FYI.

This story is over 5 years old.

Music

N.W.A. sur Seine

Ce samedi, tous les westeux franciliens étaient au Petit Bain pour la venue de DJ Yella et Lil Eazy E. Yérim Sar aussi.

Lil Eazy E et DJ Yella - Photo : The Genevan Heathen Ce samedi, tous les westeux franciliens étaient au Petit Bain pour la venue de DJ Yella et Lil Eazy E. On ne présente plus le premier, légendaire DJ de N.W.A., en revanche il sera peut être utile de préciser que le second est -comme son nom l'indique- le fils d'Eric Wright alias Eazy E, frontman de N.W.A. et figure emblématique du gangsta rap, décédé en 1995. Pour le reste, vous connaissez l’histoire, ou en tout cas vous devriez, sinon ça veut clairement dire que vous vous êtes trompé de site.

Publicité

Concert complet, fans pas assez prévoyants refoulés à l'entrée, salle blindée… Difficile de dresser un portrait-type du public : des anciens avec leur look de l'époque, des plus vieux qui se sont assagis, des jeunes curieux, d'autres qui sont là pour la première partie française, des gratteurs, et surtout une majorité de westeux entre 30 et 40 ans. Et des filles, parce Compton, c'est pas non plus le Queens.

Après DJ Takt et une introduction de Driver, maître de cérémonie au sens le plus strict du terme (« il pourrait faire de la télé, y'a moyen », remarque un amateur), c'est Papillon qui débarque, accompagné de Topaz et de la chanteuse Reena. Et là c'est le drame : juste après « Saoûl au soleil », la sono lâche. Les ingés s'activent, mais rien n'y fait : les micros marchent, mais pas les instrus, en tout cas pas tous, et pas assez fort. Le Foulala et GG des Sales Blancs se pointent en renfort pendant que les réglages continuent. Gros niveau de système D, les rappeurs s'adaptent et balancent les hits connus des initiés « R.M.I Riders », « V.T.F.E », ainsi que des plus récents de la tape gratuite Conducteur et Passager avec Papillon.

À un moment on a touché le fond. Le Foulala a balancé une blague pour meubler : « vous savez pourquoi les femmes se maquillent ? Parce qu'elles sont moches ! » -il aurait peut-être dû pousser jusqu'à la version complète « se maquillent ET se parfument » pour la double chute « parce qu'elles sont moches et qu'elles puent ». Là, il m'a vraiment déçu.

Publicité

La public a été assez remarquable, si l'on considère que tout était réuni pour que ça dégénère : sono qui lâche sur la première partie, alcool, retard sur le planning, alcool, têtes d'affiche US capricieuses, alcool. Mais c'était un concert de westeux, et les westeux sont cools. On sent une complicité entre les artistes et les premiers rangs qui les encouragent sans cesse. Il faut dire aussi que l'attitude des rappeurs est exemplaire, entre Papillon sincèrement désolé et la bonne humeur communicative du Foulala qui offre des boissons ici et là. Bon, peut-être que les boissons offertes ont fait plus que le reste, mais quand même.

Aelpéacha - Photo : Jean-Louis Hé Une fois la sono réglée, Paplar est forcé de réduire ses deux classiques « Playa » et « Tout Saigne » à un enchaînement rapide, et Driver revient pour son set complet. Le Maire de Sarcelles maîtrise son sujet et met tout le monde d'accord avant de laisser la place à Aelpéacha. À voir les string-volants, nombreux depuis le début du show, c'est clairement lui le plus attendu. Plusieurs invités (Supa John, Marsha Kate), un mini-set de MSJ intégré au sien, une fille du public choisie au hasard pour l'accompagner sur « Rendez-Vous », sans oublier BE2S aux backs, Yuri, BG Lolo, d'autres membres du CSRD… « Ça va partir en George Clinton, des concerts qui durent 5 heures », plaisante-t-il tandis que le personnel de la salle s'arrache les cheveux. Après avoir touché le ciel sur le classique « Y'a pas qu'la chatte » (respect au fan qui avait prévu un t-shirt avec le refrain floqué dessus), Aelpéacha conclut son set sur un hommage à Desty Corleone, membre du CSRD décédé en 2013 et grand activiste de la scène west hexagonale. Classe.

DJ Yella s'installe ensuite sous les cris du public, et démarre un show qui tient plus du warm-up qu'autre chose : les classiques s'enchaînent sans discontinuer (Ice Cube, Dre, Snoop, Above The Law…). Deux téméraires tapent l'incruste pour quelques pas de C-Walk mais sont vite rappelés à l'ordre.

Puis Lil Eazy E fait son entrée. Un mec bourré note, rêveur : « après, il va sûrement se taper plein de putes », tandis que l'artiste se présente devant une salle conquise d'avance. On va éviter les remarques foireuses type « le fantôme de Eazy E planait sur l'assemblée » : si ça fonctionne, c'est parce que le fiston s'efface totalement pour adopter le flow et la voix du défunt, avec un mimétisme qu'il cultive depuis des années. C'est efficace, et après tout, réciter les tubes de son père, c'est un peu le plus beau métier du monde, non ? Le mec fait revivre « Boyz N' The Hood », « Gimme That Nutt », « Eazy Duz It », « I'd Rather Fuck You » et tout un tas de couplets de NWA. C'est aussi là qu'on voit le côté hétéroclite du public : pour les uns, c'est historique, pour les autres c'est juste un mec qui reprend des tubes lointains. Les premiers sont les plus actifs, artistes et spectateurs se confondent plus que jamais : les rappeurs français dansent comme des gosses derrière les deux américains, Aelpéacha se jette dans la foule, le bodyguard de 3 mètres fait semblant de rien, l'ambiance est à la détente. À peine le molosse se contente-t-il de recadrer les choses quand il voit Lil Eazy E taper la pose pour des photos avec des mecs montés sur scène. WTF : Welcome To France, c'est aussi ça qui est bon. C'est aussi ce qui différencie la scène west du reste du rap français : décomplexée, mais aussi assez fermée sur elle-même, pour la bonne raison que peu de gens la calculent, au final. Du coup il y a un côté réunion de famille dans ce genre de concerts et le tri se fait de lui-même : en 2014, seul les passionnés sont là, sur scène comme dans la fosse. « On dirait qu'ils attendaient cette soirée depuis 25 ans», s'amuse un jeune. Malgré les protestations hilares d'Aelpéacha, qui ne voulait pas que ça s'arrête, les américains finissent par ranger leur matos, comblés par l'accueil royal qu'ils ont reçu. À la sortie, certains titubent, le gagnant du concours de bières s'en sort avec les honneurs, un autre arbore fièrement un string en guise de couronne. Ouais, ça aurait pu partir en couilles, mais c'est parti en Georges Clinton. Et c'est très bien comme ça.

R.I.P Eazy E, R.I.P Desty Corleone, et longue vie à tous les autres. Yérim Sar pourrait faire de la télé, y'a moyen. Il est sur Twitter - @spleenter