ont détesté quand il est sorti et ils avaient raison. Le son est trop propre, les morceaux tombent complètement à plat. On était au bout du rouleau. Et complètement blasés également.

8. I BET ON SKY (2012)

Tu n'est pas fan de celui-ci ?
Je ne sais pas trop pourquoi je le mets à cette place. Je l'aime bien. C'est juste que j'aime beaucoup plus les autres.

Quand un groupe s'arrête pendant un long moment et qu'il revient, certains s'attendent forcément à ce qu'il fasse exactement la même chose qu'avant et sont déçus quand ils se rendent compte que le groupe a changé. Quand vous êtes revenus, y'avait-il des choses que vous vouliez changer par rapport à vos premiers disques ?
Non.

7. BEYOND (2007)

C'est l'album qui a marqué votre retour après un break de 10 ans. C'était comment de vous retrouver en studio après tout ce temps ?
Il a fallu qu'on se réhabitue les uns aux autres. Tous les albums de la nouvelle période, on les a enregistrés chez moi, dans une toute petite pièce. On jouait pendant des heures. Dinosaur Jr avait un certain son et une certaine énergie et on voulait préserver ça. On a du jouer énormément pour y arriver. On a fait un concert qui était correct, puis on en a fait d'autres, puis on a monté une tournée. Et comme ça se passait bien et qu'on arrêtait pas de jouer, on s'est dit qu'il nous fallait de nouveaux morceaux. Et on a décidé d'enregistrer un album.

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C'était important pour vous d'écrire de nouveaux morceaux ? Il y a des tas de groupes qui se reforment et qui se contentent de jouer leurs anciens titres, souvent parce que peu de gens les ont vus sur scène, justement.
Je me disais que si on devait se remettre à tourner, à jouer devant des gens, alors il fallait qu'on ait quelque chose de nouveau à leur proposer. Cela dit, ça m'emmerde quand je vais voir un groupe et qu'ils ne jouent que des nouveaux morceaux. Je suis allé voir Tom Petty il y a quelques années et Steve Winwood faisait la première partie. Steve Winwood a joué tous ses tubes et c'était génial, et puis Tom Petty s'est pointé et il a uniquement joué des… je veux dire… ce mec a tellement d'albums, mais je n'aime vraiment que les cinq premiers. Et il a du jouer quelque chose comme trois chansons de ses cinq premiers disques. En tant que fan, j'ai préféré Steve Winwood ce soir-là. Donc je comprends. Et c'est pour ça qu'on continue à jouer les vieux morceaux que les gens veulent entendre.

6. GREEN MIND (1991)

C'est le premier album que tu as enregistré après le départ de Lou Barlow.
Ouais, et je crois qu'avec le tout premier, c'est notre disque le plus tordu. Ces deux disques là n'ont presque rien à voir avec tous les autres. Vu qu'on avait viré Lou et qu'on était sur une major, on avait beaucoup plus d'argent, mais on n'avait absolument aucune idée de ce qu'on était en train de faire. Du coup, le résultat est plutôt bizarre mais cool.

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Le départ de Lou a-t-il changé ta façon de composer ?
C'était bizarre. On a démarré le disque à deux, juste Murph et moi. Et Murph traversait une espèce de phase dépressive à l'époque. Du coup, on répétait et Murph se barrait dès qu'on avait terminé. On avait réservé le studio mais au moment de commencer l'enregistrement on s'est rendu compte que Murph ne connaissait que deux morceaux, du coup j'ai tout enregistré moi-même : chant, guitare, basse et batterie.

Le fait de passer de SST à une major vous a également permis d'avoir un budget plus important.
Oui et j'étais très excité par les possibilités que ça nous ouvrait. Mais au final, on s'est retrouvé avec un mélange bizarre entre notre son habituel et des choses plus modernes, plus produites. On a bossé avec les mêmes ingés-son que sur Bug et on aurait sans doute eu un meilleur son si on avait enregistré dans leur studio, mais on avait de l'argent alors on est allés dans un autre studio, plus cher. On n'avait aucune idée de ce qu'on était en train de faire, ni eux ni moi. C'est pour ça que Green Mind est aussi tordu. Where You Been est bien meilleur, plus abouti. On l'a enregistré avec un mec habitué aux gros studios. Il sonne beaucoup mieux.

5. DINOSAUR (1985)

Dans cette rubrique, les groupes sont souvent très divisés à propos de leur premier album. Ils le considèrent généralement comme leur meilleur ou leur moins bon. Toi pour le coup, tu le mets pile au milieu.
C'est bizarre. Je ne comprends pas trop pourquoi. Cela dit, pour moi, notre vrai premier album c'est You're Living All Over Me. Dinosaur je le vois plus comme un brouillon, une démo. Ce n'est pas comme si on avait rodé ces morceaux pendant 5 ans sur scène et qu'on les avait enregistré ensuite. En fait, c'était tout l'inverse : on a enregistré le disque avant même d'avoir joué une seule fois sur scène pour, justement, pouvoir se trouver des concerts en disant : « Hey, on a un album ! » Au moment de sa sortie, tu as décrit Dinosaur comme de la « country pour faire saigner les oreilles » . Tu le décrirais toujours comme ça aujourd'hui ?
Ouais, c'était le concept du groupe. Parce qu'on venait du hardcore et qu'on se disait : « le hardcore c'est fini, on ne peut plus jouer ça, alors qu'est-ce qu'on va faire ? » On a eu cette idée, on s'est dit que ça pouvait donner quelque chose de cool. Après, je ne pense pas que ce disque sonne vraiment comme de la country sur-amplifiée non plus… Ça sonne comme tout un tas de trucs différents. Tu peux entendre plein d'influences, plein de groupes dessus. On avait notre « morceau Joy Division », tu vois le genre ? Ça restait encore très influencé par ce qu'on écoutait ou ce qu'on avait écouté.

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Tu pense qu'il se passerait quoi si vous vous produisiez devant un public purement country ?
Ils nous détesteraient. On est le genre de groupe que les gens détestent habituellement. On est pas du genre à gagner de nouveaux fans partout où on joue. Notre public est essentiellement composé de gens qui nous connaissent déjà.

On a fait Lollapalooza une année et on a dû jouer au total devant un million de personnes cet été-là—et on a vendu genre 10 disques sur la tournée. On n'est pas un groupe populaire. On n'attire pas les foules. Et comme on joue ultra-fort, si tu ne connais pas les morceaux ou que tu n'aimes pas ça, ça peut vite devenir agaçant… Mais si tu connais les morceaux ou que tu aimes ça, c'est cool. Par contre si ça ne te plait pas, tu ne pourras même pas aller te réfugier au bar parce que le barman ne pourra pas t'entendre et tu passeras vraiment une sale soirée.

4. FARM (2009)

J'aime beaucoup Farm. Les morceaux, la production… Il est, selon moi, un poil meilleur que Beyond.

3. WHERE YOU BEEN (1993)

Comme je le disais tout à l'heure, on a bossé très dur sur cet album et on est arrivés exactement à ce qu'on voulait. Le résultat est vraiment parfait, c'est un disque très abouti. Ça se passait juste après le carton de Nirvana—tout le monde se demandait qui allaient être les prochains…

C'était une époque plutôt bizarre, non ? Tous les labels cherchaient le nouveau Nirvana, ce qui a valu à des groupes comme les Butthole Surfers de se retrouver sur une major avec un gros contrat.
Ouais, c'était bizarre. Tout était bizarre, en vérité. L'ambiance était bizarre. Tout le monde devenait blasé. Without A Sound est le reflet parfait de cette période… Mais Where You Been est sorti à une période où les groupes étaient encore optimistes, l'ambiance était sensiblement différente. Les groupes pensaient qu'ils allaient tous cartonner grâce à Nirvana. Mais personne n'a réussi. Du coup, tout le monde était blasé, et ils ont commencé à splitter les uns après les autres…

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Le succès de Nirvana, c'est quelque chose que vous cherchiez également ? Ou vous vous laissiez juste porter par le truc ?
On a atteint tous nos objectifs avec You're Living All Over Me. On était signés sur SST et on tournait. C'est tout ce qu'on voulait. On se foutait totalement du reste. Quand t'es un gamin qui vient du punk rock, pas une seconde tu ne penses aux majors. Pas une seconde tu ne penses à toucher le public mainstream.

2. HAND IT OVER (1997)

Trois ans se sont écoulés entre Without A Sound et Hand It Over, alors que vous aviez l'habitude de sortir des disques quasiment chaque année. Ce break était nécessaire pour retrouver la spontanéité que vous aviez perdue sur Without A Sound ?
Oui, et c'est ça qui est intéressant avec Hand It Over, parce que… Ouais, j'étais de nouveau excité. J'aimais beaucoup ce disque mais le label ne l'a pas du tout soutenu, il n'y a quasiment pas eu de promotion. On était en tournée et les gens ne savaient même pas qu'il était sorti. C'était assez déprimant.

Tu as senti à un moment ou un autre que ce serait ton dernier disque—du moins, avant un bon moment ?
Peut être. Je ne m'en souviens pas vraiment. Je me rappelle être allé à une réunion avec le label où j'ai entendu ce truc tellement cliché que je ne pensais jamais l'entendre de ma vie, le truc le plus débile et idiot que tu puisses entendre à une réunion dans une maison de disques : « Ok c'est très bien tout ça, mais il est où le single ? » Je n'y croyais pas. Là, j'ai su que c'était la fin—genre, j'ai bien entendu ce que j'ai entendu ? C'est un tel cliché… J'adore ce disque. J'adore les morceaux qui sont dessus. Et ça me rend malade que des tas de gens ne le connaissent pas. Quand on joue des extraits de cet album sur scène, les gens nous demandent : « Il sort d'où ce titre ? » C'est vraiment le mouton noir de notre discographie.

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C'est également toi qui a fait la pochette.
Oui. C'est pénible parfois de trouver une illustration ou une photo pour un disque, alors je me suis dit : « Bon, je vais essayer de le faire moi-même. » À la base, c'est une sculpture en argile. Je me souviens l'avoir ramené dans les bureaux du label pour que quelqu'un la prenne en photo.

C'est également le premier disque que tu as écrit et réalisé chez toi. Qu'est-ce qui t'a dégoûté des studios ?
Un jour j'étais assis sur le canapé de ce studio à New York et je ne pouvais plus… J'étais comme paralysé. Je me disais que ça coûtait plus de 1000 dollars par jour de rester assis là à regarder par la fenêtre - et on n'avait même pas une super vue de Manhattan ou quoi. J'étais assis là, je ne foutais rien et ça coûtait une fortune. Cette idée m'a complètement paralysé.

1. YOU'RE LIVING ALL OVER ME (1987)

D'où vient ce titre, You're Living All Over Me ? La légende veut que ce soit un truc que tu aies dit à quelqu'un en tournée.
Non, je l'ai écrit en pensant à des gens comme ma soeur…. Des personnes qui m'énervaient profondément à l'époque.

Tu disais tout à l'heure avoir atteint tous tes objectifs avec ce disques. Ça devait être bizarre comme sensation de se dire, dès son deuxième album, qu'on est arrivé à ce qu'on voulait. Tu dois te dire : « et maintenant, je fais quoi ? »
Ouais, c'est bizarre. Mais c'était mon seul et unique but, je n'en avais pas d'autre. À partir de là, je voulais juste continuer, sans idée particulière. On voulait sortir un bon disque, signer sur SST pour pouvoir tourner le plus possible, comme ça quand j'aurais fini la fac, on pourrait tourner tout le temps et je n'aurais pas à me trouver un vrai job.

Ça fait maintenant plus de 30 ans que tu fais ça. C'est dur de conserver l'enthousiasme et l'énergie que tu avais quand tu as commencé ?
C'est difficile à dire. Tu le fais et puis ça finit par te saouler, tu deviens blasé, tu déprimes, tu finis par tout laisser tomber et puis un jour tu réalises que tu adores ça et tu y retournes. Plus je vieillis et plus j'aime jouer live. Avant, je n'aimais pas trop ça mais aujourd'hui c'es vraiment ce que je préfère. On en était arrivé à un point où je ne supportais plus tout ça. Mais les choses vont et viennent. Et quand on s'est remis à jouer ensemble je me suis remis à apprécier tout ça. Tout ce qu'on avait, tout ce qu'on avait fait.

Le 11e album de Dinosaur Jr, Give a Glimpse of What Yer Not est disponible sur Jagjaguwar et on ne saurait que trop vous le recommander.