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Qui n'a pas encore dansé le « Charo » sur du Niska ?

Il a séduit les plus grands, de Blaise Matuidi à Maître Gims : le rappeur d'Evry a discuté quelques minutes avec nous juste avant son concert de rentrée à la Cigale.
Genono
par Genono

Pour le profane, l’ampleur de la vague Niska se mesure assez facilement. Allez en soirée, et attendez que le DJ balance « Sapé comme jamais ». 90 % des greluches présentes dans la salle vont devenir euphoriques et backer le couplet de Niska comme si elles l’avaient elles-mêmes ghostwritté. Ou alors, allez dans un bar un soir de match de l’équipe de France. Si vous ne vous endormez pas avant la fin, vous remarquerez forcément ce moment où un mec va demander à une fille « dis-moi, c’est quoi le prénom de Matuidi ? ». Si elle répond Blaise, bingo. Epousez-la. Mais la moitié du temps, elle répondra, à mi-chemin entre la crainte de dire une connerie et l’espoir de répondre juste à une question sur le foot : « Charo ? ».

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Le parcours récent de Niska, c’est également une excellente illustration de ce qu’est l’industrie musicale aujourd’hui : millions de vues sur YouTube, signature en maison de disques, promo intensive … et flop dans les charts. Une nouvelle démonstration de la théorie selon laquelle faire 25 millions de vues sur Youtube ne sert absolument à rien si ton public n’a pas dans ses habitudes d’acheter des disques. Car il faut le savoir, le public de Niska est composé majoritairement d’adolescents qui crient dans les transports en commun, avec le haut-parleur de leur smartphone au volume maximum. Niska, c’est en quelque sorte le Némésis d’une génération entière de puristes. Ne cherchez pas de thèmes sociaux, de message politique, ou de rimes multisyllabiques dans Charo Life. Niska est un ambianceur –un joli mot pour dire BOURRIN. Sa musique est faite pour bouger dans tous les sens, pousser à la salle sans réfléchir, inventer des pas de danse volontairement ridicules, ou juste se défouler après une réunion de trois heures trente sur l’importance des comportements responsables en cas d’alerte incendie. Il n’est pas forcément le meilleur lyriciste de France, mais là n’est pas son rôle. Et puis, c’est une crème en interview, et pour un mec qui chante « quand tu la sniffes elle est nasale, quand elle arrive elle est anale », c’était pas gagné d’avance.

Après une période de promo qui ressemble clairement à un parcours du combattant –avec émeutes et tout le tralala-, Niska a conclu l’aventure de sa première mixtape, Charo Life, par un concert à la Cigale. L’occasion pour moi de m’entretenir avec lui quelques heures avant le show, le temps d’évoquer Juicy J, Vald et Niro.

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Noisey : Ta mixtape est dans les bacs depuis un mois. C’est ton premier véritable projet solo, quel bilan tu tires de cette sortie ?
Niska : La première chose que je constate, c’est que j’ai eu uniquement des bons retours. On souligne la qualité du produit, et c’est quelque chose qui me fait énormément plaisir. C’est un premier point très positif. Le deuxième point positif, c’est qu’avec le public assez jeune que j’ai, on a réussi à tout éclater sur le streaming. Des chiffres incroyables. Et le streaming, c’est un business d’avenir. Après, je ne peux pas ne pas parler des ventes. Dans l’ensemble, ça va, je m’y retrouve. Les chiffres me plaisent. On a bien défendu le projet, ça a payé.

J’ai quand même eu l’impression que tu t’attendais à autre chose en termes de ventes.
Il y a eu pas mal de polémique autour de mes chiffres. Les gens s’attendaient à ce que je fasse un disque d’or, parce que forcément, il y a eu énormément d’engouement autour, avec par exemple Ndahood et Tonton Marcel qui ont communiqué dessus. Pour être objectif, on savait qu’il serait difficile d’atteindre le disque d’or. On connaît le marché de la musique, le contexte est difficile. Mais j’oublie pas d’où je suis parti, et je vois où j’en suis aujourd’hui… Je viens de tout en bas, donc je ne peux qu’être content d’avoir gravi quelques marches.

Le disque d’or, c’est quand même un truc dont t’as parlé. Est-ce que tu te dis pas que t’as mis la barre un peu trop haut, ou que tu t’es mis trop de pression ?
Non, parce que le but était de créer un engouement. Mais peut-être que si on m’en avait pas parlé, j’en aurais pas parlé non plus. Je sais pas… De toute façon, c’est fait, je vais pas revenir sur mes paroles, il faut aller de l’avant.

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Toute cette période qui va de l’enregistrement de la mixtape au concert de ce soir, avec notamment la grosse période de promo ces deux derniers mois, ça t’a appris des choses ?
Oui, énormément. La première chose, c’est que le travail paie. Ca, c’est indéniable. Je ne suis pas arrivé les mains dans les poches, j’ai dû charbonner, que ce soit en studio ou ensuite, pour défendre mon projet. La deuxième chose que j’ai apprise, c’est que… je me retrouve comme le petit Calimero ! Je suis le Calimero du rap français ! [Rires]

Nan, ça c’est Orelsan.
Nan, pas dans ce sens là. Comment t’expliquer … le sujet m’a ouvert les yeux sur plein de choses, notamment sur mon entourage. Quand tu réussis, c’est là que le visage des gens se dévoile. Tu vois ceux qui parlent dans ton dos, ceux qui te souhaitent du mal ou te jalousent… T’es tout le temps dans la tension, et tu vois des gens retourner leurs vestes. Mais je vois le côté positif, ça me permet de retrouver de l’énergie et de la motivation pour mes prochains projets. Ceux qui me veulent du mal, je vous attends au prochain tournant. C’est le jeu du chat et de la souris.

T’as fait beaucoup d’interviews et beaucoup de promo. C’est quelque chose que tu considères comme un passage obligé, dans le sens où tu dois aller au charbon pour défendre …
[Il coupe] je vais te dire un truc : tout ça, je l’ai fait parce que quand j’étais dans l’anonymat, j’aimais pas qu’on me snobe. Tu vois ce que je veux dire ? C’est mon premier projet, je suis encore personne. Je veux snober personne, ça sert à rien. Tu veux faire une interview, viens, on la fait. Même si t’as que 10 lecteurs sur ton site. Peut-être que demain je vais retomber dans l’anonymat, et j’irai voir ces gens-là en leur demandant de me donner un peu de lumière. Et si je les snobe aujourd’hui, demain ils pourront me dire « tu te rappelles, quand tu me calculais pas ? Bah maintenant c’est ton tour ». Je suis pas comme ça, je pars du principe que je dois donner de la force à tout le monde. Et si c’est pas eux qui me le rendent, alors Dieu me le rendra.

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Ton succès est arrivé très vite et a pris des proportions assez incroyables, comment tu fais pour garder la tête sur les épaules ? J’imagine que des événements comme cette séance de dédicaces qui a mal tourné, ça doit pas être facile à gérer.
Tout dépend de … [son téléphone sonne]

Vas-y, réponds, tranquille.
Nan, c’est pas respectueux. Tu te déplaces pour venir m’interviewer et je vais te faire attendre pendant que je papote ? Nan, c’est interdit. Pour revenir à ces histoires de succès, les gens me voient comme une célébrité, mais moi je le vis en étant la même personne que j’étais avant ça. La musique, à la base c’est juste un passe-temps. Ca m’a porté, ça m’a permis de monter en grade, et aujourd’hui c’est même devenu mon travail. Mais pour moi, ça reste un passe-temps. Je peux pas me permettre de prendre la grosse tête ou de me prendre pour je ne sais pas qui, en sachant que j’ai encore rien prouvé. J’ai sorti un seul disque, je considère que je suis pas quelqu’un de confirmé. Certes, ça a bien démarré, certes, le buzz c’est un truc qui motive, mais je suis pas du tout confirmé. La musique, ça va vite, surtout de nos jours.

Les rappeurs français ont tendance à beaucoup dénigrer le rap-game, et je trouve que tu te démarques là-dessus, j’ai l’impression que tu kiffes être là, que le milieu de la musique te plaît –ou du moins ne te dérange pas.
Je kiffe parce que je suis resté dans mon cercle vicieux, c'est-à-dire les mecs qui sont avec moi tous les jours. Je ne me suis pas mélangé. Mais quand tu rentres vraiment dans le game, que tu vas dans le studio de l’un, que tu parles avec un autre, et que t’entends que des gens qui disent du mal les uns sur les autres … Ouais, normal, là peut-être que je te dirais « le rap-game c’est un milieu de pédés ». Moi, je suis resté avec mes frères, donc tu veux que j’en veuille à qui ? Les seules fois où je me prends la tête avec quelqu’un, c’est avec eux, et c’est parce qu’on ne s’entend pas sur un refrain ou un gimmick. C’est tout. Et comme je travaille avec personne d’extérieur, j’en veux à personne d’extérieur. C’est aussi simple que ça, et c’est pour ça que j’en retire que du positif, ou que je donne l’impression de ne prendre que le positif.

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Après c’est pas forcément des gens en particulier, c’est aussi tout ce qu’il y a autour. Parce qu’un rappeur, isolé, de base, c’est sympa.
Pour moi, tout ça, c’est de l’hypocrisie. Entre rappeurs, on est super hypocrites. « Le rap-game, c’est tous des pédés »… mais tu parles de qui quand tu dis ça ? Des autres rappeurs ? Mais moi, je suis pas avec eux, je sais pas ce qu’ils font de leur vie. Mon rap-game à moi, c’est Trafiquinte, Madrane, etc. C’est pas leur rap-game à eux. C’est le mien, et personnellement il me convient très bien.

T’es au courant que Juicy J a utilisé la même prod –à un ou deux arrangements près- que celle de « Murder 2.0 » ? Le morceau s’appelle « Tap Back », et est sorti presque 6 mois après le tiens.
Je suis pas du tout au courant fréro.

Tu t’en fous ?
Je sais pas … J’pourrais peut-être lui réclamer de l’oseille du coup [rires].

Faudra me filer un pourcentage, parce que le tuyau vient de moi.
… question suivante s’il te plait.

Ok. Dans « Allo Maître Simonard », tu dis « plus proche de La Mecque que du Vatican ». C’est quoi ton rapport à la religion ?
Je suis musulman, je suis croyant. C’est juste une petite phrase un peu provocatrice pour dire que je suis plus musulman que chrétien, y’a vraiment pas à chercher plus loin.

Est-ce que tu envisages la suite de ta carrière uniquement en solo, ou on peut imaginer te voir travailler sur des albums ou des compilations en commun avec Madrane et le reste de ton équipe ?
Je pense pas que ça puisse se faire, je suis trop compliqué. J’aime bien tout diriger de A à Z dans ma musique, je me prends la tête sur des détails de ouf. Alors avec d’autres mecs … ça va être la guerre. En plus, comme je te le disais, je suis pas encore assez confirmé. Je suis pas encore assez sûr de mon travail pour me dire que je vais le mutualiser. Je suis en commun avec moi-même, et c’est déjà pas facile !

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Pourtant, t’as commencé en groupe.
Ouais, j’ai commencé en groupe … mais j’ai fini en solo [rires].

T’as quand même un mode de fonctionnement qui est collectif, tu fais beaucoup de featurings avec les rappeurs de ton entourage.
C’est vrai … mais en même temps, quand je fais un featuring avec Madrane ou Trafiquinté, c’est comme si c’était moi tout seul. C’est le même fond, on travaille de la même manière. Ce qu’ils m’apportent, ça peut être un flow différent, des voix différentes, ou des idées auxquelles j’ai pas pensé. C’est comme un orchestre, l’un ramène la guitare, l’autre la flute, etc.

Tu te vois continuer dans le rap pendant longtemps ?
Je sais pas. Mon objectif c’est d’être confirmé, et une fois que je l’aurai atteint … Je pense pas faire long feu. C’est un milieu de crasseux.

Ah, donc finalement on y revient ! C’est un milieu de crasseux !
Nan, attention, je te parle pas des rappeurs ! Je te parle de tout ce qu’il y a au-dessus. Et aussi tout ce qu’il y a autour. Tu connais le milieu, tu sais très bien de quoi je parle.

En parlant de rappeurs , Vald te cite souvent parmi les gens qu’il aime bien dans ses interviews, et il te soutient aussi régulièrement sur les réseaux sociaux. Son délire te parle ?
Ouais, j’aime bien ce qu’il fait. Je vais même te dire, je préfère Vald à beaucoup de choses qui se font en ce moment. C’est un délire, faut accrocher, tu peux aimer comme détester.

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Tu te verrais faire un feat avec lui ?
Bien sûr. C’est un bon rappeur, ce serait frais.

Ce soir tu joues à La Cigale, c’est un peu l'aboutissement de l'aventure Charo Life ?
C’est un peu ça … enfin, c’est pas tout à fait terminé, il y a encore deux ou trois clips qui arrivent. Et puis là, c’est la fin de l’année, ça va être la guerre.

La guerre ?
Tout le monde sort des albums ! Niro, Lacrim, Gradur …

Zesau, Sch, Seth Gueko…
Et surtout, le fameux 4 décembre ! Booba, Rohff, Jul, les trois sortent un album le même jour. Ca va vraiment être la guerre !

Jul va tous les éclater, ça va être beau.
J’aime bien PNL aussi, j’espère qu’ils vont péter le score. Ils gèrent super bien leur image, ça défonce. Faire aucune interview, c’était une stratégie risquée, mais ça a payé. Peut-être que tu seras le premier à les interviewer !

Du moment que c’est pas Mouloud Achour, pas de soucis, haha. Bon, Niska, merci de m’avoir accordé un peu de temps.
C’est un plaisir fréro. Au fait, on t’a déjà dit que tu ressemblais à Niro ?

Trente à cinquante fois par jour, oui.
Bah j’avais encore jamais été interviewé par Niro ! Genono est un mélange de Niro et de Mesrine. Il est sur Twitter.