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Music

Playlist Imposée : 51 Black Super

Renaud Brustlein de H-Burns et Franck Annese de So Press nous parlent du premier album de leur groupe via une playlist imposée où se croisent Madonna, Pavement, Field Mice, Weezer et Daniel Johnston.

Par expérience, on le sait, ce genre de disque ne donne rien : deux membres de H-Burns, entourés de quatre vieux potes à eux, parmi lesquels Franck Annese, le boss de So Press et du label Vietnam, ça sent la petite anecdote de rentrée, le truc vite écouté, vite oublié, voire la blague qui est allée un poil trop loin. Le fait est que le premier album de 51 Black Super est non seulement une des plus beaux instants fraîcheur-citron de 2015, mais aussi, et ce n'est pas exactement rien, un des meilleurs disques d'indie-rock canal historique sortis ces 5 ou 6 dernières années. 11 morceaux empruntant aussi bien à Superchunk, Grandaddy ou Sparklehorse, qu'aux Palace Brothers ou aux premiers Beck, torchés en dépit du rien à foutre dans une ambiance 100 % « MTV 1992 ». 11 titres que l'on a passé en revue avec Renaud Brustlein (leader de H-Burns) et Franck Annese pour une Playlist Imposée où se croisent Madonna, Weezer, Pavement, Field Mice, Johnny Cash et Daniel Johnston.

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Noisey : Le premier morceau s’intitule « Bigger », je vais donc vous demander de me parler d’un disque ou d’un titre que vous aimez et qui est justement « Big » - un tube énorme ou un truc très produit, par exemple.

Franck Annese :

« Into The Groove » de Madonna. J’adore déjà le titre en soi et j’aime aussi beaucoup ce que Sonic Youth en a fait. J’aime bien quand des titres ont deux vies comme ça. Et ça arrive rarement qu’ils aient deux vies aussi belles.

Renaud Brustlein :

Moi je dirais « Beverly Hills » de Weezer. Sur ce morceau, ils utilisent tous les codes de la grosse production américaine mais avec leur fun et leur coolitude naturelle, ce qui fait que ça passe nickel. C’est vraiment un groupe très doué pour…comment dire…faire avaler les couleuvres. [

Rires

] Faire un truc bling-bling tout en se foutant de la gueule du truc. Et si tu le passes dans une soirée bling-bling, ça marche. [

Rires

]

Avec 51 Black Super, vous faites plutôt fait l’inverse : c’est spontané, direct, un peu brouillon, sans fioritures.

Renaud :

C’était un peu le but avec ce groupe. Pas de méthode, pas de prise de tête, on avait juste envie de faire un truc indie-rock très immédiat. On trouve une mélodie qui nous paraît cool, on fait un petit morceau de 2 minutes autour et basta. Après, il y a un petit côté bancal. Mais comme je dis souvent, le meilleur guitariste dans 51 Black Super, c’est le batteur [Rires].

C’est une esthétique qui vous plaît de toute façon, ce côté un peu cagneux.

Publicité

Franck :

Oui, parce c’est ce qu’on écoute. Après, tu as pas mal de gens qui font une musique qui n’a rien à voir avec ce qu’ils écoutent. Tu prends Yodelice par exemple, le mec est ultra-calé en soul et rhythm & blues, mais ça musique n’a absolument rien à voir. Dans 51 Black Super on joue exactement la musique qu’on écoute chez nous.

Renaud :

C’est un truc qui nous vient tous très naturellement, du coup.



Par expérience, on le sait, ce genre de disque ne donne rien : deux membres de H-Burns, entourés de quatre vieux potes à eux, parmi lesquels Franck Annese, le boss de So Press et du label Vietnam, ça sent la petite anecdote de rentrée, le truc vite écouté, vite oublié, voire la blague qui est allée un poil trop loin. Le fait est que le premier album de 51 Black Super est non seulement une des plus beaux instants fraîcheur-citron de 2015, mais aussi, et ce n'est pas exactement rien, un des meilleurs disques d'indie-rock canal historique sortis ces 5 ou 6 dernières années. 11 morceaux empruntant aussi bien à Superchunk, Grandaddy ou Sparklehorse, qu'aux Palace Brothers ou aux premiers Beck, torchés en dépit du rien à foutre dans une ambiance 100 % « MTV 1992 ». 11 titres que l'on a passé en revue avec Renaud Brustlein (leader de H-Burns) et Franck Annese pour une Playlist Imposée où se croisent Madonna, Weezer, Pavement, Field Mice, Johnny Cash et Daniel Johnston.

Noisey : Le premier morceau s’intitule « Bigger », je vais donc vous demander de me parler d’un disque ou d’un titre que vous aimez et qui est justement « Big » - un tube énorme ou un truc très produit, par exemple.
Franck Annese :

« Into The Groove » de Madonna. J’adore déjà le titre en soi et j’aime aussi beaucoup ce que Sonic Youth en a fait. J’aime bien quand des titres ont deux vies comme ça. Et ça arrive rarement qu’ils aient deux vies aussi belles.



Renaud Brustlein :

Moi je dirais « Beverly Hills » de Weezer. Sur ce morceau, ils utilisent tous les codes de la grosse production américaine mais avec leur fun et leur coolitude naturelle, ce qui fait que ça passe nickel. C’est vraiment un groupe très doué pour…comment dire…faire avaler les couleuvres. [

Rires

] Faire un truc bling-bling tout en se foutant de la gueule du truc. Et si tu le passes dans une soirée bling-bling, ça marche. [

Rires

]



Avec 51 Black Super, vous faites plutôt fait l’inverse : c’est spontané, direct, un peu brouillon, sans fioritures.
Renaud :

C’était un peu le but avec ce groupe. Pas de méthode, pas de prise de tête, on avait juste envie de faire un truc indie-rock très immédiat. On trouve une mélodie qui nous paraît cool, on fait un petit morceau de 2 minutes autour et basta. Après, il y a un petit côté bancal. Mais comme je dis souvent, le meilleur guitariste dans 51 Black Super, c’est le batteur [Rires].



C’est une esthétique qui vous plaît de toute façon, ce côté un peu cagneux.
Franck :

Oui, parce c’est ce qu’on écoute. Après, tu as pas mal de gens qui font une musique qui n’a rien à voir avec ce qu’ils écoutent. Tu prends Yodelice par exemple, le mec est ultra-calé en soul et rhythm & blues, mais ça musique n’a absolument rien à voir. Dans 51 Black Super on joue exactement la musique qu’on écoute chez nous.



Renaud :

C’est un truc qui nous vient tous très naturellement, du coup.





Deuxième titre : « Special Number », donc je vais vous demander un disque ou un morceau qui occupe une place spéciale chez vous, qui vous accompagne depuis des années.
Franck : Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse.

Renaud :

Crooked Rain, Crooked Rain

de Pavement. Je le réécooute tous les mois avec le même plaisir.



Il y a un vibe très teenage sur l’album de 51 Black Super. Vous vous connaissez depuis cette période-là ?
Franck :

Non, on ne se connaissait pas quand on était ados mais on jouait déjà les uns avec les autres, il y a une grosse ossature adolescente dans le groupe.



Renaud :

C’est une réunion de gens qui ont grandi à la même époque, qui ont -pour certains- déjà joué ensemble et qui ont dans tous les cas déjà joué ce type de musique dans les années 90. Il y a même eu des rivalités entre un ou deux d’entre nous quand on avait 14 ans, dans des petites villes de province [

Rires

]. On a eu des plans métalleux contre grunges, ce genre là. Un combat où personne n’a vraiment gagné au final [

Rires

]



Franck :

Cela dit, si on s’était connus à 14 ans, on aurait fait de la musique ensemble, c’est certain. C’est juste qu’on habitait pas au même endroit.



C’était quoi vos premiers groupes ?
Renaud :

Moi, j’ai eu un groupe de post-rock/noise pendant longtemps mais avant ça je faisais du metal, des trucs à la Deftones.



Franck :

Moi, c’était plus ringos…



Renaud :

Des trucs de balloche ? [

Rires

]



Franck :

Non, mais genre des trucs où il y avait du saxophone, tu vois ? J’ai eu un groupe par exemple où c’était percussions / violon / guitare / xylophone.



Renaud :

Putain, quel enfer. C’est Jethro Tull ton truc là. [

Rires

] On aurait peut-être pas joué ensemble en fait. T’aurais plutôt été sur notre liste.



Franck :

Genre « voilà l’autre connard avec ses jeans à fleurs » [

Rires

] Après, j’ai eu un groupe avec des gens qui sont chez So Press aujourd’hui. Un truc qui s’appelait We Love You Samantha Gailey et qui était nettement plus dans l’esprit de 51 Black Super pour le coup.





On passe ensuite à « Over The Bridge ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui est au-dessus de tout le reste, un truc un peu surhumain ou délirant, qui vous impressionne particulièrement.
Renaud :

Blood On The Tracks

de Bob Dylan, qui est une espèce d'histoire délirante sur un divorce. J’aime cette idée de mise à nu où le mec raconte sa vie au travers d’une histoire imaginaire de femme qui se fait enlever en Italie par un amant. À partir d’un truc réel et triste, il créé une monde imaginaire avec des personnages fictifs.



Franck :

Je dirais « Speeding Motorcycle » de Daniel Johnston - même si tous ces morceaux pourraient faire l’affaire. Ça se lit, là aussi, comme un livre ou une BD.



En parlant de trucs surhumains, Renaud tu as sorti le nouveau H-Burns en début d’année et toi, Franck, tu as lancé Society - vous n’étiez pas encore assez occupés ? Il a fallu que vous sortiez en plus ce disque de 51 Black Super ? [Rires]
Franck :

On ne s’est pas trop posé la question. On n’avait pas trop envie de réfléchir. Y’a pas vraiment d’ambition avec ce groupe. On n’arrive pas le poing levé en disant « ouais, on est le meilleur groupe du monde ». On avait juste envie que ce truc existe. On l’avait déjà pas mal retardé.



Renaud :

Oui, il y a des morceaux qui ont 2-3 ans.



Franck :

Cela dit, c’était plus une histoire de planning. On avait des disques plus ambitieux à sortir avant, comme le Night Moves de H-Burns par exemple.

Quatrième titre, « Suburbs ». Là, je vais vous demander un disque ou un titre qui vous évoque la banlieue, qu’elle soit française ou nord-américaine.
Renaud :

Évidemment « Range Life » de Pavement, même si le clip en mode journal de tournée n’a un peu rien à voir. Déjà, Pavement c’est le suburban group dans toute sa splendeur et puis dans ce morceau-là en particulier, ils parlent justement de faire du skate en faisant des bulles de chewing-gum dans les allées d’un lotissement, ce genre de trucs.



Franck :

Moi ce serait « Cheap Beer » de Fidlar, là aussi un super groupe de « rock de lotissements » [

Rires

]



Renaud :

C’est marrant parce qu’ils sont de Eagle Rock dans le Nord-Est de Los Angeles, un quartier qui a vachement ce côté « lotissements américains ». En même temps Los Angeles, c’est exactement ça, c’est un patchwork de lotissements. Mais le leur est vraiment cool. C’est là où on a tourné le clip de « Signals » de H-Burns. C’est un endroit hyper photogénique. Plein d’épiceries pourries qui ont une tronche hyper cool, des magasins mexicains, des terrains de soft-ball…





Titre suivant, « It’s A Soundtrack » donc, logiquement, je vais vous demander votre B.O. de film préférée.
Renaud :

Vu qu’on est dans les 90’s et la banlieue, je vais dire

Mallrats

de Kevin Smith. Une des plus belles apparitions de Jay & Silent Bob, déjà. Et puis ce scénario pas possible. Les mecs se font plaquer et qu’est-ce qu’ils font ? Ils vont au centre commercial. [

Rires

] Si 51 Black Super avait existé à l’époque où le film est sorti, j’aurais adoré avoir un de nos morceaux dans la B.O.



Franck : Nowhere

de Gregg Araki. C’est quand même le seul mec qui a réussi à me faire aimer Suede. [

Rires

] Il y a un de leurs morceaux qui est mis en scène de manière géniale dans le film.



Titre 6 : « MJ Wilson ». C’est qui en fait, MJ Wilson ?
Renaud :

C’est un personnage inventé. En fait, dans ce morceau, il y a un personnage masculin, MJ Wilson, et un personnage féminin, Louise E. Et ça raconte la désocialisation de ces deux individus, comment ils se désocialisent petit à petit en s’enfonçant dans une espèce de déprime urbaine. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont des noms à initiales. Ça leur donne « John Doe », ça colle parfaitement au thème. C'est peut-être le seul morceau du disque qui soit vraiment profond. T'as bien fait de nous questionner sur celui-là.

[Rires]



Faut dire que c'est aussi mon morceau préféré de l'album. Bon, du coup je vais vous demander un titre ou un disque dont les paroles vous touchent particulièrement.
Renaud :

Moi, c’est facile, c’est

A River Ain’t Too Much to Love

de Smog parce qu’il parle de partir du fond du trou pour renaître tel le phénix et qu’il le fait de manière admirable. C’est, pour moi, un des plus grands paroliers vivants.



Franck :

Moi j’ai plus de mal à chosir. Je mettrais tout Elliot Smith, tout

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse et tous les disques de Mark Linkous en rêgle générale…



Renaud :

Bon déjà le mec a fait un morceau qui commence par « I want my records back ». C’est pas rien dans la vie d’un Homme. [

Rires

]



Franck :

Non mais sur

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

, premier morceau il commence direct en citant Shakespeare. Et il te fait une chanson d’amour où il te dit « Tu es mon hôpital ». Le mec est costaud, quoi. « Saturday » c’est un de mes morceaux préférés.



Carrément. Ça me fait d’ailleurs penser à un truc assez douloureux : je l’ai vu se faire siffler en première partie de Radiohead à Paris, sur la tournée OK Computer.
Renaud :

Moi aussi ! Mais à Grenoble. J’étais venu exprès pour eux et je vois tous ces connards le siffler.



Pareil. En plus, il était sur sa chaise roulante et tout. Bon, le truc cool c’est qu’il s’est pas démonté et qu’il leur a fait : « Désolé mais vous allez devoir être patients, je vais finir mon set ».
Renaud :

Visiblement ça s’est reproduit tout au long de la tournée. L'angoisse.





On reprend avec « Real Face » et je vais cette fois vous demander un artiste que vous aimez justement parce qu’il se met à nu et réussit à montrer son vrai visage.
Renaud :

Je vais revenir sur Daniel Johnston qui, dans sa naïveté, arrive à parler de son obsession majeure, à savoir cette fille qu’il a rencontré au lycée et dont il est éperdument amoureux. Il a abordé le même sujet quasiment tout au long de sa carrière.



Tu as eu l’occasion de le rencontrer ?
Renaud :

Moi non, mais Franck l’a rencontré plusieurs fois.



Franck :

En fait je ne l’ai jamais rencontré physiquement, uniquement au téléphone. Je crois que j’ai été le premier français à l’interviewer d’ailleurs. Le premier entretien que j’ai eu avec lui, ça devait être en 1997. Il m’avais expliqué très sérieusement que Captain America allait sauver le monde. Je lui avais répondu que Captain America n’existait pas et lui m’a fait : « si, si, il existe, c’est John Belushi. » [

Rires

] Dans Sofa, le magazine que j’avais lancé à l’époque, j’avais fait une couve Daniel Johnston avec un article de 35 pages. Du coup je connais toute son histoire par coeur. Comme disait Renaud, il est obsédé par cette nana du lycée dont il est amoureux et qui s’est mariée avec le type des pompes funèbres de son patelin. Et il a fini par se réfugier dans un monde imaginaire. Mais il est tellement dedans que ça donne des situations assez dingues.



Un jour en Hollande, des journalistes sont venus le voir et il était persuadé d’avoir Elvis Costello dans son groupe. En fait, c’était juste un type qui ressemblait vaguement à Elvis Costello mais lui était persuadé que c’était le vrai et il le présentait à tout le monde. [

Rires

] Quand je l’ai interviewé, on a du faire l’entretien au téléphone par petites sessions de 15 minutes. Parce que son père ne voulait pas lui laisser plus de 15 minutes sinon il allait penser qu’il était devenu très connu et allait faire des crises. Parce que son rêve, c’est de devenir Madonna en gros. Du coup, on l’appelait 15 minutes, puis on le rappelait 15 minutes encore le lendemain et ainsi de suite, pendant plusieurs jours. Et c’est que des histoires comme ça. Sur un de ses disques, par exemple, tu retrouves les mélodies et les paroles d’une chanson de Police. Et quand tu lui fais remarquer, il te répond : « je ne sais même pas de quel groupe tu me parles ». C’est chaud quand même. [

Rires

]



Plus tard, je lui demande si ses dessins lui rapportent de l’argent, s’il arrive à en vivre et il m’explique qu’en fait, il ne les vend pas, il les échange à son père contre des cigarettes. C’est son père qui les vend en fait. Son père c’est un supporter de Bush, un ancien militaire, dans l’aviation…



Renaud :

D’ailleurs, ils se sont cartonnés en avion parce que Daniel Johnston avait vu Captain America sur l’aile de l’avion. [

Rires

]



Franck :

Oui, c’était au retour d’un show pour MTV. Il était trop content, trop heureux, il a fait une crise dans l’avion et ils se sont crashés dans une forêt. Il y a une photo extraordinaire où ils sont au pied de l’avion comme deux cons et l’engin est défoncé. Après, où est le mythe, où est la réalité, tu le sais jamais vraiment, mais le mythe est super beau en tout cas.





Huitième titre : « Pay The Price ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui a payé le prix, qui a pris cher - soit parce qu’il a mal vieilli, soit parce qu’il a posé des soucis à son auteur.
Renaud :

« Born In The USA » de Bruce Springsteen ! Un titre récupéré par les Républicains en mode « v’la un p’tit gars du pays qui chante la fierté d’être américain » alors qu’il exprime justement tout l’inverse. Toute sa vie, il a eu une image de redneck Républicain réac à cause de ce titre qui était une protest song. Tu peux pas faire mieux comme exemple.



Franck :

D’ailleurs j’ai pas mieux. [

Rires

]





Ensuite on a « Get Back », donc là c’est l’inverse : le disque d’un artiste qui a réussi à faire un retour fracassant.
Renaud :

Johnny Cash, évidemment. Ringard absolu dans les années 80, qui a réussi à revenir au sommet grâce à Rick Rubin qui l’a élevé quasiment au rang de Saint-Père du rock’n roll. Il est vraiment revenu de l’enfer, il avait une image atroce. Le mec, c’était le Saint-Patron de Billy Ray Cyrus et Garth Brooks, c’était une catastrophe. [

Rires

]





Avant-dernier titre, « Spirit Underground », donc logiquement je vais vous demander un disque ou un artiste qui est, selon vous, trop méconnu.
Franck :

Ça, on en a plein !



Renaud :

Déjà, les Thermals. Power-trio complètement ignoré qui ont pourtant aligné des tubes - que dis-je, des hymnes ! Des gros losers aussi. Des potes avaient essayé plusieurs fois de les faire jouer chez moi, à Valence, et à chaque fois ils étaient obligés d’annuler parce que toutes les autres dates de la tournée étaient annulées les unes après les autres. [

Rires

]



Franck :

Moi, je choisirais les Field Mice, dans un registre plus anglais, pop ligne claire. Ride, Slowdive et compagnie sont tous revenus mais pas eux - et je pense qu’ils ne reviendront jamais. Un groupe très sous-estimé. Sinon, je dois aussi citer

The Daredevil Christopher Wright

qui a fait deux albums mortels, super beaux, des mecs du fin fond du Wisconsin, et c’est que dalle en terme d’ampleur, ils jouent dans des bars gratos devant 20 personnes, c’est plus que sous-estimé, c’est une erreur.





Dernier morceau, « Looking Up », donc on va partir sur un titre ou un disque tourné vers l’avenir.
Franck :

Bah, Booba. [

Rires

]

Renaud : Le dernier Sufjan Stevens, Carrie & Lowell. C’est un mec que j’aime pas à la base, je détestais toutes ses envolées pop lyriques. Mais là, il a fait son Nebraska, son disque sur le deuil, et j’ai trouvé ça brillantissime. Ça faisait longtemps qu’un disque ne m’avait pas saisi comme ça, à l’os comme on dit. C’est rare que je bloque autant sur un disque. Et pour le coup, il « looks up » pas mal ce disque, il est très spirituel.

Franck : Super beau disque. Et pas facile, en plus. Les structures, les arrangements sont assez tordues et compliquées. C’est vraiment passionnant.

Renaud : Et pochette sublime. Il va être difficile à battre celui-là cette année.

Et vous, votre futur proche, c’est quoi ?
Renaud : Là, on a quelques dates, on va remettre ça en décembre, avec normalement un passage au Point Éphémère à Paris et après, une tournée en février 2016. On va voir ce que ça va donner.

Franck : L’avantage, c’est qu’on a absolument aucune pression. [Rires]

Le premier album de 51 Black Super est disponible depuis une semaine sur Vietnam/Because. Et il se trouve qu'on vous en fait gagner par ici.

Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il est toujours sceptique sur le dernier Sufjan Stevens mais s'est acheté les deux albums de The Daredevil Christopher Wright. Il est sur Twitter.


Deuxième titre : « Special Number », donc je vais vous demander un disque ou un morceau qui occupe une place spéciale chez vous, qui vous accompagne depuis des années.

Franck :

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse.

Renaud :

Crooked Rain, Crooked Rain

de Pavement. Je le réécooute tous les mois avec le même plaisir.

Il y a un vibe très teenage sur l’album de 51 Black Super. Vous vous connaissez depuis cette période-là ?

Franck :

Non, on ne se connaissait pas quand on était ados mais on jouait déjà les uns avec les autres, il y a une grosse ossature adolescente dans le groupe.

Renaud :

C’est une réunion de gens qui ont grandi à la même époque, qui ont -pour certains- déjà joué ensemble et qui ont dans tous les cas déjà joué ce type de musique dans les années 90. Il y a même eu des rivalités entre un ou deux d’entre nous quand on avait 14 ans, dans des petites villes de province [

Rires

]. On a eu des plans métalleux contre grunges, ce genre là. Un combat où personne n’a vraiment gagné au final [

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Rires

]

Franck :

Cela dit, si on s’était connus à 14 ans, on aurait fait de la musique ensemble, c’est certain. C’est juste qu’on habitait pas au même endroit.

C’était quoi vos premiers groupes ?

Renaud :

Moi, j’ai eu un groupe de post-rock/noise pendant longtemps mais avant ça je faisais du metal, des trucs à la Deftones.

Franck :

Moi, c’était plus ringos…

Renaud :

Des trucs de balloche ? [

Rires

]

Franck :

Non, mais genre des trucs où il y avait du saxophone, tu vois ? J’ai eu un groupe par exemple où c’était percussions / violon / guitare / xylophone.

Renaud :

Putain, quel enfer. C’est Jethro Tull ton truc là. [

Rires

] On aurait peut-être pas joué ensemble en fait. T’aurais plutôt été sur notre liste.

Franck :

Genre « voilà l’autre connard avec ses jeans à fleurs » [

Rires

] Après, j’ai eu un groupe avec des gens qui sont chez So Press aujourd’hui. Un truc qui s’appelait We Love You Samantha Gailey et qui était nettement plus dans l’esprit de 51 Black Super pour le coup.



Par expérience, on le sait, ce genre de disque ne donne rien : deux membres de H-Burns, entourés de quatre vieux potes à eux, parmi lesquels Franck Annese, le boss de So Press et du label Vietnam, ça sent la petite anecdote de rentrée, le truc vite écouté, vite oublié, voire la blague qui est allée un poil trop loin. Le fait est que le premier album de 51 Black Super est non seulement une des plus beaux instants fraîcheur-citron de 2015, mais aussi, et ce n'est pas exactement rien, un des meilleurs disques d'indie-rock canal historique sortis ces 5 ou 6 dernières années. 11 morceaux empruntant aussi bien à Superchunk, Grandaddy ou Sparklehorse, qu'aux Palace Brothers ou aux premiers Beck, torchés en dépit du rien à foutre dans une ambiance 100 % « MTV 1992 ». 11 titres que l'on a passé en revue avec Renaud Brustlein (leader de H-Burns) et Franck Annese pour une Playlist Imposée où se croisent Madonna, Weezer, Pavement, Field Mice, Johnny Cash et Daniel Johnston.

Noisey : Le premier morceau s’intitule « Bigger », je vais donc vous demander de me parler d’un disque ou d’un titre que vous aimez et qui est justement « Big » - un tube énorme ou un truc très produit, par exemple.
Franck Annese :

« Into The Groove » de Madonna. J’adore déjà le titre en soi et j’aime aussi beaucoup ce que Sonic Youth en a fait. J’aime bien quand des titres ont deux vies comme ça. Et ça arrive rarement qu’ils aient deux vies aussi belles.



Renaud Brustlein :

Moi je dirais « Beverly Hills » de Weezer. Sur ce morceau, ils utilisent tous les codes de la grosse production américaine mais avec leur fun et leur coolitude naturelle, ce qui fait que ça passe nickel. C’est vraiment un groupe très doué pour…comment dire…faire avaler les couleuvres. [

Rires

] Faire un truc bling-bling tout en se foutant de la gueule du truc. Et si tu le passes dans une soirée bling-bling, ça marche. [

Rires

]



Avec 51 Black Super, vous faites plutôt fait l’inverse : c’est spontané, direct, un peu brouillon, sans fioritures.
Renaud :

C’était un peu le but avec ce groupe. Pas de méthode, pas de prise de tête, on avait juste envie de faire un truc indie-rock très immédiat. On trouve une mélodie qui nous paraît cool, on fait un petit morceau de 2 minutes autour et basta. Après, il y a un petit côté bancal. Mais comme je dis souvent, le meilleur guitariste dans 51 Black Super, c’est le batteur [Rires].



C’est une esthétique qui vous plaît de toute façon, ce côté un peu cagneux.
Franck :

Oui, parce c’est ce qu’on écoute. Après, tu as pas mal de gens qui font une musique qui n’a rien à voir avec ce qu’ils écoutent. Tu prends Yodelice par exemple, le mec est ultra-calé en soul et rhythm & blues, mais ça musique n’a absolument rien à voir. Dans 51 Black Super on joue exactement la musique qu’on écoute chez nous.



Renaud :

C’est un truc qui nous vient tous très naturellement, du coup.





Deuxième titre : « Special Number », donc je vais vous demander un disque ou un morceau qui occupe une place spéciale chez vous, qui vous accompagne depuis des années.
Franck : Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse.

Renaud :

Crooked Rain, Crooked Rain

de Pavement. Je le réécooute tous les mois avec le même plaisir.



Il y a un vibe très teenage sur l’album de 51 Black Super. Vous vous connaissez depuis cette période-là ?
Franck :

Non, on ne se connaissait pas quand on était ados mais on jouait déjà les uns avec les autres, il y a une grosse ossature adolescente dans le groupe.



Renaud :

C’est une réunion de gens qui ont grandi à la même époque, qui ont -pour certains- déjà joué ensemble et qui ont dans tous les cas déjà joué ce type de musique dans les années 90. Il y a même eu des rivalités entre un ou deux d’entre nous quand on avait 14 ans, dans des petites villes de province [

Rires

]. On a eu des plans métalleux contre grunges, ce genre là. Un combat où personne n’a vraiment gagné au final [

Rires

]



Franck :

Cela dit, si on s’était connus à 14 ans, on aurait fait de la musique ensemble, c’est certain. C’est juste qu’on habitait pas au même endroit.



C’était quoi vos premiers groupes ?
Renaud :

Moi, j’ai eu un groupe de post-rock/noise pendant longtemps mais avant ça je faisais du metal, des trucs à la Deftones.



Franck :

Moi, c’était plus ringos…



Renaud :

Des trucs de balloche ? [

Rires

]



Franck :

Non, mais genre des trucs où il y avait du saxophone, tu vois ? J’ai eu un groupe par exemple où c’était percussions / violon / guitare / xylophone.



Renaud :

Putain, quel enfer. C’est Jethro Tull ton truc là. [

Rires

] On aurait peut-être pas joué ensemble en fait. T’aurais plutôt été sur notre liste.



Franck :

Genre « voilà l’autre connard avec ses jeans à fleurs » [

Rires

] Après, j’ai eu un groupe avec des gens qui sont chez So Press aujourd’hui. Un truc qui s’appelait We Love You Samantha Gailey et qui était nettement plus dans l’esprit de 51 Black Super pour le coup.





On passe ensuite à « Over The Bridge ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui est au-dessus de tout le reste, un truc un peu surhumain ou délirant, qui vous impressionne particulièrement.
Renaud :

Blood On The Tracks

de Bob Dylan, qui est une espèce d'histoire délirante sur un divorce. J’aime cette idée de mise à nu où le mec raconte sa vie au travers d’une histoire imaginaire de femme qui se fait enlever en Italie par un amant. À partir d’un truc réel et triste, il créé une monde imaginaire avec des personnages fictifs.



Franck :

Je dirais « Speeding Motorcycle » de Daniel Johnston - même si tous ces morceaux pourraient faire l’affaire. Ça se lit, là aussi, comme un livre ou une BD.



En parlant de trucs surhumains, Renaud tu as sorti le nouveau H-Burns en début d’année et toi, Franck, tu as lancé Society - vous n’étiez pas encore assez occupés ? Il a fallu que vous sortiez en plus ce disque de 51 Black Super ? [Rires]
Franck :

On ne s’est pas trop posé la question. On n’avait pas trop envie de réfléchir. Y’a pas vraiment d’ambition avec ce groupe. On n’arrive pas le poing levé en disant « ouais, on est le meilleur groupe du monde ». On avait juste envie que ce truc existe. On l’avait déjà pas mal retardé.



Renaud :

Oui, il y a des morceaux qui ont 2-3 ans.



Franck :

Cela dit, c’était plus une histoire de planning. On avait des disques plus ambitieux à sortir avant, comme le Night Moves de H-Burns par exemple.

Quatrième titre, « Suburbs ». Là, je vais vous demander un disque ou un titre qui vous évoque la banlieue, qu’elle soit française ou nord-américaine.
Renaud :

Évidemment « Range Life » de Pavement, même si le clip en mode journal de tournée n’a un peu rien à voir. Déjà, Pavement c’est le suburban group dans toute sa splendeur et puis dans ce morceau-là en particulier, ils parlent justement de faire du skate en faisant des bulles de chewing-gum dans les allées d’un lotissement, ce genre de trucs.



Franck :

Moi ce serait « Cheap Beer » de Fidlar, là aussi un super groupe de « rock de lotissements » [

Rires

]



Renaud :

C’est marrant parce qu’ils sont de Eagle Rock dans le Nord-Est de Los Angeles, un quartier qui a vachement ce côté « lotissements américains ». En même temps Los Angeles, c’est exactement ça, c’est un patchwork de lotissements. Mais le leur est vraiment cool. C’est là où on a tourné le clip de « Signals » de H-Burns. C’est un endroit hyper photogénique. Plein d’épiceries pourries qui ont une tronche hyper cool, des magasins mexicains, des terrains de soft-ball…





Titre suivant, « It’s A Soundtrack » donc, logiquement, je vais vous demander votre B.O. de film préférée.
Renaud :

Vu qu’on est dans les 90’s et la banlieue, je vais dire

Mallrats

de Kevin Smith. Une des plus belles apparitions de Jay & Silent Bob, déjà. Et puis ce scénario pas possible. Les mecs se font plaquer et qu’est-ce qu’ils font ? Ils vont au centre commercial. [

Rires

] Si 51 Black Super avait existé à l’époque où le film est sorti, j’aurais adoré avoir un de nos morceaux dans la B.O.



Franck : Nowhere

de Gregg Araki. C’est quand même le seul mec qui a réussi à me faire aimer Suede. [

Rires

] Il y a un de leurs morceaux qui est mis en scène de manière géniale dans le film.



Titre 6 : « MJ Wilson ». C’est qui en fait, MJ Wilson ?
Renaud :

C’est un personnage inventé. En fait, dans ce morceau, il y a un personnage masculin, MJ Wilson, et un personnage féminin, Louise E. Et ça raconte la désocialisation de ces deux individus, comment ils se désocialisent petit à petit en s’enfonçant dans une espèce de déprime urbaine. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont des noms à initiales. Ça leur donne « John Doe », ça colle parfaitement au thème. C'est peut-être le seul morceau du disque qui soit vraiment profond. T'as bien fait de nous questionner sur celui-là.

[Rires]



Faut dire que c'est aussi mon morceau préféré de l'album. Bon, du coup je vais vous demander un titre ou un disque dont les paroles vous touchent particulièrement.
Renaud :

Moi, c’est facile, c’est

A River Ain’t Too Much to Love

de Smog parce qu’il parle de partir du fond du trou pour renaître tel le phénix et qu’il le fait de manière admirable. C’est, pour moi, un des plus grands paroliers vivants.



Franck :

Moi j’ai plus de mal à chosir. Je mettrais tout Elliot Smith, tout

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse et tous les disques de Mark Linkous en rêgle générale…



Renaud :

Bon déjà le mec a fait un morceau qui commence par « I want my records back ». C’est pas rien dans la vie d’un Homme. [

Rires

]



Franck :

Non mais sur

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

, premier morceau il commence direct en citant Shakespeare. Et il te fait une chanson d’amour où il te dit « Tu es mon hôpital ». Le mec est costaud, quoi. « Saturday » c’est un de mes morceaux préférés.



Carrément. Ça me fait d’ailleurs penser à un truc assez douloureux : je l’ai vu se faire siffler en première partie de Radiohead à Paris, sur la tournée OK Computer.
Renaud :

Moi aussi ! Mais à Grenoble. J’étais venu exprès pour eux et je vois tous ces connards le siffler.



Pareil. En plus, il était sur sa chaise roulante et tout. Bon, le truc cool c’est qu’il s’est pas démonté et qu’il leur a fait : « Désolé mais vous allez devoir être patients, je vais finir mon set ».
Renaud :

Visiblement ça s’est reproduit tout au long de la tournée. L'angoisse.





On reprend avec « Real Face » et je vais cette fois vous demander un artiste que vous aimez justement parce qu’il se met à nu et réussit à montrer son vrai visage.
Renaud :

Je vais revenir sur Daniel Johnston qui, dans sa naïveté, arrive à parler de son obsession majeure, à savoir cette fille qu’il a rencontré au lycée et dont il est éperdument amoureux. Il a abordé le même sujet quasiment tout au long de sa carrière.



Tu as eu l’occasion de le rencontrer ?
Renaud :

Moi non, mais Franck l’a rencontré plusieurs fois.



Franck :

En fait je ne l’ai jamais rencontré physiquement, uniquement au téléphone. Je crois que j’ai été le premier français à l’interviewer d’ailleurs. Le premier entretien que j’ai eu avec lui, ça devait être en 1997. Il m’avais expliqué très sérieusement que Captain America allait sauver le monde. Je lui avais répondu que Captain America n’existait pas et lui m’a fait : « si, si, il existe, c’est John Belushi. » [

Rires

] Dans Sofa, le magazine que j’avais lancé à l’époque, j’avais fait une couve Daniel Johnston avec un article de 35 pages. Du coup je connais toute son histoire par coeur. Comme disait Renaud, il est obsédé par cette nana du lycée dont il est amoureux et qui s’est mariée avec le type des pompes funèbres de son patelin. Et il a fini par se réfugier dans un monde imaginaire. Mais il est tellement dedans que ça donne des situations assez dingues.



Un jour en Hollande, des journalistes sont venus le voir et il était persuadé d’avoir Elvis Costello dans son groupe. En fait, c’était juste un type qui ressemblait vaguement à Elvis Costello mais lui était persuadé que c’était le vrai et il le présentait à tout le monde. [

Rires

] Quand je l’ai interviewé, on a du faire l’entretien au téléphone par petites sessions de 15 minutes. Parce que son père ne voulait pas lui laisser plus de 15 minutes sinon il allait penser qu’il était devenu très connu et allait faire des crises. Parce que son rêve, c’est de devenir Madonna en gros. Du coup, on l’appelait 15 minutes, puis on le rappelait 15 minutes encore le lendemain et ainsi de suite, pendant plusieurs jours. Et c’est que des histoires comme ça. Sur un de ses disques, par exemple, tu retrouves les mélodies et les paroles d’une chanson de Police. Et quand tu lui fais remarquer, il te répond : « je ne sais même pas de quel groupe tu me parles ». C’est chaud quand même. [

Rires

]



Plus tard, je lui demande si ses dessins lui rapportent de l’argent, s’il arrive à en vivre et il m’explique qu’en fait, il ne les vend pas, il les échange à son père contre des cigarettes. C’est son père qui les vend en fait. Son père c’est un supporter de Bush, un ancien militaire, dans l’aviation…



Renaud :

D’ailleurs, ils se sont cartonnés en avion parce que Daniel Johnston avait vu Captain America sur l’aile de l’avion. [

Rires

]



Franck :

Oui, c’était au retour d’un show pour MTV. Il était trop content, trop heureux, il a fait une crise dans l’avion et ils se sont crashés dans une forêt. Il y a une photo extraordinaire où ils sont au pied de l’avion comme deux cons et l’engin est défoncé. Après, où est le mythe, où est la réalité, tu le sais jamais vraiment, mais le mythe est super beau en tout cas.





Huitième titre : « Pay The Price ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui a payé le prix, qui a pris cher - soit parce qu’il a mal vieilli, soit parce qu’il a posé des soucis à son auteur.
Renaud :

« Born In The USA » de Bruce Springsteen ! Un titre récupéré par les Républicains en mode « v’la un p’tit gars du pays qui chante la fierté d’être américain » alors qu’il exprime justement tout l’inverse. Toute sa vie, il a eu une image de redneck Républicain réac à cause de ce titre qui était une protest song. Tu peux pas faire mieux comme exemple.



Franck :

D’ailleurs j’ai pas mieux. [

Rires

]





Ensuite on a « Get Back », donc là c’est l’inverse : le disque d’un artiste qui a réussi à faire un retour fracassant.
Renaud :

Johnny Cash, évidemment. Ringard absolu dans les années 80, qui a réussi à revenir au sommet grâce à Rick Rubin qui l’a élevé quasiment au rang de Saint-Père du rock’n roll. Il est vraiment revenu de l’enfer, il avait une image atroce. Le mec, c’était le Saint-Patron de Billy Ray Cyrus et Garth Brooks, c’était une catastrophe. [

Rires

]





Avant-dernier titre, « Spirit Underground », donc logiquement je vais vous demander un disque ou un artiste qui est, selon vous, trop méconnu.
Franck :

Ça, on en a plein !



Renaud :

Déjà, les Thermals. Power-trio complètement ignoré qui ont pourtant aligné des tubes - que dis-je, des hymnes ! Des gros losers aussi. Des potes avaient essayé plusieurs fois de les faire jouer chez moi, à Valence, et à chaque fois ils étaient obligés d’annuler parce que toutes les autres dates de la tournée étaient annulées les unes après les autres. [

Rires

]



Franck :

Moi, je choisirais les Field Mice, dans un registre plus anglais, pop ligne claire. Ride, Slowdive et compagnie sont tous revenus mais pas eux - et je pense qu’ils ne reviendront jamais. Un groupe très sous-estimé. Sinon, je dois aussi citer

The Daredevil Christopher Wright

qui a fait deux albums mortels, super beaux, des mecs du fin fond du Wisconsin, et c’est que dalle en terme d’ampleur, ils jouent dans des bars gratos devant 20 personnes, c’est plus que sous-estimé, c’est une erreur.





Dernier morceau, « Looking Up », donc on va partir sur un titre ou un disque tourné vers l’avenir.
Franck :

Bah, Booba. [

Rires

]

Renaud : Le dernier Sufjan Stevens, Carrie & Lowell. C’est un mec que j’aime pas à la base, je détestais toutes ses envolées pop lyriques. Mais là, il a fait son Nebraska, son disque sur le deuil, et j’ai trouvé ça brillantissime. Ça faisait longtemps qu’un disque ne m’avait pas saisi comme ça, à l’os comme on dit. C’est rare que je bloque autant sur un disque. Et pour le coup, il « looks up » pas mal ce disque, il est très spirituel.

Franck : Super beau disque. Et pas facile, en plus. Les structures, les arrangements sont assez tordues et compliquées. C’est vraiment passionnant.

Renaud : Et pochette sublime. Il va être difficile à battre celui-là cette année.

Et vous, votre futur proche, c’est quoi ?
Renaud : Là, on a quelques dates, on va remettre ça en décembre, avec normalement un passage au Point Éphémère à Paris et après, une tournée en février 2016. On va voir ce que ça va donner.

Franck : L’avantage, c’est qu’on a absolument aucune pression. [Rires]

Le premier album de 51 Black Super est disponible depuis une semaine sur Vietnam/Because. Et il se trouve qu'on vous en fait gagner par ici.

Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il est toujours sceptique sur le dernier Sufjan Stevens mais s'est acheté les deux albums de The Daredevil Christopher Wright. Il est sur Twitter.


On passe ensuite à « Over The Bridge ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui est au-dessus de tout le reste, un truc un peu surhumain ou délirant, qui vous impressionne particulièrement.

Renaud :

Blood On The Tracks

de Bob Dylan, qui est une espèce d'histoire délirante sur un divorce. J’aime cette idée de mise à nu où le mec raconte sa vie au travers d’une histoire imaginaire de femme qui se fait enlever en Italie par un amant. À partir d’un truc réel et triste, il créé une monde imaginaire avec des personnages fictifs.

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Franck :

Je dirais « Speeding Motorcycle » de Daniel Johnston - même si tous ces morceaux pourraient faire l’affaire. Ça se lit, là aussi, comme un livre ou une BD.

En parlant de trucs surhumains, Renaud tu as sorti le nouveau H-Burns en début d’année et toi, Franck, tu as lancé Society - vous n’étiez pas encore assez occupés ? Il a fallu que vous sortiez en plus ce disque de 51 Black Super ? [Rires]

Franck :

On ne s’est pas trop posé la question. On n’avait pas trop envie de réfléchir. Y’a pas vraiment d’ambition avec ce groupe. On n’arrive pas le poing levé en disant « ouais, on est le meilleur groupe du monde ». On avait juste envie que ce truc existe. On l’avait déjà pas mal retardé.

Renaud :

Oui, il y a des morceaux qui ont 2-3 ans.

Franck :

Cela dit, c’était plus une histoire de planning. On avait des disques plus ambitieux à sortir avant, comme le Night Moves de H-Burns par exemple.

Quatrième titre, « Suburbs ». Là, je vais vous demander un disque ou un titre qui vous évoque la banlieue, qu’elle soit française ou nord-américaine.

Renaud :

Évidemment « Range Life » de Pavement, même si le clip en mode journal de tournée n’a un peu rien à voir. Déjà, Pavement c’est le suburban group dans toute sa splendeur et puis dans ce morceau-là en particulier, ils parlent justement de faire du skate en faisant des bulles de chewing-gum dans les allées d’un lotissement, ce genre de trucs.

Franck :

Moi ce serait « Cheap Beer » de Fidlar, là aussi un super groupe de « rock de lotissements » [

Publicité

Rires

]

Renaud :

C’est marrant parce qu’ils sont de Eagle Rock dans le Nord-Est de Los Angeles, un quartier qui a vachement ce côté « lotissements américains ». En même temps Los Angeles, c’est exactement ça, c’est un patchwork de lotissements. Mais le leur est vraiment cool. C’est là où on a tourné le clip de « Signals » de H-Burns. C’est un endroit hyper photogénique. Plein d’épiceries pourries qui ont une tronche hyper cool, des magasins mexicains, des terrains de soft-ball…

Titre suivant, « It’s A Soundtrack » donc, logiquement, je vais vous demander votre B.O. de film préférée.

Renaud :

Vu qu’on est dans les 90’s et la banlieue, je vais dire

Mallrats

de Kevin Smith. Une des plus belles apparitions de Jay & Silent Bob, déjà. Et puis ce scénario pas possible. Les mecs se font plaquer et qu’est-ce qu’ils font ? Ils vont au centre commercial. [

Rires

] Si 51 Black Super avait existé à l’époque où le film est sorti, j’aurais adoré avoir un de nos morceaux dans la B.O.

Franck :

Nowhere

de Gregg Araki. C’est quand même le seul mec qui a réussi à me faire aimer Suede. [

Rires

] Il y a un de leurs morceaux qui est mis en scène de manière géniale dans le film.

Titre 6 : « MJ Wilson ». C’est qui en fait, MJ Wilson ?

Renaud :

C’est un personnage inventé. En fait, dans ce morceau, il y a un personnage masculin, MJ Wilson, et un personnage féminin, Louise E. Et ça raconte la désocialisation de ces deux individus, comment ils se désocialisent petit à petit en s’enfonçant dans une espèce de déprime urbaine. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont des noms à initiales. Ça leur donne « John Doe », ça colle parfaitement au thème. C'est peut-être le seul morceau du disque qui soit vraiment profond. T'as bien fait de nous questionner sur celui-là.

Publicité

[

Rires

]

Faut dire que c'est aussi mon morceau préféré de l'album. Bon, du coup je vais vous demander un titre ou un disque dont les paroles vous touchent particulièrement.

Renaud :

Moi, c’est facile, c’est

A River Ain’t Too Much to Love

de Smog parce qu’il parle de partir du fond du trou pour renaître tel le phénix et qu’il le fait de manière admirable. C’est, pour moi, un des plus grands paroliers vivants.

Franck :

Moi j’ai plus de mal à chosir. Je mettrais tout Elliot Smith, tout

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse et tous les disques de Mark Linkous en rêgle générale…

Renaud :

Bon déjà le mec a fait un morceau qui commence par « I want my records back ». C’est pas rien dans la vie d’un Homme. [

Rires

]

Franck :

Non mais sur

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

, premier morceau il commence direct en citant Shakespeare. Et il te fait une chanson d’amour où il te dit « Tu es mon hôpital ». Le mec est costaud, quoi. « Saturday » c’est un de mes morceaux préférés.

Carrément. Ça me fait d’ailleurs penser à un truc assez douloureux : je l’ai vu se faire siffler en première partie de Radiohead à Paris, sur la tournée OK Computer.

Renaud :

Moi aussi ! Mais à Grenoble. J’étais venu exprès pour eux et je vois tous ces connards le siffler.

Pareil. En plus, il était sur sa chaise roulante et tout. Bon, le truc cool c’est qu’il s’est pas démonté et qu’il leur a fait : « Désolé mais vous allez devoir être patients, je vais finir mon set ».

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Renaud :

Visiblement ça s’est reproduit tout au long de la tournée. L'angoisse.

On reprend avec « Real Face » et je vais cette fois vous demander un artiste que vous aimez justement parce qu’il se met à nu et réussit à montrer son vrai visage.

Renaud :

Je vais revenir sur Daniel Johnston qui, dans sa naïveté, arrive à parler de son obsession majeure, à savoir cette fille qu’il a rencontré au lycée et dont il est éperdument amoureux. Il a abordé le même sujet quasiment tout au long de sa carrière.

Tu as eu l’occasion de le rencontrer ?

Renaud :

Moi non, mais Franck l’a rencontré plusieurs fois.

Franck :

En fait je ne l’ai jamais rencontré physiquement, uniquement au téléphone. Je crois que j’ai été le premier français à l’interviewer d’ailleurs. Le premier entretien que j’ai eu avec lui, ça devait être en 1997. Il m’avais expliqué très sérieusement que Captain America allait sauver le monde. Je lui avais répondu que Captain America n’existait pas et lui m’a fait : « si, si, il existe, c’est John Belushi. » [

Rires

] Dans Sofa, le magazine que j’avais lancé à l’époque, j’avais fait une couve Daniel Johnston avec un article de 35 pages. Du coup je connais toute son histoire par coeur. Comme disait Renaud, il est obsédé par cette nana du lycée dont il est amoureux et qui s’est mariée avec le type des pompes funèbres de son patelin. Et il a fini par se réfugier dans un monde imaginaire. Mais il est tellement dedans que ça donne des situations assez dingues.

Publicité

Un jour en Hollande, des journalistes sont venus le voir et il était persuadé d’avoir Elvis Costello dans son groupe. En fait, c’était juste un type qui ressemblait vaguement à Elvis Costello mais lui était persuadé que c’était le vrai et il le présentait à tout le monde. [

Rires

] Quand je l’ai interviewé, on a du faire l’entretien au téléphone par petites sessions de 15 minutes. Parce que son père ne voulait pas lui laisser plus de 15 minutes sinon il allait penser qu’il était devenu très connu et allait faire des crises. Parce que son rêve, c’est de devenir Madonna en gros. Du coup, on l’appelait 15 minutes, puis on le rappelait 15 minutes encore le lendemain et ainsi de suite, pendant plusieurs jours. Et c’est que des histoires comme ça. Sur un de ses disques, par exemple, tu retrouves les mélodies et les paroles d’une chanson de Police. Et quand tu lui fais remarquer, il te répond : « je ne sais même pas de quel groupe tu me parles ». C’est chaud quand même. [

Rires

]

Plus tard, je lui demande si ses dessins lui rapportent de l’argent, s’il arrive à en vivre et il m’explique qu’en fait, il ne les vend pas, il les échange à son père contre des cigarettes. C’est son père qui les vend en fait. Son père c’est un supporter de Bush, un ancien militaire, dans l’aviation…

Renaud :

D’ailleurs, ils se sont cartonnés en avion parce que Daniel Johnston avait vu Captain America sur l’aile de l’avion. [

Publicité

Rires

]

Franck :

Oui, c’était au retour d’un show pour MTV. Il était trop content, trop heureux, il a fait une crise dans l’avion et ils se sont crashés dans une forêt. Il y a une photo extraordinaire où ils sont au pied de l’avion comme deux cons et l’engin est défoncé. Après, où est le mythe, où est la réalité, tu le sais jamais vraiment, mais le mythe est super beau en tout cas.

Huitième titre : « Pay The Price ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui a payé le prix, qui a pris cher - soit parce qu’il a mal vieilli, soit parce qu’il a posé des soucis à son auteur.

Renaud :

« Born In The USA » de Bruce Springsteen ! Un titre récupéré par les Républicains en mode « v’la un p’tit gars du pays qui chante la fierté d’être américain » alors qu’il exprime justement tout l’inverse. Toute sa vie, il a eu une image de redneck Républicain réac à cause de ce titre qui était une protest song. Tu peux pas faire mieux comme exemple.

Franck :

D’ailleurs j’ai pas mieux. [

Rires

]



Par expérience, on le sait, ce genre de disque ne donne rien : deux membres de H-Burns, entourés de quatre vieux potes à eux, parmi lesquels Franck Annese, le boss de So Press et du label Vietnam, ça sent la petite anecdote de rentrée, le truc vite écouté, vite oublié, voire la blague qui est allée un poil trop loin. Le fait est que le premier album de 51 Black Super est non seulement une des plus beaux instants fraîcheur-citron de 2015, mais aussi, et ce n'est pas exactement rien, un des meilleurs disques d'indie-rock canal historique sortis ces 5 ou 6 dernières années. 11 morceaux empruntant aussi bien à Superchunk, Grandaddy ou Sparklehorse, qu'aux Palace Brothers ou aux premiers Beck, torchés en dépit du rien à foutre dans une ambiance 100 % « MTV 1992 ». 11 titres que l'on a passé en revue avec Renaud Brustlein (leader de H-Burns) et Franck Annese pour une Playlist Imposée où se croisent Madonna, Weezer, Pavement, Field Mice, Johnny Cash et Daniel Johnston.

Noisey : Le premier morceau s’intitule « Bigger », je vais donc vous demander de me parler d’un disque ou d’un titre que vous aimez et qui est justement « Big » - un tube énorme ou un truc très produit, par exemple.
Franck Annese :

« Into The Groove » de Madonna. J’adore déjà le titre en soi et j’aime aussi beaucoup ce que Sonic Youth en a fait. J’aime bien quand des titres ont deux vies comme ça. Et ça arrive rarement qu’ils aient deux vies aussi belles.



Renaud Brustlein :

Moi je dirais « Beverly Hills » de Weezer. Sur ce morceau, ils utilisent tous les codes de la grosse production américaine mais avec leur fun et leur coolitude naturelle, ce qui fait que ça passe nickel. C’est vraiment un groupe très doué pour…comment dire…faire avaler les couleuvres. [

Rires

] Faire un truc bling-bling tout en se foutant de la gueule du truc. Et si tu le passes dans une soirée bling-bling, ça marche. [

Rires

]



Avec 51 Black Super, vous faites plutôt fait l’inverse : c’est spontané, direct, un peu brouillon, sans fioritures.
Renaud :

C’était un peu le but avec ce groupe. Pas de méthode, pas de prise de tête, on avait juste envie de faire un truc indie-rock très immédiat. On trouve une mélodie qui nous paraît cool, on fait un petit morceau de 2 minutes autour et basta. Après, il y a un petit côté bancal. Mais comme je dis souvent, le meilleur guitariste dans 51 Black Super, c’est le batteur [Rires].



C’est une esthétique qui vous plaît de toute façon, ce côté un peu cagneux.
Franck :

Oui, parce c’est ce qu’on écoute. Après, tu as pas mal de gens qui font une musique qui n’a rien à voir avec ce qu’ils écoutent. Tu prends Yodelice par exemple, le mec est ultra-calé en soul et rhythm & blues, mais ça musique n’a absolument rien à voir. Dans 51 Black Super on joue exactement la musique qu’on écoute chez nous.



Renaud :

C’est un truc qui nous vient tous très naturellement, du coup.





Deuxième titre : « Special Number », donc je vais vous demander un disque ou un morceau qui occupe une place spéciale chez vous, qui vous accompagne depuis des années.
Franck : Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse.

Renaud :

Crooked Rain, Crooked Rain

de Pavement. Je le réécooute tous les mois avec le même plaisir.



Il y a un vibe très teenage sur l’album de 51 Black Super. Vous vous connaissez depuis cette période-là ?
Franck :

Non, on ne se connaissait pas quand on était ados mais on jouait déjà les uns avec les autres, il y a une grosse ossature adolescente dans le groupe.



Renaud :

C’est une réunion de gens qui ont grandi à la même époque, qui ont -pour certains- déjà joué ensemble et qui ont dans tous les cas déjà joué ce type de musique dans les années 90. Il y a même eu des rivalités entre un ou deux d’entre nous quand on avait 14 ans, dans des petites villes de province [

Rires

]. On a eu des plans métalleux contre grunges, ce genre là. Un combat où personne n’a vraiment gagné au final [

Rires

]



Franck :

Cela dit, si on s’était connus à 14 ans, on aurait fait de la musique ensemble, c’est certain. C’est juste qu’on habitait pas au même endroit.



C’était quoi vos premiers groupes ?
Renaud :

Moi, j’ai eu un groupe de post-rock/noise pendant longtemps mais avant ça je faisais du metal, des trucs à la Deftones.



Franck :

Moi, c’était plus ringos…



Renaud :

Des trucs de balloche ? [

Rires

]



Franck :

Non, mais genre des trucs où il y avait du saxophone, tu vois ? J’ai eu un groupe par exemple où c’était percussions / violon / guitare / xylophone.



Renaud :

Putain, quel enfer. C’est Jethro Tull ton truc là. [

Rires

] On aurait peut-être pas joué ensemble en fait. T’aurais plutôt été sur notre liste.



Franck :

Genre « voilà l’autre connard avec ses jeans à fleurs » [

Rires

] Après, j’ai eu un groupe avec des gens qui sont chez So Press aujourd’hui. Un truc qui s’appelait We Love You Samantha Gailey et qui était nettement plus dans l’esprit de 51 Black Super pour le coup.





On passe ensuite à « Over The Bridge ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui est au-dessus de tout le reste, un truc un peu surhumain ou délirant, qui vous impressionne particulièrement.
Renaud :

Blood On The Tracks

de Bob Dylan, qui est une espèce d'histoire délirante sur un divorce. J’aime cette idée de mise à nu où le mec raconte sa vie au travers d’une histoire imaginaire de femme qui se fait enlever en Italie par un amant. À partir d’un truc réel et triste, il créé une monde imaginaire avec des personnages fictifs.



Franck :

Je dirais « Speeding Motorcycle » de Daniel Johnston - même si tous ces morceaux pourraient faire l’affaire. Ça se lit, là aussi, comme un livre ou une BD.



En parlant de trucs surhumains, Renaud tu as sorti le nouveau H-Burns en début d’année et toi, Franck, tu as lancé Society - vous n’étiez pas encore assez occupés ? Il a fallu que vous sortiez en plus ce disque de 51 Black Super ? [Rires]
Franck :

On ne s’est pas trop posé la question. On n’avait pas trop envie de réfléchir. Y’a pas vraiment d’ambition avec ce groupe. On n’arrive pas le poing levé en disant « ouais, on est le meilleur groupe du monde ». On avait juste envie que ce truc existe. On l’avait déjà pas mal retardé.



Renaud :

Oui, il y a des morceaux qui ont 2-3 ans.



Franck :

Cela dit, c’était plus une histoire de planning. On avait des disques plus ambitieux à sortir avant, comme le Night Moves de H-Burns par exemple.

Quatrième titre, « Suburbs ». Là, je vais vous demander un disque ou un titre qui vous évoque la banlieue, qu’elle soit française ou nord-américaine.
Renaud :

Évidemment « Range Life » de Pavement, même si le clip en mode journal de tournée n’a un peu rien à voir. Déjà, Pavement c’est le suburban group dans toute sa splendeur et puis dans ce morceau-là en particulier, ils parlent justement de faire du skate en faisant des bulles de chewing-gum dans les allées d’un lotissement, ce genre de trucs.



Franck :

Moi ce serait « Cheap Beer » de Fidlar, là aussi un super groupe de « rock de lotissements » [

Rires

]



Renaud :

C’est marrant parce qu’ils sont de Eagle Rock dans le Nord-Est de Los Angeles, un quartier qui a vachement ce côté « lotissements américains ». En même temps Los Angeles, c’est exactement ça, c’est un patchwork de lotissements. Mais le leur est vraiment cool. C’est là où on a tourné le clip de « Signals » de H-Burns. C’est un endroit hyper photogénique. Plein d’épiceries pourries qui ont une tronche hyper cool, des magasins mexicains, des terrains de soft-ball…





Titre suivant, « It’s A Soundtrack » donc, logiquement, je vais vous demander votre B.O. de film préférée.
Renaud :

Vu qu’on est dans les 90’s et la banlieue, je vais dire

Mallrats

de Kevin Smith. Une des plus belles apparitions de Jay & Silent Bob, déjà. Et puis ce scénario pas possible. Les mecs se font plaquer et qu’est-ce qu’ils font ? Ils vont au centre commercial. [

Rires

] Si 51 Black Super avait existé à l’époque où le film est sorti, j’aurais adoré avoir un de nos morceaux dans la B.O.



Franck : Nowhere

de Gregg Araki. C’est quand même le seul mec qui a réussi à me faire aimer Suede. [

Rires

] Il y a un de leurs morceaux qui est mis en scène de manière géniale dans le film.



Titre 6 : « MJ Wilson ». C’est qui en fait, MJ Wilson ?
Renaud :

C’est un personnage inventé. En fait, dans ce morceau, il y a un personnage masculin, MJ Wilson, et un personnage féminin, Louise E. Et ça raconte la désocialisation de ces deux individus, comment ils se désocialisent petit à petit en s’enfonçant dans une espèce de déprime urbaine. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont des noms à initiales. Ça leur donne « John Doe », ça colle parfaitement au thème. C'est peut-être le seul morceau du disque qui soit vraiment profond. T'as bien fait de nous questionner sur celui-là.

[Rires]



Faut dire que c'est aussi mon morceau préféré de l'album. Bon, du coup je vais vous demander un titre ou un disque dont les paroles vous touchent particulièrement.
Renaud :

Moi, c’est facile, c’est

A River Ain’t Too Much to Love

de Smog parce qu’il parle de partir du fond du trou pour renaître tel le phénix et qu’il le fait de manière admirable. C’est, pour moi, un des plus grands paroliers vivants.



Franck :

Moi j’ai plus de mal à chosir. Je mettrais tout Elliot Smith, tout

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

de Sparklehorse et tous les disques de Mark Linkous en rêgle générale…



Renaud :

Bon déjà le mec a fait un morceau qui commence par « I want my records back ». C’est pas rien dans la vie d’un Homme. [

Rires

]



Franck :

Non mais sur

Vivadixiesubmarinetransmissionplot

, premier morceau il commence direct en citant Shakespeare. Et il te fait une chanson d’amour où il te dit « Tu es mon hôpital ». Le mec est costaud, quoi. « Saturday » c’est un de mes morceaux préférés.



Carrément. Ça me fait d’ailleurs penser à un truc assez douloureux : je l’ai vu se faire siffler en première partie de Radiohead à Paris, sur la tournée OK Computer.
Renaud :

Moi aussi ! Mais à Grenoble. J’étais venu exprès pour eux et je vois tous ces connards le siffler.



Pareil. En plus, il était sur sa chaise roulante et tout. Bon, le truc cool c’est qu’il s’est pas démonté et qu’il leur a fait : « Désolé mais vous allez devoir être patients, je vais finir mon set ».
Renaud :

Visiblement ça s’est reproduit tout au long de la tournée. L'angoisse.





On reprend avec « Real Face » et je vais cette fois vous demander un artiste que vous aimez justement parce qu’il se met à nu et réussit à montrer son vrai visage.
Renaud :

Je vais revenir sur Daniel Johnston qui, dans sa naïveté, arrive à parler de son obsession majeure, à savoir cette fille qu’il a rencontré au lycée et dont il est éperdument amoureux. Il a abordé le même sujet quasiment tout au long de sa carrière.



Tu as eu l’occasion de le rencontrer ?
Renaud :

Moi non, mais Franck l’a rencontré plusieurs fois.



Franck :

En fait je ne l’ai jamais rencontré physiquement, uniquement au téléphone. Je crois que j’ai été le premier français à l’interviewer d’ailleurs. Le premier entretien que j’ai eu avec lui, ça devait être en 1997. Il m’avais expliqué très sérieusement que Captain America allait sauver le monde. Je lui avais répondu que Captain America n’existait pas et lui m’a fait : « si, si, il existe, c’est John Belushi. » [

Rires

] Dans Sofa, le magazine que j’avais lancé à l’époque, j’avais fait une couve Daniel Johnston avec un article de 35 pages. Du coup je connais toute son histoire par coeur. Comme disait Renaud, il est obsédé par cette nana du lycée dont il est amoureux et qui s’est mariée avec le type des pompes funèbres de son patelin. Et il a fini par se réfugier dans un monde imaginaire. Mais il est tellement dedans que ça donne des situations assez dingues.



Un jour en Hollande, des journalistes sont venus le voir et il était persuadé d’avoir Elvis Costello dans son groupe. En fait, c’était juste un type qui ressemblait vaguement à Elvis Costello mais lui était persuadé que c’était le vrai et il le présentait à tout le monde. [

Rires

] Quand je l’ai interviewé, on a du faire l’entretien au téléphone par petites sessions de 15 minutes. Parce que son père ne voulait pas lui laisser plus de 15 minutes sinon il allait penser qu’il était devenu très connu et allait faire des crises. Parce que son rêve, c’est de devenir Madonna en gros. Du coup, on l’appelait 15 minutes, puis on le rappelait 15 minutes encore le lendemain et ainsi de suite, pendant plusieurs jours. Et c’est que des histoires comme ça. Sur un de ses disques, par exemple, tu retrouves les mélodies et les paroles d’une chanson de Police. Et quand tu lui fais remarquer, il te répond : « je ne sais même pas de quel groupe tu me parles ». C’est chaud quand même. [

Rires

]



Plus tard, je lui demande si ses dessins lui rapportent de l’argent, s’il arrive à en vivre et il m’explique qu’en fait, il ne les vend pas, il les échange à son père contre des cigarettes. C’est son père qui les vend en fait. Son père c’est un supporter de Bush, un ancien militaire, dans l’aviation…



Renaud :

D’ailleurs, ils se sont cartonnés en avion parce que Daniel Johnston avait vu Captain America sur l’aile de l’avion. [

Rires

]



Franck :

Oui, c’était au retour d’un show pour MTV. Il était trop content, trop heureux, il a fait une crise dans l’avion et ils se sont crashés dans une forêt. Il y a une photo extraordinaire où ils sont au pied de l’avion comme deux cons et l’engin est défoncé. Après, où est le mythe, où est la réalité, tu le sais jamais vraiment, mais le mythe est super beau en tout cas.





Huitième titre : « Pay The Price ». Je vais cette fois vous demander un titre ou un disque qui a payé le prix, qui a pris cher - soit parce qu’il a mal vieilli, soit parce qu’il a posé des soucis à son auteur.
Renaud :

« Born In The USA » de Bruce Springsteen ! Un titre récupéré par les Républicains en mode « v’la un p’tit gars du pays qui chante la fierté d’être américain » alors qu’il exprime justement tout l’inverse. Toute sa vie, il a eu une image de redneck Républicain réac à cause de ce titre qui était une protest song. Tu peux pas faire mieux comme exemple.



Franck :

D’ailleurs j’ai pas mieux. [

Rires

]





Ensuite on a « Get Back », donc là c’est l’inverse : le disque d’un artiste qui a réussi à faire un retour fracassant.
Renaud :

Johnny Cash, évidemment. Ringard absolu dans les années 80, qui a réussi à revenir au sommet grâce à Rick Rubin qui l’a élevé quasiment au rang de Saint-Père du rock’n roll. Il est vraiment revenu de l’enfer, il avait une image atroce. Le mec, c’était le Saint-Patron de Billy Ray Cyrus et Garth Brooks, c’était une catastrophe. [

Rires

]





Avant-dernier titre, « Spirit Underground », donc logiquement je vais vous demander un disque ou un artiste qui est, selon vous, trop méconnu.
Franck :

Ça, on en a plein !



Renaud :

Déjà, les Thermals. Power-trio complètement ignoré qui ont pourtant aligné des tubes - que dis-je, des hymnes ! Des gros losers aussi. Des potes avaient essayé plusieurs fois de les faire jouer chez moi, à Valence, et à chaque fois ils étaient obligés d’annuler parce que toutes les autres dates de la tournée étaient annulées les unes après les autres. [

Rires

]



Franck :

Moi, je choisirais les Field Mice, dans un registre plus anglais, pop ligne claire. Ride, Slowdive et compagnie sont tous revenus mais pas eux - et je pense qu’ils ne reviendront jamais. Un groupe très sous-estimé. Sinon, je dois aussi citer

The Daredevil Christopher Wright

qui a fait deux albums mortels, super beaux, des mecs du fin fond du Wisconsin, et c’est que dalle en terme d’ampleur, ils jouent dans des bars gratos devant 20 personnes, c’est plus que sous-estimé, c’est une erreur.





Dernier morceau, « Looking Up », donc on va partir sur un titre ou un disque tourné vers l’avenir.
Franck :

Bah, Booba. [

Rires

]

Renaud : Le dernier Sufjan Stevens, Carrie & Lowell. C’est un mec que j’aime pas à la base, je détestais toutes ses envolées pop lyriques. Mais là, il a fait son Nebraska, son disque sur le deuil, et j’ai trouvé ça brillantissime. Ça faisait longtemps qu’un disque ne m’avait pas saisi comme ça, à l’os comme on dit. C’est rare que je bloque autant sur un disque. Et pour le coup, il « looks up » pas mal ce disque, il est très spirituel.

Franck : Super beau disque. Et pas facile, en plus. Les structures, les arrangements sont assez tordues et compliquées. C’est vraiment passionnant.

Renaud : Et pochette sublime. Il va être difficile à battre celui-là cette année.

Et vous, votre futur proche, c’est quoi ?
Renaud : Là, on a quelques dates, on va remettre ça en décembre, avec normalement un passage au Point Éphémère à Paris et après, une tournée en février 2016. On va voir ce que ça va donner.

Franck : L’avantage, c’est qu’on a absolument aucune pression. [Rires]

Le premier album de 51 Black Super est disponible depuis une semaine sur Vietnam/Because. Et il se trouve qu'on vous en fait gagner par ici.

Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il est toujours sceptique sur le dernier Sufjan Stevens mais s'est acheté les deux albums de The Daredevil Christopher Wright. Il est sur Twitter.


Ensuite on a « Get Back », donc là c’est l’inverse : le disque d’un artiste qui a réussi à faire un retour fracassant.

Renaud :

Johnny Cash, évidemment. Ringard absolu dans les années 80, qui a réussi à revenir au sommet grâce à Rick Rubin qui l’a élevé quasiment au rang de Saint-Père du rock’n roll. Il est vraiment revenu de l’enfer, il avait une image atroce. Le mec, c’était le Saint-Patron de Billy Ray Cyrus et Garth Brooks, c’était une catastrophe. [

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Avant-dernier titre, « Spirit Underground », donc logiquement je vais vous demander un disque ou un artiste qui est, selon vous, trop méconnu.

Franck :

Ça, on en a plein !

Renaud :

Déjà, les Thermals. Power-trio complètement ignoré qui ont pourtant aligné des tubes - que dis-je, des hymnes ! Des gros losers aussi. Des potes avaient essayé plusieurs fois de les faire jouer chez moi, à Valence, et à chaque fois ils étaient obligés d’annuler parce que toutes les autres dates de la tournée étaient annulées les unes après les autres. [

Rires

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Franck :

Moi, je choisirais les Field Mice, dans un registre plus anglais, pop ligne claire. Ride, Slowdive et compagnie sont tous revenus mais pas eux - et je pense qu’ils ne reviendront jamais. Un groupe très sous-estimé. Sinon, je dois aussi citer

The Daredevil Christopher Wright

qui a fait deux albums mortels, super beaux, des mecs du fin fond du Wisconsin, et c’est que dalle en terme d’ampleur, ils jouent dans des bars gratos devant 20 personnes, c’est plus que sous-estimé, c’est une erreur.

Dernier morceau, « Looking Up », donc on va partir sur un titre ou un disque tourné vers l’avenir.

Franck :

Bah, Booba. [

Rires

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Renaud : Le dernier Sufjan Stevens, Carrie & Lowell. C’est un mec que j’aime pas à la base, je détestais toutes ses envolées pop lyriques. Mais là, il a fait son Nebraska, son disque sur le deuil, et j’ai trouvé ça brillantissime. Ça faisait longtemps qu’un disque ne m’avait pas saisi comme ça, à l’os comme on dit. C’est rare que je bloque autant sur un disque. Et pour le coup, il « looks up » pas mal ce disque, il est très spirituel. Franck : Super beau disque. Et pas facile, en plus. Les structures, les arrangements sont assez tordues et compliquées. C’est vraiment passionnant. Renaud : Et pochette sublime. Il va être difficile à battre celui-là cette année. Et vous, votre futur proche, c’est quoi ?
Renaud : Là, on a quelques dates, on va remettre ça en décembre, avec normalement un passage au Point Éphémère à Paris et après, une tournée en février 2016. On va voir ce que ça va donner. Franck : L’avantage, c’est qu’on a absolument aucune pression. [Rires]

Le premier album de 51 Black Super est disponible depuis une semaine sur Vietnam/Because. Et il se trouve qu'on vous en fait gagner par ici. Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il est toujours sceptique sur le dernier Sufjan Stevens mais s'est acheté les deux albums de The Daredevil Christopher Wright. Il est sur Twitter.